Revente des jeux vidéo dématérialisés : Que Choisir saisit la Commission européenne

Engagée depuis près de dix ans dans un combat judiciaire visant à rendre possible la revente de jeux vidéo dématérialisés, l'UFC-Que Choisir annonce avoir saisi la Commission européenne d’un recours en manquement pour que celle-ci se positionne.
Le 27 février à 17h10
4 min
Droit
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Définitivement défaite en France suite au jugement rendu par la Cour de cassation en octobre dernier, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir joue son va-tout en saisissant la Commission européenne d'un recours en manquement, dans l'affaire qui l'oppose depuis près de dix ans à Valve, l'éditeur de la plateforme Steam.
Une croisade contre l'interdiction de revendre ses jeux Steam
Sur le plan judiciaire, l'affaire débute pour mémoire en décembre 2015, quand l'UFC-Que Choisir assigne Valve devant la justice française, pour tenter d'obtenir la suppression d'un certain nombre de clauses considérées comme abusives dans les conditions d'utilisation de Steam. La procédure cible, entre autres, la délicate question de la revente des jeux achetés sous forme dématérialisée, prohibée par la plateforme de Valve.
L'association de consommateurs fonde notamment sa requête sur la règle juridique de « l’épuisement des droits », telle que définie par la directive européenne de 2009 sur la protection juridique des programmes pour ordinateur. Cette dernière prévoit que le titulaire des droits d'un logiciel (son éditeur par exemple) ne puisse plus en contrôler la distribution une fois qu'il a été vendu.
En 2019, l'UFC remporte ce qui ressemble à une victoire fracassante : le TGI de Paris se range à ses arguments, estime que les jeux délivrés aux utilisateurs finaux par Steam sont bien achetés (et non fournis sur abonnement comme un service), et conclut, entre autres griefs, que Valve ne peut s'opposer à la revente « même si l’achat initial est réalisé par voie de téléchargement ».
Une série de revers
La décision n'est pas été du goût de Valve qui, sans surprise, interjette appel, et obtient gain de cause en 2022. La cour d'appel estime en effet que « la règle de l'épuisement du droit ne s'applique pas en l'espèce, la mise à disposition de jeux vidéos dématérialisés relevant de la notion de la communication au public et non du droit de distribution ». Elle retoque dans le même temps la demande de transmission de la question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne formulée par l'UFC Que Choisir.
En octobre 2024, c'est finalement la Cour de cassation qui douche les attentes de l'association, dans un arrêt qui soutient l'analyse effectuée deux ans plus tôt en appel. Elle y décrit que la cour d'appel a déduit à bon droit que la directive de 2009 ne s'appliquait pas aux jeux vidéo, dans la mesure où ils constituent non pas « un programme informatique à part entière, mais une œuvre complexe ». Elle ajoute « que la règle de l'épuisement du droit ne s'applique pas en l'espèce et qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ».
La procédure de la dernière chance ?
« Nous considérons que les juridictions françaises auraient dû, à tout le moins, transmettre cette question à la Cour de justice de l’Union européenne, seule à même de garantir à l’ensemble des joueurs européens un niveau de protection équivalent », écrit Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir, dans un communiqué.
À défaut de pouvoir porter directement l'affaire devant la justice européenne, l'association en appelle donc à la Commission européenne, pour que cette dernière saisisse elle-même la CJUE au motif que la décision française ne respecte pas le droit communautaire. « Il est indispensable que l’Union européenne se prononce et rétablisse une égalité de traitement entre support physique et dématérialisé », conclut Marie-Amandine Stévenin.
Revente des jeux vidéo dématérialisés : Que Choisir saisit la Commission européenne
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Une croisade contre l'interdiction de revendre ses jeux Steam
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Une série de revers
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La procédure de la dernière chance ?
