Le 14 juin, les clients de Gandi recevaient un mail annonçant une évolution de grille tarifaire et la fin de l’offre GandiMail, qui proposait deux mails gratuits avec la commande d’un nom de domaine. Mécontents, plusieurs clients parlent de « rupture de contrat », certains cherchent à changer de fournisseur.

Mi-juin, Gandi.net a annoncé de premières évolutions notables depuis sa fusion avec l’hébergeur Total Webhosting Solutions (TWS, devenu Your.Online), fin février. Dans un mail envoyé à ses clients, Gandi déclare œuvrer à de nouvelles fonctionnalités de sécurité avancée, à la simplification des transferts de domaines, à mettre en place une assistance téléphonique ou encore à l’amélioration de la gestion des droits. 

Surtout, l’entreprise informe de la fin du service GandiMail, programmée au 30 novembre 2023. Proposant jusqu’ici deux boîtes mails gratuites avec la commande d’un nom de domaine, le service est remplacé par une nouvelle offre payante, MailBox avec des services supplémentaires et 10 Go de stockage au lieu de 3 Go, à partir de 4,79 euros TTC par mois. Les redirections d’e-mails, elles, restent gratuites.

Dans le même paragraphe, Gandi.net souligne par ailleurs qu’une nouvelle politique tarifaire entrera en vigueur le 13 juillet prochain. 

En ligne, des internautes américains, britanniques et français expriment clairement leur mécontentement. Pour certains, cette évolution d’offre et de tarifs est l’un des premiers résultats de la récente fusion-acquisition de Gandi par Your.Online. Contactée, la direction de Gandi n’a cette fois-ci pas donné suite à notre demande d’entretien.

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Communication décevante

Cliente depuis 2012, @DianeDCD s’est émue en ligne de la complexité du message reçu. Comme elle, en ligne, sur Mastodon, sur Twitter et sur toute une série de sites et blogs personnels, des internautes se sont plaints de la manière dont ils ont été informés.

Auprès de Next INpact, @DianeDCD développe : « J’ai trouvé assez cavalier de la part de Gandi de ne pas indiquer dans le message quelque chose de l’ordre de "vous avez un .com, vous paierez donc telle somme à partir du 13 juillet". À la place, ils ont envoyé un document qui ressemble à une extraction de fichier Excel, et c’est à nous de fouiller pour trouver les informations qui nous concernent ».

De fait, l’entreprise a partagé la nouvelle grille tarifaire sous la forme de trois PDF (un en euros, un autre en dollars, un troisième en dollars taïwanais) de dix pages chacun envoyés dans un mail générique.

Chacun de ces documents contient de vastes listes de prix correspondant aux différents domaines de premier niveau (TLD), chaque extension étant assortie de variations de prix classées dans des colonnes A, B, C, D et E, sans explication. « J’ai dû fouiller en ligne pour savoir ce que c’était », explique @DianeDCD : grâce à d’autres internautes, elle a pu mettre la main sur la documentation de Gandi qui explique les variations de lettres.

Celles-ci correspondent à différents « degrés » de clientèle : plus les services achetés à Gandi sont nombreux, plus le client s’éloigne de A vers E, chaque lettre correspondant à des paliers de tarifs dégressifs.

Capture d'écran de la grille tarifaire de Gandi

Abandon de GandiMail et brusque augmentation tarifaire

Les clients qui ont fouillé dans les PDF fournis par Gandi ont fait leurs calculs : les hausses de prix annoncées pour le 13 juillet sont sans commune mesure avec celles, plus classiques, constatées au fil des ans.

Sebsauvage et Xave, par exemple, sont respectivement clients de l’entreprise depuis vingt-deux ans et vingt-quatre ans. « L’esprit revendicatif des fondateurs de Gandi m’a beaucoup plu », explique le premier à Next INpact. Xave déclare lui aussi avoir « choisi ce registrar pour ses valeurs ».

Les deux mentionnent les fondateurs de Gandi, Pierre Beyssac, David Nahmias, Laurent Chemla et Valentin Lacambre, et font référence à cet esprit de l’Internet libertaire que l’entreprise a pu porter en France à ses débuts. Les co-fondateurs ont quitté Gandi en 2005, la cédant à Stephan Ramoin, qui en a été PDG jusqu’à la fusion-acquisition du registrar avec Your.Online, début 2023. Anciennement chef des opérations, Arnaud Franquinet est devenu le directeur général de la société.

