Pour la promotion de ses modèles, OpenAI se sert du style du réalisateur anti-IA Miyazaki
« Nous, les humains, perdons la foi en nous-mêmes »

Une vague d'images générées par IA au style très proches de celui de Hayao Miyazaki, ayant pourtant clairement exprimé son aversion pour l'intelligence artificielle dans la création artistique, a déferlé sur les réseaux sociaux ces derniers jours. En cause, la sortie du modèle 4o Image Generation d'OpenAI qui permet de créer facilement ce genre d'images. Le CEO de l'entreprise Sam Altman en joue sur les réseaux sociaux et s'enorgueillit d'avoir bien choisi les exemples initiaux pour présenter le modèle.
Le 28 mars à 14h13
5 min
IA et algorithmes
IA
OpenAI a mis un coup de fouet à sa génération d’images en rendant GPT-4o multimodal. Celui-ci peut donc créer des images à la volée, comme beaucoup de ceux de ses concurrents, dont Grok qui est très utilisé pour ça, puisqu'il n'a aucun garde-fou.
Des mèmes et des scènes de films en anime
Pour lancer la promo et l'utilisation massive de son nouveau générateur, le CEO d'OpenAI, Sam Altman a, entre autres, twitté une image au style manga le représentant, posant avec deux de ses collègues comme des start-upeurs heureux de présenter leur nouveau projet :

On peut remarquer que la main de Gabriel Goh, au centre de l'image, est composée de quatre doigts seulement et celle de Sam Altman de six.
Depuis, de nombreuses personnes ont essayé la nouvelle fonctionnalité du modèle, devenu le générateur d’image par défaut dans ChatGPT pour les utilisateurs gratuits. Ils ont notamment essaimé les réseaux sociaux d'innombrables images dans le style du Studio Ghibli et de son co-créateur Hayao Miyazaki. Certains reproduisant des mèmes, d'autres des scènes iconiques de la culture populaire :


Storytelling bien ficelé
Surfant sur cette vague, le CEO d'OpenAI a repris la balle au bond. Il a rajouté une couche de storytelling en se peignant, dans un tweet, en ingénieur incompris qui, depuis une décennie, essaye « d'aider à créer une superintelligence pour guérir le cancer ou ce genre de chose » dont presque personne se soucie pendant des années puis qui est détesté par tout le monde « pour n'importe quoi », et qui se réveille un jour avec des centaines de messages lui montrant ce genre d'images utilisant le style du studio d'animation. L'homme d'affaires a même généré son propre avatar dans le style de Ghibli.
Miyazaki, connu pour son opposition à l'utilisation de l'IA dans l'animation
Si Sam Altman est autant fan du Studio Ghibli, il doit connaitre l'extrait du documentaire dans lequel Hayao Miyazaki exprime son opposition à l'utilisation d'une IA (non générative) pour faire de l'animation de modèles en 3D :
Le réalisateur s'exprimait sur les résultats d'une expérimentation particulière qui lui était montrée en la qualifiant d' « insulte à la vie elle-même », mais il en concluait néanmoins de façon plus générale : « J'ai l'impression que nous approchons de la fin des temps. Nous, les humains, perdons la foi en nous-mêmes ». Le studio et le réalisateur n'ont, semble-t-il, pas encore réagi à cette vague de reproduction de leur style.
OpenAI assume ouvrir les vannes de la reproduction des styles de studio
À la réaction d'un utilisateur de X affirmant « honnêtement, openai est incroyablement chanceux que les vibrations positives de ghibli aient été la première utilisation virale de leur modèle et non une horrible absurdité deepfake », Sam Altman a laissé entendre que son entreprise maitrisait très bien la communication autour de cette vague de générations d'images reprenant le style du Studio Ghibli :
« Croyez-le ou non, nous réfléchissons beaucoup aux premiers exemples que nous montrons lorsque nous introduisons une nouvelle technologie ».
« Notre objectif est de donner aux utilisateurs autant de liberté créative que possible », a répondu OpenAI interrogé par 404 Media, ajoutant « Nous continuons à empêcher les générations dans le style des artistes vivants, mais nous autorisons des styles de studio plus larges que les gens ont utilisés pour générer et partager des créations originales de fans vraiment délicieuses et inspirées. Nous apprenons toujours de l'utilisation réelle et des commentaires, et nous continuerons à affiner nos politiques au fur et à mesure ». Et, en effet, les générations qui circulent ne mentionnent pas d'auteur mais bien le « style Ghibli ».
