Noms de domaine : le .io pourrait-il vraiment disparaître ?
armaggedon.io
Après plus d’un demi-siècle de litiges, le Royaume-Uni a reconnu début octobre la souveraineté de l’île Maurice sur le minuscule archipel des Chagos. Cet accord va conduire à la disparition du « Territoire britannique de l'océan Indien », une entité administrative dont la nature autorisait la création d’un domaine de premier niveau national, le .io. Or selon les règles de l’Icann, la disparition d’un territoire doit entraîner de fait la disparition du domaine associé…
Le 09 octobre à 17h45
6 min
Internet
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Le Royaume-Uni et Maurice ont annoncé le 3 octobre dernier la signature d’un accord historique. Il prévoit que les Anglais rétrocèdent aux Mauriciens la souveraineté sur le petit archipel des Chagos (58 îles pour 60 km²). Perdu au milieu de l’océan Indien, ce dernier a fait l’objet d’intenses tractations, notamment parce que l’Angleterre et les Etats-Unis y opèrent conjointement la base militaire de Diego Garcia.
Un TLD doit disparaître en même temps que son territoire source
S’il passionne les amateurs de géopolitique, cet accord intrigue aussi depuis peu les amateurs de noms de domaine. Il soulève en effet une hypothèse qui ne s’était pas présentée depuis longtemps : la possible disparition d’une très populaire extension de nom de domaine, le « .io », utilisé aujourd’hui par des entreprises du monde entier.
Le .io est ce que l’on appelle un domaine de premier niveau national (ccTLD, pour country code Top Level Domain) : une terminaison réservée aux pays, états souverains ou territoires dépendants. La création de ces terminaisons relève de la compétence de l’IANA (Internet Assigned Numbers Authority), un département de l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), la société qui gère l’attribution des noms de domaine sur Internet.
Or l’IANA opère dans un cadre bien précis, qui définit aussi bien la création que la suppression d’un domaine de premier niveau. « L’éligibilité (à un domaine de premier niveau) est déterminée par le référencement du pays ou du territoire concerné au sein de la norme ISO 3166 - 1. Quand un pays ou un territoire est retiré de la norme, l’éligibilité expire et (le domaine de premier niveau) doit être mis hors service après une période de transition définie », dispose l’autorité. Le délai est fixé à cinq ans, et peut faire l’objet d’une prolongation supplémentaire de cinq ans, sous justification.
Retour aux îles Chagos. Soutenu par une résolution de l’ONU, l’accord du 3 octobre va se traduire par la dissolution d’une entité administrative, le Territoire britannique de l'océan Indien. Or c’est précisément lui, via son inscription dans la norme ISO 3166 - 1, qui avait donné naissance au .io (initiales d’Indian Ocean).
S’il disparait de la norme, qu’arrivera-t-il au .io et par extensions aux milliers de sites qui l’utilisent ? C’est la question soulevée par un certain Gareth Edwards, qui part d’un constat étonné : « la suppression d’un pays ou d’un territoire entier de la carte du monde est extrêmement rare. On peut donc se demander pourquoi le processus de suppression d’un domaine est si clairement documentée. Si automatique. Si… définitive », écrit-il. Avant d’embrayer. « La réponse est simple : l’histoire ».
Quelques précédents historiques
Gareth Edwards rappelle en effet qu’il existe des précédents. Depuis 1974, année pendant laquelle la majorité des codes à deux lettres de la norme ISO 3166 - 1 alpha-2 ont été attribués, quelques pays ont en effet été rayés de la carte. Et pour plusieurs d’entre eux, la disparition est intervenue après qu’un ccTLD eut été mis en place.
Lui aussi curieux du devenir du .io, Kevin Murphy, du blog spécialisé Domain Incite, les a recensés. Ces ccTLD disparus sont au nombre de cinq : le .yu (Yougoslavie), le .tp (Timor portugais), le .zr (Zaïre), le .an (Antilles néerlandaises) et le .um (îles mineures éloignées des Etats-Unis). Dans chacun de ces cas, le ccTLD a fini par disparaître après une période de transition (particulièrement complexe en ce qui concerne la Yougoslavie et les nouveaux pays des Balkans), mais aucun d’entre eux n’avait atteint la popularité du .io (même si aucun chiffre officiel ne permet de mesurer l’ampleur de cette dernière).
Ni l’IANA, ni l’Icann n’ont pour l’instant pris la parole sur le sujet, mais est-ce vraiment entre les mains de ces autorités, chargées de faire appliquer la règle, que se jouera la décision ? Pour Kevin Murphy, c’est probablement l’île Maurice, via la façon dont elle décidera d’intégrer le Territoire britannique de l'océan Indien (TBOI), qui règlera le sort du .io.
