Pour la première fois depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, X vient de publier son Transparency report, le document bisannuel qui résume et quantifie les principales actions du service en matière de modération. Dans quelle mesure ces chiffres, qui couvrent le premier semestre 2024, témoignent-ils d’une inflexion dans la façon dont X gère ces sujets ? Tour d’horizon.
Comme 18 autres grands acteurs du Web, X est tenu de publier tous les six mois un rapport de transparence qui liste ses actions relatives au respect du DSA européen, et le réseau social se plie à cette contrainte. X n’avait cependant pas publié de Transparency Report global depuis le rachat de Twitter par Elon Musk. Une lacune corrigée cette semaine, avec la mise en ligne d’un document de quinze pages (.pdf). Il commence par rappeler la doctrine de X en matière de liberté d’expression, mais son intérêt principal n’est pas là : le rapport classe les différentes catégories de signalements reçus par X, et les quantifie, en précisant le volume d’actions entreprises.
Le harcèlement représente 36 % des signalements
Hors spam (qui fait l’objet d’un décompte spécifique), X révèle ainsi avoir reçu 224 millions de signalements par des utilisateurs sur les six premiers mois de l’année. Dans le lot, près de 82 millions de signalements concernent des cas d’abus ou de harcèlements, soit environ 36 % du volume total. Les autres motifs de signalement les plus fréquents sont les contenus à caractère haineux (30 %) et les contenus violents (18 %).
Dans le même temps, X indique avoir procédé à 5,3 millions de suspensions de compte et à la suppression ou à la labellisation de 10,7 millions de messages. Sur les six mois couverts par le rapport, le réseau social estime ainsi que le taux de messages qui enfreignent sa politique de modération est de l’ordre de 0,0123 %.
Le détail des actions entreprises, reproduit ci-dessous, montre que la modération s’exerce différemment selon la nature de l’infraction supposée. Dans les cas d'un comportement haineux, elle privilégie par exemple largement la suppression ou la labellisation de post (près de 5 millions d’occurrences) à la suspension de compte (seulement 2 400 cas).
Le spam, et l’ensemble des techniques de « manipulation de la plateforme » passant par exemple par l’utilisation de bots (comptes automatisés), représente quant à lui près de 464 millions de suspensions de compte et 188 millions de messages épinglés sur les six mois couverts par le rapport.
La part de la modération humaine reste significative
X détaille ensuite ses actions de modération – suspensions de compte et suppressions de contenus – avec une ventilation par typologie d’infraction, et en précisant, à chaque fois, la part d’interventions humaines ou automatisées. Si les suppressions de posts sont le plus souvent automatisées, les actions sur les comptes utilisateur relèvent quant à elle le plus souvent d’une modération manuelle. En dépit des déclarations d’Elon Musk en 2022 et de la promesse d’un processus automatisé, cette dernière occupe toujours une place prépondérante dans les activités de X.
Le rapport de transparence ne précise toutefois pas les effectifs alloués à cette mission. Pour obtenir un ordre de grandeur, il faut se tourner vers le rapport édité par X dans le cadre des obligations liées au DSA. Dans sa dernière itération, datée d’avril 2024, on apprend ainsi que le réseau social dispose d’environ 1 700 modérateurs capables d’intervenir en anglais, en arabe, en hébreu en espagnol, en portugais et dans les principales autres langues européennes.
X donne suite aux demandes d’information dans 53 % des cas
Le rapport de transparence livre par ailleurs une indication intéressante quant à la façon dont X gère les demandes d’information adressées par les autorités gouvernementales, pays par pays. Sur les six premiers mois de l’année, X déclare avoir reçu 18 737 requêtes, urgentes ou non urgentes, dont 53 % ont entrainé une transmission d’information. Le taux d’acceptation se révèle particulièrement élevé aux États-Unis, où X a donné suite à 76 % des demandes.
« Liberté d’expression, et non liberté de diffusion »
Reste une question de taille : la modération de X a-t-elle significativement évolué depuis son passage aux mains d’Elon Musk, qui multiplie depuis des mois les sorties sur la liberté d’expression ?
« Nos politiques et principes d’application se fondent sur les droits humains, et nous avons adopté une approche globale de la liberté d’expression en investissant dans le développement d’une gamme plus large de mesures correctives, avec un accent particulier mis sur l’éducation, la réadaptation et la dissuasion », affirme le réseau social en préambule de son rapport. Avant de résumer sa doctrine : « Ces convictions sont le fondement de notre philosophie "Liberté d’expression, et non liberté de diffusion", ce qui signifie que nous limitons la portée des publications, uniquement quand c’est approprié, de façon à les rendre moins faciles à découvrir, en alternative à la suppression ».
La comparaison avec les rapports de l’ère pré-Musk est difficile, dans la mesure où Twitter et X n’utilisent pas précisément les mêmes indicateurs. Les rapports de 2021, aujourd’hui archivés sous forme de PDF, étaient par ailleurs initialement publiés dans une version interactive, permettant d’améliorer la granularité de certaines données.
Le volume d’actions de modération semble tout de même avoir significativement augmenté. Dans son rapport du premier semestre 2021, Twitter indiquait avoir pris des actions à l’encontre de 4,8 millions de comptes, dont 1,2 million de comptes suspendus, et 5,9 millions de contenus supprimés. Le spam représentait quant à lui sur la même période 5,1 millions de signalements et 130,3 millions de détections automatiques. À l’époque, Twitter indiquait avoir reçu 12 400 demandes d’information de la part d’autorités, et avoir accédé à 36 % d’entre elles, un ratio et un volume inférieurs à ceux constatés début 2024.
Commentaires (8)
#1
Sinon Musk s'est bien fondu dans le moule américain: on voit bien la différence de traitement entre la violence et les propos haineux par rapport à la nudité.
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#1.2
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#2.1
#2.2
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"X suspend le compte d’un journaliste américain après la publication de documents liés à J.D. Vance, le colistier de Donald Trump" (Le Monde)
Historique des modifications :
Posté le 27/09/2024 à 17h16
Gageons que ce genre de choses n'est pas dans le rapport :
"X suspend le compte d’un journaliste américain après la publication de documents liés à J.D. Vance, le colistier de Donald Trump"