Une imposante étude sur le blocage, le filtrage et le retrait des contenus illégaux a été réalisée à partir des législations de 47 États membres du Conseil de l’Europe. Préparée par l'Institut suisse de droit comparé, elle met sur le même plan la France avec la Russie et la Turquie.
Les différents coups d’accélérateur pour le blocage des sites en France ont porté leur fruit. Dans une étude publiée le 1er juin dernier, notre pays est couronné pour ses différents outils permettant de couper d’une manière ou d’une autre, l’accès à un contenu en ligne.
Ainsi, page 778, notre pays est mis sur un pied d’égalité avec la Russie pour avoir offert aux autorités administratives la capacité de bloquer ou faire déréférencer un contenu, sans passer par l’intermédiaire d’un juge. En Turquie, cette capacité est donnée au gouvernement, notamment au Premier ministre, seulement en cas d’ « urgence ».
Page 780 du même document, l’Institut suisse de droit comparé résume encore la situation : « Dans la plupart des États, ce sont les tribunaux qui conservent le pouvoir d’ordonner le retrait et le blocage d’un contenu. (…) Cependant, dans les pays tels que la France, la Russie et la Turquie, on trouve des autorités administratives avec un pouvoir considérable (…). Elles peuvent avoir le droit dans certaines circonstances, d'ordonner à un intermédiaire technique de supprimer ou bloquer l'accès au contenu incriminé sans autorisation préalable d’un juge ».
De graves inquiétudes sur la liberté d'expression
Dans un communiqué, le secrétaire général du Conseil de l'Europe apporte ce commentaire sur l'étude globale : « Les gouvernements ont l’obligation de lutter contre l’apologie du terrorisme, les images d’abus sexuel commis sur des enfants, les discours de haine et les autres contenus en ligne illégaux. Or, je constate avec préoccupation que certains États ne définissent pas clairement ce qui constitue un contenu illégal. Les décisions sont souvent déléguées à des autorités qui disposent d’une large marge d’appréciation, qu’elles peuvent exercer au détriment de la liberté d’expression. En nous appuyant sur cette étude, nous allons adopter une approche constructive et définir des normes communes pour mieux protéger la liberté d’expression en ligne ».
Toujours selon ce communiqué, les lois antiterroristes, « en particulier, suscitent de graves inquiétudes sur le plan de la liberté d’expression. Bien souvent, ces lois autorisent le blocage, le filtrage ou la suppression de contenus sur la base de motifs formulés de façon vague ou imprécise tels que « extrémisme » ou « propagande terroriste ». Les autorités administratives qui ne sont pas suffisamment indépendantes de l’exécutif sont habilitées à ordonner le blocage de sites web. Cela entraîne parfois des restrictions sur des contenus internet qui ne tiennent pas dûment compte du principe de proportionnalité ».
Blocage judiciaire, blocage administratif
On trouvera ici un panorama des mesures en vigueur en France, et permettant de bloquer un contenu en ligne. Nous le segmentons ci-dessous selon qu’elles passent par les mains du juge ou d’une autorité administrative (un panorama, pays par pays).
Blocage et filtrage ordonnés par l’autorité judiciaire
- Article 6-I-8 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) : l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, aux hébergeurs ou aux FAI « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ». L'article a notamment été utilisé par l'Autorité des marchés financiers.
- Article 706 - 23 du Code de procédure pénale : le juge pénal agissant en référé peut ordonner, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir, l’arrêt d’un site pour les faits constitutifs d’infraction pénale de provocation à des actes de terrorisme (ou d’apologie), du moins lorsque ces faits constituent un trouble manifestement illicite.
- Article 61 de la loi ARJEL : possibilité pour le président de l’autorité des jeux en ligne de demander à un juge le blocage d’accès d’un site non agréé en France (voir un exemple).
- Aricle L336-2 du Code de la propriété intellectuelle : un juge peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier (affaires Allostreaming et The Pirate Bay).
- Article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle : en cas de contrefaçon de marque, le juge civil peut « ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon ».
- Article 9 du Code civil : le juge civil peut prescrire, y compris en référé, toutes mesures « propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ».
Blocage et filtrage ordonnés par l’autorité administrative
- Article 6 I-8 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique : blocage et déréférencement administratifs des sites diffusant des contenus provoquant à des actes de terrorisme ou faisant leur apologie (notre explication)
- Article 6-I de la loi sur la confiance dans l’économie numérique : blocage et déréférencement administratifs des sites diffusant des images constitutives d’infractions pénales à caractère pédopornographique
Commentaires (241)
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C’est Erdoğan qui va encore bien rire
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c’est inquiétant pour la russie et la turquie …
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Tiens, sur le site, on peut avoir les réponses des pays.