Au fil des ans, Sebsauvage comme Xave ont noté des augmentations régulières des prix, mais chaque fois assez faibles. « Je peux comprendre que les tarifs augmentent, indique le premier : le prix de l’énergie augmente et puis chez la concurrence, tout le monde a augmenté petit à petit. » Le problème, détaille Xave, c’est que d’un tarif de 430 euros TTC pour 19 domaines, l’évolution du 13 juillet ferait grimper la facture à 540 euros, soit une hausse de plus de 25 % du prix.

La comparaison de la grille des prix catégorie A (ceux pratiqués pour un ou quelques noms de domaines) hors taxe au 26 juin (.pdf) et ceux annoncés dans le PDF des prix applicables à partir du 13 juillet donne quelques autres exemples : pour un nom de domaine en .ac, on passe de 73,53 à 99,99 euros, soit une augmentation de 35 %. Le .com passe de 14,96 à 19,99 euros, soit une augmentation de 33 %. Le .website grimpe de 26,25 à 34,99 euros, soit une augmentation de 33 %.

Dans un article de blog, Sebsauvage affiche de son côté une augmentation de 357 % du prix de ses frais qu’il devrait subir s’il restait chez Gandi. En cause : l’augmentation du tarif de son .eu de 22,79 à 23,99 euros par an, auquel s’ajoute le coût de sa boîte mail, de 0 euros à 4,79 euros par mois (soit 57,48 euros par an).

Car l’autre information importante du PDF envoyé par Gandi concerne le tarif du futur service Mailbox. En France, TVA incluse, celui-ci sera facturé 4,79 euros par mois en version standard et 7,19 euros par mois pour la version premium – des prix qui sont désormais aussi affichés sur le site de l’entreprise. Pour la trouver, les récipiendaires de l’e-mail de Gandi doivent aller jusqu’à la page 9 du PDF qui leur a été envoyé.

Capture d'écran de la grille tarifaire correspondant à la nouvelle offre Mailbox

Changement de valeurs de Gandi

« C’est un changement de cap complet, estime Sebsauvage, qui regrette aussi la méthode avec laquelle Gandi a partagé les informations. Jusque-là, en offrant des boîtes mails, Gandi fournissait un outil formidable pour démocratiser les sites web personnels. Cela participait à faciliter l’auto-hébergement. »

La plupart des personnes que nous avons interrogées déclarent effectivement être devenues clientes de Gandi parce qu’ils et elles étaient sensibles à sa politique « no bullshit », que l’entreprise affiche sur son site web. Pablo Rauzy (@p4bl0) indique même avoir « fait un choix militant », ce qui le conduisait déjà à payer plus cher chaque année que ce qu’il aurait pu faire chez d'autres registrars.

Comme @ajax_nw ou Pablo Rauzy, justement, plusieurs s’agacent aujourd’hui d’avoir payé d’avance pour un service précis sur plusieurs années – jusqu’à 2032 pour le premier, jusqu’à 2029 pour le second – et de découvrir qu’ils sont supposés payer un tarif supplémentaire pour bénéficier des produits sur lesquels ils comptaient jusqu’à ces dates-là.

Plusieurs considèrent qu’il s’agit d’une « rupture de contrat ». « La publicité faite par Gandi pendant des années sur l'achat de nom de domaine indiquait clairement que ça s'accompagnait de boites mails gratuites (d'abord 5, descendu à 2 il y a quelques années), explique par mail Maoulkavien. Lorsque j'ai acheté, puis renouvelé mes noms de domaines (pour plusieurs années), c'était bien sûr en comptant sur ces boîtes incluses ». Il confirme avoir envoyé un signalement à la DGCCRF, s’estimant victime de pratique commerciale déloyale. 

Capture d'écran de la page de vente de Gandi au 8 février 2023 telle qu'enregistrée par Internet Archive

Des clients à la recherche de nouveaux registrars

Dans son mail du 14 juin, Gandi a indiqué avoir mis en place une Foire Aux Questions et une adresse mail où s’adresser en cas de besoin : [email protected]. 

En ligne, de nombreux internautes s’échangent de leur côté des suggestions d’autres fournisseurs, selon les besoins de noms de domaine, de gestion de mail et/ou d’hébergement. Sur Mastodon, Xave affiche par exemple un comparatif du prix qu’il paierait s’il passait chez InfoManiak, BookMyName ou AllDomains.

Crédits : Mastodon / @[email protected]

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Sur son blog, Ludovic Hirlimmann évoque différentes pistes, parmi lesquels Fastmail ou ikoula. Sebsauvage a de son côté documenté son passage chez Infomaniak.

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