L’Assemblée a adopté hier le projet de loi sur la transition énergétique, et par la même occasion un amendement déposé par les écologistes afin de lutter contre l’obsolescence programmée. Les députés sont même allés un peu plus loin que ce qui avait été voté en commission, puisqu’ils ont introduit un nouvel article définissant ces pratiques consistant à raccourcir volontairement la durée de vie d’un produit pour qu’il soit remplacé plus rapidement par les consommateurs.
Un peu à la surprise générale, un amendement écologiste visant à réprimer l’obsolescence programmée avait été adopté le mois dernier, en commission. Le principe : considérer comme une pratique trompeuse le fait de raccourcir « intentionnellement » la durée de vie d’un produit lors de sa conception. Une telle infraction rentrerait ainsi dans le champ de l’article L213-1 du Code de la consommation, qui prévoit des peines maximales de deux ans de prison et de 300 000 euros d’amende pour de telles pratiques.
Si la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, ne s’est pas opposée à cet amendement (qu’elle a qualifié d’« intéressant »), plusieurs députés avaient néanmoins fait valoir que sa mise en œuvre pourrait se révéler extrêmement délicate. « Votre « intentionnel » va être très difficile à caractériser » avait ainsi prévenu le député UMP Julien Aubert. Même le président socialiste de la commission, François Brottes, semblait dubitatif.
L'amendement voté en commission conservé malgré l'opposition d'élus UMP
Comme on pouvait s’y attendre, plusieurs amendements ont donc été déposés par l’opposition pour faire sauter ces nouvelles dispositions lors de l’examen du texte en séance publique. « Outre la portée politique de cet amendement, celui-ci ne donne aucune précision sur la détermination de la personne qui sera poursuivie : les dirigeants, les concepteurs, les sous-traitants, la marque elle-même ou encore ses commerciaux ? » regrettaient ainsi les députés Aubert et Abad. Selon eux, « l’intention de tromperie d’un producteur peut être très difficile à caractériser. Ainsi, un constructeur de téléphones portables mettant à jour un modèle et qui en profiterait pour en modifier le format de sa prise de chargement, de sorte que l’ancien chargeur ne serait de fait plus adapté, se rendrait-il coupable de tromperie du consommateur ? »
Lionel Tardy a rejoint ses collègues de l’opposition dans un amendement parallèle : « L’obsolescence programmée est une théorie qui n’est pas prouvée et la création d’un délit afférent relève d’avantage de l’affichage politique. En effet, comment prouver que la durée de vie du produit a été intentionnellement raccourcie ? Cet article pose d’évidents problèmes d’application » estime-t-il lui aussi. L’élu UMP n’a par ailleurs pas manqué de rappeler à la majorité ses précédentes positions. En effet, lors des débats relatifs au projet de loi sur la consommation, le ministre Benoît Hamon avait déclaré qu’il n’était « pas utile de créer un délit d’obsolescence programmée dans la mesure où il existe déjà un délit de tromperie sur les caractéristiques substantielles des biens », via l’article du Code de la consommation qu’entend justement modifier l’amendement voté en commission.
Petit problème... Sur les quatre amendements de suppression déposés par des députés UMP, aucun n’a été soutenu. Autrement dit, personne n’est venu les défendre dans l’hémicycle, ce qui signifie qu’ils ont été écartés d’office.
L’obsolescence programmée définie dans le Code de la consommation
Par contre, certains élus de la majorité avaient préparé des amendements pour compléter le dispositif adopté en commission. Avec l’appui du gouvernement, le socialiste Jean-Jacques Cottel a ainsi réussi à introduire un nouvel article au Code de la consommation, lequel décrit précisément ce qu’est l’obsolescence programmée (et sans qu’il n’y ait de sanction rattachée). Voilà sa définition, qui a donc été retenue par l’Assemblée nationale :
« Art. L. 213‑4‑1 – I. – L’obsolescence programmée désigne l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.
II. – Ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non compatibilité. ».
Le gouvernement ne souhaite pas remettre de rapport sur ces pratiques
L’élu souhaitait également que le projet de loi sur la transition énergétique prévoit qu’un rapport gouvernemental « sur l’obsolescence programmée, sa définition juridique et ses enjeux économiques » soit remis au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation du texte. La rapporteure du projet de loi, Sandrine Buis, a toutefois demandé à Jean-Jacques Cottel de retirer son amendement, de même que Ségolène Royal – sans aucune justification particulière. Le parlementaire s’est néanmoins plié à cette invitation.
Lutter contre l'obsolescence programmée via l'information des consommateurs
Jean-Jacques Cottel a enfin défendu un autre amendement, co-rédigé avec sept députés de la majorité, afin de faire de la lutte contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés un des objectifs prioritaires de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Adopté avec l’avis favorable du gouvernement, cet amendement vise à rendre obligatoire « l’affichage de la durée de vie des produits (...) à partir d’une valeur équivalente à 30 % du salaire minimum de croissance ». La liste des catégories de produits concernés ainsi que le délai de mise en œuvre seront fixés « en tenant compte des temps de transition technique et économique des entreprises de production », précise désormais le projet de loi.
