Droit d’auteur : la SACD dubitative sur le statut du lien HTML
Tel qu'interprété par la Cour de Luxembourg
Le 10 mars 2014 à 16h40
6 min
Droit
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En février 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’il est légal de pointer un lien hypertexte vers un article de presse sans autorisation de son auteur. Cependant, en réponse à une consultation européenne sur le droit d’auteur, la SACD relativise lourdement ces conclusions.
Le litige tranché en février 2014 était né en Suède. Il opposait des journalistes à un site qui avait publié des liens vers leurs articles. Selon ces auteurs, le site devait les indemniser pour ces liens. Pourquoi ? Car l’article 3 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins de 2001 donne aux ayants droit le pouvoir exclusif d’interdire ou d’autoriser « toute communication au public de leurs œuvres ».
La CJUE a cependant répondu négativement à leurs vœux : fournir un lien vers des œuvres librement disponibles sur un autre site n’est « pas un acte de communication au public » et ce « faute de public nouveau » (voir nos explications plus en détail). Puisque le lien n’est pas une « communication au public », les conditions de l’article 3 ne sont pas réunies et le lien est en principe libre. En principe, car lorsqu’un site contourne par exemple des mots de passe protégeant l’accès à ces écrits, alors il y a bien « communication au public ». En effet, selon la CJUE, le public drainé par ce lien est « nouveau ». D’où l’exigence d’une autorisation et un monnayage possible.
Des réactions contrastées
Cet arrêt « Nil Svensson » du 13 février 2014 a suscité des réactions contrastées. Le juriste Calimaq, membre de la Quadrature du net, considère ainsi que si avec cette décision « la liberté de faire des liens hypertextes sort renforcée (…), il n’est pas certain qu’à plus long terme, le fait d’avoir soumis les hyperliens aux principes du droit d’auteur soit une bonne chose (…) Ce qui est le plus inquiétant dans cette décision Svensson, c’est de voir l’un des dispositifs les plus essentiels au fonctionnement du Web basculer sous l’emprise du droit d’auteur, alors que jusqu’à présent il était resté dans une "zone grise" de non-régulation relative. »
Françoise Castex, eurodéputée, jugera quant à elle que cet arrêt a « une portée en fait limitée. Il n’est toujours pas légal de faire un lien vers une œuvre qu’un auteur n’a pas voulu diffuser librement sur Internet ou ne veut plus rendre accessible librement ». Et l’eurodéputée de se demander : « comment la Cour peut-elle avancer, sans le justifier et sans conclusions d’un avocat général pour le dire, que le public auquel le lien était destiné était le même que celui de la publication initiale ? ».
Droit d'auteur et lien sont parfois liés
Du côté de la SACD, l’analyse se recoupe quelque peu avec celle de la parlementaire. Dans une consultation sur le droit d’auteur menée par la Commission européenne, elle rappelle que celui qui diffuse un lien doit toujours réclamer l’autorisation de l’ayant droit lorsque les œuvres protégées sont accessibles à un public nouveau, « c’est-à-dire qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres ». Par ailleurs, « à diverses reprises les juridictions françaises ont retenu que l’établissement de liens vers des œuvres dont la communication au public n’avait pas été autorisée constituait une contrefaçon. »
Ainsi, « l’activité d’établissement de liens ne peut donc a priori échapper à l’application du droit d’auteur dès lors au moins que certaines conditions seraient réunies » résume la SACD. Le rapport Lescure sur les genoux, elle souligne aussi que les liens profonds vers une œuvre « peuvent relever d’une autorisation préalable des ayants droit. »
La SACD dubitative sur la décision de la Cour de justice
Pour revenir à l’arrêt de la CJUE, la SACD reste « dubitative » sur les solutions qui y ont été apportées. Selon elle, le lien n’est pas si décorrélé du critère du «public nouveau ». Avec un lien, l’œuvre « touchera davantage le public qu’une œuvre qui n’est disponible qu’à l’adresse où elle initialement mise en ligne. D’ailleurs si les liens sont neutres à quoi servent-ils et pourquoi les établit-on ? ».
