Alors que le Midem réunissait ce week-end à Cannes les acteurs de la filière musicale, PC INpact publie aujourd’hui une tribune libre de Philippe Axel, auteur-compositeur-interprète de chansons, également auteur des essais « BY-NC-ND » (2011) ou de « La révolution musicale » (2007).
En 2007 la SABAM Belge connaît des mises en examen pour fraudes. En 2011 la SGAE Espagnole voit débarquer la police qui interpelle 9 de ses membres et son président, précipitant la fin de la copie privée par une loi d'urgence. En 2012 la SIAE Italienne est épinglée pour sa gestion, ses salaires et ses méthodes népotiques de recrutement. Quand à la SACEM, elle a dû se séparer de son Président du Directoire au salaire exorbitant et vendre sa collection d'art pour calmer les députés, la Cour des comptes et l'opinion publique. De sociétés mutualistes, à but essentiellement de service public (rémunération des auteurs par le marché qui profite de leurs œuvres), pourtant plus proches des syndicats de défense professionnelle que des Sociétés Anonymes; elles sont devenues ces dernières années dans l'esprit de leurs dirigeants des "sociétés privées". Un qualificatif que Jean-Noël Tronc martèle à nouveau dès sa prise de fonction comme son prédécesseur, pour bien montrer que rien ne va changer, poussant même la confusion jusqu'à nommer un "délégué à la marque SACEM".
"Sociétés privées", entendez par là : "défense d'entrer" pour le législateur qui leur a accordé pourtant par la loi, leurs conditions d'existence, avec notamment le privilège de détenir des agents assermentés. "Sociétés privées" entendez aussi, de défense de quelques intérêts privés plutôt que de l'intérêt général des auteurs, dont l'indépendance financière est un pilier de la République. Des sociétés devenu donc concurrentielles, il fallait s'y attendre, dans cette logique, perdant ainsi leur puissance de représentativité et de négociation, avec pour missions essentielles désormais, celles de prestataires de service de collecte de droits et de lobbying pour les grands éditeurs/producteurs.
Ces derniers n'y ont pourtant pas logiquement leur place naturelle, ni à la SACEM, ni à la SACD, puisqu'ils détiennent déjà leurs sociétés de défense, ALPA, SNEP, UPFI, SCPP, etc.
Le rôle des sociétés d'auteurs devrait se concentrer sur la défense des auteurs, qui est contractuelle, et donc à la fois collaborative mais souvent contradictoire, avec les intérêts des éditeurs et producteurs. C'était la grande idée du siècle des Lumières, de Hugo ou Beaumarchais, celle d'une force de tous les auteurs pour tous les auteurs contre le piratage de l'époque : celui de certains éditeurs et patrons de salles de théâtre, c'est-à-dire des usages commerciaux non autorisés. Ironie de l'histoire, c'est à un directeur de théâtre parisien, ceux-là même que Beaumarchais qualifiait de "pirates", que le gouvernement Ayrault a décidé de confier l'avenir des auteurs en la personne de Pierre Lescure, Directeur du théâtre Marigny. (1)
Pour la musique, lorsque l'on voit aujourd'hui que David El Sayegh fait la navette, entre les services juridiques de la SACEM et du SNEP, l'on constate la confusion entre l'intérêt des auteurs et celui des éditeurs. Elle est due, de fait, au suffrage censitaire du conseil administration de la SACEM qui donne un poids aux grands éditeurs (qui sont également producteurs), qu'ils ne devraient pas logiquement y détenir. Dès lors, il est facile de comprendre pourquoi Laurent Petitgirard et Claude Lemesle sont élus chaque année depuis plus de 10 ans alternativement deux ans chacun, avec comme seul programme de ne rien changer et de lutter contre le progrès technologique au lieu de l'anticiper. Au contraire de leurs homologues de l'ADAMI et de la SPEDIDAM, représentant les interprètes, dégagés des pressions lobbyistes des grands acteurs du marché, qui souhaitent depuis 2006 déjà la mise en place d'une licence globale .
