Tracking publicitaire : Google et Meta entendent rappeler à l’Europe ce qu’elle leur doit
Chargez !

Les GAFAM sont dans le collimateur de l’Europe pour de multiples raisons. Le pistage publicitaire est l’une d’elles, avec des condamnations à la clé pour Google et Meta. En l’espace d’une semaine, les deux entreprises ont pourtant publié des billets de blog, tentant de rappeler – gros chiffres et études à l’appui – tout ce que le Vieux continent doit aux publicités.
Le 26 mai à 08h30
8 min
Droit
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Google et Meta, toutes deux largement portées par la publicité, ont un problème avec l’Europe. Les condamnations se sont enchainées sur les dernières années, que ce soit pour des questions d’abus de position dominante ou à cause de la publicité personnalisée.
Dans ce dernier domaine, Meta s’est attiré les foudres de la Commission européenne par son approche « Payer ou consentir ». Des abonnements proposaient ainsi de supprimer toutes les publicités sur Facebook et Instagram. Mais ce n’est pas ce que la Commission avait demandé : il fallait obtenir un consentement clair des internautes avant de brasser leurs données personnelles pour personnaliser les publicités. Le choix binaire offert par Meta, qui n’apportait en outre pas de solution au problème soulevé, a donc été sanctionné en vertu du DMA.
Des milliards et des milliards
Dans une publication datée du 22 mai, Google veut donner un jour plus positif sur son activité première. La firme met en avant une étude d’Implement Consulting Group, qu’elle a elle-même commandée. Les conclusions ne sont donc guère surprenantes.
Selon ce rapport, les publicités personnalisées généreraient chaque année 100 milliards d’euros de vente additionnelles pour les entreprises installées dans l’Union. La contribution au PIB européen serait de 25 milliards d’euros et ces contenus soutiendraient plus ou moins directement 570 000 emplois.
Toujours dans ce rapport, on peut lire que les PME et jeunes entreprises bénéficieraient à hauteur de 80 milliards d’euros par an de revenus supplémentaires, ce qui contribuerait « à uniformiser les règles du jeu ». En outre, 75 % des PME auraient déclaré qu’elles auraient du mal à trouver des clients si ces publicités n’existaient pas. Le rapport insiste, en affirmant que ces contenus sont « peu coûteux et efficaces ».
Autre point majeur soulevé par le rapport, les éditeurs gagneraient deux fois plus en vendant de la publicité personnalisée que contextuelle, générant un surplus estimé à 10 milliards d’euros. Et tout le monde s’y retrouverait puisque 75 % des consommateurs européens préfèreraient le modèle actuel de contenus personnalisés. Plus loin dans le rapport, ICG précise que « 75 % des consommateurs européens préfèrent le modèle actuel de l'internet, où l'accès au contenu est financé par des publicités ciblées, à un scénario où la majorité des sites et des applications s'autofinanceraient par le biais d'abonnements ».
Un avenir scintillant
Et l’Europe aurait de quoi se réjouir, puisque d’ici 2030 l’IA générative aura complètement transformé le paysage numérique, ce qui « pourrait générer 250 milliards d’euros de ventes supplémentaires pour les entreprises de l’UE ». Une somme telle qu’elle reviendrait à soutenir 1,4 million d’emplois, boostant la contribution au PIB européen à hauteur de 60 milliards d’euros.
Mais pour qu’un tel miracle se produise, il faut que le cadre politique suive. Selon le rapport, il devrait donner la priorité à l’innovation, trouver un équilibre entre innovation et protection des consommateurs ou encore simplifier la règlementation. Sur ce point, les débats en cours sur la simplification du RGPD doivent être suivis de près par Google.
Le rapport va cependant plus loin : « Plutôt que d'introduire prématurément de nouvelles règles, l'Europe devrait procéder à des contrôles de compétitivité et rationaliser les règles relatives à la publicité numérique afin de permettre aux entreprises de l'UE de fonctionner efficacement et de continuer à innover ». On devine en creux la charge contre le DMA et l’AI Act. Cette même publicité est aussi à la base du modèle commercial de nombreux médias, qui sans elle n’existeraient plus. Ce serait aussi vrai pour « les petits sites web spécialisés que pour les grands médias européens ». 70 à 80 % des dépenses d’affichage publicitaire numérique reviendraient aux éditeurs.
