Vous êtes parlementaire et manquez d'arguments pour vous opposer au blocage administratif ? Pour ce faire, rien de plus simple. Il suffit de se replonger dans la saisine contre la loi LOPPSI 2 rédigée en 2011 par les députés et sénateurs socialistes. Par la même occasion, vous mesurerez combien l'actuelle majorité a abandonné ses convictions passées.
L'article 4 de cette loi LOPPSI 2 votée en 2011 introduisait dans notre droit un blocage administratif des sites selon un dispositif similaire à ce que propose aujourd’hui le ministre Bernard Cazeneuve : des listes de sites à bloquer (pédoporno pour la LOPPSI, terrorisme pour le projet actuel). Si vous doutez de la constitutionnalité de cette mesure, son opportunité ou son efficacité, une mine d'arguments permet d'y voir plus clair. Ils se nichent dans la saisine constitutionnelle des députés PS de 2011 :
- « De nombreux spécialistes de la lutte contre la cybercriminalité s'accordent sur le fait que, qu'il s'agisse de prévenir l'accès par inadvertance ou volontaire aux sites concernés, ces dispositifs de filtrage de sites pédopornographiques sont absolument inefficaces, mais, qu'au contraire, ils contribuent à rendre encore plus difficile la répression de ce fléau, quand ils ne la découragent pas tout simplement ».
- « La littérature sur le sujet est abondante et éclairera utilement votre haute juridiction. Les auteurs de la saisine se contenteront ainsi de rappeler la conclusion sans appel de l'étude d'impact du blocage des sites pédopornographiques établie par la Fédération française des télécoms et des communications électroniques selon laquelle « les solutions de blocage d'accès aux sites pédopornographiques ne permettent d'empêcher que les accès involontaires à des contenus pédopornographiques disponibles sur le web », et qu'en revanche toutes « les techniques de blocage, sans exception aucune, sont contournables et n'empêcheront pas des utilisateurs malveillants de trouver des parades pour accéder aux contenus illégaux ». »
- « Vouloir bloquer les sites pédopornographiques en bloquant l'accès à Internet revient à vouloir bloquer des avions en plein vol en dressant des barrages routiers au sol »
- « Selon la Fédération française des télécoms et des communications électroniques, « dès lors que le blocage sera effectif, les sites spécialisés dans les techniques de contournement vont se multiplier, réduisant ainsi fortement l'efficacité du dispositif » ».
- « Les techniques de contournement, qu'elles passent par le recours à des réseaux privés ou de renforcement des systèmes de cryptage, auront toutes pour effet de rendre encore plus difficile le repérage, et donc, in fine, la répression des criminels à l'origine de la diffusion d'images ou de représentations pédopornographiques. Le blocage est donc non seulement inadapté, mais il est contre-productif. »
- « Tous les contenus diffusés sur des réseaux Peer-2-Peer, ou par des services de messagerie instantanée, échappent au périmètre de blocage, alors même que, comme l'indique également l'étude de la Fédération française des télécoms et des communications électroniques, « ils sont les principaux supports constatés d'échange d'images pédopornographiques » ».
- « Non content d'être inefficace et même contre-productif, ce dispositif s'avérera extrêmement onéreux pour les finances publiques, puisqu'il met à la charge de l'Etat le surcout qui en résultera pour les FAI. Surcout qui ne figure pas dans l'étude d'impact du projet de loi, mais que la Fédération française des télécoms et des communications électroniques a estimé pouvoir aller jusqu'à 140 millions d'euros. Il faudra en outre ajouter le cout en ressources humaines pour la mise en œuvre du dispositif. Or là, et sans plus de précision, l'étude d'impact indique que « cette tâche sera très couteuse en ressources humaines » ».
- « Ainsi, parce que cette mesure est manifestement inappropriée et même contre-productive, et qu'elle pèsera lourdement sur les finances publiques de l'Etat, elle ne répond ni là l'exigence de nécessité inscrite à l'article 8 de la Déclaration de 1789, ni à celle d'un bon usage des deniers publics qui découle de ses articles 14 et 15. »
- « Il n'est bien évidemment pas dans l'intention des requérants de prétendre que l'accès à des sites pédopornographiques relèverait de ladite liberté de communication. En revanche, ils ne sauraient admettre que, faute de garanties suffisantes prévues par le législateur, la liberté de communication via internet subisse des immixtions arbitraires de la part des autorités administratives sous couvert de lutte conte la pédopornographie ».
