Meta emboîte le pas à X et fait voler sa modération en éclats
Community Notes et serment d'allégeance
Meta a annoncé mardi un changement de cap dans sa politique de modération et de lutte contre la désinformation. Aux Etats-Unis, Facebook, Instagram et Threads abandonnent leurs programmes de vérification des informations, au profit d'une modération assurée par les utilisateurs finaux, à la façon des Community Notes instaurées sur X. Mark Zuckerberg ne cache pas le caractère politique de cette décision : « Il est temps de revenir à nos racines autour de la liberté d’expression ».
Le 07 janvier à 16h50
6 min
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« Plus de parole et moins d'erreurs ». C'est par ces mots que Meta introduit mardi l'annonce d'un changement drastique au niveau de sa politique de modération. L'entreprise indique en effet avoir pris la décision de mettre un terme, aux États-Unis pour l'instant, à son programme de vérification des informations (fact checking). Elle instaurera, à la place, un outil permettant à la communauté de signaler le caractère litigieux d'une publication ou d'une information, à la façon de ce qu'a implémenté Elon Musk sur X (ex-Twitter).
Une modération ouverte au nom de la lutte contre les biais
« Nous avons vu cette approche fonctionner sur X, où la communauté est libre de décider quand les publications sont potentiellement trompeuses et nécessitent plus de contexte, et où des personnes issues d’horizons divers décident du type de contexte qu’il est utile que les autres utilisateurs voient », justifie dans un communiqué le républicain Joel Kaplan, nouveau responsable des affaires internationales de Meta, nommé le 2 janvier dernier.
L'entreprise précise que dans ce contexte, elle n'interviendra pas dans la rédaction ou l'affichage des notes de communauté, qui seront « écrites et évaluées par les utilisateurs ». La fonctionnalité sera déployée sur Facebook, Instagram et Threads. Pour chacun de ces trois réseaux sociaux, Meta propose aux utilisateurs américains la possibilité de s'inscrire sur liste d'attente, pour faire partie des premiers utilisateurs de la fonction Community Notes.
« Si vous voyez une publication susceptible d'être inexacte ou déroutante, vous pouvez écrire une note avec des informations de contexte, un conseil ou une idée que les gens pourraient trouver utile. Votre note peut être publiée sur la publication si elle est évaluée comme utile », résume l'entreprise, selon qui le caractère ouvert de cette modération réduirait les risques de biais ou de jeux d'influence. « Nous voulons mettre un terme à la dérive qui a rendu nos règles trop restrictives et trop sujettes à une mise en œuvre excessive », estime pour sa part Joel Kaplan.
Le message est également incarné, et endossé, par Mark Zuckerberg. En vidéo, le fondateur et patron de Facebook affirme qu'il est « temps de revenir à nos racines autour de la liberté d’expression ».
« Le problème des systèmes complexes, c'est qu'ils commettent des erreurs. Et nous avons atteint un point où il y a trop d'erreurs, et trop de censure », déclare-t-il, avant d'expliquer que le fonctionnement des filtres de modération automatique allait être revu de façon à générer moins de faux positifs. Il admet dans le même temps que le filtre de la communauté n'aura pas forcément la même efficacité qu'une modération assurée par une tierce partie. « Ça veut dire que nous attraperons moins de mauvais contenus, mais nous réduirons aussi le nombre de posts ou de comptes d'utilisateurs innocents que nous supprimons accidentellement », assume-t-il.
Une décision éminemment politique
En 2016, année de la première accession de Donald Trump à la Maison-Blanche, Meta avait lancé un vaste programme de vérification des informations. Il combinait des fact-checkers internes à l'entreprise et des partenariats conclus dans le monde entier avec des médias et des agences de presse, notamment réunis sous la houlette de l'International Fact-Checking Network.
« À chaque fois qu’un média de vérification évalue un contenu comme faux sur nos plateformes, nous réduisons largement la diffusion de ce contenu afin qu’il soit vu par moins de personnes, nous lui ajoutons une étiquette et nous informons les personnes qui tentent de le partager », explique toujours le site de Meta.
Bien qu'il ait lui-même porté l'initiative, Zuckerberg prend aujourd'hui ouvertement ses distances avec cette logique, et il ne cache pas que la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis constitue un « point de bascule culturel » vers un supposé retour en grâce de la liberté d'expression.
