La gratuité des frais de port pour l’envoi de livres commandés sur Internet connaît-elle ses derniers jours ? Le Sénat pourrait en effet définitivement adopter ce jeudi la proposition de loi dite « Anti-Amazon ». Le texte revient devant le Parlement après que la Commission européenne a adressé de nombreuses critiques à son sujet. La France pourrait même être menacée de poursuites de la part de Bruxelles...
Mercredi dernier, la Commission de la Culture du Sénat examinait une nouvelle fois la proposition de loi visant à encadrer les « conditions de la vente à distance des livres », également appelée loi « Anti-Amazon ». Rappelez-vous : le texte aurait pu être définitivement adopté en seconde lecture à l’Assemblée nationale dès le mois de février, sauf que le ministère de la Culture avait été contraint de notifier le texte à la Commission européenne quelques semaines plus tôt, ce qui obligeait les pouvoirs publics à respecter un statu quo d'au moins trois mois.
De ce fait, le gouvernement avait déposé un amendement cosmétique afin qu’une seconde lecture devant le Sénat devienne nécessaire, ce qui laissait à Bruxelles le temps de rendre son avis sur ce texte. Pour mémoire, ce dernier vise principalement à interdire la gratuité de frais de port pour toute commande de livres effectuée sur Internet, sauf au cas où les ouvrages seraient livrés chez un libraire (voir notre analyse du texte).
La croisade anti-Amazon se poursuit au Parlement
La sénatrice Bariza Khiari (PS), rapporteure du texte, a ainsi rappelé la semaine dernière tout le bien qu’elle pensait de cette proposition de loi : « Ce texte constitue un élément fort du soutien public aux librairies (...). Il tire les conséquences de la concurrence déloyale que représente le dumping auquel se livrent quelques grandes enseignes - pour ne pas dire une société largement dominante - de commerce électronique de livres ». La référence à Amazon n'est pas explicite, mais c'est tout comme.
L’intéressée reste par ailleurs convaincue de l’impact de la fin de la gratuité des frais de port (même si dans la pratique, on peut imaginer que ceux-ci seront facturés à une somme modique, de 1 centime d’euro par exemple). « L'interdiction de la gratuité de la livraison aura un effet psychologique sur le consommateur, dont il convient de ne pas méconnaître les conséquences, certes modiques mais néanmoins positives, sur le rééquilibrage de l'environnement concurrentiel du marché du livre » a-t-elle insisté.
La Commission européenne juge la mesure disproportionnée
Sauf que la Commission européenne ne semble pas partager ce point de vue. La sénatrice Khiari a en effet expliqué à ses collègues que la France avait reçu de la part de Bruxelles un avis circonstancié dans lequel ressortaient quatre objections : « La Commission estime tout d'abord que le dispositif prévu pourrait restreindre la liberté de fournir des services pour les détaillants de livres en ligne établis dans d'autres États membres. Elle émet également des doutes quant à la pertinence des mesures envisagées au regard de l'objectif visé. Elle s'interroge, en outre, sur les risques que pourraient faire porter les contraintes appliquées aux détaillants en ligne sur les libraires qui souhaiteraient se positionner sur le marché du livre en ligne sans disposer de l'assise économique des plates-formes existantes. Enfin, elle reproche aux autorités françaises de ne pas lui avoir fourni suffisamment d'éléments pour juger de la proportionnalité du dispositif. »
La sénatrice a poursuivi en affirmant que « d'âpres négociations » avaient ainsi été engagées entre Paris et Bruxelles, « en vue d'adapter la mesure aux remarques émises ». Sauf qu’en dépit de ces échanges, il s’avère que « si les autorités européennes semblent prêtes à se laisser convaincre par le dispositif de la proposition de loi, cette acceptation ne pourra se faire qu'au prix d'une renonciation préalable de la France à la mesure consistant à interdire la gratuité des frais de port, que la Commission estime disproportionnée ». En clair, Bruxelles demande purement et simplement à ce que possibilité pour les cybermarchands d'offrir les frais de port à leurs clients soit maintenue. Seule resterait l'interdiction de cumuler la gratuité et la ristourne de 5 %. L’avertissement de la Commission se veut d’ailleurs extrêmement sérieux : « À défaut, la France se trouverait sous la menace d'un contentieux et, partant, d'une condamnation » a ainsi déclaré la rapporteure.
