Pédopornographie : les plateformes poussent-elles au crime ?
Culture du V*0 l

La multiplication d'affaires de pédopornographie et le rajeunissement de ceux qui en possèdent et en diffusent oblige à s'interroger sur le rôle des usages numériques dans l'explosion de ce type de contenus criminels.
Le 09 avril à 10h30
6 min
Société numérique
Société
« Je n’ai aucune excuse (…). Mais je n’ai pas commencé par vouloir voir des enfants. J’étais accro au porno et je me suis totalement désensibilisé. » Tels sont les propos de l’un des 850 hommes arrêtés chaque mois en Angleterre et aux Pays de Galles pour avoir consommé ou échangé des contenus pédopornographiques en ligne.
Ils sont enseignants, policiers, chauffeurs de bus, médecins. Ils sont de plus en plus jeunes, aussi.
The Guardian en a interrogé plusieurs, pour tenter de répondre à une question complexe : les logiques de recommandations des plateformes sur lesquelles nous consommons toutes et tous des contenus de tous types se contentent-elles d’alimenter tout une génération de pédophiles, ou la créent-elles ?
Pente glissante
La plupart des pédocriminels interrogés par le média britannique décrivent un usage incontrôlé de la pornographie, consommée pour gérer du stress, tromper l’ennui ou la solitude, quelquefois jusqu'à l'addiction.
Condamné pour possession des trois catégories d’images catégorisées comme pédocriminelles dans le droit britannique, dont la plus grave, l’un d’eux indique : « La police n'a jamais trouvé une seule recherche d'images d'enfants : tout s'est fait en cliquant sur des liens – ce que les algorithmes me proposaient. Les sites pornographiques ont un bouton qui dit “Voir d'autres images de ce genre”. J'étais désensibilisé, j'avais regardé tellement de porno pour adolescents. »
Le phénomène est multiforme et international : Europol opérait en mars un coup de filet dans 19 pays, démantelant un réseau dédié à la génération de pédopornographie par IA, le mois précédant, elle alertait sur l’essor de communautés dédiées à la torture de mineurs, en décembre, la gendarmerie française arrêtait 95 membres d’un réseau pédocriminel opérant via Signal…
Pour comprendre les motivations des auteurs, le groupe finnois Protect Children a lancé une étude de deux ans impliquant de poster des questionnaires sur le dark web pour toucher des internautes consommateurs de contenus illégaux dans différents pays. Sur les plus de 4 500 personnes interrogées, un tiers se déclarent clairement intéressées par la pédopornographie. Les deux tiers déclarent un intérêt pour les mineurs, principalement les 15 à 17 ans.
Quant au rôle des plateformes, et au lien qui pourrait unir pornographie classique et pédopornographie, il est lui-même controversé. Mais plus de 50 % des répondants au questionnaire de Protect Children déclarent ne pas avoir cherché d’images pédopornographiques lorsqu’ils y ont été confrontés pour la première fois.
Si de nombreux hommes adultes arrêtés pour de tels actes posent un réel danger aux mineurs, le psychologue Michael Sheath explique au Guardian avoir vu, en 14 ans de carrière, une évolution dans les profils arrêtés. Parmi ces derniers, il rencontre désormais régulièrement « des hommes qui ont suivi ce que j'appelle une "pente glissante" ». Une explication similaire à celle du « trou du lapin » (rabbit hole), décrite pour expliquer la radicalisation d’internautes vers des idées complotistes ou haineuses.
Suspension de tabous protecteurs
Pour Michael Sheath, le lien entre pornographie classique et pédopornographie est « sans ambiguïté ». Il l'illustre notamment par l’évolution des tabous sociaux qui, pendant longtemps, protégeaient les mineurs. « Autrefois, explique-t-il au média britannique, il était difficile de trouver du matériel pédopornographique et il était extrêmement risqué d'en regarder. L'état d'esprit d'une personne qui cherchait du matériel pornographique était “je suis un vrai criminel sexuel” — elle savait qu'elle sortait des normes de la société. »
Aujourd’hui, la plupart des sites pornographique grand public proposent des titres évoquant clairement de la pédopornographie et des relations incestueuses, du type « Les garçons dépucelés par leur tante » ou « beau-père et belle-fille ».
Selon une étude menée en 2021 par l’université de Durham, un titre sur huit en page d’accueil des principales plateformes pornographiques montre des formes de violences sexuelles contre les filles et les femmes. L’équipe de chercheurs constatait par ailleurs que les vidéos étiquetées « teens » (adolescents/adolescentes) montraient plus fréquemment de la violence.
La plupart des plateformes grand public, comme Pornhub, ont des règles de modération interdisant la représentation d’activités sexuelles non consensuelles, agressions sexuelles et viols compris. PornHub a d’ailleurs conclu un partenariat avec l’Internet Watch Foundation et la Fondation Lucy Faithfull, qui a conduit à l’ajout de pop-up pour signaler à l’internaute britannique qu’il semble en train de chercher des contenus pédopornographiques.
Mais comme sur n’importe quelle plateforme sociale, cette modération est imparfaite. Et les contenus s’échangent aussi ailleurs, dans des boucles de discussion ou des forums fermés.
