Il y a 50 ans, la seconde passait officiellement de l’échelle astronomique à l’échelle atomique
C'était une révolution
Le 13 octobre 2017 à 14h32
6 min
Sciences et espace
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Le temps, une notion simple et pourtant si complexe. Comment a-t-on défini la durée exacte d'une seconde, et en quoi est-ce important ? Cela fait 50 ans aujourd'hui que le Bureau international des poids et mesures lui a donné sa troisième et dernière définition en date. Retour sur cette quête de la précision.
Le 13 octobre 1967, une petite révolution s'est déroulée pendant la treizième conférence générale des poids et mesures : la définition de la seconde a été remplacée. Elle est depuis restée et c'est la suivante : « La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 133 ».
La raison de ce changement était simple à l'époque : la précédente définition ne proposait pas une précision suffisante par rapport « aux besoins actuels de la métrologie ».
La seconde est l'une des sept unités du Système International
Commençons par enfoncer une porte ouverte : cette unité permet de mesurer une durée. Le temps est défini en seconde et c'est d'ailleurs l'une des sept unités de base du Système international avec le mètre, le kilogramme, l'ampère, le kelvin, la mole et la candela. Il existe évidemment des multiples de la seconde. D'un côté la milliseconde, microseconde, nanoseconde qui sont respectivement 1 000, 1 000 000 et 1 000 000 000 fois plus petites. De l'autre, les unités couramment utilisées sont la minute, l'heure et le jour.
La seconde est donc au cœur de notre vie. Elle régit par exemple nos emplois du temps, mais cela va bien plus loin encore. La notion de temps est par exemple primordiale pour les systèmes de géolocalisation (GPS, Galileo, etc.) qui ont besoin d'une synchronisation d'une très grande précision afin de mener à bien leur mission.
D'abord fraction d'un jour solaire, puis d'une année...
À l'origine, la seconde était définie comme étant 1 / 86 400e du jour solaire moyen. D'ailleurs, un calcul simple permet de comprendre de quoi il en retourne. Dans une journée il y a 24 heures, 60 minutes par heure et 60 secondes par minute : 60 * 60 * 24 = 86 400, ce n'est évidemment pas un hasard.
Problème, la notion de jour solaire moyen n'est pas très précise, d'autant que la rotation de la Terre est irrégulière. La mesure du jour solaire moyen était alors laissée à l'appréciation des astronomes.
En 1960, lors de la 11e conférence générale des poids et mesures, une deuxième définition lui a été donnée : « La seconde est la fraction 1/31 556 925,9747 de l'année tropique pour 1900 janvier 0 à 12 heures de temps des éphémérides ». Au lieu d'un jour solaire moyen, l'idée était de prendre l'ensemble d'une année pour définir une seconde.
Si l'on suppose qu'une année fait environ 365,25 jours (le quart restant correspond aux années bissextiles revenant tous les quatre ans), on retombe là encore sur nos pattes (ou presque, à cause des approximations et des irrégularités justement) : 365,25 * 86 400 = 31 557 600, un nombre relativement proche du quotient de la fraction de la deuxième définition de la seconde.
La précision était certes meilleure, mais là encore on utilisait toujours les astres (et leurs irrégularités) pour définir la notion du temps.
... elle est désormais le multiple des vibrations d'un atome de césium
En 1964, un changement radical s'opère afin d'améliorer la précision de la seconde. Le Comité international des poids et mesures « a désigné pour répondre à ces besoins un étalon atomique de fréquence à césium ». En 1967, il a été décidé qu'il était « suffisamment éprouvé et suffisamment précis pour servir à une définition de la seconde répondant aux besoins actuels », une nouvelle définition de la seconde était adoptée.
Comme nous l'avons expliqué, il s'agit désormais de la durée de 9 192 631 770 vibrations d'un atome de césium (à 0 K depuis 1997). La seconde est ainsi passée « officiellement de l'échelle astronomique à l'échelle quantique » explique le CNRS.
Aujourd'hui, il existe plusieurs centaines d'horloges atomiques dans le monde. L'ensemble des mesures est centralisé et synchronisé au bureau international des poids et mesures en banlieue parisienne. Il se charge de distribuer le temps universel coordonné (UTC).
D'autres horloges encore plus précises sont en préparation
Si les meilleures montres à quartz ont une précision d'une seconde sur une période de 100 ans environ, Il faut une centaine de millions d'années avec les horloges atomiques au césium pour atteindre un tel décalage. Mais d'autres, encore plus précises, sont déjà en préparation, à base d'autres éléments chimiques comme l'ytterbium et le strontium. Les vibrations sont des milliers de fois plus rapides qu'avec le césium, permettant en théorie d'améliorer la précision.
