Une cartographie des actions de déstabilisation pro-russe en Europe
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Des chercheurs universitaires en géopolitique ont répertorié un peu plus de 150 actions de déstabilisation pro-russe en Europe, dont 43 en France, depuis 2021. Si, traditionnellement, ce type d'opération émane des services de renseignement, elles sont de plus en plus initiées par de soi-disant ONG, pays satellites et entreprises privées, au point que « l'ingérence informationnelle est devenue un business à Moscou », résume le chercheur Kevin Limonier.
Le 06 octobre à 09h57
5 min
Sécurité
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Vous aviez probablement entendu parler des étoiles bleues de David tagguées sur les murs de Paris (à la demande d'un Moldave), ou des pochoirs de mains rouges sur le mémorial de la Shoah (effectués par des Bulgares).
Mais vous n'aviez peut-être pas entendu parler du moulin de Courlandon, dans la Marne, que le groupe de hackeurs d’élite de l’armée russe Sandworm avait piraté en 2024 en pensant s'attaquer à la centrale hydroélectrique du barrage de Courlon-sur-Yonne, 300 kilomètres plus au sud, et qui s'était contenté d'entraîner une hausse du cours d'eau de vingt centimètres.
Développée depuis plusieurs mois par des chercheurs, explique Franceinfo, une cartographie interactive cherche à répertorier et catégoriser les « actions de déstabilisation » attribuées à la « stratégie russe de déstabilisation de l'Europe », « au-delà de la guerre hybride » :
« Alors que l’on parle plus que jamais des actions "hybrides" conduites par la Russie dans l’Union Européenne, nous avons souvent du mal à connecter entre eux des événements qui, pris séparément, paraissent souvent anodins. Pourtant, si l’on commence à les relier entre eux en utilisant les sources ouvertes disponibles, on entrevoit rapidement une stratégie territoriale d’ensemble, dont l’objectif est la déstabilisation de notre continent. »

« L'ingérence informationnelle est devenue un business à Moscou »
Cette « expérimentation scientifique », menée conjointement par CASSINI, le laboratoire GEODE, l’Institut Français de Géopolitique et le Collectif de recherche sur la Russie Contemporaine pour l’Analyse de ses Nouvelles Trajectoires (CORUSCANT), répertorie un peu plus de 150 de ces actions de déstabilisation partout en Europe, dont 43 en France, depuis 2021.
« L'ingérence informationnelle est devenue un business à Moscou », résume à Franceinfo Kevin Limonier, directeur adjoint du laboratoire Géode, un centre de recherche pluridisciplinaire dédié à l’étude des enjeux stratégiques et géopolitiques de la révolution numérique, et membre des autres organismes associés.
Un marché où s'illustrent des prestataires privés comme la Social Design Agency (SDA), qui se vantait d'avoir créé 300 médias, 20 think tanks et d'avoir posté plusieurs dizaines de millions de commentaires. Mais également des ONG, comme la Fondation pour combattre l'injustice, qui proposait de financer des actions contre la « violence policière » et de défendre la mémoire d’Adama Traoré, Steve Maia Caniço, Zineb Redouane, Rémi Fraisse ou encore Cédric Chouviat, alors qu'elle avait été fondée par Evgueni Prigojin, célèbre pour avoir fondé la sinistre milice Wagner, elle-même bien connue pour les atrocités qui lui sont imputées.
À quoi il convient de rajouter les actions de désinformation, sabotage ou d'espionnage imputables aux différents services de renseignement russes, ou encore aux associations et personnalités locales qu'ils instrumentalisent, téléguident ou qui militent de bonne foi pour les intérêts de la Russie.
Franceinfo rappelle par exemple que des nationalistes corses militent pour le Donbass, et qu'une campagne numérique de manipulation de l’information, émanant d'un organisme de propagande d’État basé en Azerbaïdjan, le Baku Initiative Group (BIG), cible les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie et des DROM-COM, comme l'avait documenté Viginum.
Kevin Limonier souligne cela dit que « la Russie, ça ne veut rien dire en tant que tel », les différents acteurs de ces ingérences ne partageant pas forcément les mêmes objectifs, modes opératoires et territoires d'influence. Il n'en estime pas moins que l'objectif de Moscou serait d'obtenir une « finlandisation » de l'Europe, « sans volonté stratégique propre et sans capacité d'exister de manière souveraine ».
Franceinfo souligne que les chercheurs ont mis de côté les incursions de drones, de sous-marins et d'avions russes dans l'espace aérien des pays européens, au motif que « c'est l'action directe des forces armées et ce n'est plus trop le domaine des actions clandestines et hybrides », justifie Kevin Limonier.
« La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre »
Sur LinkedIn, ce dernier rappelle que le géographe et géopolitologue Yves Lacoste, fondateur de l'Institut français de géopolitique, écrivait dans son ouvrage « La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre » que « le savoir géographique, indispensable à l'exercice du contrôle de l'espace, est aussi et surtout un instrument d'émancipation car il permet justement de déchiffrer les stratégies de contrôle ».
Il relève également que « la majorité des commentaires sont plutôt réceptifs au fait que oui, les agissements actuels de la Russie sont une menace pour l'Europe et qu'ils résultent d'une stratégie d'ensemble dirigée contre nous ». Ce qui « va d'ailleurs dans le sens de certains sondages récents, qui montrent que le rejet de Poutine est désormais beaucoup plus répandu qu'on ne le pense au sein de la population française (même chez les sympathisants des partis traditionnellement "prorusses") ».
Une cartographie des actions de déstabilisation pro-russe en Europe
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« La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre »
Commentaires (9)
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Abonnez-vousLe 06/10/2025 à 11h55
Le 06/10/2025 à 14h34
Bon, si ça permet à certains d'ouvrir les yeux, c'est déjà ça.
N.B: depuis ce week-end les avions militaires de l'OTAN n'allument plus leur transpondeur en Europe… comme quoi quand on est très fâché on passe à l'action :p C'est tout une science la diplomatie.
Le 06/10/2025 à 16h17
Le 06/10/2025 à 17h41
Et puis bon au niveau national comme au niveau Européen, c'est le trumpisme qui va triompher... dans 10 ans les européens ne se souviendront plus de ce que sont les partis de gauche, ou les élections...
Le 06/10/2025 à 19h24
Le 07/10/2025 à 01h11
Le 07/10/2025 à 01h46
On regarde surtout et bien entendu vers le PPE qui devrait aller dans le sens de son ancien poulain.
Modifié le 07/10/2025 à 10h19
Mon petit doigt me dit qu'en matière de déstabilisation et propagande, les Russes sont très loin d'être les premiers, et que les États qui les critiquent ne balaient pas devant leur porte et ne sont pas tout blancs non plus. 😁
Le 08/10/2025 à 07h47
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