Toutes les lois sur le droit d'auteur depuis le XVIIIème siècle ont fait l'unanimité jusqu'aux lois Lang et Tasca des années 80. Le fait qu'aujourd'hui il n'existe plus de consensus à l'heure d'Internet, que les sociétés de gestion collective soient remises en cause en même temps que le principe même du droit d'auteur (et des droits voisins) par la génération Geek, est un grave échec de la part de leurs dirigeants ces dix dernières années et de leurs postures inutilement rigoristes. Un échec dont ils ne tirent pourtant aucune leçon comme leurs conseils d'administrations, prêts à redonner un ticket pour dix ans de plus aux mêmes équipes légèrement toilettées, avec les mêmes solutions qu'en 1998. Avec des contradictions de taille à la SACEM, qui se déclare à la fois soutien de la copie privée et des licences Creative Commons (en réaction à la nouvelle concurrence de Jamendo), tout en niant le principe d'un espace non marchand pour la circulation des oeuvres (Lire L. Petitgirard et J-N. Tronc - Mag SACEM N°85). Alors que la copie privée, comme l'ont affirmé dernièrement les députés néerlandais, est par définition l'affirmation d'un espace non marchand dans le cadre familial. Et alors que le service juridique de la SACEM acceptant le principe des Creative Commons Non Commercial, accepte bien de facto, une frontière juridique entre le lucratif et le non lucratif dans l'usage des œuvres.
Les contradictions, le manque de clarté, voire l'opacité de gestion des sociétés de gestion collective, hélas, n'est donc pas une légende, et elle est en train de donner les meilleurs arguments pour la forme la plus extrême du libéralisme économique qui consiste à détruire les rapports non marchands là même où ils sont pourtant les plus naturels, comme dans la culture, où ils sont la condition même de la sincérité d'expression. Et détruire bien entendu les ressources indirectes quelles qu'elles soient, l'exception culturelle donc, laissant la place à une société de marché uniquement faite d'accords commerciaux dérégulés. Une société de marché où la surveillance sera pratiquée par des sociétés privées telles que TMG et où la rémunération des auteurs ne sera qu'une variable d'ajustement.
On voit déjà ce que serait un monde sans droit d'auteurs, dans le jeu vidéo, où la SACD et la SACEM ont été incapables de résister au salariat par les grands éditeurs, à la fois des auteurs de programmes et des musiciens. Dans les années 80 on connaissait encore les grands auteurs du jeu vidéo par leurs noms. Les Philippe Ulrich, Frederik Raynal, et autres Eric Chahi; ont été remplacé par des chefs de produits salariés. Les musiques de jeux vidéo sont quand à elles composées par des Sound designer, salariés eux aussi, ou prestataires, sans même une seule référence à leurs noms sur les fichiers ! Bienvenue dans le monde des auteurs salariés et anonymes qui lorsqu'ils sont licenciés, perdent évidement aussi leurs créations ! Et bienvenue au droit d'auteur redistribué selon les usages par YouTube, Google, Deezer, Spotify, Jamendo ou ReverbNation, dans une opacité encore plus totale !
S'ils ne veulent pas voir détruire entièrement le principe même des sociétés de gestion collective d'auteurs, avec lui celui du statut de l'auteur, et devenir de simples salariés dépossédés de leurs œuvres, les auteurs eux-mêmes, comme au siècle des Lumières, vont devoir reprendre possession des conseils d'administration de la SACEM et de la SACD dans les années qui viennent, et exiger les conditions démocratiques du renouvellement de leurs équipes et de leurs stratégies.
--
(1) Le 6 décembre 1791, le comité d’instruction publique, nouvellement chargé d’instruire la question de la propriété des auteurs, reçut une requête d’auteurs dramatiques, présentée par Beaumarchais. Les directeurs de théâtre interprétaient en effet la loi de janvier 1791 de façon restrictive : ils considéraient qu’elle portait seulement sur les œuvres futures, voulant ainsi se réserver le droit de représenter toute pièce d’auteur, même vivant, déjà imprimée ou publiée (...). Le 2 janvier 1793, le comité reçut une pétition signée de trente auteurs et éditeurs de musique demandant à l’Assemblée « dans toute sa sagesse de trouver un moyen de protéger leur propriété et d’empêcher la piraterie ». Petite histoire des batailles du Droit d'Auteur - Anne Latournerie -
Commentaires (99)
C’est vrai qu’à part Nobuo Uematsu, je ne vois guère qui d’autre est connu (à défaut d’être mondialement connu) dans la musique de jeux vidéo …
" />
dans le JV ? si j’en crois wikipedia il est clairement moins connu. Tout n’y est sûrement pas mais bon …
@Aldayo :
Norihiko Hibino et Nobuo Uematsu restent pour moi 2 grands noms de la musique dans le jeu vidéo.