La Commission de la Culture refuse de plier face au « chantage » de Bruxelles
Mais les élus de la Commission de la Culture du Sénat ne se sont pas laissés impressionner. Invités par la sénatrice Khiari à ne pas « souscrire à un tel chantage », ils ont convenu à l’unanimité de conserver le texte en l’état. « Les libraires, malmenés par la crise économique et par la concurrence déloyale des plateformes de vente en ligne, attendent le vote de ce texte depuis de nombreux mois. Nous ne pouvons les décevoir en abandonnant un élément majeur du dispositif que nous avons voté, le 8 janvier dernier, dans une belle unanimité » a fait valoir l’élue.
Avant d’ajouter : « Est-il besoin de rappeler que les textes que nous avons adoptés en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le livre et, récemment, sur la presse en ligne, allaient également à l'encontre des incantations de la Commission sans que la France ait été à ce jour condamnée ? Ces exemples montrent qu'une négociation politique est fréquente a posteriori. Ne nous laissons donc pas inutilement impressionner. Enfin, comment les autorités européennes pourraient-elles justifier un contentieux contre le dispositif français, qui protège les libraires sans excès manifeste contre les détaillants en ligne, alors qu'elles demeurent impuissantes face aux stratégies d'optimisation fiscale développées par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) au détriment des États membres ? »
La proposition de loi doit maintenant être débattue en séance publique le 26 juin prochain, c’est-à-dire jeudi.
Commentaires (89)
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J’ai idée qu’un de ces quatre, la France va se prendre une série de mandales à travers la tronche.
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« Est-il besoin de rappeler que les textes que nous avons adoptés en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le livre et, récemment, sur la presse en ligne, allaient également à l’encontre des incantations de la Commission sans que la France ait été à ce jour condamnée ?
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Tiens c’est marrant, quand y’a le bon lobby derrière Bruxelles on peut leur dire " />" /> par contre quand il s’agit d’appliquer la rigueur budgétaire, l’austérité, etc … là c’est “ha mais non on peut pas dire non à bruxelles” …
Comme quoi ils utilisent bien bruxelles comme paravant quand ça les arrangent ….
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Hum ouais, encore des politiques qui dénoncent Bruxelles, et après qui se disent “oh mais tiens les citoyens ils aiment pas l’Europe et votent FN pour partir de l’Europe, c’est bizarre avec toute la mauvaise pub qu’on leur fait…”.
‘Fin bref, de toute façon, même si cette loi française passe, ça fera pas fuir les acheteurs d’Amazon…
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on peut imaginer que ceux-ci seront facturés à une somme modique, de 1 centime d’euro par exemple
C’est prévu dans la rustine qui paraîtra dans deux ans vu que tu viens de leur souffler l’idée " />
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Moi je vois cette loi comme une diminution du pouvoir d’achat…
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Ce qui est risible dans l’histoire est que l’on légifère pour obliger Amazon à faire plus de bénéfice pour que derrière on ne fasse absolument rien contre l’évasion fiscale.
Au final, ce sont bien l’Irlande et les Îles Caïman qui se frottent les mains.
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Du coup faut y aller Gangsta dans la gueule d’Amazon sur les taxes " />" />
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La sénatrice Bariza Khiari…
…sur son cheval blanc pour combattre les moulins à vent (noter que pour brasser du vent, les politocards sont plus efficace que les moulins à vent " />), elle déboule à Bruxelles (en foutant de la mer.. partout, et oui les chevaux…toussa) et fonce dans le quartier Européen avant de se prendre un bus 71 qui passait par là… pas de bol. " />
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C’est quoi cette mode en France de s’opposer à l’hégémonie des USA non pas par l’aide aux investisseurs mais plutôt par des lois débiles.