On notera enfin qu’une poignée de députés socialistes avait déposé un amendement (finalement retiré) pour demander à ce que les pouvoirs publics luttent contre l’obsolescence programmée en améliorant l’information des consommateurs. S’ils prenaient clairement le contre-pied de certains élus UMP en affirmant que « l’obsolescence programmée est une réalité », ces députés reconnaissaient surtout que l’amendement écologiste sur les pratiques trompeuses était bien délicat à mettre en œuvre : « Il paraît certes compliqué, pour ne pas dire pratiquement impossible dans les faits, de lutter contre l’obsolescence programmée en empêchant un producteur ayant intentionnellement raccourci [la durée de vie d’un produit] lors de sa conception. Comment prouver cette intention ? Il faudrait expertiser chaque produit sachant que la durée de vie d’un téléphone portable n’est pas celle d’un ordinateur qui n’est pas celle d’une machine à laver, etc. dont les composants sont différents (issus de matières premières végétales ou minérale, recours à des matières secondaires, utilisation de nano matériaux) et peuvent avoir un impact sur la durée de vie du produit. »
Le projet de loi sur la transition énergétique, engagé dans le cadre d'une procédère accélérée, part désormais au Sénat. Étant donné que la droite a repris la Haute assemblée il y a quelques jours, il ne serait guère surprenant que le texte soit rejeté. Ce qui ne devrait que peu gêner le gouvernement, puisqu’il peut donner le dernier mot à l’Assemblée nationale.
Commentaires (246)
#1
considérer comme une pratique trompeuse le fait de raccourcir « intentionnellement » la durée de vie d’un produit lors de sa conception
Tous les produits sans exception sont fabriqués intentionnellement avec une durée de vie limitée (sinon personne n’en achèterait). Les idiots ont vraiment pris le pouvoir.
#2
Raccourcir par rapport à quelle référence ?
Quand on concoit un produit, le cahier des charges prévoit dès le départ la durée de vie prévue du produit pour adapter la conception (choix des composants, matériaux,…) au plus juste et avoir le meilleur cout de revient.
Si le concept cout/qualité doit pencher vers une qualité excessive, les couts vont grimper.
#3
La liste des catégories de produits concernés
Avec les listes noires promises par le ministre de la culture, nous entrons graduellement dans une économie administrée redistributive d’appauvrissement général, où le paternalisme étatique saura nous conduire sur la voie de la servitude égalitariste : retransmis en direct et en fachovision.
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Ils vont faire aussi un amendement contre les gremlins ?
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L’obsolescence programmée est une théorie qui n’est pas prouvée
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C’est un comique ce Tardy.
Il veut pas nous faire la même avec les ententes entre opérateurs de téléphonie mobile.
On voit qu’il y a du lobbying derrière." />
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C’est fou quand même qu’ils soient encore septiques vis à vis de l’obsolescence programmée Dans la la vraie vie, il suffit de voir comment certains appareils claquent du jour au lendemain.
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On dirait que certains approuvent ce concept d’obsolescence programmée, vu que pour une fois que le gouvernement approuve quelque chose de pas trop stupide, ils se font quand-même traîter d’idiots. " />
Et plus tard ils viendront se plaindre “mon imprimante ne fonctionne plus du jour au lendemain, c’est injuste c’est la faute du gouvernement qui cautionne ça !”
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“En effet, comment prouver que la durée de vie du produit a été intentionnellement raccourcie ?”
(comment cite-t-on l’article ?)
Laissez les avocats se préoccuper de prouver. S’ils y parviennent aux yeux d’un juge ou jury, la loi donnera les pouvoirs de sanction aux tribunaux.
Si personne n’arrive à faire appliquer cette loi, elle restera dans les livres… jusqu’au jour où elle sera applicable.
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Effectivement quand on voit l’électro menager de nos grand parents…
Leur frigo vedette ou electrolux de 1970 fonctionnent toujours seul des petit problème de bac a bouteille cassé alors que mes parent en 20 ans ils ont tué 3 frigos et tous de marques dit réputés…
C’est là que l’on voit l’obsolescence programmé… mais derrière il y a aussi un problème de cout…
Lorsque les constructeur de voiture conçoivent certaine pièces ils font des essais d’endurance. ils savent que 25% d’une pièces donné va cassé entre 50000 et 100000 km, mais le cout du geste commercial pour réparé ces voiture sera inférieur a mettre une pièce plus solide sur toutes les voitures… mais pas de chance pour les 75% restante qui auront passé les 100000km il devront casquer plein tarif…
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Ma question :
Pourquoi avoir légiféré sur l’obsolescence programmée de cette façon plutôt que sur une augmentation de la durée légale de couverture de garanti des objets par catégorie ?
Ça inciterai automatiquement à la réduction de l’obsolescence programmée et à la robustesse ?