L'Europe en ligne de mire
« Après que Trump a été élu pour la première fois en 2016, les médias traditionnels n'ont pas arrêté d'écrire à quel point la désinformation était une menace pour la démocratie. Nous avons essayé de bonne foi de résoudre ces problèmes, sans devenir les arbitres de la vérité. Mais les fact-checkers sont devenus trop biaisés politiquement, et ils ont détruit plus de confiance qu'ils n'en ont créée, particulièrement aux États-Unis », juge Mark Zuckerberg.
Le patron de Facebook indique enfin vouloir travailler avec Donald Trump et son administration en faveur de la liberté d'expression à l'échelle mondiale. Il cible très directement l'Europe, accusée de passer un nombre toujours plus important de lois « accroissant la censure » et portant préjudice aux démarches d'innovations. La Chine est aussi dans le collimateur, comme l'Amérique latine et ses « tribunaux secrets ». « La seule façon que nous ayons de résister face à cette tendance globale est d'avoir le soutien du gouvernement américain », déclame-t-il encore.
Les équipes de modération transférées de Californie au Texas
Autre décision à grande portée symbolique : Mark Zuckerberg annonce que les équipes de la division « Confiance, support et modération de contenus » seront relocalisées hors de Californie, et que le service chargé de la supervision des contenus pour les États-Unis sera basé au Texas. « Alors que nous travaillons à promouvoir la liberté d'expression, je pense que réaliser ce travail dans des lieux où il y a moins de préoccupations quant aux biais de nos équipes va nous aider à construire la confiance », affirme-t-il face caméra. Il annonce par ailleurs que des sujets comme le genre ou l'immigration, thèmes polémiques par excellence, ne seront plus modérés a priori.
Meta et Mark Zuckerberg ont depuis le mois de novembre envoyé de nombreux signaux en direction du président réélu, en prévision de son retour à la Maison-Blanche. L'homme d'affaires, qui a versé 1 million de dollars pour l'investiture de Donald Trump, vient ainsi tout juste de nommer Dana White, célèbre patron de l'UFC (la ligue américaine de MMA) et partisan affiché de Donald Trump, à son conseil d'administration.
Meta emboîte le pas à X et fait voler sa modération en éclats
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Une modération ouverte au nom de la lutte contre les biais
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Une décision éminemment politique
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L'Europe en ligne de mire
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Les équipes de modération transférées de Californie au Texas
Commentaires (39)
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Modifié le 07/01/2025 à 17h20
ici, il est toutefois question d'une liste d'attente pour participer aux Notes, on peut donc imaginer qu'il y ait un jury populaire de modérateurs (miam)
Aujourd'hui à 11h35
Aujourd'hui à 15h22
Hier à 17h05
Il n'y a rien qui va dans son discours... c'est écœurant. Vers où va-t-on ?
Hier à 17h11
Adieu Meta ! Tu ne vas pas nous manquer.
Hier à 18h53
Pas sûr que cette décision ait un quelconque impact pour le marché européen. Il n'y a rien eu contre X encore pour le moment, et je ke vois rien advenir à court/moyen terme vu la tendance. Alors pourquoi Meta aurait un traitement de faveur différent ?
Hier à 18h58
Hier à 19h52
Aujourd'hui à 09h42
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Rien à attendre des politiques, comme pour l'environnement et notre arme de ne plus acheter les produits d'entreprises polluantes, c'est nous qui avons les clés : quitter définitivement (en supprimant ses comptes) ces réseaux nocifs - le dieu dollar est le seul que Zuck & Co vénèrent…
Aujourd'hui à 09h44
Les réseaux sociaux (facebook et instagram) sont aussi des outils de communication indispensable aux indépendants, je ne vois pas de campagne de financement participatif fonctionner sans.
Comme Myspace avait fait connaitre un grand nombre de musiciens au début du siècle.
Pour moi c'est un peu comme un marteau tu peux t'en servir pour planter des clous ou défoncer le crane de ton voisin.
Modifié le 07/01/2025 à 17h39
Hier à 17h40
Ce n'est qu'une histoire de pognon.
Modifié le 07/01/2025 à 17h48
Hier à 18h13
Je ne mets déjà plus de contenus, je regarde juste les deux ou trois pages qui m'intéressent… avec de moins en moins d'intérêt (puisque le but de tout le monde est de mettre des images et d'écrire un premier commentaire pour acquérir de la visibilité).