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Dans l’absolu pas déconnant , nom différents pour les mêmes objectifs.
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@picatix
Excellent, le commentaire ! " />" />
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Comme quoi on a pas importé que le kebab de la turquie " />
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La construction de ce genre d’article est toujours excellente à décortiquer. " />
Tout d’abord on nous dit que la France est mis sur un pied d’égalité avec la Russie et la Turquie concernant la possibilité pour des autorités administratives de bloquer certains sites.
Et ensuite nous arrive un inventaire à la Prévert qui nous liste tous les articles pouvant conduire au blocage de sites: y compris ceux devant passer devant l’autorité judiciaire…
C’est clair que le ton de l’article eut été clairement moins alarmiste (et moins “vendeur’) si on n’avait cité que les 2 articles qui ont placé vaillamment la France aux côtés de la Russie et de la Turquie: à savoir ceux concernant les blocages potentiels de sites pédoporno et de sites faisant l’apologie du terrorisme…
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Pour ceux qui cherchent, c’est ici, colonne de droite.
Édit : ce serait bien d’ajouter à l’article une analyse de la réponse de la France, le texte n’est pas toujours facile à lire.
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Ce qui serait intéressant c’est de savoir comment la Suisse se comporterait si elle devait être victime d’attentats ce que bien sûr je ne lui souhaite pas…
Mais bon la Suisse donneur de leçon c’est quand même assez drôle je trouve quand on voit à quel point ils magouillent pour planquer (et profiter) du fric des autres…
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En Suisse un attentat, peu probable, les comptes anonymes profites à tous.
Au pire un casse à grande échelle.
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Pourquoi focaliser sur la Suisse ?
C’est le Conseil de l’Europe qui publie cette étude commandée à l’Institut suisse de droit comparé.
Lire seulement l’article NXI est de plus en plus souvent insuffisant.
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Le problème c’est que ces blocages de sites sont très largement plus actifs pour le piratage de film ou musique que dans la lutte anti terroriste, alors que l’on sait qu’Internet est devenu le premier moyens de propagande et de recrutement des groupes terroristes.
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Et si on ajoute l’histoire IOL, c’est qui qui gagne ? Par ce que franchement ce serait bien qu’on gagne quelque chose cette année.
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Ben sur ton lien on lit ça au tout début :
“Un établissement autonome de la Confédération Suisse, rattaché au Département fédéral de justice et police, ouvert au public depuis 1982”
Mais bon, je dis ça, je dis rien car visiblement il ne faut pas critiquer ce si beau pays… " />
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Tu fais référence au döner kebab (döner qui doit vouloir dire sandwich en allemand si je ne m’abuse) qui vient bien d’Allemagne s’est propagé en Europe.
Cependant, le Kebab, qui fait référence à la viande de kebab, lui est bien originaire de Turquie.
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Mouais la Russie je les trouve moins censeurs que la France quand même.
Même rutube censure moins que youtube.
Par contre la Turquie c’est un peu abusé car eux c’est carrément Youtube qu’ils ont censuré.
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Critique la Suisse autant que tu veux, je m’en fiche complètement.
Par contre, c’est hors sujet ici. L’étude est commandée par le Conseil de l’Europe dont le siège est à Strasbourg et qui a pour valeurs :“Droits de l’Homme, Démocratie, État de Droit”.
Une telle étude sur ses 47 états membres est donc parfaitement justifiée.
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après vérification tu as tout à fait raison " />
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Mais oui t’as raison, la France est une odieuse dictature, c’est une évidence !!
Mais c’est vrai, chez-moi dès que j’entends la tondeuse du voisin j’ai peur que ce soit un panzer qui vient pour défoncer ma porte à cause de mes propos outranciers sur NXI… " />
Ils sont venus souvent pour défoncer ta porte chez-toi ? " />
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Votre installation de Windows 10 est prête. Elle commencera dés la lecture de se commentaire terminée.
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Qu’on soit bien d’accord : Je n’ai jamais dit que la France pouvait s’ériger en modèle pour tout mais de là à gueuler à la dictature pour tout et pour rien il y a un juste milieu il me semble.
Et la comparer à la Turquie ou à la Russie en terme de liberté d’expression c’est juste comique enfin si on habite ni en Russie ni en Turquie bien sûr. " />
Encore une fois les mots ont un sens et c’est bien de ne pas les utiliser n’importe comment pour qualifier n’importe quoi.
