Larry Ellison d’Oracle veut une base de données unifiée à l’échelle des États-Unis
Regarde Larry ! Tu vois ce qui se passe ?

Invité du World Governments Summit, Larry Ellison, cofondateur et patron d'Oracle, a appelé de ses vœux la création d'une base de données unique qui rassemblerait l'ensemble des informations utiles à un gouvernement tel que celui des États-Unis.
Le 18 février à 11h00
7 min
IA et algorithmes
IA
Rassembler les données éparses pour gouverner de façon plus éclairée ? Telle est en substance la vision qu'a défendue Larry Ellison, président d'Oracle et quatrième fortune mondiale, le 12 février dernier lors du World Governments Summit de Dubaï. Interrogé, en visio, par l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, il a notamment insisté sur l'intérêt qu'auraient les gouvernements à centraliser l'ensemble des données dont ils disposent au sein d'une base unique, notamment pour entraîner leurs modèles d'intelligence artificielle.
Réunir 3 000 bases de données éparses
Les États disposent aujourd'hui de données particulièrement précieuses dans une optique d'aide à la prise de décision, attaque Larry Ellison. Or ces données, de santé par exemple, échappent aujourd'hui aux capacités d'intelligence artificielle que peut déployer un gouvernement, en partie parce qu'elles sont diffuses, fragmentées entre différents systèmes d'information :
« Ces informations ne sont pas disponibles, mais elles sont précieuses, très précieuses, pour votre pays, parce que vous pouvez utiliser ces données pour améliorer la santé de la population et obtenir de meilleurs résultats pour les citoyens ».
Pour illustrer son propos, Larry Ellison prend l'exemple de son pays, les États-Unis, où les informations utiles seraient aujourd'hui éparpillées parmi quelque 3 000 bases de données. « Vous pouvez canaliser ces données vers une seule base de données unifiée, et c'est ce que nous devons faire, argue-t-il. Ainsi, le modèle de données dispose de toutes les informations dont il a besoin pour répondre à la question, découvrir l'idée et recommander une action ».
Il y aurait là de quoi « révolutionner la façon dont les gouvernements travaillent », s'exclame Tony Blair, avant de relancer son interlocuteur du jour. Cette vision holistique sur la donnée nationale permettrait d'améliorer à la fois la qualité et l'efficacité des services rendus par les administrations publiques, notamment dans la très coûteuse santé, mais aussi de lutter contre la fraude, abonde Ellison.
La démarche suppose toutefois quelques prérequis, à commencer par une infrastructure souveraine dédiée à la gestion de cette donnée unifiée et à l'entraînement des futurs modèles dédiés. « Oracle construit un centre de données de 2,2 GW qui coûtera entre 50 et 100 milliards de dollars », déclare à ce sujet l'homme d'affaires, selon qui ces datacenters doivent impérativement être hébergés par le pays qui les utilise. « Les centres de données, en raison des exigences en matière de confidentialité des données, doivent être situés dans nos pays, faute de quoi ils ne sont pas très utiles ».
Larry Ellison, proche de Donald Trump et « ami » revendiqué d'Elon Musk, figure pour mémoire au premier rang des parties prenantes du projet Stargate, via lequel Washington ambitionne de déployer jusqu'à 500 milliards de dollars d'investissements en direction des infrastructures dédiées à l'IA.
Des données réunies au nom de la performance
Cette idée de réunir et croiser les données pour améliorer les capacités de prise de décision n'a rien de fondamentalement nouveau. Elle apparait dès 2014 dans les recommandations de l'OCDE sur les stratégies numériques gouvernementales (PDF).
Depuis, elle a donné lieu à de multiples rapports qui, par exemple en 2020 (PDF), encouragent le décloisonnement des administrations, la mise en place d'un leadership institutionnel sur la gestion des données, et la conception d'une gouvernance adaptée, propice à susciter la confiance des citoyens concernés.
L'analyse du risque et la lutte contre la fraude (prévention ou détection) y figurent parmi les premières applications concrètes envisagées. « Ainsi, l’interopérabilité des données entre les administrations publiques est indispensable pour permettre aux auditeurs ou aux organismes de lutte contre la corruption de procéder à un recoupement des données à l’aide des bases de données tenues à jour par différentes instances publiques dans le but de repérer les cas de fraude, de gaspillage et d’abus », remarque par exemple l'OCDE dans le rapport précité. L'évocation de ces bénéfices potentiels s'accompagne toutefois systématiquement d'avertissements relatifs à la gouvernance des données associées, ainsi qu'à la question de la confiance.