- « Or ce risque existe bien. En premier lieu du fait que le blocage d'un contenu peut entrainer le blocage d'un site dans son ensemble. Comme l'admet l'étude d'impact annexée au projet de loi initial, « le risque de bloquer l'accès à des contenus qui ne sont pas illicites existe du fait, d'une part, de la volatilité des contenus sur internet et, d'autre part, de la technique de blocage utilisée (blocage de l'accès à la totalité d'un domaine alors qu'un seul contenu est illicite) ». Or il n'existe aucune technique qui permette d'éviter à coup sûr ce phénomène de surblocage. À titre d'exemple, c'est l'intégralité du site Wikipedia qui en Angleterre s'est retrouvé bloqué pendant trois jours en décembre 2008 suite à la tentative de blocage de l'une des pages du site qui contenait l'illustration d'une pochette de disque représentant une mineure nue. C'est dire la disproportion entre le but recherché et le résultat atteint ».
- « Cette liberté [de communication, NDLR] doit être préservée aussi bien dans sa dimension « passive », le citoyen étant alors récepteur de l'information, que dans sa dimension « active », le citoyen étant alors émetteur de l'information ».
- « La possibilité de filtrage ne peut s'analyser en une simple mesure de police administrative dès lors que, comme il ressort clairement des débats devant les deux assemblées, elle implique une appréciation préalable du caractère illicite des images ou représentations en cause, telles qu'elles sont définies à l'article 227 - 23 du Code pénal ».
- « Que l'on songe par exemple à la dernière exposition de Larry Clark qui s'est tenue au Musée d'art moderne de la ville de Paris dont le contenu de certaines photos représentants de jeunes adolescents a donné lieu à une importante polémique. Il est bien évident que selon les sensibilités de chacun, d'aucuns y verront des images manifestement pédopornographiques, là où d'autres n'y verront que le libre exercice d'expression de l'artiste photographe ».
- « Aussi, du fait de l'appréciation qu'appelle le filtrage envisagé sur la nature des images et des représentations en cause, ainsi que des conséquences que cette appréciation pourra avoir sur la liberté de communication dont vous êtes les gardiens, le dispositif envisagé ne pouvait être laissé à la seule appréciation de l'autorité administrative, sans encourir votre censure ».
On se souviendra que, finalement, le Conseil constitutionnel avait exceptionnellement validé ce blocage administratif. Dans ses commentaires publiés dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, il avait justifié la mesure parce que lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs justifie des mesures exorbitantes. « Les dispositions contestées ne confèrent à l'autorité administrative que le pouvoir de restreindre, pour la protection des utilisateurs d'internet, l'accès à des services de communication au public en ligne lorsque et dans la mesure où ils diffusent des images de pornographie infantile » jugeait-il. Bref, il estimait qu’il y avait conciliation non disproportionnée « entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. »
Dans ses cahiers, toujours, il refusait d'envisager une extension du blocage administratif au secteur de la propriété intellectuelle, mais ne disait rien de l’apologie du terrorisme. Cette apologie reste à ce jour un délit d’opinion dont l'examen est bien plus complexe que l'image d'un mineur victime d'abus sexuel. Dans un cas, l'illicité est évidente, manifeste, flagrante. Dans l'autre, elle pose question et nécessite une analyse plus poussée. En 2011, le PS considérait que seul le juge pouvait jauger les contenus pédopornographiques. En 2014, Bernard Cazeneuve considère que les forces de police peuvent apprécier les abus de la liberté d'expression, en évitant soigneusement le juge.
Commentaires (54)
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ils ont disparu les brard, billard et autres hérauts de la Résistance ? weird
edit: je me réponds, oui, ils ne sont plus députés …
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Je vais déménager en Eure-et-Loir. Il n’y a que là que je me sentirai représenté par ma députée…
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Les dispositions contestées ne confèrent à l’autorité administrative que le pouvoir de restreindre, pour la protection des utilisateurs d’internet, l’accès à des services de communication au public en ligne lorsque et dans la mesure où ils diffusent des images de pornographie infantile
C’est assez bizarre de voir le CC justifier un blocage général “pour la protection des utilisateurs” comme si on avait besoin d’être protéger contre le méchant internet qui va nous faire mal ! Je veux bien croire que le contenu pédoporno puisse choquer mais ça me semble compliqué de tomber dessus par hasard…
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Merci pour cet article.
Il est vraiment regrettable de constater ce retournement de situation au gré des gouvernements. On aurait vite fait de taxer naïvement les députés d’incompétence en regard d’un domaine qu’ils ne maîtrisent pas et donc de suivre la majorité.
