Bercy donnera un tour de vis souverain sur les achats des ministères en matière de cloud
Les règles sont parfois faites pour être respectées

Une circulaire interministérielle, partie de Bercy, rappelle aux services de l’État l'importance de la protection des données, et l'obligation faite aux services de recourir à des offres d'hébergement ou de services compatibles avec les exigences de la loi SREN. Elle fixe un ultimatum au 31 mai, date à laquelle les Services de contrôle budgétaire et comptable ministériels auront pour consigne de refuser les achats non conformes.
Le 07 mai à 08h42
5 min
Droit
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Cette fois, le rappel est assorti d'une menace : les achats de services informatiques qui ne respectent pas les préconisations de la direction interministérielle du numérique (Dinum) feront l'objet d'un refus en bonne et due forme de la part des agents de Bercy chargés du contrôle budgétaire et comptable, sauf en cas de dérogation. Tel est en tout cas l'ultimatum, signé par trois ministres, adressé le 22 avril dernier par Bercy à l'ensemble des ministères et secrétariats d’État de l'exécutif.
Protéger les données sensibles des risques d'accès par des acteurs étrangers
Ce courrier, révélé par Politico et reproduit par Contexte le 2 mai dernier, rappelle que les services de l'État sont tenus de respecter les principes de la loi SREN de mai 2024, dont l'article 31 prévoit que les données dites sensibles soient protégées contre toute possibilité d'accès non autorisé par un acteur étranger dès lors qu'elles sont confiées à un prestataire privé.
« Au sein de leurs administrations et des organismes placés sur leurs tutelles (...) les ministères doivent impérativement s'assurer que les hébergements et que les applications utilisées pour le traitement des données sensibles (...) et en particulier les solutions collaboratives, bureautiques et de messageries ainsi que les solutions d'intelligence artificielle, sont conformes à ces exigences de protection contre tout accès non autorisé par des autorités publiques d’États tiers ».
Bercy, qui cible ici très directement les risques posés par les lois extraterritoriales américaines, précise en suivant les exigences en question. Les destinataires sont ainsi invités à choisir entre les offres cloud portées directement par ses services et ceux de l'Intérieur ou, s'ils préfèrent faire appel au privé, les services d'hébergement labellisés SecNumCloud par l’ANSSI.
« S'agissant des suites bureautiques, nous attirons votre attention sur la disponibilité d'outils collaboratifs et sécurisés proposés par la direction interministérielle du numérique – La Suite numérique, qui sont pleinement souverains et indépendants ».
Bercy rappelle par ailleurs qu'une circulaire datée du 31 mai 2023 formalisait déjà cette exigence, avant même la loi SREN. Il restait cependant à faire valider le décret d'application de l'article 31 de cette dernière auprès de la Commission européenne, à qui un projet de décret a été notifié le 24 janvier dernier. D'où ce délai de prise en compte, désormais fixé au 31 mai 2025.
Un rappel opportun
Le calendrier de ce rappel ne doit évidemment rien au hasard : nous avons révélé mi-mars que l’Éducation nationale avait passé un marché public portant sur des solutions et services Microsoft à hauteur d'au moins 74 millions d'euros. Le lendemain, La Lettre dévoilait que la direction de l’École polytechnique préparait une migration express de ses outils de messagerie vers Microsoft 365.
Ces deux annonces concomitantes (bien que sans lien direct) ont suscité des réactions virulentes, et plusieurs questions écrites adressées au Gouvernement, pointant le décalage entre les choix d'équipement réalisés et la doctrine impulsée par la Dinum.
Outre la portée des lois extraterritoriales telles que le Cloud Act ou le FISA, la polémique prend place dans un contexte de guerre commerciale entre l'Europe et les États-Unis, qui poussent aussi bien Emmanuel Macron que les acteurs du numérique français à défendre les logiques de souveraineté et de préférence nationale ou continentale.
L'impact de la commande publique en question
La piqure de rappel envoyée par les ministres en charge de l'action et des finances publiques s'imposait d'ailleurs vis-à-vis de leur propre tutelle : c'est en effet précisément le 22 avril qu'a été signé et publié le premier contrat stratégique de la filière « logiciels et solutions numériques de confiance », sous l'égide de Bercy.