Même idée : lorsqu’un site agrège une série de liens à partir de plusieurs sources, cet ensemble de liens « s’adresse à un public spécifique et distinct, qui ne pouvait pas être prévu lors de la mise à disposition initiale de chacune des œuvres de façon séparée ; ce public spécifique n’aurait pas eu accès aux oeuvres sans l’existence d’une sélection de liens ». Bref, pour la SACD, considérer que l’autorisation soit toujours exigible n’est pas si exotique.
Ce n’est pas tout. Pour la SACD, le critère du but « lucratif » devrait également être pris en compte pour déterminer une éventuelle application du droit d’auteur et donc exiger la fameuse autorisation et la rémunération subséquente. « Le moyen le plus efficace pour assurer la rémunération effective des titulaires de droits est de leur reconnaître le droit d’autoriser ou d’interdire l’établissement de liens, au moins lorsque certains critères sont réunis ». Seulement, le doigt sur la décision, elle ne parvient pas à affirmer si « l’existence de recettes [suffirait] à caractériser à elle seule un acte de communication au public ». Face à ses doutes, la société de gestion collective considère que cet arrêt a une portée limitée, bref, que le statut du lien internet reste posé.
Fait épineux pour les SPRD, dans son arrêt, la Cour de Luxembourg a encore jugé qu’un État membre n’a pas le droit de surprotéger le droit exclusif de l’auteur. Une telle ouverture aurait « pour effet de créer des disparités législatives (entre les États membres, NDLR) et donc, pour les tiers, de l’insécurité juridique »…
Droit d’auteur : la SACD dubitative sur le statut du lien HTML
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Des réactions contrastées
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Droit d'auteur et lien sont parfois liés
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La SACD dubitative sur la décision de la Cour de justice
Commentaires (49)
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Abonnez-vousLe 10/03/2014 à 16h51
Et vers cette info on as le droit de faire un lien ou pas ?
Je me demande simplement si ils ont pas trouvé la réponse a «comment tuer le web ?»
Le 10/03/2014 à 16h51
Oui enfin c’est a prendre avec autant d’interet que lorsque le syndicat de policier Alliance mesure le contenu des condamnations de la France par la CJUE pour des histoires de gardes a vue illegales.
Les textes sont d’ailleurs clairs a ce sujet, en France, puisque la mise a disposition sur internet est une publication, les liens ne peuvent absolument pas etre consideres comme tels.
« s’adresse à un public spécifique et distinct, qui ne pouvait pas être prévu lors de la mise à disposition initiale de chacune des œuvres de façon séparée ; ce public spécifique n’aurait pas eu accès aux oeuvres sans l’existence d’une sélection de liens »
Mais allez, faut le dire clairement et arreter de se cacher, on pisse sur la presomption d’innocence, et a la sarkozy avec son eugenisme, on considere qu’une personne qui visite un tel site est forcement une vilaine pirate internetique.
Le 10/03/2014 à 16h55
Du grand n’importe quoi… z’en ont pas marre de fourrer leur nez partout " />
Le 10/03/2014 à 17h01
Bientôt, ils vont dire que c’est interdit d’envoyer un mail pour inviter des amis à aller voir un concert gratuit " />
Le 10/03/2014 à 17h01
Le 10/03/2014 à 17h02
Le 10/03/2014 à 17h03
Faire un lien hypertexte de façon gratuite et spontanée ???
Je n’ai qu’une chose a dire…*
(*)Haaaan,droit d’auteur,satan satan kssss kssss !!!
Le 10/03/2014 à 17h03
Le 10/03/2014 à 17h21
Le 10/03/2014 à 17h38
si les liens sont neutres à quoi servent-ils et pourquoi les établit-on ?
