Député de droite (UMP puis LR) depuis 2012, le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche (ESR), Patrick Hetzel s'intéresse aux questions couvertes par son ministère depuis son entrée en politique. Pourtant, il prend des positions en contradiction avec les connaissances scientifiques : hydroxychloroquine, homéopathie, « wokisme », vaccins, et dérives sectaires...
Succédant à Sylvie Retailleau qui aura passé deux ans au ministère de l'Enseignement supérieur et la recherche (ESR), Patrick Hetzel arrive dans un lieu qu'il connait. Lors de la passation de pouvoir ce lundi 23 septembre, cet enseignant-chercheur en sciences de gestion s'est dit « attaché à cette maison » qu'il avait déjà rejointe en 2008, alors sous la responsabilité de Valérie Pécresse.
Cerveau de la loi d'autonomie des universités
« Les politiques publiques en matière d'ESR et de sciences ne peuvent s'inscrire que dans la durée, il faut savoir rester modeste », ajoutait-il lors de cette passation. Il peut quand même revendiquer d'être le « cerveau » de la loi Libertés et responsabilités des universités (LRU, dite aussi loi d'autonomie des universités) en ayant jeté les bases dans un rapport rendu en 2006 au premier ministre d'alors, Dominique de Villepin. Elle est depuis devenue le socle de la politique universitaire de la droite française et n'a jamais été remise en question par les gouvernements qui se sont succédé.
Cette loi a transféré la responsabilité du budget et des ressources humaines des universités des mains de l'État à celles des directions d'établissements. Mais seize ans après son vote, Virginie Dupont, la vice-présidente du lobby des présidents d'universités France Universités, déplorait la semaine dernière qu' « en 2022, 15 universités étaient en déficit sur leurs comptes financiers. En 2023, il y en avait 30. Pour 2024, il y en a 60 sur 74 qui ont voté un budget initial en déficit ».
Critique de la loi de programmation pour la recherche
En tant que député, Patrick Hetzel ne s'est pas éloigné des questions budgétaires de l'ESR. En 2020, lors du débat sur la loi de programmation pour la recherche (LPPR) pour 2021 à 2030, il dénonçait une « juxtaposition de mesures technocratiques [...] qui ne rassemble pas, ne crée pas de vision partagée » et l' « inexistence d'une vision stratégique ». Il dénonçait un problème de calendrier dans le budget de cette loi pluriannuelle étalée sur 10 ans et non sur 7 et demandait que la recherche française ait « des moyens conséquents dès à présent ».
Il devra pourtant, sans doute, défendre une baisse de ce budget, à moins que le gouvernement ne revienne fortement sur les pistes de dépenses prévues par son prédécesseur. En effet, selon le tiré à part finalement transmis au Parlement et obtenu par nos confrères de Politico la semaine dernière, le budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche pourrait perdre 400 millions d'euros (ESR hors LPPR :- 600 millions d'euros, ESR LPPR : 200 millions d'euros).
Lors de la passation de pouvoir avec Sylvie Retailleau, Patrick Hertzel a aussi rappelé son passage à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de 2017 à 2022, montrant son attachement au débat sur les questions scientifiques. Mais ce n'est pas parce qu'il est lui-même universitaire et passionné des questions de l'ESR qu'il en épouse les consensus scientifiques.
Des positions obscurantistes
Au contraire, sur certaines questions, le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche a parfois pris des positions obscurantistes. Comme l'ont souligné nos confrères de Libération, plusieurs d'entre elles ont été exhumées récemment.
Le 2 avril 2020, par exemple, Patrick Hetzel avait demandé l'autorisation de l'utilisation de l'hydroxychloroquine de l'azithromycine et du Zinc « dans le traitement précoce du COVID et ceci jusqu'à ce que soient connus les résultats des essais cliniques en cours ». Sans aucune preuve d'efficacité à l'époque, le ministre de la Recherche actuel voulait donc autoriser des traitements qui ont depuis été invalidés. Dans cette lettre, comme le pointe Fabrice Frank sur Twitter, il accusait aussi de manière erronée (voir le travail de nos collègues de l'AFP) le Clonazépam, substance active de l'anticonvulsivant Rivotril servant à alléger les souffrances, d'avoir « mis fin » à la vie de patients.
