La longue bataille d’une journaliste fichée illégalement par l’armée
Quand le secret défonce
Le 10 novembre 2017 à 15h30
5 min
Droit
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Pas facile d’obtenir le nettoyage d’un fichier de sécurité, mais notre consœur Camille Polloni, après six années de lutte, a obtenu partiellement gain de cause. Sans savoir aujourd’hui pourquoi elle avait été fichée illégalement par le ministère des Armées.
Les premières briques de cette procédure avaient été lancées en septembre 2011. Voilà six ans, la journaliste avait saisi la CNIL pour accéder à ces précieuses données.
L'article 41 de la loi de 1978 indique en effet que pour les traitements qui concernent « la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique », les citoyens peuvent exercer leur droit d’accès via la Commission informatique et libertés.
Elles pointaient du doigt plusieurs fichiers sensibles : ceux de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de la sécurité de la défense (DRSD) et de la direction du renseignement militaire (DRM).
« Il m’est arrivé trois ou quatre fois de surprendre une filature ou d’être prise en photo pendant un rendez-vous professionnel avec des personnes vraisemblablement surveillées » se souvient-elle dans les colonnes des Jours.
La loi Renseignement et le contrôle des fichiers de sécurité
Le 27 juin 2013, la présidente de la CNIL lui indique avoir procédé à l’ensemble des vérifications demandées. Ajoutant que la procédure était terminée. Un peu court !
La journaliste a donc attaqué devant les juridictions administratives ce refus implicite du ministre de la Défense de lui donner accès aux mentions susceptibles de la concerner. Elle a réclamé dans la foulée communication des éléments la concernant.
La suite des festivités a eu lieu sous l’égide des nouvelles règles de la loi sur le Renseignement du 24 juillet 2015 et donc entre les mains d’une formation spécialisée du Conseil d’État puisqu’on touche ici au contentieux des fichiers intéressant la sûreté de l'État.
Secret défense, droit de la défense
Un contentieux très particulier où la formation chargée de l'instruction entend les parties séparément (services du renseignement d’un côté, requérante de l’autre) et le président a l’obligation d’ordonner le huis clos dès lors qu’est en cause, comme ici, le secret de la défense nationale.
Conformément à l’article L773-8 du Code de la justice administrative, la formation spécialisée a l’interdiction de révéler les éléments contenus, ni même de dire si le requérant figure ou non dans le traitement.
Cependant, « lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite », alors elle en informe le justiciable.
Une information a minima puisque là aussi, elle ne peut faire état d'aucun élément protégé par le secret-défense quand bien même le fichage était illicite. Seule latitude : « ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées ».
Conclusion : « les magistrats peuvent échanger avec les services de renseignement, consulter les fichiers, accéder à des informations classifiées, faire rectifier des informations qui s’avéreraient inexactes (s’ils arrivent à le déceler), périmées ou illégales. Mais je ne dois rien savoir sur le contenu de ces fiches – pas même le fait qu’elles existent ou pas » regrette et constate Camille Polloni
Quand l’armée fiche illégalement une journaliste
Dans l’arrêt que nous avons pu consulter, le Conseil d’État a balayé rapidement les critiques adressées sur l’autel du droit à un procès équitable (article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme). Selon lui, cette procédure lui permet « de statuer en toute connaissance de cause ». Circulez.
S’agissant des fichiers de la DGSE et de la DRSD, l’examen « n’a révélé aucune illégalité » est-il écrit dans l’arrêt. Les conclusions de la journaliste sont donc rejetées, sans l’ombre d’une explication.
Le scénario est autre concernant la direction du renseignement militaire (DRM). Surprise : « cet examen a révélé que des données concernant Mme Polloni figuraient illégalement dans les traitements d’informations nominatives mis en œuvre par cette direction. Par la suite, conclut l’arrêt, il y a lieu d’ordonner l’effacement de ces données ».
La juridiction a fait droit à la demande de la journaliste en lui allouant 3 000 euros pour couvrir les frais occasionnés, mais sans condamner le ministère à une quelconque astreinte.
Défendue par Me Camille Mialot, Camille Polloni promet de poursuivre cette lutte : elle veut savoir pourquoi elle a fait l’objet d’une surveillance illégale et promet de saisir une nouvelle fois la justice. En janvier dernier, le même Conseil d’État avait déjà rejeté sa demande d’accès aux fichiers de l’Intérieur. La requérante a depuis saisi la Cour européenne des droits de l’Homme qui a déjà sur sa table la loi du 24 juillet 2015.
