Services publics : un Français sur deux fait ses démarches en ligne seul
Kafka dans la machine
Un Français sur deux parvient à réaliser ses démarches administratives en ligne sans chercher d’aide, selon un rapport de la Défenseure des droits.
Le 13 octobre à 16h29
5 min
Société numérique
Next
En 2014, la France se classait première au classement des pays disposant des meilleurs services publics en ligne. Onze ans plus tard, l’expansion de ce mode de relation entre la population et les services publics se traduit par de vrais casse-têtes, et un accès variable aux droits, alerte la Défenseure des droits.
Le nombre de difficultés signalées par les internautes a même augmenté entre 2016 et 2024, selon un rapport publié ce 13 octobre par l'institution. L’an dernier, près de deux répondants sur trois (61 % des interrogés) témoignaient avoir rencontré des difficultés dans leurs relations aux administrations, contre 39 % en 2016. Surtout, moins d’un sur deux parvient à effectuer ses démarches administratives en ligne sans se faire aider.
Difficultés en augmentation pour tous les publics
Pour mener cette nouvelle édition de son enquête sur l’accès aux droits (la première remonte à 2016), les services de la Défenseure de droits ont réalisé avec des équipes du CNRS 5 030 entretiens, auprès d’un panel représentatif de la population âgée de 18 à 79 ans habitant en France métropolitaine.
Le but : comprendre les difficultés rencontrées lors de la réalisation de démarches administratives, celles rencontrées au moment de résoudre un problème avec une administration ou un service public, et les cas dans lesquels les personnes renoncent à faire valoir un droit.
Constat principal : les échanges avec les services publics sont complexes, notamment lorsqu’ils sont réalisés en ligne, et le problème concerne tous les publics. Cadres, diplômés de master ou plus, personnes de nationalité française depuis la naissance, tous ces profils qui rencontrent habituellement moins de problèmes dans leurs échanges avec l’administration rapportent davantage de difficultés en 2024 qu’en 2016.
Pour autant, 31 % des ouvriers et employés et 33 % des personnes en difficultés financières rencontrent fréquemment des difficultés, ce qui en fait des populations plus exposées aux problèmes de relation avec les services publics que les autres. Pour les échanges spécifiquement réalisés en ligne, 36 % des interrogés cherchent de l’aide, 8 % déclarent avoir besoin d’être accompagnés et 7 % évitent de réaliser des démarches en ligne, par choix.

Ces enjeux de facilité d’usage des démarches numériques se traduisent par une forte corrélation avec la facilité à réaliser des démarches administratives de manière générale.
Tentatives de contournement de l’outil numérique
Pour ce qui est de la gestion de problèmes spécifiques rencontrés avec l’administration, la Défenseure des droits constate que le nombre de difficultés déclarées a baissé, de 54 % en 2016 à 42 % en 2024. Cela dit, en 2024, quatre usagers interrogés sur dix déclarent tout de même avoir rencontré au moins un problème avec un service public. Parmi ces enjeux sont cités, par ordre de fréquence, la difficulté à contacter quelqu’un pour échanger ou obtenir un rendez-vous ; à obtenir des informations fiables ; la demande répétée de pièces justificatives ; l’absence de réponse ou les réponses tardives. Près de 2 personnes sur 5 citent aussi des problématiques (39 %) d’erreur de traitement.
Face à un ou plusieurs des cas tout juste cités, l’essentiel des répondants (88 %) tente de re-contacter le service public concerné. Dans ces cas-là, les deux tactiques les plus plébiscités consistent à éviter l’outil numérique : 55 % essaient d’appeler et 33 % de se déplacer directement dans les bureaux de l’administration concernée. Le taux de résolution de problème varie selon la méthode employée – le déplacement est un succès dans 72 % des cas, quand le courrier le permet dans seulement 56 % des cas. Il varie aussi, entre autres, selon la facilité d’usage des services numériques : 68 % de ceux qui savent y recourir parviennent à résoudre leurs problèmes, contre 58 % de ceux qui ne le savent pas.
Conséquence de ces diverses embûches, près d’une personne sur quatre déclarent avoir déjà renoncé à un droit auquel elle aurait pu prétendre, devant la complexité de la démarche pour l’obtenir. Les personnes qui rencontrent des difficultés ont deux fois plus de chances de renoncer à leur démarche administrative que celles qui n’en rencontrent pas.
La Défenseure des droits souligne l’ambivalence de la dématérialisation des services publics qui, s’ils facilitent certaines interactions, se transforment aussi en obstacle pour celles et ceux qui préfèrent les interactions directes avec l’administration.
Pour leur apporter de l'aide, la France a lancé en 2021 le dispositif des « conseillers numériques », 4 000 personnes employées partout sur le territoire pour aider celles et ceux qui en ont besoin à réaliser leurs diverses démarches en ligne. Mais le budget 2025 avait déjà conduit à une réduction du nombre de postes, une tendance qui pourrait se poursuivre.
Services publics : un Français sur deux fait ses démarches en ligne seul
-
Difficultés en augmentation pour tous les publics
-
Tentatives de contournement de l’outil numérique
Commentaires (29)
Abonnez-vous pour prendre part au débat
Déjà abonné ? Se connecter
Cet article est en accès libre, mais il est le fruit du travail d'une rédaction qui ne travaille que pour ses lecteurs, sur un média sans pub et sans tracker. Soutenez le journalisme tech de qualité en vous abonnant.