Mi-2021, le nouveau ministre de l'ESR a aussi décrié l'obligation vaccinale en s'appuyant sur la non-finalisation des essais de « phase III ». Comme le rappelle Libération, le ministre de la Santé de l'époque, Olivier Véran s'était exaspéré :
« Ressortir les arguments sur un vaccin qui est en phase III, comme si c’était un vaccin [pour lequel il n’y a] pas de recul… je vous le dis, c’est votre droit parlementaire, [mais] je ne trouve pas ça très responsable. Le vaccin est éprouvé. […] On entend tout et n’importe quoi sur ce vaccin : regardez ce que dit la science, regardez ce que disent les données des laboratoires, les données des organismes publics français, européens, américains et internationaux sur ces vaccins ».
Pourtant, lors de la passation de pouvoir au ministère, Patrick Hetzel a regretté les manquements de l'industrie française en matière de vaccins : « nous avons été collectivement face à une frustration très grande lorsqu'en 2020 nous avons vu d'autres pays avancer sur l'élaboration de vaccins pour lutter à l'époque contre cette pandémie et de nous retrouver au sein du pays de Pasteur sans être en mesure de jouer dans cette cour des grands ».
Contre le déremboursement de l'homéopathie
En 2020, Patrick Hetzel a aussi voulu mettre des bâtons dans les roues du déremboursement de l'homéopathie en co-signant une proposition de loi proposant un moratoire de deux ans. Ce texte justifiait cette mesure par le besoin de continuer « les négociations des plans de sauvegarde de l’emploi des entreprises pharmaceutiques spécialisées dans la production de médicaments homéopathiques ».
En 2021, il faisait aussi partie des députés proposant « l’insertion des médecines complémentaires et plus spécifiquement des médicaments non-conventionnels au sein des nomenclatures de l’assurance maladie » qui « permettrait donc de mieux orienter les patients ». Ce processus de déremboursement avait pourtant été initié suite à la publication en 2018 dans le Figaro d'une tribune de 124 professionnels de la santé.
Comme l'indique l'Express, le nouveau ministre s'est aussi récemment opposé à la loi contre les dérives sectaires.
Patrick Hetzel s'est aussi illustré en signant une proposition de résolution proposant la création d’une commission d’enquête « relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur ». Ce texte reprochait notamment à ses désormais prédécesseures Frédérique Vidal et Sylvie Retailleau d'avoir renoncé à la commande d'un rapport au CNRS sur le « wokisme » à l'université : « l’impuissance politique n’est pas acceptable et le renoncement n’est pas une option », dénonçait-il.
Enfin, sur les questions de numérique et d'IA, qui intéressent plus particulièrement Next et dont il assure de façon inhabituelle la tutelle du secrétariat d'État, Patrick Hetzel semble laisser pour l'instant le dossier complet à Clara Chappaz, n'abordant le sujet dans son discours de passation qu'en le qualifiant de « domaine passionnant ».
Commentaires (14)
#1
(Ce gouvernement de pré-fin du monde, sans rire, c'est à peine croyable... )
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#2.1
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#3.1
La "science gestionnaire", sans aucun doute (et sans déconner!) un résultat de l'université wokiste! Le ver est dans le ver qui est dans le fruit...
Historique des modifications :
Posté le 24/09/2024 à 16h16
"En même temps", comme dirait l'autre, il est "enseignant-chercheur en sciences de gestion"...
La "science gestionnaire", sans aucun doute (et sans déconner!) un résultat de l'université wokiste!
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#4.1
Macron comme tout chef voulant tout contrôler n'a globalement pas attiré des talents qui n'aiment pas travailler avec un type sur leur dos.
Après sa crise et au vu de la durée du CDD qui s'annonce, on arrive au niveau caniveau.
Et Mr 80 voyant l'ouverture bien tôt (pour une fois qu'il voir venir un truc) qui candidate pour achever de nous faire passer de "en marche" a "à l'arrêt"...
Quel cirque!
#4.2
Ils ont fait des règles de trois pour savoir combien de ministres de chaque bord il fallait. Le reste devait être du bonus.
Historique des modifications :
Posté le 24/09/2024 à 20h37
Ils ont fait des règles de trois pour savoir combien de ministres de chaque bord il fallait. Le reste devait être du bonus.
#4.3
Le ministre des affaires étrangères est économiste
Le ministre de l'économie est spécialiste des questions d'energie
La ministre de l'énergie est chef d'entreprise
La ministre de l'agriculture est prof de français
La ministre de l'éducation est médecin
#4.4
#5
#5.1
Là où un gouvernement est une équipe construite pour s'occuper d'un portefeuille précis.
#6
#7