Pour ce qui est du droit d’auteur, et plus particulièrement musical et du statut actuel des ayants-droit, il ne faut pas oublier qu’il n’y a ici aucun aspect idéologique ou de confrontation d’opinions divergents sur ce qui serait le plus profitable à la société : le sommet de ces sociétés est oligarchique et étroitement lié à la classe politique. Les jeux d’alliances se font et se défont, pour préserver une manne financière à prélèvement automatique, dans l’obscurantisme fiscal le plus profond possible. Ces sociétés n’existent pas pour les artistes (comme c’était leur mission) mais grâce aux artistes, dont elles sont devenues les parasites hypertrophiés.
J’aime beaucoup le petit rappel des hauts faits des maisons équivalentes ailleurs.
ça remet pas mal en perspectives les réponses sur les frais de fonctionnement inférieurs de 4 à 5¨% aux autres organismes européens… Du coup comme ceux ci sont tous convaincus d’abus de biens ou en voie d’être fermés, ça dit quoi au final sur les institution françaises ? 5% d’abus de biens en moins ?
Jeremy Soule : Morrowind, oblivion, Skyrim
Les Philippe Ulrich, Frederik Raynal, et autres Eric Chahi; ont été remplacé par des chefs de produits salariés.
Merci pour cet article.
Très bon article, bien qu’un peu dense et pas très ponctué.
Un échec dont ils ne tirent pourtant aucune leçon comme leurs conseils d’administrations, prêts à redonner un ticket pour dix ans de plus aux mêmes équipes légèrement toilettées, avec les mêmes solutions qu’en 1998.
Pourquoi devraient-ils tirer des leçons……Ils préfèrent tirer des bénéfices !!!
La nature humaine fait qu’on ne tire de leçons que quand la maison brule.
Très bon article. Ca tendrait à réconcilier les artistes et les consomateurs :)
(et je connais aussi David Bowie, pour Nomad Soul)
Et Tetsiku Mekui, célèbre pour la musique de Bubble Bobble
" />
Hadopire ne va pas aussi bien porter son nom que prochainement on dirait…
On voit déjà ce que serait un monde sans droit d’auteurs, dans le jeu vidéo, où la SACD et la SACEM ont été incapables de résister au salariat par les grands éditeurs, à la fois des auteurs de programmes et des musiciens.
Bref, il avoue clairement qu’il s’agit de faire du protectionnisme pour ceux qui sont incapables de s’adapter à la concurrence de ceux qui sont plus efficaces.
Dans ce qu’il propose, les auteurs seraient protégés et renommés, mais la qualité, le service offert au client…
L’erreur des protectionnistes, c’est leur tendance systématique à croire qu’en interdisant l’offre des fourmis, cela améliorera la qualité de l’offre des cigales…
Et après, on s’étonne de la faillite française…
Et Marcel Zaninni (“tu veux…….”)
" />
" />
" />
Point de vu interessant et pertinent : la mort de l’artiste.
Je deplore le manque de “creativite” dans les offres commerciales (via les grandes maisons de disques).
A cela j’ai 2 questions a te poser cher lecteur
Certain y voit du protectionnisme mais je pense qu’il s’agit avant tout de sauver “l’auteur”. Ce qu’Axel veut dire c’est que demain nous pourrions ne plus avoir de peintre mais des entreprises de creation artistiques qui nous produiraient des tableaux. Le peintre (L’artiste) ne serait que simple salarie, dilue dans une entite “creation artistique” sans aucun credit. L’idee meme de “parternite” disparaitrait au profit de l’entreprise.