Mais se donner autant de mal pour trouver des arguments pleins de bon sens quand il s’agit d’une loi, pour ne pas comprendre qu’il s’agit très exactement des mêmes enjeux quelques années plus tard, ça ne relève plus de l’incompétence, malheureusement. C’est un triste constat.
Alors certes, ce ne sont pas tous les mêmes députés, mais j’ai du mal à croire que le soucis ne vienne que de là.
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Yes, comme j’aime ces posts incisifs sur NextInpact !
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Déclaration de politique générale du Gouvernement 16 septembre 2014
Déclaration - débats - résultat du vote
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J’imagine pas le plaisir que l’on prend à retrouver toutes les agitations et petites phrases de nos fabuleux politiques puis écrire un article démontrant la facilité avec laquelle leur vestes se retournent.
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Parce qu’il y en a qui ont cru que le gouvernement n’aurait pas eu la confiance ? Faut être réaliste tout le monde tient à son poste, personne de la majorité ne prendra le risque de faire tomber le gouvernement, pour perdre sa place et être sûr de ne pas être réélu à quelques exceptions prêts.
Bof ça passera gauche comme droite sont persuadé que c’est la bonne direction sauf que la majorité va voter pour et l’opposition (pour dire que c’est l’opposition) va voter contre. Il n’y a aucun débat là dessus parmi les député à part quelques uns ici ou là.
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Le CC a protégé les pauvres pervers de leur vice (sic)
Pour ceux qui ont les moyens, il restera toujours la Thaïlande, où seuls 2% de la population ont plus de 16 ans…
(Pareil pour les candidats au Djihad, il faut prendre un vol vers Dubaï, et pas un direct vers la mort)
Only God Forgives
http://thepiratebay.se/torrent/8956303/Only_God_Forgives_%282013%29_1080p_BrRip_…
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Joli pied-de-nez, bravo Marc.
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J’y vois une certaine similitude avec le monde du travail:
Quand on voit ceux qui passent un entretien se démener pour convaincre et séduire et avoir le poste,
et quand on voit ceux en poste (les mêmes, 2ans après) se démener pour leur nombril et un minimum syndical avant sanction, et surtout renier tous leurs idéaux,
on se dit que vraiment peu de gens ont une face et surtout des convictions.
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Quoi ??? L’opposition d’hier n’était pas honnête !? Et celle d’aujourd’hui non plus ?!
Incroyable !!
Et encore plus incroyable, les français auront tout oublié d’ici la prochaine élection.
Ah bas Machin… Votez Truc !
Ah bas Truc… Votez Machin !
Ah bas Machin… Votez Truc !
etc.
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Allez, je me lance dans un troll de haut niveau:
Certains ont cru à la moyenne tendance droite démago, on en a bouffé pendant 10ans; puis la majorité a basculé vers la moyenne un peu plus a gauche; on y est.
Qui réfléchit à ses actes, et au fait que les extrémistes vont finir par prendre le pouvoir sans acte de terrorisme ni putsch, juste grâce à la médiocrité des acteurs.
On se croit dans la télé réalité, avec exclusion des participants trop peu plébiscités. Tant que ça concernait la télé, ça me dérangeait pas.
Sauf que Loana n’avait pas la prétention de ceux là; comment peut on en arriver là à ce niveau d’éducation… Triste France.
Pas sur que l’on retrouve un 2e tour à la Chirac après ces actes manqués.
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Concernant la pertinence du blocage administratif des sites, tout dépends en fait de la véritable priorité du gouvernement . Est-ce :
1 - rendre inaccessibles certains sites parce qu’ils sont réellement “terroristes/pédophiles/racistes… , etc” et contrer efficacement une minorité agissante.
ou bien…
2 - empêcher que “le plus grand nombre” puissent accéder (facilement) à certains sites jugés (légitimement ou pas) néfastes.
Je pense que c’est la seconde qui est privilégiée
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Ces gens là méritent de voir leurs têtes sauter comme des bouchons de champagne comme en 1789.
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Ce n’est pas vraiment le sujet de la niouze, mais :
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Et avec ca personne ne se demande si au dessus du de tous les partis y a pas un (ou des) marionettiste qui arrive d’une maniere ou d’une autre a ses fins quelque soit le parti au pouvoir ?
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Je dîne avec un député de l’opposition ce soir. Je vais lui en toucher deux mots." />
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