Le sujet mobilise également depuis début mars une commission d'enquête sénatoriale chargée d'étudier la façon dont la commande publique peut être mobilisée pour assurer un effet d'entraînement sur l'économie française. Après avoir auditionné des acteurs du logiciel le 29 avril dernier, elle devrait selon la Lettre recevoir courant mai la directrice générale de l’École Polytechnique, mais aussi la ministre déléguée au Numérique, Clara Chappaz, qui a donc tout intérêt à montrer sa proactivité sur la question.
Bercy donnera un tour de vis souverain sur les achats des ministères en matière de cloud
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Protéger les données sensibles des risques d'accès par des acteurs étrangers
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Un rappel opportun
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L'impact de la commande publique en question
Commentaires (25)
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Abonnez-vousLe 07/05/2025 à 08h48
Le 07/05/2025 à 08h51
Le 07/05/2025 à 09h06
Ca promet un certain boulot/affolement dans les DSI.
Le truc très positif c'est que vu la taille du marché, ça va permettre une bonne visibilité de ces offres et si ça devenait l'offre de défaut des petites entreprises, dont certaines deviendront grosses, ce serait le graal.
Le 07/05/2025 à 09h12
d'après ce courrier (et j'insiste là dessus parce que bon on sait que de l'intention aux faits, il peut y avoir du chemin), les achats, donc les nouveaux services souscrits, doivent répondre aux exigences Dinum, en sachant que des dérogations sont possibles, et que les renouvellements passent parfois par des circuits différents...
bref, c'est pas exactement le grand soir, mais ça se veut quand même un signal fort
Le 07/05/2025 à 11h23
Ce qu'il faudra surtout voir en pratique, c'est le dérogatoire possible!
Car voir le sénat se mobiliser seulement maintenant sur l'effet d’entraînement économique possible, ils ont un peu une guerre de retard: Le fameux "train de sénateur", peut-on dire!
L'erreur aura sans doute été que la cantine du midi de Gégé Larcher passe à Google Agenda pour les résa?
Le 07/05/2025 à 09h17
et quand je vois tous les outils utilisés dans les startup française qui sont 100% USA (slack, teams, windows (et linux pour les softeux), onedrive, jira, gitlab....)
Le 07/05/2025 à 10h59
Pour les autres outils, à chacun de faire ses efforts. J'avais déjà migré sur Gitlab quand Microsoft a mis la main sur Github. Mais comme Google est monté fort au capital de Gitlab, j'envisage de suivre le mouvement de certains acteurs de l'Open Source et aller sur Codeberg !
C'est évidemment plus facile à l'échelle d'un particulier que d'une entreprise qui a des centaines de projets et des considérations financières.
En effet les "hypersaclers" peuvent se permettre d'avoir des prix bas par effet d'échelle, et dans une entreprise à but lucratif, c'est un argument tentant. Pour l'état, il faudrait au contraire tenir compte de l'effet indirect : en achetant "Européen" on fait tourner l'économie Européenne au lieu d'envoyer l'argent à l'étranger, donc la comparaison de prix directe est moins pertinente. Ca permettrait "d'amorcer la pompe" et d'avoir des acteurs de plus en plus gros qui pourraient suivre sur les prix.
Le 07/05/2025 à 18h34
https://www.phoronix.com/news/Russian-Linux-Maintainers-Drop
Modifié le 12/05/2025 à 16h11
La guerre inclut aussi une guerre d'influence par tous canaux, désinformation, mais aussi hélas sur le code source ouvert. C'est donc sans doute prudence (excessive ?) d'avoir pris ce genre d'action.
Après il est certain que ce sont bien les américains qui ont la mains pour ces décisions.
Est-ce qu'il y a des backdoors dans Linux (NSA, CIA, etc...) quand on demande à Linus il dit non. Quand on lui demande si des agences américaines l'ont demandé, il dit aussi non en faisant oui de la tête !
Pour s'en assurer, on peut toujours regarder le code source et compiler soi-même.