Je vous encourage vivement a vous informer sur l’histoire du droit d’auteur. Une version accessible (intellectuellement et pedagogiquement parlant)http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/02/20/1321-les-droits-d-auteur-pour-les-nul… faite par le tres bon Maitre Eolas. On comprend mieux l’absurdite du systeme :
Le droit d’auteur est apparu pour protéger les auteurs contre les éditeurs qui s’enrichissaient sur leur dos, puis contre les producteurs de spectacle et les interprètes qui faisaient de même. Le combat des ayant-droits aujourd’hui présente une grande nouveauté : il oppose les ayant-droits à leur public, qui ne s’enrichit pas sur leur dos. Les musiciens insultent ceux qui apprécient leur musique en les traitant de voleurs, les réalisateurs font de même avec ceux qui apprécient leur film en les traitant de dealers.
(cc Maitre Eolas)
Couldn’t agree more!!! Vive la révolution des artistes-compositeurs-interprètes !!! ;)
Vu que tu sembles préférer la fourmi à l’homme, je te conseilles de t’acheter ceci.
http://french.alibaba.com/product-gs/no-2452-adult-ant-costumes-for-party-552388…
Super article.
" />
C’est marrant ces histoires de fourmi et de tigre, mais ça répond pas à la question que tout le monde se pose :
" />
C’est qui le plus fort entre l’hippopotame et le rhinocéros ?
kenji kawai c’est plutot l’anime
mais dans le jeu video y’avait quelques noms qui sont tres connus et dont vous avez forcement entendu les oeuvres/joué à certains de leurs jeux:
Akira Yamaoka (silent hill)
Motoi Sakuraba (plein de trucs, dont les star ocean, les valkyrie profile, les tales of… et aussi eternal sonata et baiten katos ou shining force…)
pour les asiatiques
et pour les occidentaux:
Jeremy Soule (elder scrolls, et guild wars quand meme)
Harry Gregson William (metal gear)
(apres moi à titre perso je retiens aussi Stuart Chatwood - prince of persia ubi soft 1 et 2 - et le duo Sam Hullick / Jack Wall pour les mass effect)
Parfois c’est pas plus mal pour l’artiste qu’on ne sache pas qui a ecrit telle ou telle oeuvre. Par exemple si vous saviez qui a ecrit la chanson de la maison des poupees chez Disney (It’s a small world after all) vous iriez le couper en deux.
" />
Bon, j’ai fini de lire. Une seule chose à ajouter : vous vous tapez trop dessus. Parfois l’autre n’est pas un troll.
@Ph11 : Apprend déjà à parler et le sens des mots que tu utilises (cf ta grossière erreur entre “idéologie” et “utopie).
Comment veux tu être un peu crédible si tu ne te sers pas des bons mots ?
@Ph11 : Tu glorifies le libéralisme, pourquoi pas. Après tout, c’est un système qui est censé optimiser l’efficacité globale économique. Maintenant, je pense que pour pouvoir te répondre de manière constructive, j’ai besoin d’en savoir un peu plus sur ce que tes convictions humanistes.
Si quelqu’un est en train de mourir, et que tu peux le sauver, est-ce que tu le fais ? Si oui, est-ce que tu le fais si :
7 à 9) Idem 4 à 6, mais par rapport à la “société”, à l’ensemble de la population.
Oh, et, au cas où:
Plusieurs réponses possibles, évidemment :)
J’ai aussi d’autres questions pour cerner tes choix :
Questions sur l’intérêt public VS l’intérêt privé/le secret industriel/le droit d’auteur.
Tu découvres la panacée, le remède universel, il soigne tout.
Et, pour la forme:
Une entreprise se met à produire de manière révolutionnairement plus efficace, économiquement parlant (prix de vente très nettement inférieurs, et pourtant, employés mieux payés). Cependant, des doutes surviennent quant aux conséquences écologiques (ressources naturelles, pollution) de son mode de production.
Bien évidemment, son mode de production est jalousement gardé, donc aucune accusation d’agissements contraires à l’éthique ou à l’intérêt général n’ont pu êtres étayées… ou prouvées fausses.
Si l’entreprise de la question précédente utilise plus de ressources naturelles, et/ou pollue plus que ses concurrentes, faut-il: