Transparence de Parcoursup : comment le gouvernement a enfumé les parlementaires
Fin de parcours
Le 15 février 2018 à 07h30
8 min
Droit
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Réunis en commission mixte paritaire, les parlementaires ont maintenu l’amendement gouvernemental qui permettra à l’administration de ne pas répondre aux demandes de transparence sur le fonctionnement de Parcoursup. Sauf énorme coup de théâtre, ces dispositions seront définitivement adoptées cet après-midi par l'Assemblée et le Sénat.
D’un côté, l’exécutif soutient l’ouverture du code source de Parcoursup, successeur du très contesté Admission Post-Bac. De l’autre, il manœuvre pour éviter à l’administration d’avoir à expliquer individuellement à chaque candidat pourquoi il a pu obtenir – ou non – une place dans l’établissement de son choix.
Mercredi 7 février, au Sénat, Frédérique Vidal a ainsi défendu un amendement qui visait « simplement », dixit la ministre de l’Enseignement supérieur, « à permettre à un candidat d'obtenir communication, dans le cadre d'une démarche individuelle, des raisons de la décision le concernant, tout en préservant le secret des délibérations des équipes pédagogiques ».
Sauf que lorsqu’on se penche sur ce fameux amendement, une autre lecture s’en dégage... Il est en effet prévu que les obligations résultant de l’article L311-3-1 du Code des relations entre le public et l’administration soient « réputées satisfaites » dès lors que les candidats se verront « informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ».
Une dérogation à un article clé de la loi Numérique
Derrière cette sombre référence au Code des relations entre le public et l’administration, se cache un des articles phares de la loi Numérique de 2016 : celui qui oblige les administrations à expliquer, sur demande, à tous les administrés visés par une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique, les « règles » et « principales caractéristiques de mise en œuvre » de ce programme informatique, au regard de leur situation individuelle.
Il est même prévu qu’une « mention explicite » soit systématiquement intégrée pour informer les usagers de l’existence et des modalités d’exercice de ce nouveau droit (voir nos explications détaillées).
Comble de l’histoire, ces dispositions avaient été taillées pour APB, comme en atteste l’étude d’impact du gouvernement :
« Le recours à ce logiciel, reposant sur des traitements algorithmiques, peut susciter des interrogations sur les mécaniques et les règles de fonctionnement qui conduisent à un résultat décisif pour l’avenir des étudiants : comment ce système est-il paramétré ? Quelle est la part de tirage au sort dans la procédure d’affectation pour les filières les plus demandées ? Comment s’assurer qu’il n’est pas possible de « tricher » avec le système ? Les dispositions [de la loi Numérique] permettront aux personnes tant physiques que morales, d'avoir une information complète sur les règles mises en œuvre dans le cadre d'un traitement algorithmique, les principales caractéristiques de celui-ci : la loi leur permettra ainsi, de façon effective, de connaître et, le cas échéant, de contester la logique algorithmique présidant à la prise de décision. »
Des obligations « réputées satisfaites »
Avec son amendement au projet de loi relatif à l’orientation des étudiants, le gouvernement offre une échappatoire en or massif au ministère de l’Enseignement supérieur. Dès lors que les utilisateurs de Parcoursup auront été simplement « informés » qu’ils peuvent obtenir des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures, ainsi qu'aux « motifs pédagogiques » qui justifient la décision prise à leur égard, plus rien ne contraindra l’administration à leur fournir les explications correspondantes...
Concrètement, sans intervention du législateur, les responsables de Parcoursup auraient dû :
- Avertir tous les utilisateurs que la décision les concernant a été prise sur le fondement d’un traitement algorithmique
- Les informer à cette occasion qu’il est possible d’obtenir la communication, sur demande, des « règles » et « principales caractéristiques de mise en œuvre » de ce programme informatique
- Répondre individuellement à chaque demandeur, en fournissant des explications adaptées à sa situation individuelle
- Diffuser, en Open Data, les « règles » définissant de manière générale « les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de leurs missions »
Demain, avec la réforme qui s’annonce, l’administration devra :
- Informer les utilisateurs qu’ils ont « la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ».
- Tout le reste sera « réputé satisfait ».