... mais il faut aussi regarder le code source du compilateur/linker (cf XZ utils)... ce n'est pas simple !
Le 07/05/2025 à 11h04
Nextcloud + LO online ? Ce qui justifierait des développements européens pour les ramener au standard de qualité de Office 365 si on donnait des garanties que c'est un investissement pérenne. La France seule est capable de se payer ses propres programmes nucléaires, aérospatiaux, mais on ne serait pas capable en tant qu'UE de concurrencer MS ou Google ? C'est du bullshit.
Le 07/05/2025 à 11h46
Le 07/05/2025 à 12h27
Que reproches tu à LO en local ?
Le 07/05/2025 à 14h34
Le 07/05/2025 à 12h52
Le 07/05/2025 à 17h00
Le 08/05/2025 à 09h41
En plus remplacer MSO par OnlyOffice c'est remplacer une dépendance aux USA par une dépendance à la Russie...
Le 08/05/2025 à 16h09
OnlyOffice est open-source et originaire de Lettonie, qui fait aujourd'hui partie de l'Union européenne, de l'OTAN, de la zone euro. Par ailleurs, la suite est régulièrement bien classée par rapport à ses concurrentes.
Extraits de Wikipedia :
« Basé en Lettonie, le propriétaire d'OnlyOffice, Ascensio System SIA.
En août 2023, OnlyOffice a annoncé une restructuration de son organisation. Ascensio System SIA allait être détenue à 100% par la société britannique Ascensio System Ltd, qui à son tour allait être détenue à 100% par OnlyOffice Capital Group Pte. Ltd, une société holding singapourienne... »
« Infomaniak (Suisse) a intégré OnlyOffice dans la suite kDrive de sa marque pour permettre aux utilisateurs d'éditer des documents bureautiques. »
Le 08/05/2025 à 16h40
Quant au fait que ce soit open-source, c'est partiellement vrai puisque pour plus de 5 utilisateurs de l'édition collaborative il faut la version propriétaire du serveur.
Mais bon, l'interface utilise le ruban de MS, ça contrebalance aisément tous problèmes de sécurité et vie privée.
Le 08/05/2025 à 18h35
Pour ma part j'aimerais bien essayer Docs et Grist de la suite numérique de l'état. J'ai hâte qu'elles soient disponibles pour les particuliers.
Le 10/05/2025 à 09h03
Le 08/05/2025 à 10h28
Il suffit de voir la liste des fonctionnalités, des nouveautés des dernières versions:
Certaines sont clairement orientées pour les adminsitrations publiques:
Nextcloud peut se combiner avec OnlyOffice ou Collabora Office (version Cloud de LibreOffice). D'ailleurs NexcloudOffice est une recombinaison de ce dernier.
Le magasin d'applications de Nextcloud semble très fourni: https://apps.nextcloud.com/ (mais tous les intégrateurs ne donnent pas accès à cette boutique).
Sur un autre registre, Murena va utiliser le système de gestion de flotte de smartphones de Nextcloud (MDM) dans sa version 3.0 pour vendre sa solution aux entreprises.
Nextcloud semble être produit par une boite allemande d'après Wikipédia, Après j'ignore à quel point, ce système est indépendant des USA (directement et indirectement).
Le point noir pour moi est que Nextcloud parle beaucoup de fédération en comparant avec les mails. Mais pour les mail, c'est basé sur des protocoles (IMAP, POP, SMTP) et il y a une foison de logiciels, de clients. Chez Nextcloud c'est, il me semble, surtout entre les diffréents hébergeurs/propriétaires de Nextcloud. Je ne crois pas que Nextcloud puisse être fédéré avec un Owncloud.
Mais si on compare à l'interopérabilité entre les clouds de Google, Microsoft et Apple, il y a un certain progrès.
Le 07/05/2025 à 11h28
Le 07/05/2025 à 14h01
"Les destinataires sont ainsi invités à choisir entre les offres cloud portées directement par ses services et ceux de l'Intérieur ou, s'ils préfèrent faire appel au privé, les services d'hébergement labellisés SecNumCloud par l’ANSSI."
Le 07/05/2025 à 12h09
Modifié le 07/05/2025 à 12h56