La longue bataille d’une journaliste fichée illégalement par l’armée
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La loi Renseignement et le contrôle des fichiers de sécurité
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Quand l’armée fiche illégalement une journaliste
Commentaires (69)
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Abonnez-vousLe 16/11/2017 à 13h18
Le 16/11/2017 à 13h24
On va dire que quelqu’un de mauvaise foi qui a toutes les sources qu’il veut sur le sujet a parlé de “truc en plastique”. Soit ce qu’on utiliserait pour parler d’un jouet de 2grammes sorti d’une pochette surprise.
Et donc sa réponse implique que ce ne sont pas des briques lego qui sont envoyées pour le lol mais bien des projectiles de type militaire qui mutilent, et tuent parfois sans aucun problème.
Les air soft sont en vente libre, les LBD non si tu veux un autre argument massue sur le fait que ce sont bien des armes et qu’elles sont bien utilisées de manière hostile.
Et autre argument d’évidence, si ce n’était pas précis à quelques centimètres, les LBDs ne seraient pas équipés de pointeurs laser.
Le 11/11/2017 à 13h24
Je vais nettoyer mes godasses…
Le 11/11/2017 à 13h58
Ce qui serait intéressant, c’est de savoir ce qui était réellement fiché, parce qu’une photo prise par la DRM, avec son patronyme associé, et stockée sur un ordi de la DRM au milieu d’autres dossiers, c’est certes de la donnée nominative au sens de la CNIL, mais ça n’est tout de même pas très intéressant.
Dans cette acception, je suis à peu près sûr que nous somme tous fichés quelque part par une entreprise ou un ministère.
Le 11/11/2017 à 22h07
Le 12/11/2017 à 03h45
Tendu
Le 13/11/2017 à 07h39
Le 13/11/2017 à 07h40
Le 13/11/2017 à 15h30
La journaliste n’a pas tout à fait le même statut que la “mécanicienne” ou la “vendeuse chez tati” dans notre organisation politique.
Le 13/11/2017 à 15h43
Le 13/11/2017 à 16h01
Le problème est la protection des sources, fussent-elles des criminels. Il est donc délicat de ficher qui les journalistes rencontrent sans autorisation d’un juge.
Le 13/11/2017 à 17h09
Le 13/11/2017 à 17h22
Le 13/11/2017 à 17h49
La surveillance d”un journaliste doit être plus encadrée, par l’accord d’un juge par exemple. C’est comme les avocats et aussi les parlementaires, mais pas pour la même raison pour ces derniers.
Le 13/11/2017 à 19h31
Le 14/11/2017 à 09h00
Non je ne pense pas, les écoutes téléphoniques c’est Giscard qui les avait interdites (avant que Mitterrand ne les rétablisse en douce) sans petites luttes légales du genre. Parce qu’il était pour les libertés publiques, pas parce que “la justice” avait contraint qui que ce soit.
Sur ce sujet prétendre que ce sont les luttes qui ont donné des acquis est un mensonge (sur d’autres sujets c’est parfois vrai par contre). La protection des libertés publiques doit tout à la mentalité des rares dirigeants qui y étaient attachés (ou au moins attachés au fait d’en faire une gestion transparente disons), sinon par défaut la raison d’état a tous les droits et la justice n’a aucune indépendance dès qu’on touche aux “intérêts supérieurs de la nation”. Giscard c’est aussi la loi “informatique et libertés” au passage, en fait il était très seul à se soucier de tout ça, avant rien ni personne, depuis rien ni personne… donc oui sous Giscard ce genre de petites luttes auraient pu porter, juste il n’est plus président depuis 40 ans. " />
Là ce qui me débecte à l’avance c’est que ça permettra aux religieux habituels de tenir un discours républicain béat sur le fait que “la justice” ça marche et que perso j’en ai ma claque des idiots béats qui croient dans le système parce que en éducation civique on a appris que c’est la vérité " /> C’est un honey pot, c’est évident.
Si ça t’aide à vivre de te dire que ce serait pire sinon faut continuer à croire mais bon, rien de rationnel ne permet de le confirmer.
Le 14/11/2017 à 09h23
Le 14/11/2017 à 12h44
Si je résume ton point de vue, sauf erreur d’interprétation de ma part : on serait libre de commettre des actes illégaux, pourvu que la justice ne s’en mêle pas.
D’après moi, si c’est illégal, il ne fallait simplement pas le faire. Oui ça “jette l’opprobre sur notre pays” (en tout cas, ça ne l’honore pas).
Le 14/11/2017 à 12h51
Voilà, tu as résumé la raison d’être de la NSA : je surveille x, donc je surveille y qui est en rapport avec x de manière régulière.
