Lavabit : du compte d’Edward Snowden à la destruction des serveurs
Sésame, ouvre toi. Ou pas.
Le 03 octobre 2013 à 09h40
6 min
Logiciel
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En juillet, le prestataire de services Lavabit a fermé ses portes en signe de résistance ultime contre les demandes du renseignement américain. Ce fournisseur d’emails sécurisés a ainsi préféré détruire ses serveurs que de donner les informations demandées. La publication de plusieurs documents permet désormais d’en savoir plus sur les étapes qui ont conduit à ce dénouement.
Crédits : Mark Turnauckas, licence Creative Commons
Un compte pas comme les autres
L’histoire de Lavabit est liée à celle d’Edward Snowden. Le lanceur d’alerte, par qui le scandale Prism est arrivé, a provoqué de nombreuses ondes de choc, tant médiatiques que politiques. Réfugié en Russie et disposant d’un asile politique valable un an, il continue d’observer l’évolution des débats et se montre d’ailleurs satisfait qu’une vraie réflexion ait désormais lieu sur le respect de la vie privée. En juillet, lorsqu’il convie la presse à une conférence, il utilise un email sécurisé souscrit chez Lavabit. Et sonne l’heure des difficultés pour l’entreprise du même coup.
Les autorités américaines, surveillent évidemment de près les activités du lanceur d’alertes, se tournent en effet vers Lavabit. Une première demande est alors faite pour qu’il remette au FBI l’ensemble des métadonnées concernant le compte email de Snowden. Mais le bureau d’enquêtes se heurte à un problème technique : les métadonnées sont chiffrées. En outre, la clé qui protège le chiffrement est la même pour 400 000 clients de l’entreprise.
Une même clé protégeant les métadonnées de 400 000 clients
Cette demande est réalisée le 9 juillet et Ladar Levison, le fondateur de Lavabit, a tôt fait d’expliquer qu’il est impossible de répondre aux attentes des enquêteurs car cela reviendrait à casser la protection valable pour l’ensemble des autres clients. Le 16 juillet, lors d’une audience, il explique en outre qu’il accepte la mise en place d’équipements électroniques capables de relever automatiquement les métadonnées pour les envoyer à des serveurs distants. Et pour cause : en l’état, il sait que les données collectées ne seront d’aucun secours.
Cependant, cet argument va être rejeté par le juge fédéral Claude Hilton, qui déclare à l’avocat de Levison, Jesse Binnall : « Vous accusez le gouvernement de quelque chose de trop large, mais il me semble que votre client est celui qui a mis en place le système », estimant par-là que la faute retombe sur Levison et l’infrastructure de Lavabit. Le juge pointe en outre un point important : « […] parce que vous savez qu’il y a des besoins d’accès aux appels qui vont et viennent entre deux personnes ».
Traduction : le chiffrement des métadonnées n’aurait pas dû être mis en place, car la loi américaine réclame que de telles informations puissent être accessibles facilement. Pour le juge, le serpent se mord la queue et l’argument de la défense est irrecevable. Difficile de fait de refuser de faire face à une demande en expliquant qu’un système, qui n’aurait pas dû être mis en place, menace la sécurité des autres clients.
Les autorités exigent la clé SSL
Mais la protection de la totalité des données concernant les emails est précisément le fonds de commerce de Lavabit. Or, ce que le FBI demandait était ni plus ni moins que le sésame vers les métadonnées, autrement dit la clé SSL qui servait à chiffrer les métadonnées. Un mois plus tard, Levison n’avait toujours pas obtempéré et il fut décidé qu’il paierait 5 000 dollars d’amende par jour supplémentaire de retard.
Le 1er août, le patron de Lavabit a tout de même tenté de combattre la demande au tribunal. Estimant qu’il en allait de la sécurité des 400 000 clients de son entreprise, il proposait une modification du code qui permettrait avec le temps d’isoler le compte d’Edward Snowden. Le procureur James Trump estime cependant qu’il est trop tard : Levison avait tout le temps de proposer cette solution, qui arrivait donc trop tard. En outre, le dispositif électronique avait la capacité de filtrer automatiquement les informations pour se concentrer uniquement sur ce qui était réclamé. Une solution jugée équitable par le juge Hilton, qui abonde alors en ce sens.
Une clé de 2560 caractères imprimée sur onze pages
Levison, peu après, accepte de remettre la clé aux autorités. Mais il le fait sous une forme quasiment inexploitable : la clé, longue de 2560 caractères, est imprimée de telle sorte qu’elle tienne sur onze pages de papier. Rappelé à l’ordre par la cour, il se voit alors dans l’obligation de fournir une copie électronique de la clé pour qu’elle soit exploitée facilement. Le dos au mur, il finit par prendre la plus radicale des décisions : fermer son entreprise et détruire les serveurs, privant d’un coup les clients de leurs données et rendant impossible leur extraction par les enquêteurs.