« Si le TBOI devient une simple partie de Maurice, sans être reconnu par l’ONU comme un territoire distinct, le .io fait l’objet d’une menace existentielle, résume-t-il. Si le TBOI reste un territoire distinct, et garde son éligibilité à un ccTLD, les possibilités deviennent plus intéressantes ». Si certains ccTLD ont disparu, d’autres se sont en effet transformés au fil du temps. Après son indépendance en 2002, le Timor portugais s’est renommé Timor oriental, ou plutôt Timor-Leste, ce qui lui a permis de passer d’un .tp à un .tl.
« Les questions clé pour les souscripteurs du .io sont donc les suivantes : le TBOI renommé conservera-t-il l’assignation du .io sur la liste ISO, et l’archipel sera-t-il toujours qualifié comme un territoire distinct éligible au statut de ccTLD ? », se demande Kevin Murphy.
L’île Maurice, qui dispose du .mu dans la nomenclature ISO, n’a pour l’instant pas répondu à cette épineuse question.
Commentaires (50)
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Abonnez-vousLe 09/10/2024 à 18h01
Il y a la même aberration avec toutes les chaînes de télévisions qui sont aux îles Tuvalu, et la métropole de Bordeaux immatriculée en Roumanie.
Le pays disparaît, on coupe le ccTLD. Logique. Ça leur apprendra à réfléchir avant de faire un choix aussi absurde.
Le 09/10/2024 à 18h15
Du coup je sais pas si tu parlais dans le passé?
Mais d'accord dans ton propos, mais ça ressemble à ceux qui ont envie d'une plaque d'immatriculation avec certains caractères car "ça fait mieux".
J'avais toujours associé le .io avec une spécificité liée au protocole onion enfin s'en revendiquant et las avec un territoire...
Me voilà éduqué
Le 09/10/2024 à 18h18
Modifié le 09/10/2024 à 20h17
Le 10/10/2024 à 11h06
Sinon, parfois, on n'a pas le choix. Je m'explique : je voulais un domaine monnom.ext mais malheureusement, mon nom de famille étant beaucoup porté dans ma région, tous les TLD génériques courant étaient pris, y compris le ccTLD de mon pays. Je n'ai eu d'autre choix que de me rabattre sur le .tv justement, car les autres choix étaient "meh" ou bien trop chers...
Le 10/10/2024 à 11h51
Pourquoi avoir choisi ce pays plutôt qu'un autre ? À moins que tu sois une vedette de télévision intervenant ici sous pseudo, je ne vois même pas la logique du .tv pour toi.
Le 10/10/2024 à 13h03
Dans les pays libres, il n'y en avait aucun que je n'ai visité de toute manière, et encore moins où j'irai habiter, alors il fallait faire un choix (et si le ccTLD tombe un jour, tant pis, je le migrerai ailleurs, il n'y a rien de vraiment public de toute façon)...
Le 09/10/2024 à 18h05
Le 09/10/2024 à 19h26
Ce serait la solution la plus simple. Après je trouve que ça a du sens pour des API mais sinon agar.io par exemple je vois pas trop ce que ça fait là, mais bon si les domaines choisis avaient toujours du sens, ça se saurait.
Le 09/10/2024 à 19h55
Le 09/10/2024 à 18h15
Wikipedia
Donc si .io a vraiment du succès, les Mauriciens vont certainement faire en sorte de le conserver. Il suffit de faire de l'obstruction après tout.
Le 09/10/2024 à 20h53
Le 10/10/2024 à 01h26
Le 10/10/2024 à 10h58
Le 09/10/2024 à 18h16
Le 09/10/2024 à 18h20
un ccTLD à 2 caractères et correspond à un code ISO de pays. un gTLD, 3 caractères minimum. Donc en théorie, .io ne peut pas être un gTLD.
Pas certains à 100% (mais pas loin). Je pense que @StéphaneBortzmeyer pourra confirmer ;)
Le 09/10/2024 à 18h57
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Le 09/10/2024 à 20h16
Le 09/10/2024 à 18h21
Le 09/10/2024 à 19h43
C'est sur que ça a un côté cool d'avoir .io mais c'est détour un usage pour un autre donc prendre un risque. 😅
Il vaut mieux avoir un domaine équivalent et faire la bascule en réduction automatique que prendre le risque que ça disparaissent vraiment je dirais.
Puis de moins en moins de gens écrivent les URL à la main.
Le 09/10/2024 à 18h34
Voici la réponse de Perplexity quand j'ai demandé si un domaine de premier niveau non éligible pouvait être attribué comme nom de domaine 'commercial':
Si un pays ou un territoire n'est plus éligible à conserver un nom de domaine de premier niveau (ccTLD), il n'y a pas de processus automatique pour le transformer en nom de domaine "commercial". La gestion de ces situations est complexe et dépend de plusieurs facteurs :
Processus de retrait
Lorsqu'un pays ou territoire n'est plus éligible pour un ccTLD, l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) suit généralement un processus spécifique :
Évaluation de la situation
Consultation avec les parties prenantes
Décision sur le futur du domaine
Options possibles
Plusieurs options peuvent être envisagées pour le futur du ccTLD :
Maintien du statu quo : Dans certains cas, le ccTLD peut être maintenu pour des raisons historiques ou pratiques.
Retrait progressif : Le domaine peut être progressivement retiré, avec une période de transition pour les utilisateurs existants.
Réattribution : Dans de rares cas, le ccTLD pourrait être réattribué à une autre entité ou pour un autre usage.
Transformation en domaine "commercial"
La transformation d'un ccTLD en domaine générique (gTLD) "commercial" n'est pas courante, mais elle n'est pas non plus impossible. Si une telle transformation devait avoir lieu, elle serait soumise à :
Une décision de l'ICANN
Des consultations approfondies avec la communauté Internet
Un processus de candidature et d'évaluation rigoureux
Période de latence
Si une transformation était envisagée, il y aurait très probablement une période de latence significative. Cette période permettrait de :
Gérer la transition des utilisateurs existants
Mettre en place de nouvelles politiques et procédures
Assurer la stabilité et la sécurité du système de noms de domaine
Il est important de noter que chaque cas est unique et serait traité individuellement par l'ICANN et la communauté Internet mondiale, en tenant compte des implications techniques, politiques et économiques.
Le 09/10/2024 à 18h42
Le 09/10/2024 à 18h51
Modifié le 09/10/2024 à 21h29
Modifié le 09/10/2024 à 18h53
Ça serait peut être une bonne idée pour l'ile Maurice de le garder quitte à trouver une nouvelle signification à 'io'.
Vision purement merquantile.
Le 09/10/2024 à 18h56
On en avait parlé dans les LIDD
Next
Le 09/10/2024 à 21h01
Le 10/10/2024 à 07h26
Le 10/10/2024 à 11h13
Prendre un domaine sur un ccTLD c'est accepter ces risques, sinon il faut prendre un gtld.
Après pour le .tv et Tuvalu, c'est une source économique très volatile et étonnement pour un pays qui fait partie des pays les plus exposés par le réchauffement climatique, qui risque de disparaitre d'ici a la fin du siècle, de fournir à $30 un nom de domaine à des entreprises fortement émettrices en CO2.
Le 09/10/2024 à 18h53
Le 09/10/2024 à 20h19
Le 09/10/2024 à 20h23
Le 09/10/2024 à 21h06
Si c’est d’un point de vue légal car il y aurait frexit qu’est qui t’empêcherait de conserver ton .eu et faire une redirection, comme ça tu conserves ton url déjà connue, non ?
Le 10/10/2024 à 09h40
Encore faudrait-il qu'ils vérifient car j'ai pas eu à faire vérifier mon identité.
Le 10/10/2024 à 16h30
Le 09/10/2024 à 22h01
Le TLD est accessible aux Etats-membres de l'EEA, pas que de l'UE. La Norvège peut en réserver par exemple.
À défaut, elle les perdra comme les britanniques. Ils ont été révoqués en 2021 si j'en crois Wikipedia.
cc @rm
Le 10/10/2024 à 15h07
Le 09/10/2024 à 21h18
Curieux de voir la suite
Le 09/10/2024 à 21h31
Le 09/10/2024 à 21h37
Le 09/10/2024 à 23h14
Modifié le 10/10/2024 à 00h03
Conséquence : .io ne disparaitra pas.
Je vous en prie. Et je me désole d'avoir eu raison.
Le 10/10/2024 à 01h12
Le 10/10/2024 à 08h23
Le 10/10/2024 à 09h35
Pour une boîte, c'est un actif et un signe distinctif, et le perdre peut être dramatique.
Modifié le 10/10/2024 à 10h46
Le 10/10/2024 à 12h16
Pas plus que le .ai
Le 10/10/2024 à 16h48
Modifié le 10/10/2024 à 18h00
Adieu "domaine gameboy"
Le 12/10/2024 à 14h16