Le 14/11/2017 à 13h14
Le 14/11/2017 à 14h22
Faire de l’éducation populaire sur l’état Français. Sur le fait que la liberté politique y est très relative et l’a toujours été. Que la “justice” est un leurre dès qu’on touche au pognon et au pouvoir.
Et avec un peu de chance la prochaine fois qu’une révolution française éclatera la population préfèrera un système fédéraliste plutôt que jacobin. Une démocratie plutôt qu’un parlement etc.
Dans l’état actuel des choses le flot de mensonges permanent de la part des légalistes rend l’entreprise laborieuse pour le moins… hors je suis persuadé que les légalistes en question ont tout de même bon fond, sont soumis mais avec une morale constructive.
Si ne n’en étais pas persuadé que des gens peuvent apprendre de leurs erreurs j’irais me cacher dans une ZAD et j’aurais plus internet d’ailleurs je pense " />
Le 14/11/2017 à 15h07
Le 15/11/2017 à 08h34
Le 15/11/2017 à 09h06
Le 15/11/2017 à 09h08
Le 15/11/2017 à 09h24
Le 15/11/2017 à 09h42
Le 15/11/2017 à 10h56
Norvège, suède, islande globalement, plus petites populations, culture “de gauche” socialiste et non républicaine inculte comme en France, culture de droite libérale et patriotisme constructif et non pétainiste/haineux, monarchie sans grand pouvoir, élus sans flot d’argent et très contrôlés. Donc ça marche mieux globalement.
On est pas dans le détail sur les directions politiques prises ces 50 dernières années. Ils ont des prisons qui se vident, des systèmes scolaires qui fonctionnent mieux et une égalité des sexes/genres plutôt enviable (ils partaient de moins loin certes sur ce sujet).
Concernant le danger de militer je vis sur Nantes où ces dix dernières années 4 personnes ont perdu un oeil (dont 3 pas sur des balles perdues), où des centaines de gens ont été criblés d’éclats en plastique de grenades, où la BAC agresse systématiquement des gens pour éroder petit à petit les effectifs en criminalisant. Une ville ou un gamin est paralytique à vie suite à des agressions d’identitaires et où régulièrement l’extrême droite ratonne en quasi impunité (le gamin mutilé à la barre de fer c’est pas passé quand même à la machine à classer sans suite). Je retourne le compliment : Tu vis dans quel monde imaginaire?
Sauf si pour toi militer c’est cotiser à la France insoumise et chez les républicains sinon oui c’est (re)devenu dangereux de militer… et d’ailleurs les manifs sont vides des familles qui y étaient présentes en masse il y a encore 20 ans. Tu te fais gazer ta poussette une fois et tu n’y reviens plus hein…
Le 15/11/2017 à 11h57
Le 15/11/2017 à 16h52
Le 15/11/2017 à 17h03
Le 15/11/2017 à 18h27
Le 15/11/2017 à 19h03
Le 10/11/2017 à 15h57
Le 10/11/2017 à 15h59
La CNIL l’a vu dans le fichier de la DRM.
la direction du renseignement militaire (DRM). Surprise : « cet
examen a révélé que des données concernant Mme Polloni figuraient
illégalement dans les traitements d’informations nominatives mis en
œuvre par cette direction…
Le 10/11/2017 à 16h00
« « Il m’est arrivé trois ou quatre fois de surprendre une filature ou d’être prise en photo pendant un rendez-vous professionnel avec des personnes vraisemblablement surveillées » se souvient-elle dans les colonnes des Jours. » (article Next inpact - suivre le lien inscrit dans le texte en cas de besoin de plus d’info)
Le 10/11/2017 à 16h02
Oui mais j’avais l’impression qu’elle réclamait ses infos en connaissance de cause, qu’elle poussait car elle savait le fichage illicite, ce que la CNIL aurait validé.
Maintenant, il est dredi soir, je n’ai peut-être rien pané " />
Le 10/11/2017 à 16h06
« Il m’est arrivé trois ou quatre fois de surprendre une filature ou d’être prise en photo pendant un rendez-vous professionnel avec des personnes vraisemblablement surveillées » Elle a supposé que ces filatures ont laissé des traces écrites.
Le 10/11/2017 à 16h07
c’est moi ou l’article est compliqué à lire et comprendre ?
Le 10/11/2017 à 16h08
Merci, je me doutais bien que le lien n’était pas que décoratif.
Mais au taf, le proxy m’empeche.
Donc un p’tit résumé sur NXI n’aurait pas fait de mal.