Jérôme Lodewyck, chercheur à l'observatoire de Paris qui travaille sur une horloge atomique à base de strontium, explique que sa machine est « plus précise, mais aussi plus jeune ; il faut qu'elle gagne en maturité ». On change encore d'échelle puisque son horloge serait capable de garder une précision de l'ordre de la seconde pendant 10 milliards d'années.
Mais quel intérêt d'avoir des horloges toujours plus précises ? Le chercheur donne une piste : « grâce à des horloges qui mesurent des échelles de temps très très précises, on peut observer de tous petits défauts dans la physique actuelle et valider des théories ».
Mi-2018 (et après plusieurs années de retard), l'ESA a prévu d'envoyer sur la Station Spatiale Internationale son instrument Pharao. Il s'agit d'une horloge atomique avec une précision accrue (une seconde de déviation tous les 300 millions d'années environ). Cela permettra de vérifier les effets prédits par la théorie de la relativité générale.
Terminons enfin par une réflexion plus philosophique que physique de l'astrophysicien Marc Lachièze-Rey (enseignant à l'École Centrale Paris, théoricien en cosmologie au CNRS) : « le temps n'existe pas, mais évidemment si on veut dire que le temps n'existe pas, il faut plus ou moins savoir ce qu'on appelle le temps. L'idée que je défends c'est que le temps ce n'est pas du tout une notion simple, ce n'est pas du tout une notion première, mais c'est une notion composite ». Même son de cloche pour Étienne Klein, physicien et spécialiste du temps au CEA : il s'agirait d'une « chose introuvable dont tout le monde parle, mais que personne n’a jamais vue ».
Il y a 50 ans, la seconde passait officiellement de l’échelle astronomique à l’échelle atomique
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La seconde est l'une des sept unités du Système International
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D'abord fraction d'un jour solaire, puis d'une année...
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... elle est désormais le multiple des vibrations d'un atome de césium
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D'autres horloges encore plus précises sont en préparation
Commentaires (80)
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Abonnez-vousLe 13/10/2017 à 14h44
Très intéressant !
Le 13/10/2017 à 14h45
Et la SNCF ils ont quelle horloge ? " />
Le 13/10/2017 à 14h46
Pour ceux que ça peut intéresser, e-penser a fait toute une série de vidéos sur les unités du SI.
Le 13/10/2017 à 14h56
Sortir ce genre d’article au moment on est fixé sur la montre, prêts à partir en week-end ! " />
GG en tout cas " />
Le 13/10/2017 à 15h03
Le 13/10/2017 à 15h06
Le 13/10/2017 à 15h08
Y’a un truc que je pige pas. Si 1 seconde = 9 192 631 770 vibrations d’un atome de césium, comment peut-on dire que la mesure de la seconde est imprécise et va se décaler d’une seconde tous les 100 millions d’années ?
C’est comme dire qu’une seconde est égale à une seconde et ajouter ensuite qu’en fait elle n’est pas encore tout à fait égale à elle-même et va se décaler dans le temps.
Avoir besoin de précision quand il faut mesurer des temps inférieurs à une vibration d’atome de césium, je suis d’accord, mais de là à dire que ça se décale au fur et à mesure, j’ai du mal à comprendre.
Le 13/10/2017 à 15h08
Le 13/10/2017 à 15h12
il s’agirait d’une « chose introuvable dont tout le monde parle, mais que personne n’a jamais vue »
Et dont tout le monde manque :)
Le 13/10/2017 à 15h13
La prochaine révolution dans la définition des unités Si sera pour l’année prochaine : 4 (kilogramme, kelvin, mole et ampère) des 7 unités vont être transformées en constantes. Le futur article sur le sujet risque d’être long !
Le 13/10/2017 à 15h13
Le 13/10/2017 à 15h17
Mais quel intérêt d’avoir des horloges toujours plus précises ? Le chercheur donne une piste : « grâce à des horloges qui mesurent des échelles de temps très très précises, on peut observer de tous petits défauts dans la physique actuelle et valider des théories ».
Effectivement.
Si on arrive a détecter des ondes gravitationnelles (qui sont probablement les trucs les plus fous qu’on arrive à détecter), c’est grace à l’amélioration des outils et notamment de la mesure du temps
Le 13/10/2017 à 15h20
…l’astrophysicien Marc Lachièze-Rey (enseignant à l’École Centrale Paris, théoricien en cosmologie au CNRS) : “ le temps n’existe pas…”
C’est pas ce que mes cheveux gris de plus en plus nombreux me disent tous les matins dans le mirroir." />
Le 13/10/2017 à 15h20
Le 13/10/2017 à 15h22
Ok merci. Je n’avais pas pensé à la marge d’erreur de l’instrument de mesure.