Le rapport reconnait que « des inquiétudes subsistent quant au respect de la vie privée ». Il évoque la nécessité d’un « cadre proportionné », alors que les législations existantes (RGPD, DMA, AI Act…) créent « déjà un environnement réglementaire complexe ». L’une des conclusions de l’étude est que la problématique de la vie privée devrait être abordée au travers de la législation existante, « au lieu d'ajouter des couches supplémentaires de législation qui pourraient ajouter de la fragmentation à un paysage réglementaire européen déjà compliqué ».
Une campagne qui s’intensifie
Si ces éléments de langage semblent familiers, c’est qu’ils ont déjà été employés par Google et d’autres entreprises à plusieurs reprises. En septembre de l’année dernière, Meta et Spotify avaient par exemple rassemblé nombre d’autres acteurs pour signer une lettre ouverte. Celle-ci réclamait un cadre juridique clair pour ne pas entraver l’innovation, à laquelle Meta opposait la régulation. Là aussi, il était question d’une Europe « moins compétitive et moins innovante ».
Des piqures qui semblent suffisamment avoir démangé, en parallèle du rapport Draghi, pour que la Commission braque les projecteurs sur la compétitivité ces derniers mois. Un accent d’autant plus visible avec les revirements de la Maison-Blanche.
On note également que Google intensifie son effort sur le sujet. En mars, l’entreprise avait publié les résultats d’une autre étude, qui mettait elle aussi en avant le rôle crucial joué par la publicité personnalisée. Elle avait porté sur 4 287 PME dans 13 pays de l’UE et concluait que 86 % d’entre elles attribuaient directement la croissance de leur chiffre d’affaires à la publicité personnalisée. 76 % estimaient même que ces contenus leur permettaient de rivaliser avec les grandes entreprises. Là encore, Google avait commandé l’étude.
Même son de cloche chez Meta
Une semaine avant Google, Meta y allait aussi de son étude, que l’entreprise a elle-même réalisée (avec une méthode développée avec l’université de Berkeley). En 2024, le groupe aurait ainsi été lié à 213 milliards d’euros d’activité économique dans l’Union.
Sans trop de surprise, Meta estime que « la publicité personnalisée est essentielle à la réussite des entreprises dans l'économie moderne ». Elle leur permettrait d’atteindre plus facilement des clients, d’augmenter le retour sur investissement, de stimuler la croissance et donc de favoriser l’esprit d’entreprise et de créer des emplois.
Ces constats seraient particulièrement valables en Europe où les petites et moyennes entreprises représentent 99 % des structures commerciales. Sur le Vieux continent, chaque euro dépensé dans les publicités via Meta rapporterait 3,98 euros. En outre, 80 % des consommateurs européens préfèreraient, là aussi, le modèle actuel du web, avec « des publicités moins nombreuses et plus pertinentes », par opposition à des publicités génériques et plus nombreuses. L’étude ne dit rien des publicités personnalisées et plus nombreuses.
On retrouve une fois encore les mêmes éléments de langage, avec citation du rapport Draghi et du Competitiveness Compass européen. « Il y a trente ans, l'Europe représentait environ un quart du PIB mondial. Aujourd'hui, nous avons pris du retard. Le PIB par habitant dans l'UE est inférieur de moitié à celui des États-Unis, soit environ 40 000 dollars par Européen contre 80 000 dollars par Américain. Nos entreprises se développent plus lentement, affichent des rendements plus faibles et sont à la traîne par rapport à leurs homologues en matière de recherche et de développement, même dans des secteurs qui étaient traditionnellement la force de l'Europe », affirme Meta, qui n’hésite pas à servir du « nous ».
La conclusion était prévisible : la réglementation est un facteur clé. Et puisque Meta était cheffe de file dans la lettre ouverte à la Commission européenne à l’automne dernier, son avis était connu d’avance. Selon elle, la Commission continue « malgré cela » à s’en prendre aux publicités personnalisées.
La publication de Meta, comme celles de Google, s’adressent à tout le monde et personne en particulier. Mais à l’heure où le mot « simplification » revient sur bien des lèvres, dans le sillage d’un Elon Musk équipé d’un tronçonneuse libératrice, les grandes entreprises de la publicité ont une nouvelle carte à jouer.