Commentaires (20)
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Abonnez-vousLe 27/02/2025 à 18h36
Le 27/02/2025 à 19h12
Le 27/02/2025 à 19h50
Le 28/02/2025 à 15h17
N'importe quel programme informatique qui dépasse la complexité d'un simple script est un assemblage de plusieurs éléments différents. Et encore j'ai bon nombre de scripts qui combinent facilement des librairies de calcul de statistiques, d'analyse d'images, d'analyse de sons, d'outils de cartographie, etc.
Modifié le 28/02/2025 à 02h02
La différence par rapport à un support physique, c'est qu un produit numérique s'échangerait très facilement, ne vieillit pas et est inistinguable du neuf. Ça vient donc directement concurrencer le marché du neuf.
Steam pourrait très bien autorisé la revente entre comptes en se prenant par exemple une commission de 50% pour être sûr d'être dans ses frais.
Non, les vrais perdants dans l'affaire, c'est les développeurs du jeu qui ne vont pas toucher d'argent sur les ventes d'occasion.
Certains jeux se terminent en 3-4h. On peut imaginer que le marché sera en permanence inondé de jeux d occasion, forcément moins cher que le neuf.
Et ça fait une rotation, après avoir fini le jeu acheté d'occasion, le joueur le revend sur le marché Steam en quelque clic, etc.
Plus personne n'achète le jeu neuf tant que le pool de jeu d'occasion est suffisant.
Alors que sur le marché physique, l'état et la garantie du produit fait que des achateurs peuvent préfère un produit neuf à un produit d occasion à -30%.
Et les mises en vente et transactions demandent plus d'efforts en physique, donc il y aurait forcément beaucoup plus d offres d occaz en numériques
Le 28/02/2025 à 08h22
Le 28/02/2025 à 09h58
Les licences offices d'occasion ne sont pas revendues après quelques heures d'utilisation comme le pourraient être les jeux dématérialisés.
C'est la durée d'utilisation initiale qui fait la différence entre les 2 marchés. Je laisse de côté l'argument juridique de la décision (œuvre complexe) qui n'a pas été prise en compte dans son argumentation mais qui est aussi une différence.
Le 28/02/2025 à 09h36
Le 28/02/2025 à 09h53
De plus, le constructeur (ou un autre) vendra probablement une voiture neuve à celui qui vient de revendre sa voiture.
Enfin, quand tu achètes une voiture, tu achètes en plus de la conception, des matériaux et du temps de fabrication qui sont inexistants dans un jeu dématérialisé.
Le 28/02/2025 à 09h47
Je peux revendre un livre physique, mais pas un livre numérique.
Dans les 2 cas l'auteur ne touchera rien de plus.
Contrairement aux ayant-tous-les-droits, qui, si je revend ma liseuse ou mon smartphone, retouchent une part. Mais ça, c'est un autre débat.
1 salle, 2 ambiances
Le 01/03/2025 à 16h52
Le 28/02/2025 à 09h28
Exemple sur console je pense que la différence de prix entre un jeux physique et sa version dématérialisée tient aussi du fait que le jeu physique est revendable.
Sur les jeux connectés on achète surtout un licence d'utilisation qu'une copie du programme.
L'UFC pousse à démocratiser encore plus la location de jeux :(
Les jeux actuels n'ont plus la même mécanique que dans les années 90.
Et quid des offres sur mobile et sur d'autres market places?
Je chope les jeux momentanéement gratuits et je les revends ensuite?
Le marché dématérialisé n'est pas pensé pour la revente.
Ca impliquerait de repenser à long terme… quoi que ce serait pas plus mal pour éviter les jeux chronophages ;)
Le 28/02/2025 à 15h30
Concentrez vous sur les plus et moins :
* Une licence vendue d'un jeu n'est pas un abonnement. C'est une vente pour un produit fini (heu pardon, on parle de jeux: "supposés fini"). Au même titre qu'un livre physique. C'est l'argument (grosse maille) de l'UFC que choisir.
* Il est indéniable qu'un marché de la revente est toujours un manque à gagner direct pour un producteur (celui qui fabrique le livrable : voiture, cd, etc.)