Accédez en illimité aux articles
Profitez d’un média expert et unique
Intégrez la communauté et prenez part aux débats
Partagez des articles premium à vos contacts
Abonnez-vousModifié le 13/10/2025 à 16h50
Modifié le 13/10/2025 à 17h27
Le 13/10/2025 à 17h21
Dès qu'on sort du moule, c'était déjà galère à remplir... Donc j'imagine qu'en version numérique doit y avoir pas mal de cas qui ont été passé à la trappe.
Modifié le 13/10/2025 à 17h38
Comme disent certains éxégètes du numérique, le numérique aujourd'hui a tendance à transformer tout le monde en lignes dans un tableau : cette déshumanisation, cette réification de l'individu, fait que l'administration délaisse des gens qui auraient besoin d'être écoutés.
Le 13/10/2025 à 19h19
Modifié le 13/10/2025 à 22h32
Le 14/10/2025 à 11h50
Les gens qui ne valent guère plus de considération qu'une ligne dans un fichier, ça ne date pas du numérique non plus (c'est surtout là dessus que je réagissais, parce qu'on a tendance à fantasmer un passé glorieux qui ne l'était pas), les humains comme variable d'ajustement économique, c'est vieux comme le monde.
Le 14/10/2025 à 23h19
Résultat: des usagers perdus, des données de qualité discutable et des agents qui pestent.
Je leur résume la situation ainsi: au-delà de 5 questions, considérer que l'usager voit alors le téléservice comme un escape game dont il faut activer le bouton valider pour sortir.
Le 13/10/2025 à 17h35
Le 13/10/2025 à 18h40
Le 14/10/2025 à 23h15
Il y a plusieurs freins:
* L'habituel 'je ne veux pas être responsables dans le service public: pour utiliser les API, il faut montrer pate blanche et désigner des responsables techniques, données...
* Les logiciels pas adaptés: les téleservices et logiciels attendent les PJ. Donc il faudrait générer cette photo à partir du json de l'API - et convaincre les agents que c'est aussi probant
* La nullité des portails de téléservices dans ce domaine (PJ obligatoire, super vérification de la PJ par ia qui force à déposer un document des impôts, difficulté à redemander une PJ après ...)
* L'incapacité (par manque de volonté ou de moyens) à se remettre en cause concernant une procédure.parfois, un papier, une signature ne sont pas utiles mais par habitude/crainte de ne pas être en règle / manque de temps pour vérifier si c'est utile, on le demande
Voili voilà voilou!
Le 13/10/2025 à 19h35
Modifié le 13/10/2025 à 21h54
Perso pour faire changer ma carte vitale qui date de Mathusalem, il m'a fallu :
- aller sur le site de ma sécu
- me connecter
- trouver la section à propos de ma carte vitale
- choisir l'option carte défectueuse
- faire tout un parcours de 4-5 pages avec des demandes d'informations à chaque fois
- télécharger le pdf générique (aucun pré-remplissage avec les informations que je viens tout juste de donner
- remplir le pdf
- l'envoyer par la poste avec ma carte vitale
- recevoir par courrier une semaine plus tard un autre formulaire à remplir (toujours pas pré-rempli)
- remplir le document
- l'envoyer par la poste avec une photo et une copie de pièce d'identité
- attendre la carte
(je vous informe de la suite, s'il y en a, lorsque je l'aurai reçue 😮💨)
Modifié le 13/10/2025 à 22h23
Le 13/10/2025 à 23h42
La dernière fois que j'ai du refaire ma CV, le point bloquant était que ma photo avait une trop grosse résolution. En bon technophile, j'ai lancé GIMP pour jouer sur ce paramètre (clairement, le truc où les 3/4 des gens seront largués).
Sinon, tu peux obtenir ta CV via l'application.
Le 14/10/2025 à 14h26
(pour info je suis à la MGEN, c'est peut-être différent ailleurs)
Le 14/10/2025 à 17h30
Le 14/10/2025 à 18h26
Le 14/10/2025 à 22h38
https://www.applicartevitale.fr/conditions.html
À terme, cela le cas de tous le monde.
Le 14/10/2025 à 23h16
Le 14/10/2025 à 07h33
Le 14/10/2025 à 11h48
Modifié le 14/10/2025 à 23h20
Quand je pense qu'aujourd'hui, depuis la période Covid, on a vu réapparaître l'hygiaphone et la vitre séparatrice aux guichets (oui, les guichets existent encore malgré la démocratisation des bornes à écran tactile qui fournissent un service standard, bien pratique quand ça fonctionne, mais moins si on se sent perdu face à cet automate qui comprend seulement ce pourquoi il a été programmé).
Le 14/10/2025 à 23h39
Parce que, même sur des choses qui paraissent assez simples, il y aura toujours des cas particuliers qui nécessitent une intervention humaine car il faut faire un choix qui n'est pas prévu par le système (ou qui nécessite une connaissance du service non implémentable).
Le 14/10/2025 à 10h00
2025 : je démarche seul
Le 14/10/2025 à 10h32
Le 14/10/2025 à 13h35
Le 15/10/2025 à 19h28
Le 15/10/2025 à 18h17
Signaler un commentaire
Voulez-vous vraiment signaler ce commentaire ?