Si Larry Ellison commence par vanter les mérites de l'IA en matière de planification des cultures, ou de développement de nouvelles souches de riz capables de pousser dans de l'eau salée, c'est bien dans le domaine de l'efficacité qu'il envisage les premiers débouchés de cette approche holistique. Il illustre son propos en faisant référence à Oracle Fusion Financials, la suite de gestion financière éditée par son groupe, dont les outils décisionnels intègrent des briques dédiées à la détection des risques.
« Elle vous aide à acheter, à gérer votre budget, à voir quelles sont les agences qui risquent de dépasser leur budget (...), ce qui vous permet si nécessaire de prendre des mesures correctives. Tout comme vous pouvez savoir à l'avance si votre production agricole va manquer ses objectifs, et s'il faut prendre des mesures à l'avenir ».
Ellison favorable à une surveillance généralisée par IA
Le milliardaire, dont le groupe dispose d'une ligne complète de produits dédiés au secteur public, conclut son intervention sur un appel du pied commercial, adressé en particulier aux Émirats arabes unis : moderniser son infrastructure informatique et préparer cette approche holistique de la donnée nourrie à l'IA, c'est se donner les moyens d'administrer son pays de façon plus efficace.
Larry Ellison n'en parle pas à Dubaï, mais l'IA recèle selon lui d'autres vertus, à dimension sécuritaire, cette fois. Un propos qu'il avait développé en septembre dernier, à l'occasion du traditionnel échange avec les analystes organisé dans le cadre de la présentation des résultats financiers d'Oracle. Il décrivait alors à quel point la généralisation d'une vidéosurveillance assistée par IA améliorerait la qualité de la vie en société.
« La police se comportera de la meilleure façon possible, parce qu'on enregistrera et vérifiera en permanence ce qu'elle fait. Les citoyens se comporteront de la meilleure façon possible, parce qu'on enregistrera et rapportera tout ce qui se passe ». En dépit de ses accents orwelliens, Ellison présentait alors le phénomène comme inéluctable, du fait de la multiplication des caméras dans l'espace public, des sonnettes connectées aux capteurs embarqués sur la voiture en passant par les caméras corporelles portées par la police. Il le qualifiait également d' « irréprochable », passant, un peu vite sans doute, sur les limites inhérentes aux systèmes d'intelligence artificielle, capables aussi bien de biais que d'erreurs...
Larry Ellison d’Oracle veut une base de données unifiée à l’échelle des États-Unis
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Réunir 3 000 bases de données éparses
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Des données réunies au nom de la performance
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Ellison favorable à une surveillance généralisée par IA
Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 18/02/2025 à 11h14
Le 18/02/2025 à 11h15
Bienvenue dans le meilleur des mondes croisé Gestapo ...
Le 18/02/2025 à 11h16
Il me semble que non par définition.
Par contre, oui, elle sont sujettes aux biais et ça les rend dangereuses pour les droits des citoyens, donc pas irréprochables.
Ses idées font peur !
Le 18/02/2025 à 11h20
2) Cette unification est dangereuse de base (quel que soit le régime) et l'est d'autant plus vu ce qui se passe aux Etats-Unis en ce moment. Si l'unification peut apporter des gains en coûts, c'est aussi un excellent moyen de ficher les gens. Il y a eu l'avortement il y a quelques mois, les LGBT ont actuellement de quoi s'inquiéter fortement, avant que le prochain "problème" attaqué ne soit religieux (par ex. l'islam) ou politique
Le 18/02/2025 à 13h39
Le 19/02/2025 à 10h52
Si la seconde guerre mondiale avait eu lieu avec les outils informatiques dont nous disposons aujourd'hui, les événements comme la rafle du vel d'hiv auraient bien plus nombreux et dans une proportion bien plus grande. Déjà que la secondaire guerre mondiale fut une hécatombe, je n'ose imaginer le bilan qui aurait pu être...
Le 19/02/2025 à 16h07
Il a eu la gentillesse dans les cours suivant de dire "alors on va pas utiliser le numéro de sécu pour faire plaisir à monsieur". Y'a 20 ans. Donc aujourd'hui j'imagine ce que ça donne.
On oublie vite.
Le 20/02/2025 à 14h02
Le 20/02/2025 à 14h59
Enseignant-chercheur, il DOIT enseigner, il enseignait un truc sans rapport avec son domaine de recherche, il n'est pas non plus responsable du module d'enseignement... Donc il change les exercices suivants probablement sans recherche pour s'assurer que ce que j'ai dit et correct... "pour me faire plaisir".