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J’entends bien, mais il faut comprendre aussi la portée du document, (d’ailleurs je n’ai lu que la partie sur la France du coup je n’ai pas vu où était faite la comparaison) il ne s’agit pas pas de montrer que la liberté d’expression est la même dans les trois pays, mais plutôt de montrer que des éléments relatifs au blocage et au filtrage sur Internet sont communs à ces trois pays (cf l’article).
Par contre on ne peut rien présumer de l’évolution de la liberté d’expression en France à moyen terme, mais c’est plus personnel et ça n’entre pas du tout dans le cadre de l’étude.
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Si tu t’y mets aussi c’est sans espoir… " />
T’as très bien compris ce que je voulais dire, citer des cas (que je considère aussi comme tout à fait regrettables) pour dire qu’on est en dictature c’est pas logique quand on sait ce que sont les vraies dictatures où les gens ne peuvent pas dire le millième de ce qu’on peut dire ici sans risquer leur liberté ou leur vie.
Sache que je suis à 100% pour les manifestations et les actions syndicales actuelles et j’espère qu’ils ne céderont pas au chantage de la coupe d’euro du foot mais de là à gueuler à la dictature, non et 1000 fois non !!
Surtout quand ceux qui gueulent le plus à la dictature sont souvent ceux qui sont prêts à en installer une, une vraie !! " />
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Ah mais en France on a inventé un nouveau concept de dictature : celle où tu peux dire tout ce que tu veux (enfin pas trop hein, tu peux te lâcher sur les arabes mais balancer sur l’exil et l’optimisation fiscale, c’est mal), voter ce que tu veux mais où le gouvernement s’en fout complètement parce qu’il SAIT ce qui est BIEN pour toi. Le “cause toujours” de Coluche, en bref. Todd appelle ça le fascisme rose.
Exporté au niveau européen, ça fait des merveilles. Les Grecs adorent d’ailleurs.
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Bien résumé ! Et c’est d’ailleurs ce qu’on n’a pas arrêté de dire dans le cadre des discussions sur les diverses lois de flicage.
Ce manque de précision et de contrôle laisse la place à l’arbitraire et il convient de le souligner.
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Ouf, les opposants peuvent parler.
Bon, ça ressemble souvent plus à un interrogatoire qu’à une vraie interview.
Et le reste du temps, bonjours le pluralisme. Ah, si les journalistes pouvaient être aussi exhaustifs qu’avec la police ou les représentants du patronat.
Tiens, en parlant de Martinez, on rigole avec les 67% de Français qui ont une mauvaise opinion de lui ?
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Voilà. Il faut retenir que sur les 47 états du Conseil de l’Europe, nous ne sommes que 3 pays qui bloquons sans intervention préalable d’un juge. Cela devrait nous amener à réfléchir : comment font donc les 44 autres pays ?
Pourtant il est facile de faire intervenir un juge très rapidement en référé.
Je te suis particulièrement sur l’apologie du terrorisme qui reste très flou comme notion.
Ce n’est pas la première fois que nous sommes proches de la Turquie quand il s’agit des droits de l’Homme, par exemple au sujet de la garde à vue (notification du droit de garder le silence et assistance d’un avocat pendant toute la garde à vue et pas seulement pendant 30 mn). On disait même que la décision de la CDEH sur la Turquie ne s’appliquait pas chez nous, jusqu’à ce que l’on change d’avis suite à une QPC.
Edit : fôte dorto !
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Et tout cela sous un gouvernement de Gauche. Elle est pas belle la vie.
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Sans blague, cracher sur la Suisse alors que c’est l’institut suisse de droit comparé qui a fait une étude comparative? Bravo!
Cet institut bénéficie d’une grande indépendance, fait un excellent travail et a un rayonnement international. D’ailleurs de nombreux juristes travaillant en France viennent y travailler pour profiter des horaires et de la très bonne offre niveau bibliothèque. une de ses missions est de faire des avis de droit relatifs au droit étranger lorsque l’Etat en a besoin.
En plus il y a beaucoup de juristes d’origine étrangère à la Suisse dans sa composition.
Ce document a été commandé par le Conseil de l’Europe, dont la Suisse est membre. C’est donc tout à fait légitime qu’on ait demandé à l’institut de droit comparé cette étude qui rentre parfaitement dans le cadre de ses institutions.
Après, et c’est hors sujet, c’est ton avis si tu est prêt à sacrifier un droit fondamental pour une sécurité hypothétique tout en te rassurant parce que chez les autres il y a aussi des problèmes (bien qu’à te lire il me semble que tu n’a aucune idée de la transparence au niveau de l’activité de l’Etat en Suisse), libre à toi.
En attendant, en Suisse c’est encore un juge indépendant qui décide de laisser les forces de l’ordre faire de la surveillance.
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