Les terminaux représenteraient 50 % de l’empreinte carbone du numérique
À consommer avec modération

Luke Conroy and Anne Fehres & AI4Media / Better Images of AI / Models Built From Fossils / CC-BY 4.0
En 2022, les biens et services liés au numérique représentaient 4,4 % de l'empreinte carbone de la France, avec des émissions à chercher à hauteur de 50 % du côté des terminaux, contre 46 % pour les centres de données. C'est ce que révèle la version mise à jour d'une étude Ademe-Arcep d’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France. Elle propose par ailleurs une nouvelle clé de répartition entre les impacts environnementaux liés à la fabrication des terminaux et ceux associés à leur usage.
Le 17 janvier à 09h09
6 min
Société numérique
Société
Le calcul de l'impact environnemental du numérique relève d'une forme de gageure, tant il est difficile de mesurer avec précision le cycle de vie complet d'une chaîne qui, pour l'envoi d'un simple email, va des mines dont sont extraits les matériaux nécessaires à la fabrication des terminaux, jusqu'à l'énergie utilisée pour alimenter les équipements réseau chargés de son acheminement. L'exercice se révèle pourtant nécessaire pour évaluer le poids réel de ce secteur en plein essor et nourrir l'action publique en matière de transition environnementale et de numérique responsable.
Un périmètre mis à jour et étendu
En France, c'est l'équipe combinée formée par l'Ademe et l'Arcep qui s'est attelée à cet épineux dossier, avec une première étude d'impact publiée en 2022, et portant sur les consommations mesurées en 2020. À l'époque, les deux institutions évaluaient à 17,2 millions de tonnes équivalent CO2 les émissions liées à ce secteur, soit 2.5 % des émissions de la France en 2020. Elles estimaient également que la phase de fabrication des terminaux dédiés aux utilisateurs finaux concentrait près de 80 % de leurs impacts environnementaux, contre 20 % seulement engendrés par leur utilisation.
Pour tenter de dresser la carte des impacts du numérique, les chercheurs responsables de l'étude avaient opté pour une segmentation en trois tiers, en envisageant séparément les terminaux utilisateurs (ordinateurs, smartphones, téléviseurs...), les centres de données et le réseau.
Ils admettaient que l'étude présentait certaines limites, notamment parce qu'elle ne prenait en compte que les infrastructures situées en France (logique de production), alors même que de nombreux services en ligne populaires s'appuient sur des ressources hébergées à l'étranger (logique de consommation).
Pour pallier ces lacunes et tenir compte de l'accélération des usages, l'Ademe et l'Arcep ont remis l'ouvrage sur le métier, et procédé à une actualisation de leur étude initiale. La version mise à jour, publiée mi-janvier (PDF), s'appuie d'abord sur des données plus récentes, puisqu'elle envisage les usages de 2022, soit l'année des prémices de l'intelligence artificielle accessible au grand public (ChatGPT a été lancé le 30 novembre 2022).
L'étude intègre par ailleurs trois dimensions supplémentaires : la prise en compte des data centers situés à l'étranger, l'évolution du marché des téléviseurs vers l'OLED et les grandes diagonales, ainsi que des données plus précises sur l'empreinte de la fourniture d'accès à Internet, extraites de la base NégaOctet et complétées par les opérateurs. La démarche reste fidèle à la méthode ACV (analyse du cycle de vie) sous sa forme attributionnelle, sans prise en compte des impacts indirects (effets rebonds).
4,4 % de l'empreinte carbone et 11 % de la consommation électrique
Sur la base de ce périmètre étendu, l'étude estime à 29,5 Mt CO2éq l'empreinte carbone générée sur l'année 2022 par le numérique, « ce qui représente un peu moins que les émissions totales du secteur des poids lourds », remarquent les auteurs.
Les terminaux utilisateurs représentent, selon l'étude, 50 % de cette empreinte carbone. Les centres de données pèsent quant à eux 46 %, en sachant que l'Ademe et l'Arcep évaluent à 53 % la part des usages associés à des infrastructures hébergées à l'étranger. Enfin, le fonctionnement des réseaux de télécommunication (fixes, mobiles ou dorsal, box FAI comprises) équivaudrait à 4 % de l'empreinte totale du secteur.
L'étude propose d'ailleurs de comparer les données de 2022 sur le nouveau périmètre à celles de 2020, mais aussi à celles de 2020 corrigées de l'imprécision liée à la non prise en compte des data centers situés à l'étranger, en réponse à la très complète contre-analyse qu'avait prodiguée le cabinet de conseil Hubblo.

Les deux institutions calculent que le numérique a représenté, en 2022, 51,5 TWh, soit 11,3 % de la consommation électrique française. Une enveloppe qui monte à 65 TWh, en intégrant la consommation des centres de données situés à l'étranger. « À l’échelle d’une personne habitant en France, cela correspond à 434 kg eq. CO2, soit 22 % des émissions soutenables (2 tonnes par personne et par an) », soulignent les auteurs.
La fabrication concentre la majorité des impacts
« On peut également noter qu’une personne mobilise 1,7 tonne de matériaux par an pour son utilisation du numérique », mesure encore l'étude. Elle estime à 117 millions de tonnes la masse totale de ressources utilisées pour produire et utiliser les équipements associés sur un an à l'échelle nationale.