Y’a juste 25 ans que le lien http signait les débuts du www, tas de c" />.
Ces types ont autant de retard. Ils ont gagné leur course de spermato initiale comment?
Le 10/03/2014 à 17h52
Si cela leur pose problème qu’utiliser des liens hypertextes permette à des internautes d’accéder à du contenu pour lequel il n’était pas prévu qu’ils accèdent, alors qu’ils ne mettent pas leur contenu sur le Web, ou alors qu’ils le protègent.
Aller remettre en question la légitimité même de l’existence d’un simple lien hypertexte est grave.
Le 10/03/2014 à 17h58
Mon Pascalou, ton lobby est dubitatif sur le statut des liens HTLM, ce qui est tout à fait compréhensible…
Moi même, vois tu, je suis dubitatif des Droits Réservés (DR) que tu mets sous chacune des images utilisées pour tes articles, ce droit d’auteur qui t’es si cher et que tu pilles parfois sans vergogne " />
Deux poids deux mesures comme dirait l’autre… " />
Le 10/03/2014 à 18h08
Pourquoi est ce mal de linker un lien dans un article ?
Les gars voudraient pas qu’on voit leur site ?
Ah non, les gars voudraient qu’on aille voir leur site sans passer par un intermédiaire ?
En fait, les gars voudraient qu’on aille sur leur site parce qu’on entendrai leur désir* qu’ils puissent avoir des lecteurs qui lisent leur site au moment où ils le souhaiteraient !!!
" />
* leur désirs communiqueraient les url aux lecteurs tant désirés, qui ces derniers recevraient les dites urls via les petites voix dans leur tête !
Le 10/03/2014 à 18h11
Le 10/03/2014 à 18h18
[hs]
si y en a que ça intéresse, il y a 1000 euros à la clé
[/hs]
Le 10/03/2014 à 18h27
C’est pourtant clair : si un auteur ne veut pas voir diffusée son œuvre, alors qu’il ne la dépose pas quelque part sur le Web, et qu’il la communique à kidedroy par courriel, ou même par la poste !
Le 12/03/2014 à 09h22
Le 10/03/2014 à 18h43
Je suis dubitatif quant à l’utilité de la SACD
Le 10/03/2014 à 18h47
Le 10/03/2014 à 18h51
Jusqu’où s’arrêteront-ils ?
Le 10/03/2014 à 19h02
Le 10/03/2014 à 19h11
La SACD " /> ils sont trop…
Le 10/03/2014 à 19h31
Il faut dire à google de ne plus mettre de lien vers la SACD et ses membres.
Ça va leur faire tout drôle.
" />
Le 10/03/2014 à 19h34
Le 10/03/2014 à 19h53
et pour les liens générés dynamiquement par les moteurs de recherche ?
Le 10/03/2014 à 20h10
Autant quand Google reprend des articles ou des contenus des journaux pour faire un site, je pense que c’est tendancieux, autant chercher des noises sur une des bases du système HTML, c’est :
Puis entre nous, si ils veulent pas qu’on fasse des liens hypertexte vers chez eux, franchement, ça gêne qui? Le reste du monde continuera de tourner, et leur site sera visité par personne.
Le 10/03/2014 à 20h11
Le 10/03/2014 à 20h38
Le 10/03/2014 à 21h16
Il y a une techno avant d’arriver à HTML qui s’appelle HTTP et qui permet le filtrage, la censure, et fait le café, mais bon ils préfèrent se battre contre des moulins à vent pour faire semblant d’être utile.
Le 10/03/2014 à 21h17
A votre avis si je publie l’adresse du siège social de la SACD, je risque quoi ?
11bis, rue Ballu – 75009 Paris (France)
Le 10/03/2014 à 21h23
Bah voila, s’ils veulent soumettre à condition le fait de les lier, ne les lions pas épissétou.
Mais quand même, mettre une zone protégée sur son site c’est un peu la base de la publication. Mauvaise foi et fainéantise, tout ça.