Rappelons qu'OpenAI n'en est pas à son premier coup concernant la reproduction de contenus de la culture populaire sans le consentement des artistes pour faire la promotion de son modèle GPT4-o : en mai 2024, l'entreprise avait utilisé une voix proche de celle de Scarlett Johansson qui avait interprété la voix de l'IA dans le film « Her ».
D'autres outils d'IA générative génèrent aussi des images d’œuvres protégées. En janvier 2024, Midjourney recrachait, entre autres, des images Pixar et parfois même sans qu’on le lui demande. L'artiste C215 expliquait que la copie, l’imitation, le plagiat, « c’est un débat vieux comme l’antiquité, dans le monde artistique ».
L'avocat Matthieu Quiniou affirmait : « si, en sortie, le résultat est reconnaissable, quand on fait "à la manière de" sans avoir demandé les droits à l'auteur, on produit de la contrefaçon ».
Pour la promotion de ses modèles, OpenAI se sert du style du réalisateur anti-IA Miyazaki
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Des mèmes et des scènes de films en anime
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Storytelling bien ficelé
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Miyazaki, connu pour son opposition à l'utilisation de l'IA dans l'animation
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OpenAI assume ouvrir les vannes de la reproduction des styles de studio
Commentaires (31)
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Le 28/03/2025 à 14h39
Le 28/03/2025 à 15h09
Le 28/03/2025 à 15h22
Avec les revendications autour de la mer de Chine, et la Chine à proximité plus largement, ce n'est pas le genre de décision qu'ils prendraient à la légère. Il faudrait que le curseur soit poussé beaucoup plus loin pour prendre le risque de froisser l'Oncle Sam.
Modifié le 28/03/2025 à 15h33
Edit : tout ça pour dire que "ne pas froisser" les USA perd un peu tout son intérêt quand tu as un Trump aux commandes dont tu peux être à peu près certain qu'il t'enverra te faire voir si tu as besoin d'aide (peu importe l'intérêt réel qu'il y aurait).
Le 31/03/2025 à 17h38
Modifié le 28/03/2025 à 16h07
Edit : J'ajouterai que Softbank investit pour l'apport financier et non pour l'utiliser en direct contrairement à Microsoft. Avoir ce dernier en partenaire principal et possiblement unique c'est se dire qu'à terme, il choisira la voie qu'il souhaite, bien moins Softbank.
Le 28/03/2025 à 21h26
Pour moi, l'hypocrisie reste : Les IA s'inspirent des humains comme le font les humains entre eux. La seule chose qui change, c'est un volume productible à faible coût. Et c'est à partir de là que certains humains paniquent.
Modifié le 28/03/2025 à 22h11
Une IA ne crée rien. Une IA réplique selon des probabilités.
Une IA n'a aucune conscience. Une IA est une machine un peu plus complexe qu'un métier à tisser ou qu'un boulier.
Le 01/04/2025 à 08h19
Pour tous ces cas l'IA sera bien suffisante et pourrait broyer tout le reste.
Le 01/04/2025 à 08h51
Le 28/03/2025 à 22h54
Le 29/03/2025 à 11h43
Le 28/03/2025 à 15h21
Le move de trop ?
Le 28/03/2025 à 15h46
Le 28/03/2025 à 16h15
sinon, demande à @Flock , il aura peut-être une idée sur la vision de l'auteur
Modifié le 28/03/2025 à 16h27
Modifié le 29/03/2025 à 11h20
Le 28/03/2025 à 18h06
D'un coté.
un """""hommage"""""" d'un oeuvre dans le style d'une autre, l'Algo générative n'a pas été attendu pour ça.
(1er recherche à la c. me donne ça https://blog.artsper.com/fr/inspirez-vous/10-oeuvres-de-grands-maitres-detournees-par-des-artistes-contemporains/)
D'un autre, si l'artiste lui-même, n'est pas d'accord plus qu'un "hommage' ça devient un "dommage".
Indépendement de l'entrement sur des jeux de données.
La question de la contrefaçon n'est pas totallement reglé.
Je ne sais pas ...
Modifié le 28/03/2025 à 19h01
En droit US, un style ne peut être copyrighté. Le copyright au sens du droit US protège l'oeuvre fixée, pas l'idée. Il y a une vieille jurisprudence en ce sens sur le plagiat d'un style de bande dessinée qui avait acté le principe, mais je n'ai pas réussi à la retrouver.