Tracking publicitaire : Google et Meta entendent rappeler à l’Europe ce qu’elle leur doit
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Même son de cloche chez Meta
Commentaires (34)
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Abonnez-vousModifié le 26/05/2025 à 08h47
Je suis sûrement une extrême minorité là dessus mais : voir une publicité d'un produit ou d'une marque me donne moins envie de consommer de ladite marque. Et ne parlons pas des flyers distribués malgré les « stop pub » (bon on sort du numérique là) qui sont des énormes red flags. (On vous regarde, agences immobilières)
Modifié le 26/05/2025 à 09h53
En parlant de prospectus dans la boite aux lettres, les promotions ne servent pas à augmenter le pouvoir d'achat (comme j'ai pu entendre dans les médias), elles servent à faire entrer dans le magasin et à faire acheter.
Une vidéo intéressante sur le sujet (même si c'est le média Blast) :
Publicité : est-ce que ça marche vraiment ?
avec Benjamin Patinaud et le Fils de Pub, en collaboration avec Anthony Galluzzo (Le Mythe de l'entrepreneur, La Fabrique du Consommateur) et la participation de Marino (Stupid Economics)
https://video.blast-info.fr/w/vAZFt6fCca2okY1kkNVfPA
Le 26/05/2025 à 09h48
C'est un genre d'étude qui prend largement les gens pour des idiots. Ce la part tout de même du principe (en filigrane) que la publicité déclenche l'achat à elle seule.
C'est le besoin (même frivole de la mode) qui pousse à l'achat. La pub ne fait qu'intercepter / téléguider par apparition (et rabâchage). Alors on me dira qu'il y a un tas de cons sur terre. Mais bon, ce genre d'étude pousse un peu loin le bouchon.
Je n'ai pas besoin de pub mais de trouver le bon produit dont j'ai besoin dans un catalogue bien fait. Faites l'exercice avec les voitures vous allez voir...
En fait, si on avait un site de produit référencés (tout type, toute marque) qui fonctionne bien et ou l'on trouve ce que l'on veut. Sans plus de prix que cela. Non ce ne serait pas un Amazon like. Juste un vrai catalogue. C'est largement possible car il faut enregistrer un tas de choses ou passer un tas de certifications avant mise sur le marché.
Ces GAFAMs pourraient mettre des milliards de pub en plus sur mon écran (même si j'ai de l'ad block) que je m'en taperait à niveau colossal (pire qu'aujourd'hui, c'est dire).
Mais ça ces GAFAMs ne n'en voudront jamais. A part les catalogues de bricolage... on est pas bien loti.
Ça veut faire du business? Il faudrait d'abord que les salaires suivent, que les bons produits soit présent.
On a ni l'un, ni l'autre en ce moment.
Le 26/05/2025 à 10h56
Le 26/05/2025 à 11h12
C'est so 1982
Le 26/05/2025 à 11h26
Le 26/05/2025 à 11h43
Le 26/05/2025 à 21h19
Si tu fais une pub pour une période de 2 semaines, cela peut améliorer les ventes en attirant des clients intéressés qui finissent par tomber dessus. Une fois cette période passé la courbe des ventes retombe. Cela oblige à payer sans cesse pour rester "présent". C'est un système sans fin qui n'est finalement pas à l'avantage de la PME. Seuls les gros peuvent se le permettre ad vitam.
Avec un système de référencement des produits honnête plus ou moins universel; y'en a moins besoin tout d'un coup. Cela ne veut pas dire éliminer. Juste moins besoin. Et le capital économisé pourrait être réinvesti a améliorer le produit.
Le 26/05/2025 à 22h24
Le 26/05/2025 à 09h00
Le 26/05/2025 à 09h05
Tu ne peux pas profiter des gens, des infrastructures, d'un système légal, etc... Sans devoir rendre des comptes sur ce que tu fais et si c'est dans les clous. C'est le jeu, et quiconque lance sont activité a signé en connaissance de cause.
Avec mon entreprise je suis soumis à des tas de contraintes sanitaires, il ne me viendrait à l'idée de gruger et me plaindre à l'administration sous prétexte que je rapporte des impôts, que j'apporte de grosses économies aux gens pour leur résilience, etc...
Qu'on puisse se plaindre qu'il soit aberrant que ce système fonctionne de façon pyramidale, c'est un fait, sans compter que le moindre entrepreneur (excepté auto) doit de l'argent avant même d'avoir gagné 1€... Mais pour le reste...
Le 26/05/2025 à 09h10
- quelle est la question posée ?
- quels sont les choix possibles ?
- comment est choisi le panel des répondants ?