Enjeu de santé publique
L’enjeu, alertent les spécialistes, est aussi celui d’une forme d’addiction. Dès 2013, des études montraient que la dopamine reçue au visionnage régulier de pornographie modifie peu à peu les goûts des personnes concernés. Le mois dernier, une autre publication constatait qu’au fil du temps, un consommateur de pornographie sur cinq glissait vers des contenus plus extrêmes.
Et la tendance n’est pas prête de s’améliorer : en 2023, devant la jeunesse accrue des personnes recourant à ses services, la Lucy Faithfull Foundation, qui lutte contre les violences pédopornographiques, s’est trouvée obligée d’ouvrir un service d’accueil des adolescents. De même, du côté de la police de Worcester, l’enquêteur Tony Garner déclare recevoir de plus en plus d’adolescents, quelquefois âgés d’à peine 18 ans, mais déjà « exposés pendant 10 ans à du porno hardcore ».
Pédopornographie : les plateformes poussent-elles au crime ?
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Pente glissante
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Suspension de tabous protecteurs
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Enjeu de santé publique
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 09/04/2025 à 11h17
Le Guardian ne parle pas des plateformes en général "contenus de tous types" mais de plateformes fournissant de la pornographie.
Alors, oui, les algos de recommandation des plateformes généralistes et pornos doivent être similaires, mais non, les plateformes généralistes n’alimentent ni ne créent des générations de pédophiles.
Ensuite, reprendre juste une partie du titre pour résumer la "question complexe" : est simpliste alors que la vraie question posée dans l'article lui-même est : La question ne porte donc pas sur les algorithmes mais sur les images d'abus sexuel d'enfants.
Le titre, lui est fait pour être accrocheur et résume plusieurs aspects de l'article les algorithmes qui pousseraient à regarder des contenus avec des jeunes (majeurs mais représentant éventuellement des mineurs) et entraîneraient donc vers la la pédopornographie et aussi la question que j'ai recopiée plus haut.
Le 09/04/2025 à 17h20
Le 09/04/2025 à 20h08
Le 09/04/2025 à 15h14
Le 09/04/2025 à 17h16
Modifié le 09/04/2025 à 16h58
J'ai surtout l'impression que désormais le nommage des vidéos n'est plus fait par leurs auteurs / posteurs mais par des algos , qui auto-référencent dans une sorte "d'effet de mode" en boucle fermée.
Pour moi c'est un peu la même chose sur les sites de news, où toutes les photos (générés par IA) , les titres, les textes,.... se ressemblent. C'est juste le symptôme des administrateurs qui en veulent le plus possible (quantitativement) pour le moins d'efforts possible.
Le 09/04/2025 à 17h33
Je suis stupéfait par la réecriture faite notre société quand ça arrange tout le monde.
Je parle de l'accronyme MILF.
Que maintenant les gens traduise par Mother I'd Like to Fuck (bizare, non ? (j'y reviendrai)
Mais à la base ça faisait à un "fantasme familiale", celui de la belle-mêre.
Et oui, MILF veut (voulait) dire à la base" Mother In Law Fucking" ! (C'est curieux là l'accronime passe mieu).
Le 10/04/2025 à 09h15
Le 10/04/2025 à 10h34
Que je fatigue ma "dyslexie" devient plus visible.
Le 10/04/2025 à 10h54
Le 10/04/2025 à 09h41
Le 10/04/2025 à 11h00
Les sources de wikipédia sont toutes (relativement*) recentes.
Cependant ne pouvant pas données plus de sources que de vagues souvenires, je reconnais et comprends qu'on ne puisse me croire.
De plus les connotations de différents termes évolues avec le temps.
Exemple Lolita qui était associé à une idée d'ingénu (donc "relativement" mignon), il n'y a pas si longtemp alors que maintenant utilisé ce terme c'est terrain minée sur une zone de radiations mortelles avec des lasers associés à des guns machines.
* relativement car les années 90 ça fait plus de trentes ans maintenant ... je me sens vieux...
PS : Je dessamorce par avance un possible biais pour les lecteurs de ce commentaires.
Les lolita etc. c'est pas mon truc donc pas de remarques pédophiles à mon sujet. svp
Modifié le 11/04/2025 à 15h32
la "maman de Stiffler" est à mon avis devenue la porte d'entrée vers un usage plus important de cet acronyme obscur autrement.
edit: ce film est sorti en plein boom d'internet, donc "démocratisation" du pron.
@RuMaRoCO le livre Lolita est tout sauf innocent, la jeune fille l'est, mais le beau-père qui y est décrit glisse bien vers une limite malsaine... de mémoire la fin du bouquin décrit une vie gâchée pour cette fille une fois devenue femme.
L'usage japonais (lolita complex, lolicon) semble osciller entre vrai mal-être de ceux qui seraient coincés dans leur adolescence, et ceux qui veulent juste consommer ce genre de contenu.
Le 11/04/2025 à 17h11
Je me suis posé la question depuis quand certains grands sites existent :
pornhub et porntube, xhamster ont été créés en 2007.
Amercian Pie date de 1999.
Mes souvenirs fin des années 80 debut 90... (comme deja dit, le temps des BBS avec 3 - 4h de telechargement pour une image ultra-pixelisée...)
Après, je ne peut être pas à l'abri d'un effet Mandela.
Le 15/04/2025 à 13h28
à cette époque, il fallait un bon moment pour télécharger en 56K une video de 1Mo et quelques.
L'ADSL a tout révolutionné avec les premiers screeners et divx.