Bernard Arnault interdit à ses employés de parler aux journalistes d’investigation indépendants
La Lettre (ex Lettre A) révèle une « liste noire » de sept médias à qui les employés du groupe LVMH ont désormais « une interdiction absolue de parler » (termes soulignés et grassés dans le mail) : La Lettre, Glitz Paris (également publiée par Indigo Publications), Miss Tweed, l'Informé, Puck (US), Mediapart, Le Canard enchaîné, ainsi que « toutes les autres lettres confidentielles ou pages du même type qui existent ou pourraient être créées ».
Le 18 septembre à 11h39
4 min
Économie
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[Info @lalettre_fr] Bernard Arnault n’est pas fan des articles sur LVMH publiés "en dehors des circuits de communication". Dans un mail interne, le PDG a dressé une liste noire des médias d’investigation auxquels il est absolument interdit de parler ⤵️https://t.co/wVRNOkNfut pic.twitter.com/oAPtMf4b40
— Alexandre Berteau (@aberteau_) September 18, 2024
Dans un mail de « recommandations » adressé en janvier dernier aux 16 membres du comité exécutif du groupe, le milliardaire Bernard Arnault, récemment tombé à la cinquième place des fortunes mondiales, puis remonté à la quatrième, rappelle qu' « en tant que propriétaire de grands médias, nous savons l'importance d'une information fiable et honnête », et que « nous ne pouvons pas prendre ce sujet à la légère » :
« Mais il faut compter avec le fait que les médias recherchent aussi de l'information "confidentielle", venant de sources internes en dehors des circuits de communication que nous avons mis en place dans nos entreprises et qui obéissent à des règles très précises, sans parler des publications orientées, la plupart du temps à caractère négatif, des lettres soi-disant confidentielles, des sites dits d'investigation qui se servent de l'attrait du public pour le luxe pour attirer de manière racoleuse, un nouveau lectorat. »
« Je condamne formellement tout comportement consistant à entretenir des relations avec des journalistes peu scrupuleux », conclut le patron du groupe de luxe, également propriétaire des médias Les Échos, Le Parisien et Radio Classique, rajoutant que « tout manquement à ces recommandations (et cela sera inévitablement connu) sera considéré comme une faute grave, avec les conséquences qui y sont attachées ».
La Lettre relève que les publications visées « ont pour point commun d'avoir choisi un business model sans soutien publicitaire des grands annonceurs », et que « cette indépendance prive nécessairement l'état-major du groupe de luxe de potentiels moyens de pression ».
LVMH, qui est en effet l'un des principaux annonceurs de la presse, est également connu pour faire pression sur les journalistes en cessant d'acheter des publicités dans les médias publiant des enquêtes déplaisant aux intérêts du groupe.
LVMH s'était également illustré pour avoir espionné François Ruffin et son journal Fakir pendant au moins un an, caviardé Wikipedia, et payé le cabinet d'intelligence économique Avisa Partners pour publier « un article pour dézinguer François Ruffin », comme l'expliqua un lanceur d'alertes à Fakir. Cet aveu déclencha le scandale des faux contenus journalistiques également révélé par Mediapart, et valut à Next, Arrêt sur Image, l'ADN et Reflets d'être poursuivis en Justice, Avisa nous accusant d'avoir relayé leurs articles.
- Fakir et Mediapart révèlent une entreprise (française) de désinformation massive
- Next INpact attaqué en justice par Avisa Partners
Avisa ayant finalement retiré sa plainte, le tribunal judiciaire de Paris a estimé qu'il n'avait donc pas « eu un comportement abusif ». Ce pourquoi nous avons fait appel, estimant qu’il s'agit clairement d’une procédure-bâillon à notre encontre et que ces pratiques représentent un danger pour la liberté de la presse. La date des plaidoiries est fixée au 16 octobre, le délibéré quelques semaines plus tard.
Le 18 septembre à 11h39
Commentaires (45)
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Abonnez-vousLe 18/09/2024 à 11h47
Le 19/09/2024 à 19h28
Le 20/09/2024 à 00h47
les publications visées « ont pour point commun d'avoir choisi un business model sans soutien publicitaire des grands annonceurs », et que « cette indépendance prive nécessairement l'état-major du groupe de luxe de potentiels moyens de pression ».
Même s'il n'y a plus de publicités après 20h, France 2 n'a pas un business model sans soutien publicitaire des grands annonceurs donc reste sensible aux fameux moyens de pression (la rétorsion publicitaire).
Le 18/09/2024 à 11h56
Le 18/09/2024 à 12h15
C’est bien de rappeler l’espionnage de Ruffin et que vous avez une procédure en cours avec eux.
Soutien !
Le 18/09/2024 à 12h39
Toutes les entreprises savent qu'elle passe des heures à poser les mêmes questions tant qu'elle a pas eu la réponse qu'elle voulait.. dans les écoles de journalisme les profs la considère comme le cas d'école à éviter absolument...
je comprends même pas qu'elle ait une carte de presse.. elle est mille fois pire que Quotidien, déjà en liste noire de tous les partis..