Sur le volet matériel, l'étude s'efforce, comme en 2020, de prendre en compte l'ensemble du cycle de vie, de la fabrication jusqu'à la gestion de la fin de vie. « 60 % des émissions carbone sont liées à la fabrication, à la distribution et à la fin de vie des équipements et infrastructures numériques, et 40 % à l’utilisation ; ce qui signifie que la phase d’usage reste minoritaire », calculent à ce niveau les auteurs.
« Si la part relative liée à la fabrication, ou liée aux équipements diminue, en valeur absolue les émissions augmentent. Cela signifie qu’il faut continuer les efforts pour augmenter la durée de vie des équipements, et réduire le nombre d’équipements numériques. Mais il faut accentuer les efforts au niveau des usages : avec l’arrivée des nouveaux usages (IA générative notamment) qui risque d’entraîner une explosion de la consommation des data centers dans le monde, il faut insister sur l’importance de la sobriété, c’est-à-dire la remise en question de la nécessité de ces usages », conclut l'étude.
Les terminaux représenteraient 50 % de l’empreinte carbone du numérique
-
Un périmètre mis à jour et étendu
-
4,4 % de l'empreinte carbone et 11 % de la consommation électrique
-
La fabrication concentre la majorité des impacts
Commentaires (21)
Abonnez-vous pour prendre part au débat
Déjà abonné ? Se connecter
Cet article est en accès libre, mais il est le fruit du travail d'une rédaction qui ne travaille que pour ses lecteurs, sur un média sans pub et sans tracker. Soutenez le journalisme tech de qualité en vous abonnant.
Accédez en illimité aux articles
Profitez d’un média expert et unique
Intégrez la communauté et prenez part aux débats
Partagez des articles premium à vos contacts
Abonnez-vousLe 17/01/2025 à 09h35
Le 17/01/2025 à 09h54
Le 17/01/2025 à 11h41
Le 17/01/2025 à 13h45
J'en suis à 2 machines passées sous Linux dans mon entourage, une 3eme dans les semaines qui arrivent.
Et sur 3 postes chez moi, 2 sont aussi passés sur du Nux. Pour le 3eme, c'est mon PC principal, j'ai la flemme de tout réinstaller, du coup je laisse encore un peu 10
Le 17/01/2025 à 11h01
Le 17/01/2025 à 11h22
Rien que pour un smartphone (quelques centaines de grammes donc), c'est de l'ordre de 250kg.
Mais il est vrai qu'une définition précise serait bienvenue.
Le 17/01/2025 à 11h30
Si un smartphone fait environs 250Kg, ce serait bien d'avoir un ordre de grandeur d'une TV ou d'un laptop.
Ce serait sympa aussi de savoir ce qu'ils considèrent comme "numérique". Et ce que le tableau de bord de ta voiture entre en ligne de compte par exemple.
Modifié le 17/01/2025 à 12h03
digitalcarbonfootprint
Le 17/01/2025 à 14h59
Le 17/01/2025 à 12h59
Modifié le 17/01/2025 à 16h30
Modifié le 17/01/2025 à 11h33
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2022/7-repartition-sectorielle-des-emissions-de
Cela met la consommation du numérique à 1.36% de l'empreinte carbone française.
Mais cela n'empêchera pas l'ADEME de continuer sa cabale anti numérique. on l'a encore vu récemment
Je m'attends encore à quelque chose de grandiose.
wouah, ils arrivent à donner les français coupables du mix électriques des DC chinois, pas mal.
Le 17/01/2025 à 11h50
Modifié le 17/01/2025 à 12h56
L'empreinte carbone de l'électricité représente 12% de l'empreinte carbone française.
Donc l'empreinte carbone du numérique représente 1,36% de l'empreinte carbone française.
Comment passer de la consommation électrique du numérique à l'empreinte carbone du numérique en douceur. Quelle leçon !
Attention, ne tentez pas ça chez vous, laissez faire les professionnels !!
Le problème est que l'empreinte carbone du numérique ne se réduit pas à sa consommation électrique (comme le dit danarmk).
Et puis je ne vois pas ce qui te fait dire que le texte rend coupables les Français du mix énergétique chinois ...
Le 17/01/2025 à 15h45
Le 17/01/2025 à 18h08
J’ai bien compris ce que dit l’étude et je n’essaie pas de lui faire dire ce qu’elle ne dit pas.
Le 17/01/2025 à 20h27
Le 18/01/2025 à 23h30
Le marché des quotas carbone (qui n'aurait pas de valeur politique sans ACV) justifie parfois de remplacer les droits moraux des personnes physiques par ceux de la personne morale sous couvert de l'objectivité du Germanium face au Géranium.
C'est la prouesse du mot "cycle" dans "cycle de vie". Nous détourner de la conscience du temps au profit de prêtres déguisés en ingénieurs travaillant pour le compte d'organismes de certification ou même d'agences d'état.
[Le cas d'Elon Musk n'est qu'une copie plus voyante du genre Européen, lui-même peu hostile à ce type de conflits d'intérêts]
Le 20/01/2025 à 09h03
Le 19/01/2025 à 08h51
Le 19/01/2025 à 11h26
Eh oui on aura beau retourner le problème dans tous les sens, à la fin c'est forcément le déchet qu'on ne produit pas qui gagne.
On en vient au fameux triangle de l'inaction. Les entreprises doivent faire des modèles plus durables et mieux suivis, les consommateurs doivent faire réparer plutôt que jeter, en profitant des lois sur la réparabilité que les politiques doivent appuyer. C'est pourtant simple!