De plus, le droit US inclus une notion de "Fair Use" qui peut potentiellement tolérer cet usage.
En gros, ça ne sera une contrefaçon que si Ghibli porte plainte contre OpenAI et que la firme est condamnée.
Il ne faut surtout pas voir cette histoire sous le prisme du droit d'auteur français (qui lui-même a une frontière entre l'inspiration et le plagiat qui est laissée à l'appréciation du tribunal en cas de procédure).
Le 28/03/2025 à 22h57
On attend quoi pour foutre le feu aux centres de données de toutes ces boîtes malhonnêtes ?
Le 29/03/2025 à 10h36
1. l'entraînement : c'est la défense d'OpenAI et l'objet des plaintes comme celles du New York Times. Tant que la justice US n'a pas rendu de verdict (et établi une jurisprudence qui, contrairement à la française, fait valeur de loi), on ne sait pas dire si c'est de la contrefaçon ou non. Les avis ne sont pas tranchés, Creative Commons considérant cet usage comme du fair use par exemple pour du matériel librement accessible. (soit une position proche de la DAMUN européenne)
2. la production "dans le style de" : elle est couverte par le fair use aux USA. C'est ce derrière quoi se retranchent les fanarts et les fanfics par exemple. Par contre, le détenteur du copyright reste libre d'attaquer si ça déborde trop sur le plagiat.
Le 29/03/2025 à 13h38
C'est pas le cas des œuvres des studios Ghibli.
Dans tous les cas, c'est avant tout une attaque dégueulasse d'une boîte immonde sur une personne qui est contre l'IA dans l'art et qui a une certaine notoriété et influence.
Modifié le 29/03/2025 à 15h02
Je considère l'entraînement à partir de sources acquises illicitement (cas du dataset Book3 par exemple qui contenait des oeuvres encore protégées par le droit d'auteur) comme de la contrefaçon. Dans le cas de données librement accessibles, en droit US il y a des chances que ce soit du fair use (la justice le dira), dans l'UE c'est autorisé par la DAMUN sauf refus manifeste des ayants-droits à l'exception de cas d'usages précis.
Les avis tranchés, ça va bien cinq minutes, mais ça ne fait pas avancer le schmilblick honnêtement. En dehors du code pénal français (je ne saurais me prononcer sur les autres), le droit reste interprété.
Enfin, un autre principe que j'estime important (en tous cas, dans notre droit) : la présomption d'innocence. La condamnation hâtive des médias sociaux, perso j'en ai ras le cul et ça nous amène dans une dérive autoritaire dont je ne rêve pas.
Concernant le cas de la génération "dans le style de", même chose : le cas du fair use versus le plagiat n'est pas aussi tranché et évident que tu l'imagines. Pareil en droit français où l'inspiration et le plagiat ne sont pas spécifiquement définis, l'illustration de Flock le démontre.
Le 29/03/2025 à 15h22
Entièrement d'accord avec toi que c'est pénible de lire sans fin des positions non étayées sur ces sujets et sans aucunes précautions "oratoires".
Ces gens ne font aucun effort pour comprendre les différences d'approche entre le droit français/européen et le droit US à la fois de façon générale (droit "dur" contre common law) et sur le copyright US par rapport au droit d'auteur européen., les 2 étant réunis par la Convention de Berne.
Quant à l'appel au terrorisme pour brûler les centres de données, c'est le pompon !
Le 29/03/2025 à 18h18
1) je me permettais de douter du fair use. 2) je donnais mon avis sur des outils qui (mon avis) ne produisent pas grand chose à part montrer jour après jour leur nocivité pour tout le monde sauf les Altman.
Modifié le 29/03/2025 à 01h02
La citation identique est aussi présente plus loin dans l'article.
C'est un peu surprenant d'avoir 2 citations de la même personne qui disent des choses un peu différentes, la seconde étant bien plus affirmative que celle que je viens de citer.
Donc, effectivement, ça serait intéressant de connaître le contexte de ces 2 expressions différentes de l'avocat, je ne les ai pas trouvés dans l'article de Mathilde.
En tout cas, je pense qu'il se place dans le cadre du droit français (et donc forcément aussi celui de l'UE).
Le 29/03/2025 à 10h37
Le 29/03/2025 à 10h56
J'en ai profité pour relire à l'instant les commentaires que nous avions fait à l'époque (plus sur le résultat des essais et les absence de prompts que sur ces citations).
Le 29/03/2025 à 14h53