J’irais lire de chez moi.
Le 10/11/2017 à 16h10
C’est entre autre parce que quelque “David” se fatiguent à luter que ce n’est pas pire pour tout le monde.
Tu crois que le ministère n’aimerait pas supprimer tout simplement toute la partie texte de lois qui permet qu’on demande à un magistrat de les embêter, ils adoreraient. Mais il ne peuvent pas ! Non pas grâce au contre pouvoir du parlement, mais plutôt par l’effet de plein de petit David qui se plaindraient partout jusqu’au niveau européen.
Vive les petites luttes !
Le 10/11/2017 à 17h35
Un rapport avec Natacha Polloni ?
Le 10/11/2017 à 17h47
Le 10/11/2017 à 17h50
Le 10/11/2017 à 18h07
M’est d’avis que cette journaliste devrait se poser des questions sur ses “rendez-vous professionnels”, le soucis viens probablement de là.
Le 10/11/2017 à 18h24
Non.
Le 10/11/2017 à 18h25
En même temps, une journaliste qui se contenterai d’aller aux soirées de M. l’Ambassadeur pour s’empiffrer de rochers aux chocolat, ferait-elle son boulot…
Le 10/11/2017 à 18h26
“Journaliste police/justice, obsédée @lesjoursfr. Ex @Rue89, @lesinrocks.”
Joli CV de propagandiste d’extrême gauche, tu m’étonnes qu’ils l’aient fichée !
Le 10/11/2017 à 18h26
Waaa le sous-titre " />
Le 10/11/2017 à 15h36
Réponse de la nouvelle procédure le 36 juillet 2029
Le 10/11/2017 à 15h40
Oh un honneypot pour que les légalistes déversent leur belle énergie à effacer des données probablement dupliquées dans d’autres fichiers non déclarés en maintenant un haut niveau de bonne conscience et de satisfaction “David VS Goliath” dans la population.
A quand un film des rebelles de Fakir sur cette belle histoire pour gentils petits républicains? " />
Le 10/11/2017 à 15h43
" />
Probablement 6 jours après
Le 10/11/2017 à 15h44
On peut même faire toute la procédure, sans rien savoir en retour, sans qu’aucune inscription aux fichiers n’existent, c’est terrible ! Donc, perte d’énergie totale.
Le 10/11/2017 à 15h54
Question con.
Comment la journaliste a su qu’elle avait été fichée ?
Le 10/11/2017 à 18h57
Ha ouais toute de même, pour le coup ça ne m’étonne qu’a moitié, les journalistes penchent très souvent à gauche, certain se croit même investi d’une mission divine.
Le 10/11/2017 à 19h57
Le 10/11/2017 à 20h05
Le 10/11/2017 à 20h11
Je suis d’avis que…
Il m’est avis que…
" />
Le 10/11/2017 à 22h47
Le 11/11/2017 à 00h13
Le 11/11/2017 à 00h29
Courageuse.
Un autre exemple de lutte contre l’impitoyable rouleau compresseur administratif.
Merci Marc
Le 11/11/2017 à 08h03
Vive la démocratie !
Le 11/11/2017 à 10h46
Quel beau pays…
Le 11/11/2017 à 11h21
Le 11/11/2017 à 11h26
La Stasi (ministère de la Sécurité d’État de la RDA, République démocratique allemande - Ministerium für Staatssicherheit) approuverait cet état de faits.
Le 11/11/2017 à 11h32
je suis assez dubitatif face à la situation.
D’un côté, on a des gens qui poussent des cris parce que ‘on’ nous surveille.
Et de l’autre, on a des gens (parfois les mêmes) qui reprochent aux services de renseignement de l’état de ne pas faire assez bien leur boulot et de ne pas empêcher les actions terroristes sur notre territoire.
Du coup, je suis en train de me dire : quoi faire…
Le 11/11/2017 à 11h37
Dans “surveillance illégale”, quel mot est anormal ?
Et 6 ans de procédures, pour un tel résultat : heureusement qu’on vit (encore) en démocratie…
Le 11/11/2017 à 11h45
« Du coup, je suis en train de me dire : quoi faire… »
Surveiller tout le monde pour assurer la sécurité de l’État et préserver l’ordre public. Pourquoi ? Tu préfèrerais, par exemple, qu’on augmente le budget du ministère de la justice et de l’administration pénitentiaire ? Naaannn… ça coûte trop cher, c’est trop long et trop incertain, et les mandats électoraux ne sont que de 5 ans (et tout le monde s’en fout surtout), ça ne servirait à rien.
Le 11/11/2017 à 12h02