Marc, petite coquille à “Luxembourg”, dernier §.
Le 10/03/2014 à 21h23
Le 10/03/2014 à 21h27
Le 10/03/2014 à 21h35
Le 10/03/2014 à 21h41
Le 10/03/2014 à 21h54
Le 10/03/2014 à 22h24
Par ailleurs, « à diverses reprises les juridictions françaises ont retenu que l’établissement de liens vers des œuvres dont la communication au public n’avait pas été autorisée constituait une contrefaçon. »
Je dirais plus que c’est l’administrateur qu’il faut blâmer plus que le type qui a pu y accéder. Perso, tout ce qui ne dois pas être accessible au public, tu peux bien faire un lien t’aura juste une erreur 403 si te n’a pas les droits. Y’a un moment où il faut arrêter de prendre les gens pour des cons. Si tu ne veux pas que ça soit public sur une site tout public tu ne le mets pas.
C’est un peu comme si, dans une immense propriété privée, sans barrière, il y avait un panneau à 150 mètres de l’entrée un panneau « défense d’entrée, priorité privé » :
Un lien ne dit pas toujours explicitement « je suis interdit » ou « je suis dangereux ».
Le 11/03/2014 à 00h09
Nouveauté : les forfaits Ayants-droit!
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Le 11/03/2014 à 02h14
Si ces chacals payaient des bons techos plutôt que des avocats, leurs précieux articles auraient été “protégés” en quelques instants avec un filtrage sur le referer.
Et se plaindre qu’un autre site améliore ton référencement et t’amène du trafic en mettant des liens vers chez toi… ça me dépasse.
(Quoi, on dit des chacaux ?)
Le 11/03/2014 à 03h30
Ben voyons, dans la même logique il va falloir faire payer à chaque fois qu’on parle autour de soi de toute oeuvre protégée par le droit d’auteur, car en la faisant découvrir à un “public nouveau”, on viole clairement gravement le droit inaliénable et sacré de l’auteur…
Je crois qu’ils ne seront pas contents tant qu’ils n’auront pas un robinet a fric directement sur leur compte en banque. Encore que avec la taxe copie privée on n’en est pas loin.
Le 11/03/2014 à 07h02
Le 11/03/2014 à 07h20
Le 11/03/2014 à 08h06
Le 11/03/2014 à 08h13
Je ne comprends pas bien la discussion.
Si le contenu est mis à libre disposition. On doit alors assumer la perte de contrôle au moins sur le référencement vers son contenu pour la consultation (sans autoriser sa copie pour profiter du business maître model actuel)
Si on ne veut pas que le contenu soit accessible librement , il suffit de le mettre derrière un espace connecté.
Le 11/03/2014 à 09h38
Et entrer toutes les adresses root de leurs sites dans un AdBlock-like, ou un DNS surchargé, ca leur irait ? plus personne n’irait chez eux, plus du tout.
On s’auto-evite les emmerdes, les pubs et le proselytisme du sacro-saint droit d’auteur!
Totalement filtrés les mecs, on veut plus vous voir, puisque vous voulez plus participer au projet ‘Web’, vous n’en faites plus partie.. du tout.. rien, kedal, zob
Y’avait a un moment une extension Firefox qui filtrait Sarko, les images, photos, les textes, etc. c’est un truc comme ca, qu’il faudrait pour leurs sites..
Le 11/03/2014 à 09h53
Le 11/03/2014 à 10h30
Droits d’auteurs , ayants droit , ils veulent tuer Internet !
Qu’ils plubient sur des sites payants bien fermés et qu’ils reste dans leur monde d’hypocrites entres-eux !
Le 11/03/2014 à 11h00
Un lien internet c’est comme une référence bibliographique (ou discographique ou cinématographique), je doute que quand on écrit un livre avec des références telles que je viens de les citer on demande l’avis aux ayant-droits.
Le 11/03/2014 à 16h04