Non parce qu’une console de jeu ou un réfrigérateur garantie …. 1 an" />
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Quand je vois les pièces qui lâchent sur l’électroménager et dont on peut (maintenant) assez facilement trouver les pièces sur le net maintenant. C’est quand même largement du foutage de gueule !
Sur mon lave linge, c’est la poignée du hublot, la partie plastique qui sert de levier fait moins de 2 mm d’épaisseur (sachant qu’elle se trouve à moins d’1cm du hublot qui peut chauffer fort)…. un réparateur m’aurait proposer le changement de la porte ça m’aurait couter 100€ (là ça m’a couté 15€). Idem pour mon aspirateur balai entre la brosser et le bac c’est un petit accordéon extrêmement fin qui peut facilement lâcher (devis darty 80€…). Site electrolux : 17€ pour une pièce détachée plus résistante (va comprendre…) et 2 ans de durée de vie en plus.
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Pour moi c’est typiquement le genre de petit hochet qu’on agite pour mieux faire avaler de bien plus grosses couleuvres. imho les écolos (ou sympatisants ) qui s’extasient sans réserve sur cette loi (fond et/ou applicabilité) contribuent à donner une image caricaturale de l’écologie, et par là même à décrédibiliser d’autres combats plus importants et réalistes.
nb : à un moment il faut aussi dire que c’est le doc d’Arte qui a commencé en mélangeant vérités, demi-mensonges et total bullshit (et il n’est pas le seul doc d’Arte à mettre en lumière de réels questionnements mais à manquer de rigueur intellectuelle dans le traitement, à être vraiment brouillon sous des apparences de journalisme d’investigation irréprochable, ce que je trouve un peu dangereux à terme)
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J’attends avec impatience la grande vague de procès…
Batterie non amovible, ressorts en plastique au lieu d’en métal, impossibilité de remplacer le fusible d’un circuit électronique, màj obligatoire de Win7 à Win8, pas de mise à jours des téléphones, vis propriétaires, code propriétaire, habit déjà usés (jean’s levis), impossibilité de recharger un briquet ou un stylo, etc..
Franchement la définition est si large que n’importe quoi peut rentrer dedans. Les juges vont s’amuser à faire la part des choses. Et comment trancher entre un produit à bas coût et une technique de fabrication fragilisant le produit? Ca veut dire qu’on aura plus que du haut de gamme?
La solution acceptable c’était la garantie obligatoire étendue passant de 2 à 5 ans et basta…
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On compte vraiment obliger les groupes internationaux à développer des produits spécifiquement pour la France ? Parce qu’un fabriquant de TV qui conçoit un produit pour une durée de vie de 10 ans ne va pas s’amuser à se taper une nouvelle plateforme juste pour nous parcequ’on veut 15 ans :)
Pour les quelques trucs bizarres que j’ai vu dans les commentaires:
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Il se rendent compte qu’ils viennent de rendre illégal les semences Monsento génétiquement modifiées pour produire des fruits et légumes stériles ?
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Pour tous ceux qui rabachent le cas du “frigo des années 70 qui marche comme neuf alors qu’il y en a plein de plus récents qui ont flanché”, on appelle ça le biais du survivant. Vous en connaissez un qui marche encore, mais ces vieux frigos qui marchent représentent quelle proportion de tous les frigos qui ont été vendus à l’époque ?
J’ai acheté mon lave-linge en 2001, il fonctionne encore, et pourtant combien de personnes pour dire, en 2002, 2003…, que les lave-linges de cette époque sont tous pourris et qu’ils ne valent pas ceux d’avant ? Pourtant, mon lave-linge n’avait rien de haut de gamme à l’époque.
Les voitures sont de plus en plus complexes et de plus en plus sujettes à des pannes électroniques. Obsolescence programmée ? Volonté de pousser à la consommation ? Ou introduction de plus en plus de fonctionnalités, de monitoring, de boucles de rétroaction qui ont besoin de cette électronique, par toujours bien maîtrisée…?
En tout cas, je souhaite bien du courage à celui qui devra en premier prouver l’intention manifeste de faire un produit dont l’obsolescence est prévue à court terme. Comme l’ont dit certains, cette notion n’a aucun sens économique. On va se retrouver avec un machin dans le code de la consommation du même niveau que le “droit au travail” ou le “droit au logement”, pourtant tous les deux de niveau constitutionnel en France. Un truc qui fait joli, qui permet de dire que ça existe, et qui au final ne sert à rien parce-que c’est inapplicable.
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Si ça passe, il n’y aura plus de téléphones mobiles et autres tablettes en vente.
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au passage :
Pour résumer, il faut être ultra-ultra-ultra-libéral comme lui, sinon t’es un ennemi.
“Libéral”, je vois à peu près. Bastiat, Say, une bonne partie de la gauche française du XIXe siècle, etc. “ultra-libéral”, j’ai un peu plus de mal, c’est possible d’avoir une petite explication…?
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