* Mais de manière indirecte est une occasion de stimuler les ventes de produits neufs. Celui qui revend est sensiblement un acheteur de produit neuf.
* On peut se poser la question de la revente de jeux à 1€...
* L'ennui du numérique pour des marchés utilisant la logique traditionnelle des marchés physiques (1 vente = 1 produit). C'est la chose suivante : une voiture s'use, un produit numérique non. Donc il y aura un moment ou une offre d'occasion de produit numérique surpassera l'offre originale en volume. Alors que pour une voiture; un jour elle va à la casse.
*C'est aussi le problème de rétrocompatibilité qui allonge la vie des produits numériques.
*L'abonnement semble injuste pour garder un produit dans sa bibliothèque. C'est pourtant l'apanage d'autres logiciels (ex: MS 365) ou de MMORPG.
Ajoutez à cela une bonne couche de juridique et de droit d'auteur par dessus; et vous avez un problème quasi insoluble. C'est je pense le sens des décisions (non dit). Soit cela ouvre la boite de pandore, soit cela oblige à changer une loi (ou une définition) qui ouvre une autre boite de pandore.
Peut-être faut-il se poser la question de pourquoi les gens voudraient revendre des jeux. Teaser vendeur mais jeu pourri... etc.
Modifié le 28/02/2025 à 20h59
A l'installation, j'avais une image toute les 4 secondes et après l'achat d'une carte un peu plus puissante, je suis passé à deux images par seconde.
J'ai donc un truc acheté que je ne peux pas revendre alors que je n'ai jamais pu m'en servir. Je suis donc assez d'accord avec Que Choisir car je me suis juste fait arnaquer.
Le 28/02/2025 à 22h50
Je suis exclusivement sous linux, donc il y a quand même des chances que ça déconne. Du coup je les télécharge (pirate), puis les teste. Si ça marche je les prends sur Steam ce qui est , avouons-le plus confortable sur le long terme (en plus de permettre le multijoueur quand c'est possible, mais ça ne m'intéresse pas tellement).
Une démo jouable aurais le même effet, et sur steam il me semble qu'on peux aussi annuler l'achat d'un jeu si il ne marche pas , avec quelques contraintes (et ptet pas tous les jeux).
Modifié le 28/02/2025 à 23h27
Même pas besoin de pirater pour tester.
Modifié le 01/03/2025 à 02h47
En l'occurrence, ça existe déjà chez steam comme expliqué par Tanyuu.
Si c'est acheter directement sur steam et pas un site tiers, tu peux être remboursé pour tous les jeux achetés il y a moins de 14 jours et joués moins de 2h.
Si tu sors des clous, c'est compliqué, mais ça peut aussi, dans certains rares cas, être accepté.
Modifié le 01/03/2025 à 02h46
Le 03/03/2025 à 17h59
Par exemple, si aujourd'hui la totalité de l'argent dépensé pour l'achat de jeu neuf est de 10M€, est-ce que cette somme tendra à diminuer si il existe un marché de l'occasion ?
On pourrait répondre rapidement que oui, vu que l'argent que dépenserait quelqu'un pour l'achat d'un jeu neuf, le dépenserait maintenant pour acheter de l'occasion.
Mais on peut aussi voir que si je revends 3M€ de jeu en occasion, ça fait 3M€ de plus pour acheter des jeux neufs ?
Peut-être que les acheteurs de jeu d'occasions dépenseraient moins en jeu neuf, mais est-ce que ça ne serait pas compensé par une augmentation d'achat de jeu neuf des vendeurs d'occasions ?
J'ai souvenir de cas de gros acheteurs de jeu neufs qui revendaient quasiment tout pour acheter toujours plus de jeux neufs.
Par contre, mon calcul ne prends pas en compte le pourcentage pris par l'intermédiaire qui s'occupera de la vente de ces jeux.
Le 04/03/2025 à 12h57