Quand j'y repense c'est l'un des rares cas où je ne suis pas monté plus haut pour me plaindre de l'enseignement.
Modifié le 19/02/2025 à 18h39
Tu m'as grillé !!! Caramba !!
(cf mon post plus bas)
Le 18/02/2025 à 11h25
Lire cette phrase m'a fait pensé à cette histoire
« Vous n’allez pas attraper beaucoup de poissons de cette manière » dit l’homme d’affaires au pêcheur « vous devriez travailler au lieu de vous reposer sur la plage ».
Le pêcheur regarda l’homme d’affaires, sourit et lui répondit: « Et qu’est ce que j’y gagnerai? »
« Et bien, vous pouvez utiliser de plus grands filets et attrapez plus de poissons! » répliqua l’homme d’affaires.
« Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répondit le pêcheur, toujours souriant.
L’homme d’affaires répondit: « Vous feriez beaucoup d’argent et vous seriez en mesure d’acheter un bateau qui résulterait par de plus grosses prises de poissons ».
« Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répondit le pêcheur à nouveau.
L’homme d’affaires commença à être de plus en plus irrité par la question du pêcheur.
« Vous pouvez acheter un bateau encore plus gros, embaucher des gens qui travaillent pour vous » dit-il.
« Et qu’est ce que j’y gagnerai ? » répéta le pêcheur.
L’homme d’affaires se mit en colère « Ne comprenez-vous pas? Vous pouvez agrandir votre flotte de bateaux de pêche, parcourir le monde entier et laisser vos employés attraper du poisson pour vous! ».
Encore une fois, le pêcheur demanda, « Et qu’est ce que j’y gagnerai? »
L’homme d’affaires devint fou de rage et cria sur le pêcheur: « Ne comprenez vous pas que vous seriez si riche que vous n’auriez plus à travailler de votre vie! Vous pourriez alors passer le reste de votre vie assis sur la plage à regarder le coucher du soleil. Vous n’aurez plus à vous préoccuper du monde! ».
Le pêcheur, toujours souriant, le fixa, acquiesça et dit « Et à votre avis que suis-je en train de faire maintenant? »
source: https://urls.fr/KYA1o3
Le 18/02/2025 à 11h42
Ça m'a l'air bien tout ça.
Le 18/02/2025 à 11h58
Le jour où il y aura une fuite, et elle arrivera inéluctablement, ça sera champagne à volonté.
Et j'ai comme l'idée que certains pays seront très motivés pour trouver la faille.
Et je ne parle même pas du coût des licence que ce brave homme espère engranger.
Business is business.
Le 18/02/2025 à 13h28
Ah ben si en fait...
C'est quand même eux qui disent que si une de tes VM utilisent Oracle DB tu dois licencier tous les Hosts où PEUT se déplacer la VM
Donc, si tu utilises vSphere (ou autre hein), tous tes Hosts en fait.
Ah, sinon il faut utiliser OracleVM... Ben tiens !
Le 18/02/2025 à 12h19
Le 18/02/2025 à 12h21
Le 18/02/2025 à 13h18
Le 18/02/2025 à 14h15
Le 18/02/2025 à 13h30
Le 18/02/2025 à 16h20
Plus sérieusement ça fait peur, car ils sont vraiment capable de le faire. Oracle deviendrai un gafam (gafamo ?) et le monde orwellien une réalité.
Le 18/02/2025 à 17h53
Le 18/02/2025 à 19h53
* Vu les pratiques business d’Oracle (ex: condamnation pour audits agressifs), ça ne me donne pas confiance.
* Être tributaire d’un fournisseur unique pour sa DB ultra-critique, mais qu’est-ce qu’il pourrait mal se passer? (pas un risque qu’ils leur fasse une VMWare?)
Le 18/02/2025 à 22h03
Parce que chez ces gens là, Monsieur, on n’hésite pas monsieur, on n’hésite pas, non : on prend.
Le 18/02/2025 à 23h48
On appelle ça le technologisme.
Brrr, qu'elles sont dangereuses… Et c'est pour ça que les plus violents les adorent.
Le 19/02/2025 à 08h50
Modifié le 19/02/2025 à 18h53
Après l'épisode 39-40 et la traque des citoyens français d'origine juive, c'est assez mal passé dans l'opinion...
Le ministre de l'Intérieur de l'époque qui avait hérité du projet sur son bureau, un certain Jacques Chirac avait dit un truc du genre :
"oui mais non, ça va pas être possible là..."
Et le rétroacronyme de la mort en plus... très mal parti...
SAFARI
SAFARI: Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et Répertoires des Individus