Et maintenant ? Levison a déposé un recours en appel et a d’ailleurs ouvert une collecte de dons pour récolter 100 000 dollars et financer le coût de la procédure. Il en est actuellement à la moitié. Dans un message publié sur son mur Facebook il y a à peine quelques heures, il résume enfin ses motivations : « Les gens qui utilisaient mon service me faisaient confiance pour protéger leurs identités électroniques et leurs informations. Je ne pouvais tout simplement pas trahir cette confiance. Si l’administration Obama se sent obligée de continuer à violer les droits à la vie privée des masses dans l’unique objectif d’en surveiller quelques-uns, alors elle devrait au moins demander au Congrès des lois octroyant une telle autorité plutôt que d’utiliser les tribunaux pour obliger les entreprises à devenir secrètement complices de crimes contre le peuple américain. »
Lavabit : du compte d’Edward Snowden à la destruction des serveurs
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Un compte pas comme les autres
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Une même clé protégeant les métadonnées de 400 000 clients
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Les autorités exigent la clé SSL
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Une clé de 2560 caractères imprimée sur onze pages
Commentaires (70)
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Abonnez-vousLe 03/10/2013 à 09h57
Mais il le fait sous une forme quasiment inexploitable : la clé, longue de 2560 caractères, est imprimée de telle sorte qu’elle tienne sur onze pages de papier.
Ils ont pas de stagiaire au FBI? " />
Le 03/10/2013 à 09h57
En tout cas s’il rouvre un boîte de ce genre, les clients vont accourir.
Mmh, l’état US n’a pas les moyens d’utiliser un logiciel d’OCR?
Le 03/10/2013 à 10h03
C’est extrêmement couillu surtout qu’il est exposé des deux côtés : il ne fournira pas aux autorités les données demandées, d’une part… et il a détruit les données que ses clients stockaient chez lui d’autre part.
Entre la liberté et la sécurité, il a choisi. Respect. Ce n’est pas un américain, justement,qui avaient sorti cette phrase sur la liberté et la sécurité, hein ?
Le 03/10/2013 à 10h04
Le 03/10/2013 à 10h05
Le 03/10/2013 à 10h06
Le 03/10/2013 à 10h06
Le 03/10/2013 à 10h15
Couillu le mec… Mais au moins il va au bout de ces convictions, et c’est tellement rare maintenant qu’il faut le souligné…
Le 03/10/2013 à 10h16
Un homme qui a des burnes" />
Le 03/10/2013 à 10h22
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en a dans le pantalon le garçon !
Ce serait cool si 1 ou 2 milliards de personne mettaient du Snowden un peu partout dans leurs données. Ca donnerait un peu de boulot à nos amis de la NSA.
Le 03/10/2013 à 10h22
Le 03/10/2013 à 10h25
Le 03/10/2013 à 10h30
Il encoure quoi pour avoir détruit les serveurs ?
Le 03/10/2013 à 10h32
Destruction de preuve et refus d’obtempérer j’imagine.
Le 03/10/2013 à 10h32
Le 03/10/2013 à 10h37
" />
Le 04/10/2013 à 11h34
Moi Obama " /> Nobel de la Paix et maitre du monde….." />
Le 03/10/2013 à 11h25
Pour avoir affirmé ses convictions de la sorte, il risque d’être considéré comme complice du traître à la nation (Ben ouais, on est aux US quand même).
Soit il finira en taule à vie - et pas dans une basse sécurité, plutôt dans un Guantanamo 2.0 - soit il se fera suicider.
Mais à part ça, les amerloques ont été bien cons ; il leur a filé la clé qui était exploitable (Lire onze page de chiffres à Toto qui les écrit, c’est faisable quand même…) et il leur a proposé une solution pour isoler le compte de Snowden.
Mais non, fallait que ça aille vite et que ce soit facile… GG FBI! " />
Il en faudrait plus des comme lui…
Le 03/10/2013 à 11h42
Le 03/10/2013 à 11h44
Le 03/10/2013 à 11h52
Le 03/10/2013 à 11h56
Le 03/10/2013 à 11h58
Le 03/10/2013 à 12h08
Le 03/10/2013 à 12h10
Le premier qui arrêtera risque de se faire démolir par tous les autres.
Formulé autrement ; si les amerloques se démilitarisaient, les japonais, les chinois,… Ils se feraient un plaisir de leur casser la gueule
Ce qui finira par arriver de toute façon. La roue tourne !
Le 03/10/2013 à 12h19
courageux le mec " />
j’aime beaucoup la clé imprimée sur plein de feuilles " />
c’est du niveau de payer ses impôts avec une brouette de pièces en centimes " />
Le 03/10/2013 à 12h27
Merci pour cet article qui relate bien les faits.
Pour aller plus loin, il serait intéressant de se poser la question de comment Ladar Levison a pu se retrouver dans cette situation. J’applaudis également son intégrité, mais l’essentiel n’est pas là. Le problème de base c’est que Lavabit proposait un service de mails qu’il qualifiait de “sécurisé” alors que ce n’était absolument pas le cas.
Dans un service correctement sécurisé, Ladar Levison aurait pu dévoiler un accès total à ses serveurs sans que la sécurité des données ne soit compromise.