C'est comme ça qu'on arrive à des trucs de ce genre : https://i.redd.it/sfogalc384z81.jpg
Maintenant, une étude absolument pas neutre, c'est difficile à considérer ainsi. Les cigarettiers l'ont fait par le passé.
En bref, s'ils ne sont pas content et que la législation est trop complexe pour eux : qu'ils arrêtent de fournir leur service en Europe.
C'est notre problème, à nous Européens, si nos entreprises s'effondrent parce qu'elles ne vendent plus. Ce masque de philanthropie de la part de ces 2 GAFAM me fait juste halluciner.
Ca nous donnera une bonne raison de se "désaméricaniser" de ce genre de service, et nous permettra peut être d'avoir enfin une action écologique sensible.
Le 26/05/2025 à 09h35
Ils envoient des JPG de bannière de pub bien compressés / optimisés.
Tu es mauvaise langue là. Quand même !
Le 26/05/2025 à 09h50
Pourtant, il semblerait qu'il soit temps de passer à autre chose.
Le 26/05/2025 à 10h22
Le 26/05/2025 à 11h23
Le 26/05/2025 à 11h48
🫤
Le 26/05/2025 à 12h00
Et on leur demande pas de supprimer la pub! Comme ils peuvent le laisser entendre, mais juste se conformer à la législation.
Perso je n'ai jamais acheté de produits suite a une pub!
Le 26/05/2025 à 12h20
Aujourd'hui, il est attaqué au regard des réglementations, ils tirent la sonnette d'alarme.
Traduction : ils flippent, c'est le moment de ne rien lâcher.
Le 26/05/2025 à 18h27
Vu leur bénéfices colossaux je ne suis pas sur que flipper soit le bon terme...
Ca les énervent car il pourrait gagner plus certes, mais ils n'ont pas peur de l'avenir, ca de toute façon l'Europe ne fera jamais rien d'extrême au point de vraiment les impacter
Le 26/05/2025 à 18h56
Regarde les chiffres Q1 2025 de Meta.
Regarde ceux d'Alphabet.
Observe leur dépendance au marché de la publicité en ligne et tu comprendras à quel point leur business model est fragile. Comme pointé par l'article, l'étude indique combien la publicité ciblée est la plus efficace vis à vis des moyens plus contextuels et nécessitant moins de tracking.
Avec les régulations qui ne vont pas dans ce sens, leur business model est menacé.
Parmi les membres de l'acronyme "GAFAM", Alphabet et Meta sont à mes yeux les plus fragiles, car ils n'ont aucune autre source de revenu suffisante pour les faire vivre.
Le 01/06/2025 à 22h17
Le 02/06/2025 à 07h35
Il suffit d'un choix foireux pour se voir balayé.
Apple en avait fait les frais.
Microsoft aussi qui n'avait pas cru au Web et au mobile.
Le 02/06/2025 à 09h42
Le 02/06/2025 à 10h21
Le 02/06/2025 à 10h55
Toujours là mais zombifiés.
Le 26/05/2025 à 12h30
Le 26/05/2025 à 12h34
Résultat cela ma fait fuir plus qu'autre chose.
Quand au publicité personnalisée... elle peuvent être personnalisée en fonction de la page qu'on regarde.
Si on est sur une page concernant les réductions de coût budgétaire, une pub sur des panneaux photovoltaïque est personnalisée... sans avoir besoin de suivre l'utilisateur.
Ce sera plus vendeur que des publicités aléatoires sur lesquelles se base sans doute l'étude...
Le 26/05/2025 à 12h43
La part de pub que tu appelles aléatoire doit être très faible de nos jours.
Le 26/05/2025 à 14h48
Le 26/05/2025 à 15h18
=> Pour moi la pub, comme beaucoup d'autres métiers, le but est d'occuper des gens avec des emplois plutôt que de financer l'oisiveté qui est encore vu très négativement. Et ce même si ces emplois sont in fine plutôt nuisibles (je pense au spam téléphonique, qui n'est finalement qu'une forme de publicité agressive)
Modifié le 27/05/2025 à 00h20
Le 01/06/2025 à 22h21
Cet argument serait plus pertinent quand on parle de consommer des produits faits en France.
Modifié le 26/05/2025 à 14h06
Quant à la leur rhétorique sur le PIB, il faudrait aussi rappeler que le déficit budgétaire annuel par habitant des USA est 2,5 fois plus élevé que pour l'UE.
Les américains vivent à crédit sur le monde, donc au contraire, oui il faut changer le "logiciel"