Le 18/09/2024 à 13h33
Le 18/09/2024 à 14h38
A éviter ? Si tu veux bien te faire voir par les milliardaires, peut-être. Faudrait surtout pas se fâcher avec Bolloré, Arnault et autres Drahi... Et après on s'étonne que les journalistes soient consensuels.
Le 20/09/2024 à 14h39
Modifié le 18/09/2024 à 17h56
...Dans les écoles de journalisme ? Vraiment ? Tu as des sources ?
Quotidien en liste noire ? Ce serait plutôt le contraire : aux dernières nouvelles, ils ont décidé de ne plus inviter en plateau de femmes ni d'hommes politiques, sauf s'ils sortent des livres (ET qu'ils ne sont plus sur le "marché").
Que des extrémistes de tous bords détestent cette émission, c'est plutôt normal, c'est le jeu ma pauvre Lucette... De plus, personne n'est obligé de la regarder...
Le 19/09/2024 à 00h46
Le 19/09/2024 à 19h21
Le 18/09/2024 à 13h46
Certes, ce type de média permet de fédérer une communauté de lecteurs assidus, mais faut accepter les contraintes qui vont avec. A savoir que leurs têtes de Turc n'ont pas envie de leur parler.
Le 18/09/2024 à 13h50
Le Canard par exemple n'est pas militant.
Le 18/09/2024 à 14h11
Le 18/09/2024 à 15h04
Ça peut être des médias qui n'ont pas envie de se faire chier à gérer une régie, ou qui ont suffisamment d'abonnés pour s'en passer, avec un ticket moyen important par exemple, où tu ne veux pas ruiner l'expérience de profils un peu premium.
Rappelons également à toutes fins utiles qu'un annonceur est présent sur Next, bien que discret, il est sur toutes les pages dans le footer.
Le 18/09/2024 à 17h26
Le 18/09/2024 à 17h36
No offense taken, ironie ou pas, je suis toujours content de répondre à ces questions !
Le 18/09/2024 à 22h16
Le 18/09/2024 à 15h27
Je n'ai pas dis que ces médias ne sont pas militants, certains ont un discours militant sur ce point (comme Next) mais le simple fait de ne pas mettre de pub ne les rends pas militants.
À ce niveau-là, Gulli est militant anti-films non prévus pour les enfants parce qu'ils ne mettent que des émissions pour enfants. Quand bien même j'ai jamais vu de communiqué de presse de Gulli se positionnant contre ces films.
Également, le militantisme peut être spécifique : tu peux te battre contre le fonctionnement de la pub sans pour autant soutenir un parti politique ou sans avoir d'autres combats. C'est le cas de la plupart des associations : RSF soutient une presse libre, ils défendent pas un parti en particulier (tout au plus ils se placent contre les propositions politiques des partis qui veulent restreindre la liberté de presse).
Pareil, si on viens chercher la petite bête tous les médias sans exceptions sont militants sur un point précis (les médias qui mettent de la pub sont des militants pro-pub ? 😱)
En l'occurrence, Next est militant (au sens propre, ils se battent, en justice) contre les procédures-baillons.
Je vais de ce pas résilier mon abonnement et arrêter de lire leurs articles parce que LFI aussi est contre les procédures-baillons donc Next est militant pro-LFI ! 😡
Modifié le 18/09/2024 à 17h30
Le 18/09/2024 à 18h10
...
...Je parle du mot militant, bien entendu.
Le reste me chaut moyennement... Très moyennement...
Le 20/09/2024 à 08h43
Le 20/09/2024 à 10h48
Le 20/09/2024 à 11h17
De fait, vous allez avoir un mal de chien à accéder aux médias, créneaux et émissions grand public... Quelle galère... J'en connais un énorme paquet comme ça...
Le 18/09/2024 à 14h29
Franchement, mettre sur le même plan des journalistes qui font fuiter des documents internes et des patrons qui disent explicitement que tu te feras virer si tu parles ( parles ! ) à des gens qui sont sur une liste noire du dit patron, c'est au mieux très léger intellectuellement, au pire de la désinformation crasse.
Le 19/09/2024 à 13h42
Le 18/09/2024 à 14h44
Modifié le 18/09/2024 à 15h37
C'est exactement la même chose que les clauses illégales dans les baux locatifs (clause "pas d'animaux de compagnie" ou clause "interdiction de loger quelqu'un") ou les contrats de travail (clause de non-compétition après fin du contrat par exemple). Interdites mais présentes dans la plupart des contrats pour faire peur soit aux gens qui ne le savent pas, soit aux gens qui le savent mais n'ont pas les moyens ou la volonté d'aller au litige.
Attention quand-même, le secret professionnel et la loyauté sont quand-même requis. Donc quelqu'un qui vient critiquer gratuitement son entreprise dans les journaux peut être sanctionné. La loi protège toutefois particulièrement les lanceurs d'alertes, qui ont le droit de révéler aux journalistes sous certaines conditions des documents confidentiels attestant que leur entreprise fait quelque-chose d'illégal.