Pour moi Ladar Levison est coupable d’avoir voulu essayer de sécuriser un service qui ne peut tout simplement pas l’être en l’état actuel du protocole Mail. Sauf bien sûr d’utiliser S/MIME, PGP, GnuPG et un serveur SMTP sécurisé,… les mails envoyés et reçus par Lavabit d’autre fournisseurs circulaient tous en clair! Ce problème ne pouvait pas être contourné, mais il a laissé penser que Lavabit était sécurisé.
Ladar Levison n’a pas eu d’autre choix que de fermer son service pour protéger la pseudo-confidentialité de ses clients. Encore une fois, c’est tout à son honneur mais je ne pleurerai pas la disparation de Lavabit.
Pour la solution du futur:
http://www.pcinpact.com/news/81882-projet-caliop-pour-laurent-chemla-le-fondamen…
;)
Le 03/10/2013 à 12h30
Le 03/10/2013 à 12h31
Le 03/10/2013 à 12h43
Le 03/10/2013 à 12h44
Le 03/10/2013 à 12h52
Pour tous ceux qui parlent de stagiaires ou de logiciels pour la clé, on fait comment le distinguo entre l et I sur du papier ( la lettre L en minuscule et la lettre i en capitale pour être plus clair) " />
Le 03/10/2013 à 13h00
Pourquoi pas imprimer la clé en Morse Whitespace : ESPACE= un court, TAB=un long
" />
Le 03/10/2013 à 10h39
Le 03/10/2013 à 10h40
Le 03/10/2013 à 10h40
Le 03/10/2013 à 10h44
Je me disais bien qu’une médaille ferait pas l’affaire. :(
Le 03/10/2013 à 10h46
C’est peut-être couillu, mais à la base, le mec propose quand même un service “sécurisé qui contrevient aux lois de son pays, ce n’est pas ce qu’il y a de plus intelligent, surtout dans le domaine de la sécurité.
Si la saisie pure et simple des serveurs avait été ordonnée, il aurait bien été dans le caca…
Le 03/10/2013 à 10h46
En outre, la clé qui protège le chiffrement est la même pour 400 000 clients de l’entreprise.
C’est certainement une erreur de faire ça.
Le 03/10/2013 à 10h46
Le 03/10/2013 à 10h50
Le 03/10/2013 à 10h59
Le 03/10/2013 à 11h04
Le 03/10/2013 à 11h03
Respect.
Un petit don pour lui, hop. (Ca remplacera quelques cafés.)
Le 03/10/2013 à 11h06
Le 03/10/2013 à 11h10
Le 03/10/2013 à 11h16
Le 03/10/2013 à 11h17
Le 03/10/2013 à 11h19
Le 03/10/2013 à 09h50
c’est un beau geste, c’est juste un peu radical. j’espère que le gars s’en sortira dans le futur!
Le 03/10/2013 à 09h51
+1
Le 03/10/2013 à 09h54
sphère privée… président avec un prix nobel… tout ça tout ça tout ça…
plus le temps passe… moins je crois a cette administration bananière.
Le 03/10/2013 à 09h55
Très interréssant comme article. La société aura fait de sacrées pirouettes pour gérer cette situation. " />
Le 03/10/2013 à 09h56
" /> Lavabit
Il n’y avait pas de clause “vaseline” dans le contrat. point final. " />
Edit: aïe ! le nom " />
Le 03/10/2013 à 13h00
Le 03/10/2013 à 13h15
Les ptits gars du gouvernemant américain connaisse pas l’OCR ?!!
du texte imprimé sur 11 pages, c’est scanné en 1min, et transformé en fichier word en 5min. Il est où le souci ??
Le 03/10/2013 à 13h34
Le 03/10/2013 à 13h35
Le 03/10/2013 à 13h38
Le 03/10/2013 à 13h47
Le 03/10/2013 à 14h33
Le 03/10/2013 à 16h09
Le 03/10/2013 à 17h57
Le 03/10/2013 à 18h03
« Les gens qui utilisaient mon service me faisaient confiance pour protéger leurs identités électroniques et leurs informations. Je ne pouvais tout simplement pas trahir cette confiance. Si l’administration Obama se sent obligée de continuer à violer les droits à la vie privée des masses dans l’unique objectif d’en surveiller quelques-uns, alors elle devrait au moins demander au Congrès des lois octroyant une telle autorité plutôt que d’utiliser les tribunaux pour obliger les entreprises à devenir secrètement complices de crimes contre le peuple américain. »
" />
Le 03/10/2013 à 18h05
Enfin un acteur informatique de haut niveau qui a une bonne paire de Balls !
Le 03/10/2013 à 18h32
Le 03/10/2013 à 19h05
Le 03/10/2013 à 19h10
Le 03/10/2013 à 21h46
Pas besoin de désordre.
Dans une page A4 tient 27652 caractères en police 4 dans onze pages tient 304172 caractères.
Alors même avec la meilleure volonté du monde, retrouver parmi une suite de 304172carateres, la suite de 2560 caractères que représente la clef est pratiquement impossible.
Le 04/10/2013 à 07h38