Même si l’on peut espérer que les services de l’État joueront le jeu, juridiquement, la fourniture de cette seule information préalable équivaudra à une réponse complète et individualisée. Tout laisse au passage à penser que ces dispositions rendront impossible toute procédure devant la Commission d’accès aux documents administratifs, ou, au-delà, auprès de la justice – notamment si un bachelier souhaitait contester l’absence de réponse de la part de l’administration (une pratique qui est malheureusement monnaie courante...).
La CMP maintient l'amendement gouvernemental
Au-delà du régime dérogatoire qui s’annonce, hautement symbolique au regard de l’ampleur et de l’importance de Parcoursup pour des millions de jeunes, c’est la méthode empruntée par le gouvernement qui interpelle.
L’exécutif a attendu le dernier moment de la navette parlementaire pour introduire ces dispositions. Face au rapporteur Jacques Grosperrin, visiblement inquiet devant la formulation de cet amendement, la ministre a assuré qu’il s’agissait « simplement » de « permettre à un candidat d'obtenir communication, dans le cadre d'une démarche individuelle, des raisons de la décision le concernant » – alors que le dispositif est en réalité bien différent.
Résultat, les sept députés et sept sénateurs réunis mardi 13 février en commission mixte paritaire (afin de trouver un accord sur le projet de loi d’orientation des étudiants) n’ont pas jugé bon d’y revenir. Le sujet fut même complètement absent des débats, à en croire le compte rendu publié par les assemblées.
La sénatrice Catherine Morin-Desailly et le député Bruno Studer, respectivement présidente et vice-président de cette « CMP », n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations à cet égard.
« C’est de l’opacité dissimulée »
« C'est une réaction classique de l'administration », réagit un bon connaisseur du dossier, en référence à la lourdeur du dispositif instauré par la loi Numérique (et qui peine grandement à être appliqué).
« C’est de l’opacité dissimulée », déplore de son côté Hugo Collin-Hardy, président de l’association Droits des lycéens (qui avait obtenu le code source d’APB – sur papier ! – il y a quelques années). « Nous allons demander des éclaircissements au ministère, pour savoir sur quoi nous devons nous baser. Et s'ils ne nous répondent pas, comme pour APB, nous verrons quel(s) recours s’offre(nt) à nous », prévient-il, joint par nos soins.
L’intéressé salue les dispositions introduites sous l’impulsion du député Cédric Villani (communication de droit du code source, de l’algorithme et du cahier des charges de Parcoursup), mais souligne que les futurs étudiants ont davantage besoin d'explications, d'informations intelligibles que de code informatique « brut ».
« Ce n’est pas une surprise », nous confie enfin Aurélien Boudon, co-secrétaire de la fédération de syndicats SUD-Éducation. « Il y a un enjeu à ce que cet algorithme qui va être utilisé par les universités ne soit pas du tout transparent. Si on fait entrer des critères relevant notamment des notes et des établissements d'origine, ce sont des sujets potentiellement sensibles », explique-t-il.
Le projet de loi d’orientation des étudiants ne devrait désormais plus guère évoluer, seuls les amendements du gouvernement (ou ceux qu’il accepte) pouvant être déposés après un accord en commission mixte paritaire. Le Sénat et l’Assemblée nationale sont appelés à approuver définitivement ce compromis dès cet après-midi.
Transparence de Parcoursup : comment le gouvernement a enfumé les parlementaires
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Une dérogation à un article clé de la loi Numérique
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Des obligations « réputées satisfaites »
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La CMP maintient l'amendement gouvernemental
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« C’est de l’opacité dissimulée »
Commentaires (51)
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Abonnez-vousLe 15/02/2018 à 12h49
Le 15/02/2018 à 13h30
Les parlementaires ne sont pas censés lire et réfléchir avant de voter les lois ? Ou bien me trompé-je ?
D’accord, personne n’a dit que ces messieurs-dames sont censés les comprendre.
Le 15/02/2018 à 13h34
" /> chez LREM on vote automatiquement OUI tant que ça vient de son camp
Le 15/02/2018 à 13h49
C’est parce qu’ils assument pas le taff de leurs devs qui n’ayant pas compris leurs critères de décisions on fait un joyeux random sur sur le tout.
Le 15/02/2018 à 14h14
Pas que chez les emmarcheurs ! Je crois bien que c’est un truc appelé “consigne de vote” qui perdure depuis des années. " />
Mais je crois que les emmarcheurs poussent le système jusqu’à ses plus extrêmes limites. Le problème c’est que, du coup, ils s’assoient, encore un peu plus que leurs prédécesseurs, sur la démocratie, parce que Jupiter, quoique puisse affirmer le slogan de son parti, c’est plutôt la République en déroute et la ploutocratie à marche forcée.
Le 15/02/2018 à 14h16
Ils poussent a tel point que quand des coco ont voté oui a une de leur proposition ils se sont dit qu’il y avait anguille sous roche et ont voté contre au final " />
Le 15/02/2018 à 15h50
Le 15/02/2018 à 16h01
C’est juste magnifique… " />
Le 15/02/2018 à 19h26
On ne saura donc jamais pourquoi Marie-Cecile de Neuilly a été acceptée et pas Mohamed de Saint-Denis.
C’est dommage…
Le 15/02/2018 à 21h38
Le 15/02/2018 à 21h57
Le 15/02/2018 à 22h11
Il faudrait arrêter de se foutre de la gueule des lecteurs !
Quand une loi comme celle-ci est mal rédigée, les juges recherchent dans les débats l’esprit de la loi.
Il est écrit dans l’article :
la ministre a assuré qu’il s’agissait « simplement » de « permettre à un candidat d’obtenir communication, dans le cadre d’une démarche individuelle, des raisons de la décision le concernant »
Donc si un candidat demande les raisons de la décision le concernant et (ce que je n’imagine pas) l’administration lui répond qu’elle n’a pas à le faire d’après la loi telle qu’elle est écrite, il suffira d’aller devant le Tribunal Administratif et s’il le faut devant le Conseil d’État pour que la volonté exprimée par la ministre elle-même soit appliquée et que le juge oblige l’administration à répondre à la demande.
Je sais, ça fait une moins belle histoire à raconter au coin du feu, mais elle est bien plus vraisemblable que la fable racontée dans cet article.
Le 16/02/2018 à 05h36
Faire ces démarches occupera le candidat plus intelligemment que de passer son temps sur smartphone sur facebook. " />
Le 16/02/2018 à 07h43
Le 16/02/2018 à 10h12
Le 16/02/2018 à 10h24
Même pas commencer dans la vie active que t’es déjà sur la paille " />
Le 15/02/2018 à 09h27
Je me demande parfois si “ces gens là” n’ont pas confondu (science) fiction avec manuel d’instructions, appliquées de plus en plus ouvertement.
Le 15/02/2018 à 09h47
Attendez, je suis pas sûr d’avoir compris… Le fait d’informer les candidats qu’ils ont la possibilité d’obtenir des détails sur l’algo, les critères… les dispensent de fournir lesdites informations ? C’est complètement con ou c’est moi ?
Le 15/02/2018 à 09h55
Ben c’est la démocratie selon Coluche (« Cause toujours… ») : Ayant été informé que tu disposes de la possibilité d’obtenir des informations sur le fonctionnement de l’algorithme et sur son application à ta situation personnelle, tu auras donc toute latitude d’adresser une demande écrite (LRAR) à l’administration concernée, qui procédera dans les meilleurs délais à un classement vertical de ta demande pour lui donner les suites appropriées (le recyclage, soyons écolos).
Ite Missa Est.
Le 15/02/2018 à 09h55
Tu as mal lu, les informations seront limitées : critères par exemple.
Demain, avec la réforme qui s’annonce, l’administration devra :
Donc pas d’algo, de plateforme etc. En gros juste les barèmes, quelques annotations sur ton dossier et basta; la moulinette reste flou.
Le 15/02/2018 à 10h04
Non, même pas… Il y aura obligation d’informer, c’est tout. Dès qu’on t’aura prévenu que tu avais le droit d’obtenir la communication, ça sera bon.
Le 15/02/2018 à 10h09
Tu es sur ? Je veux dire qu’ils sont obligés d’informer que tu as le droit de demander, mais donc il devrait, par conséquent, devoir te répondre non ?
Le 15/02/2018 à 10h13
C’est ce qu’on est légitimement en droit d’espérer oui. Sauf que l’amendement ouvre la porte à l’inverse. Il dit que ces obligations de réponse seront “réputées satisfaites” dès lors que l’information aura été donnée.
C’est ce qui est quand même fort dans cette histoire xD
Rien ne dit que l’administration ne répondra pas. Ça lui ouvre juste une brèche juridique pour ne pas répondre. Et l’utilisateur de Parcours ne pourra vraisemblablement rien contester : pas de CADA, etc. Vu que la loi prévoit que c’est “réputé satisfait”.
Le 15/02/2018 à 10h32
Le 15/02/2018 à 10h42
ça me fait penser à la blague du Belge qui arrive en France (ou vice-versa) et qui confond savoir et pouvoir :
tu ne saurais pas me donner le xxx ? Ben si je sais, pourquoi ?" />
Le 15/02/2018 à 10h44
Je vois la faille effectivement… malin " />
Le 15/02/2018 à 11h01
J’ajoute une référence pour ceux qui ne la connaissent pas
Le 15/02/2018 à 11h25
Ou plutôt :
Transparence de Parcoursup : comment le gouvernement a enfumé la majorité des parlementaires.
Le 15/02/2018 à 11h27
La novlangue s’installe tranquillement: " />
Le 15/02/2018 à 11h34
C’est bien, cela va dégoûter encore plus d’étudiants du système étatique pour les rabattre vers les écoles privées!
Le 15/02/2018 à 11h39
c’est parfait ça, dans 4 ans et demi tous ces jeunes sauront pour qui ne pas voter et ces grosses lopent de politiques vont encore chialer ouiiiiin les français vont plus aux urnes et quand ils se déplacent ils votent aux extrèmes…à qui la faute?
Le 15/02/2018 à 12h34
Étudiant : Pourquoi ?
Gouvernement : Ta gueule, c’est magique !
Le 16/02/2018 à 12h45
Le 16/02/2018 à 14h23
Le 17/02/2018 à 10h58
Le 17/02/2018 à 15h24
Le 17/02/2018 à 15h55
Depuis que les lois sont mal écrites, ce qui est particulièrement le cas depuis quelques temps.
Marc a confirmé que ça existe même s’il pense que ça ne s’appliquerait pas dans ce cas.
Edit : la télé, ça ne compte pas, hein.
Le 17/02/2018 à 18h35
Le 17/02/2018 à 18h36
Le 17/02/2018 à 18h59
Le 15/02/2018 à 07h52
C’est beau. " />
Le 15/02/2018 à 08h20
Un tel niveau de fourberie ça force le respect " />
Le 15/02/2018 à 08h25
C’est pas contestable devant une instance (le Conseil Constitutionnel, par exemple), une disposition votée dans de telles conditions ?
Ça me fait penser aux cavaliers législatifs, qui sont censurés par le CC.
Là, c’est les parlementaires (et donc le peuple qu’il représente) qui ont étés induits en erreur par les mensonges du gouvernement. Ça serait autorisé ?
Le 15/02/2018 à 08h26
C’est bon, ça concerne les jeunes. Ils ont toute leur vie devant eux. Cette pratique n’aura pas d’impact sur leur avenir " />
Le 15/02/2018 à 08h40
c’est ça la politique autrement. " />
Le 15/02/2018 à 08h56
C’est aberrant.
On se croirait dans des films d’anticipation des années 80 …mais non nous sommes bien au 21ème siècle …
Le 15/02/2018 à 09h16
quelle surprise " />
Le 15/02/2018 à 09h18
La guerre, c’est la paix
Le 15/02/2018 à 09h23
Ils pourront se drapper de blanc et jurer qu’ils sont différents, qu’ils n’ont pas recours au 49.3 pour faire passer des textes…
Le 15/02/2018 à 09h23
Le 15/02/2018 à 09h25
A chaque fois que NI nous expose le “travail” de ces gens, ce n’est certainement pas le mot respect qui me vient à l’esprit.
Les beaucoup trop rares exceptions sont insuffisantes pour faire disparaître le sentiment du tous pourris.