Hier à 19h12
Modifié le 07/01/2025 à 20h24
j'ai lu:
« Il est temps de
suclécher les bottes du président sortant »Hier à 21h41
Aujourd'hui à 09h39
Aujourd'hui à 16h28
Hier à 23h12
Pour nous rappeler que les réglementations européennes n'ont fait que nous brider pour finalement nous empêcher de concurrencer avec les USA et donc d'avoir des réseaux sociaux souverains ?
Pourtant qu'est-ce qu'on a l'air de manquer quelque chose 😶
#TeamMinitel
Aujourd'hui à 06h41
Aujourd'hui à 14h47
Alors que l'on a le Fediverse par exemple.
L'UE sait légiférer, normaliser, mais elle sait tout autant innover.
La différence avec les US ce sont les capitaux privés : le capital-risque. On parle alors d'un système qui n'a pas d'équivalent ailleurs, et qui a la facheuse tendance à rapatrier des fonds énormes pour le secteur privé.
L'UE prend conscience de cela. Mais faut-il pour autant copier ce modèle ?
Reste que l'on a un terreau d'entreprises, industriel et d'innovation qui pourrait faire pâlir les USA et la Chine.
Mais là où l'on a un état fédéral d'un côté (qui vire autoritaire), et un régime vraiment autoritaire de l'autre, l'UE reste un amalgame de pays aux démocratie libérales (majoritairement) qui vont encore chercher leurs intérêts particuliers plutôt que de réellement s'unir...
Aujourd'hui à 07h48
A défaut d'avoir le courage de me lever pour le faire, je supprime mes comptes Threads, Insta et Facebook.
Aujourd'hui à 09h39
Plus le temps avance et plus on se rend compte que l'UE insupporte les autocrates de tout bord car bientôt nous allons devenir le dernier bastion de la liberté.
Hint pour les supporters de Trump, de Musk et de Marine qui traineraient par la: la liberté d'expression ce n'est pas la loi de celui (ou de celle) qui gueule le plus fort, ce n'est pas le droit de diffuser des attaques personnelles, de la désinformation ou des appels à la violence.
Aujourd'hui à 14h11
Et si je trouve le qui a imposé le bouchon solidaire sur les bouteilles
Aujourd'hui à 14h45
Modifié le 08/01/2025 à 15h14
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12008M003
Pour moi ces objectifs ne doivent pas être gravés dans le marbre constitutionnel: ils relèvent de décisions politiques conjoncturelles et doivent pouvoir être discutés/révisés par les citoyens/représentants.
Aujourd'hui à 15h55
Aujourd'hui à 10h29
TikTok en Roumanie
Facebook qui suit le mouvement
Tout cela me laisse penser que les romans de fictions de type cyberpunk pourraient bien en partie devenir réalité : effondrement des états et domination de méga corp, avec leur armée, leur monnaie, leur frontière et leurs guerres ...
Je m'explique.
Un des objectif de Musk est l'affaiblissement des états.
d'où son intérêt de mettre en avant des partis populistes en Europe, au nationalisme de façade.
Plus les états s'affaibliront, et plus les compagnies comme twitter/ starlink auront de pouvoir. ( et donc leurs dirigeants)
Jusqu'à un point de bascule ?
Aujourd'hui à 10h47
Aujourd'hui à 10h55
Aujourd'hui à 11h51
(NB: Je sais qu'un des plus gros freins pour switcher de RS est que tant que la masse critique d'utilisateurs n'est pas atteinte, ça ne décolle pas. Là n'est pas ma question :) )
Aujourd'hui à 13h28
Se poser la question de l'alternative amène immédiatement la question : "Quel modèle?" Centralisé ou fédéré ? Soutenu par du capital risque ou autofinancé ? gratuit/merdifié/pub ou bénévole ou payant ?
Si on parle de fonctions et qu'on se détache de la technique alors, le forum à l'ancienne fonctionne très bien.
Par contre si on parle de similarité technique, l'alternative fédérée (multiples instances communautaires, avec des modes de fonctionnements différents, etc...) est centrée autour d'un protocole (ActivityPub) et de plusieurs outils qui l'utilisent pour proposer des services de réseaux sociaux.
- Mastodon qui fonctionne plus ou moins comme facebook/twitter
- Peertube qui permet la diffusion de vidéos
- Pixelfed qui va plus ressembler à Instagram.
Chacun interropère avec les autres (depuis mon compte Mastodon, je "suis" le cannal de gens qui diffusent des vidéos, ça apparait sur mon feed).
Aujourd'hui à 16h53