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On fait des ponts d’or aux boites ricaines et après on réfléchit " />" />" />
Je rigole mais ça fait peur, Netflix va arriver avec des avantages que les autres réclament depuis longtemps et ensuit on va se demander pourquoi ça marche pour EUX et pas pour les service made in France " />" />
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Y a des études de marchés derrière qui prouvent que les parts de marchés des libraires vont augmenter de autant ou c’est du pif au mètre de doigt mouillés?
Ok il faut soutenir l’économie local, je n’ai rien contre là-dessus et ceux qui pensent le contraire ne pense qu’à leur petite personne. Maintenant je trouve le truc un peu débile car cela ne rapportera pas forcement plus d’argent dans les caisses de l’état (voir en coûter si grosse amende) et peut être même un peu plus dans celles d’Amazon.
Le vrai problème est surtout de savoir comment Amazon peut se permettre de tels offres (magouilles fiscales) et de corriger cela plutôt non?
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A noter concernant l’optimisation fiscale que dorénavant, les filiales ne pourront plus transférer leurs bénéfices à l’étranger pour payer moins d’impôts " />
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Entre systeme sous perfusion, assistance respiratoire et foutage de gueule …
Comme pour les VTC la France deviendrait elle refractaire a l’evolution ?
(heureusement que Free est arrivé avant dans le mobile ..sinon on serait encore a payer la peau du …)
( Cf Amazon Vs Hachette )
Les “Autres” auraient pu aussi se bouger les doigts du Cul pour proposer ce service
-> donc les petits saints (editeurs and Co) n’ont pense qu’a leur propres benefices avant de penser aux Libraires et points de ventes
Je viens de me faire l’avocat du Diable pour Amazon … mais en definitive le plus consternant … c’est que je ne trouve rien pour l’autre partie …
La mise en marche naturelle avait deja commence avec les megastores/Fnac and Co
un systeme nait un autre doit Mourir
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Bah, Amazon trouvera bien un moyen de contourner et on fera une nouvelle loi, etc…
P’tain… Des loi faites contre une organisation… Moi qui croyait que les lois étaient faites pour tout le monde sur des généralités sur la vie en société et non des choses privées et marginales…
On ne fait pas des lois pour encadrer la Société Civile, mais pour réaliser une utopie…
Et après, on s’étonne de l’inflation législative…
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Ils me font bien marrer avec leur loi pour contrer le “méchant Amazon qui veut tuer nos libraires”.
Et la FNAC alors? Ca fait des années que l’enseigne applique la réduction systématique de 5% sur les livres et ce n’est que récemment que l’état a interdit cette réduction automatique (elle est maintenant réservée aux adhérents). Or je pense que la FNAC a bien plus participé à la disparition des petits libraires qu’Amazon.
D’ailleurs, la FNAC aussi offre la livraison sur les livres. Bizarrement, personne n’en parle ce qui pourrait montrer que “tant que c’est Français, c’est pas grave”.
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Peuvent pas traiter directement le vrai sujet : l’évasion fiscale ? " />
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Conclusion, on sait maintenant pour qui travaille cette “Europe totalitaire”: les conservateurs, les grandes familles européennes, les USA mais pas pour le peuple " />
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La France est un pays de corporatisme.
On protège les taxis, les libraires, les agents sncf… pour qu’ils gardent leurs avantages indus et continuent d’entuber les clients.
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Encore une loi débile. On devrait aussi interdire les liseuses électroniques pour ne pas faire de concurrence déloyale envers les libraires. Cette mesure va précipiter la fin du livre papier. Belle aubaine pour les Kindle et autres liseuses qui font les affaires de ceux qui les commercialisent. Un seul exemplaire numérique, revendu à des milliers de personnes, pas de stockage ni de personnel à financer. Oh et j’oubliais… les frais de port sont gratuits ! Les industriels du livre numérique n’attendaient que ça … de là à parler de lobbying il n’y a qu’un pas !
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Rien n’est jamais gratuit, le port est déjà compris dans le prix via le volume de ventes.
Donc de port gratuit qui fait bien dans la communication, il suffira de mettre port compris, un mot qui change pour un résultat qui lui ne changera pas ^^
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gratuit est un mot que Bruxelles aidé par ce gouvernement va sortir du dictionnaire ….." />
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