Le 13/10/2017 à 15h22
Au moins il t’en reste ! " />
Le 13/10/2017 à 16h35
C’est pas la latence du signal le problème. Au contraire, le principe même du GPS c’est de mesurer la latence pour en déduire la position.
C’est d’une part la précision du récepteur (des histoires de capacité de mesure de différence de phase pour les plus précis, me demande pas les détails), qu’on peut imaginer améliorer avec le temps, mais aussi, et c’est là que restera la limite à long terme, la météo. Les signaux radio ne vont pas à la même vitesse selon les propriétés de l’air (température, hygrométrie…) entre le satellite et le récepteur, ce qui crée des imprécisions dans la mesure.
Pour aller au-delà, il faudrait pouvoir connaitre l’état de toutes les couches d’air sur l’ensemble de l’atmosphère, cad avoir accès à des données météos ultra-précises sur tous les récepteurs GPS.
Aujourd’hui, on n’a pas ces données, c’est même plutôt l’inverse qu’il se passe : des exploitants de systèmes de positionnement remontent des infos aux météorologues (ils ont des stations dont la position est très précisément connue, ils arrivent donc à déduire des infos sur l’atmosphère à partir des erreurs de mesure de leurs GPS)
Le 13/10/2017 à 16h43
Ça sert à recaler les erreurs dans l’autre sens.
Le 13/10/2017 à 16h48
Le 13/10/2017 à 16h50
Le 13/10/2017 à 16h51
Le 13/10/2017 à 16h58
Le 13/10/2017 à 17h01
Le 13/10/2017 à 17h03
Le 13/10/2017 à 17h05
Le 13/10/2017 à 17h06
Le 13/10/2017 à 17h15
Le 13/10/2017 à 17h37
Le 13/10/2017 à 17h43
Le 13/10/2017 à 17h52
Le 13/10/2017 à 18h26
Le 13/10/2017 à 18h30
Le 13/10/2017 à 18h54
La (mauvaise) précision du GPS c’est pas du à un verrouillage volontaire ? J’ai souvenir, quand j’avais fait il y a une quinzaine d’années un enregistreur de trajet utilisant le GPS, qu’il existait 2 niveaux de précision, le moins précis en clair et accessible à tout le monde, et le plus précis en crypté et utilisable seulement pour des applications militaires. La seule solution pour faire mieux était donc de faire comme dit par KP2, corriger avec l’aide de stations fixes au sol dont les coordonnées exactes sont connues.
Mais ce sont de lointains souvenirs, pas très nets, et ça a pu changer depuis.
Le 13/10/2017 à 19h05
Le 13/10/2017 à 19h11
Le 13/10/2017 à 19h23
Le 13/10/2017 à 19h26
Le 13/10/2017 à 19h39
Je vois plusieurs fois ce +/-0.5; pour moi rien n’a précisé la marge d’erreur à part que vous vous focalisez sur l’unité d’un nombre.
Moi déjà de qui me surprend c’est que ce nombre tombe rond à la dizaine prêt, louche.
En fait ce nombre a 9 décimales chiffrées (ce qui est déjà énorme!), et vous partez tous sur l’hypothèse que les 10 décimales sont sa graduation de précision.
Bref, je supputerai facile un +/-10 vibrations moi.
" />
Le 13/10/2017 à 19h40
Le 13/10/2017 à 19h46
Le 13/10/2017 à 19h48
Le 13/10/2017 à 19h51
Le 13/10/2017 à 20h06
Le 13/10/2017 à 20h10
Le 13/10/2017 à 20h36
Le 13/10/2017 à 20h43
D’ailleurs en continuant la lecture de wikipédia :
Il est possible d’exclure certaines explications sur les divergences observées. Le BIPM explique, par exemple, que la divergence dépend plus du temps écoulé entre les mesures que du nombre de fois où les prototypes ont été nettoyés ou d’un changement possible dans la gravité locale ni de l’environnement30
Le 13/10/2017 à 20h51
Le 13/10/2017 à 20h54
Je crois que je me suis mal exprimé.
La question : « Ça voudrait dire que la référence n’est pas la vibration de l’atome de césium, mais autre chose. Alors quoi exactement ? » était purement rhétorique. La définition de la seconde est précise à l’unité de vibration de l’atome de césium, pas une fraction de plus ou de moins. C’est comme ça que la seconde est définie aujourd’hui, et ce nombre est arbitraire. ^^
Cette définition sera probablement encore modifiée dans l’avenir pour augmenter sa précision, mais elle devrait rester très voisine de celle actuelle afin de ne pas “invalider” les horloges atomiques actuelles au césium.
Nenyx l’a mieux expliqué que moi sur son post #26. Voir aussi le post #32 de Zerdligham.
Le 13/10/2017 à 15h24
Le 13/10/2017 à 15h25
Le 13/10/2017 à 15h27
Le 13/10/2017 à 15h35
Le 13/10/2017 à 15h45
Le 13/10/2017 à 15h47
Le 13/10/2017 à 15h48
Le 13/10/2017 à 15h53
Je me pose la question, est-ce que créer des horloges atomiques plus précises peut théoriquement améliorer la précision d’un gps (en supposant que le matériel électronique ou optronique soit au top également, d’où le théoriquement) ?
Le 13/10/2017 à 15h55
Le 13/10/2017 à 15h55
Le 13/10/2017 à 16h04
Oui et non
Oui parce que plus les horloges sont précises, et meilleure sera la précision.
Non parce qu’on peut déjà obtenir une excellente précision avec les satellites actuels. Jusqu’a moins d’1 centimètre pour certains matériels.
Le 13/10/2017 à 16h06
La seconde est la période de temps qui sépare la fin de la première seconde et le début de la troisième.
Tout le reste, c’est du flan.
Le 13/10/2017 à 16h19
Le 13/10/2017 à 16h21
365,25 jours (le quart restant correspond aux années bissextiles revenant tous les quatre ans)
Mais qu’est ce que font des exceptions des 100 et 400 ans ? " />
Le 13/10/2017 à 16h25
Le 13/10/2017 à 16h25
Le 13/10/2017 à 23h06
du coup, je ne comprends pas pourquoi exactement “ 9 192 631 770 vibrations”, pourquoi pas 9 192 631 771 ?
Le 14/10/2017 à 08h06
Le 14/10/2017 à 10h04
Sa définition est telle (1 seconde = 9 192 631 770 vibrations d’un atome de césium), mais on ne sait pas le mesurer de manière absolument fiable. On le mesure avec un peu difficulté.
Le 14/10/2017 à 11h00
Le 14/10/2017 à 11h02
Le 14/10/2017 à 12h59
Le 14/10/2017 à 13h05
Mais les récepteurs grand-public utilisent déjà des système d’augmentation, comme Egnos en Europe.
Alors oui, le RTK utilise des stations de base, mais il n’y a pas que ça. Le PPP permet de descendre sous le centimètre en utilisant 2 fréquences (L1 + L2), la porteuse de ces signaux, ainsi que les données corrigées a postériori des orbites des satellites. On commence aussi à trouver des récepteurs utilisant une nouvelle fréquence (L5) présente sur les satellites Galileo et les nouveaux satellites GPS.
L’utilisation de plusieurs fréquences permet de corriger les déviations temporelles liées au différentes couches entre les satellites et nous.
Le 14/10/2017 à 13h40
Le 14/10/2017 à 15h03
depuis que je lis Pc Impact c’ est la première fois que j’ ai trouvé l’ article si intéressant que j’ ai voulu le partager sur Facebook car il s’ attaque à un problème qui existe auquell personne ne pense mais qui est complètement vital pour les sciences du futur. D’ autant plus quand on y lit que la synchronisation des horloges atomiques du monde entier se fait en France. Cela va sans doute ennuyer tous les cs de français qui utilisent trop de termes anglo saxons pensant que le hip et le hop c’ est chez les amerloques. A cette occasion , rappeler que les meilleures écoles mathématiques du monde sont françaises et russes et pas du tout anglo saxonnes.
Le 14/10/2017 à 22h45
Le 15/10/2017 à 15h44
Merci pour les liens. Il faut déjà s’y connaître pour tout appréhender :-) .
Le 15/10/2017 à 16h58
Article très intéressant.
J’ai aussi apprécié ceux de wikipedia sur les unités du SI auxquelles renvoie l’article :
Wikipedia
c’est intéressant d’expliquer et de remonter aux sources des grandeurs que nous utilisons tous les jours !
Le 16/10/2017 à 07h40
Non, il y a barbecue quand il fait beau " />
Le 16/10/2017 à 10h34
“Si l’on suppose qu’une année fait environ 365,25 jours (le quart restant
Mais ça ne suffit pas encore, il faudrait encore supprimer 3 jours tous les 10 000 ans. Et là on est presque bon (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9e_bissextile ; mais ça se décale encore un poil)
Le 16/10/2017 à 12h55
Le 16/10/2017 à 14h17