Le 18/09/2024 à 16h14
Par contre, elles sont très encadrées. Grosso modo, il faut qu'elles soient temporaires, localisées (géographiquement), spécifiques à une activité donnée, et qu'elle est ouvre à une compensation financière lors de la fin du contrat.
S'il manque un élément, elle est effectivement considérée comme abusive et donc non écrite par la jurisprudence.
Le 18/09/2024 à 22h41
A chaque fois c'était un template préfabriqué selon les aveux de mes contractants.
La loyauté... Non désolé pas de loyauté professionnelle, qu'ils prennent un chien.
Le 19/09/2024 à 12h32
Le 19/09/2024 à 13h30
Effectivement inscrit en dur depuis 2016, d’où ma méconnaissance.
République Française
Le 19/09/2024 à 15h16
Quand on bosse ensemble dans le cadre d'un contrat (le contrat de travail ici), il est normal que les parties s'entendent pour une forme de respect et de loyauté dans le cadre de leurs relations. Si tu as un salarié qui ne respecte pas cette condition - à la libre interprétation d'un juge le cas échéant - comment faire pour continuer à travailler sereinement avec ?
Le droit du travail protège l'emploi du salarié, à condition qu'il soit loyal à l'entreprise, normal.
Si dans le cadre de ses fonctions un salarié a accès à des informations qui mettent son employeur en difficulté, il ne peut en faire état à l'extérieur de l'entreprise, ce serait déloyal (et je ne parle évidemment pas ici de choses illégales, juste des milliers de choses qui ne sont pas parfaites en interne dans toute organisation et qui peuvent nuire à sa réputation, tout particulièrement si la fuite est partielle et orientée).
Je lis parfois ici une forme de mépris de principe pour l'entreprise, et/ou pour l'employeur.
Tout l'équilibre économique de notre société - y compris le vôtre, quelle que soit votre situation personnelle - repose sur des entreprises qui fonctionnent et génèrent de la valeur (et composées de personnes très diverses et associées dans l'effort), valeur dont tout le monde profite (plus ou moins équitablement certes, mais ça ne change rien à la nécessité d'un contrat de base qui soit équilibré au départ).
My 50 cents.
Le 19/09/2024 à 16h27
Après je le disais, la loyauté légale a quand-même une limite : la légalité.
Tu bosses dans une entreprise et tu te rends compte qu'elle fait des choses abominaffreuses, tu as légalement le droit de lancer l'alerte. Et la loi te protège là-dessus, on ne peux pas te virer (même si, étonnamment, après avoir lancé l'alerte les gens démissionnent souvent).
Et même en réalité c'est plus large que la simple légalité, si tu te rends compte que ton entreprise fait des choses carrément immorales mais pas illégales (en profitant d'une faille dans une loi par exemple), tu peux également lancer l'alerte. Après c'est au juge de déterminer si c'était légitime ou pas.
Le 19/09/2024 à 16h50
Ce qui me choque ce sont les termes. Ils sont très forts.
J'associe la fidélité et la loyauté aux êtres vivants, avec parcimonie.
Tu le dis toi-même une "forme" de respect et de loyauté.
Mais jusqu’où cela peut-il dégénérer ?
Le 18/09/2024 à 15h45
Modifié le 19/09/2024 à 08h53
les publications visées « ont pour point commun d'avoir choisi un business model sans soutien publicitaire des grands annonceurs », et que « cette indépendance prive nécessairement l'état-major du groupe de luxe de potentiels moyens de pression ».
Edit : j'ai lu trop vite et écrit une connerie...
Le 19/09/2024 à 08h36
Le 19/09/2024 à 08h52
Merci.
Le 18/09/2024 à 17h38
Le 18/09/2024 à 18h40
Modifié le 20/09/2024 à 23h52
A mon sens, il n'a aucun droit de restreindre la liberté de parole à qui que ce soit si n'est lui-même.
Il pourrait seulement interdire la transmission de certaines informations relative à ses entreprise, mais pas d'interdire de parler sans distinction de contenu..
Si quelqu'un avec des compétences juridique passe par là, je suis preneur :)
Le 02/10/2024 à 13h18
Modifié le 02/10/2024 à 13h46
Je vois une liste de 7 médias et deux citations qui les qualifient:
* "sites dits d'investigation qui se servent de l'attrait du public pour le luxe afin d'attirer de manière racoleuse un nouveau lectorat".
* "Je condamne formellement tout comportement consistant à entretenir des relations avec des journalistes peu scrupuleux",
Personnellement, à la lecture de la liste, j'aurais plutôt quallifié les médias en question de borgnes plutôt que d'indépendants (mais ça c'est personnel). Je ne vois pas d'où sort l'extrapolation/interpréation "journaliste indépendant".
La liste est beaucoup trop courte, et trop orientée,pour en faire une généralité. Un journalisme d'investigation peu scrupuleux se servant de l'attrait du public pour le luxe afin d'attirer de manière racoleuse un nouveau lectorat, ne me semble pas, non plus, être une bonne définition pour "indépendant".
Bref, soit le titre est tendancieux (voir manipulateur), soit j'ai loupé quelque chose.