Parcoursup et Mon Master : le Comité éthique regrette des « interprétations simplistes »
Arlésienne

Le Comité éthique et scientifique de Parcoursup et Mon Master revient encore, dans son rapport annuel, sur les algorithmes de ses plateformes. Il balaye les critiques sur le manque de transparence, sur la sélection associées et sur l'amplification des inégalités qu'ils engendreraient.
Le 25 mars à 17h29
7 min
Société numérique
Société
La phase pour formuler des vœux sur Parcoursup s'est achevée le 13 mars. Pour Mon Master, les étudiants avaient jusqu'au lundi 24 au soir.
Ces plateformes utilisées pour sélectionner des (futurs) étudiants dans des formations de l'enseignement supérieur français sont souvent critiquées. En effet, l'orientation dans le supérieur est un moment stressant, surtout quand on vous dit que vous ne pourrez peut-être pas accéder à la formation que vous voulez faire. Ça peut devenir anxiogène quand on a l'impression qu'on est face à une machine peu transparente. Depuis APB, l'ancêtre de Parcoursup comme nous le rappelions récemment, les plateformes qui ont servi à organiser la sélection et gérer la pénurie de places ont subi ces critiques.
Le Comité éthique et scientifique de Parcoursup, qui a également pris sous son aile la plateforme Mon Master, a publié son septième rapport annuel adressé au Parlement. Dans le précédent, il voulait déjà clore le débat sur les « algorithmes ». Le résultat ne semble pas encore à la hauteur de ses espérances puisqu'il revient une nouvelle fois sur le sujet dans celui publié cette année.
Comme l'année dernière, ce comité explique le fonctionnement de l'appariement, notamment avec l'utilisation de l'algorithme de Gales et Shaple. Il précise cette année que c'est la même chose pour la plateforme Mon Master en plus simple, puisque « l'ordre d’appel des candidats » est « dans le cas de Mon Master, où il n’y a pas de quotas », basé sur le classement de la formation.
Pas de classement mais un « ordre d'appel »
Cet « ordre d'appel » n'est pas un classement, insiste le comité : « l’algorithme d’appariement de Parcoursup ou de Mon Master ne classe donc pas les candidats entre eux, il se contente de gérer l’appel des candidats en fonction de leurs vœux et des ordres d’appel issus des classements réalisés par les formations ».
Le comité scientifique fustige toute possibilité de faire autrement que d'utiliser ce genre d'outil : « évidemment, on pourrait aussi imaginer que toutes les formations aient des capacités illimitées afin que chacun puisse faire les études qu’il veut, là où il veut, ce qu’aucun pays au monde ne pratique, car ce serait impossible à organiser pour les établissements, insoutenable économiquement, et dommageable socialement pour certains étudiants que l’on laisserait aller droit à l’échec ou au chômage ».
Cette affirmation, qui pourrait paraitre sensée, ne s'appuie hélas sur aucun travail scientifique. Pourtant, avant APB, l'enseignement supérieur français n'utilisait pas ce genre de système. On peut imaginer qu'une comparaison entre la situation actuelle et celle avant APB serait possible, mais le comité ne semble pas l'avoir envisagée.
Parcoursup, opaque ?
Aux questions « L’algorithme d’appariement est-il manipulable ? » et « L’algorithme d’appariement est-il opaque ? », le comité répond « Non ». Il ajoute sur la question de sa possible manipulation qu' « il est prouvé qu’il permet l’affectation équitable optimale des candidats (voir les rapports précédents du Comité) ».
En ce qui concerne l'opacité, il affirme que : « son code est publié, mais la confiance que lui accordent les candidats et leurs parents est chaque année à conquérir. Cette accusation d’opacité, qui circule en permanence, résulte d’une confusion entre l’algorithme d’appariement et les critères de classement des candidats par les commissions d’examen des dossiers de chaque formation ».
Pourtant, comme nous le rappelions récemment, de nombreux rapports soulignent l'opacité de Parcoursup. Le Tribunal administratif de Paris a aussi rejeté la demande de l'association Ouvre-boîte qui voulait accéder au code source complet de Parcoursup.
« L’incompréhension et le sentiment d’opacité proviennent aussi parfois dans Parcoursup de l’effet des quotas de mobilité et de boursiers », affirme le comité.
Néanmoins, il reconnait encore qu'il faut « améliorer l’ergonomie par retour d’expérience des usagers », « améliorer l’affichage des caractéristiques et des critères de classement des formations », « accompagner et aider à l’orientation, une boussole indispensable face à l’immensité des possibles ».
Sur les « algorithmes locaux », le comité considère qu'ils sont « improprement dénommés » ainsi et préfère les appeler « classements des candidats par les formations ». Et pour cause, à la question « Est-ce que des algorithmes classent les candidats à la place des commissions d’examen des dossiers ? », le comité s'empresse de répondre « Non. Ce sont les commissions d’examen des dossiers qui définissent les critères et qui fonctionnent comme un jury ».
Dans le même temps, il est bien obligé d'expliquer que « dans le cadre de Parcoursup, les formations qui doivent classer plusieurs centaines, voire milliers, de candidats sont en effet obligées d’avoir recours à des tableurs, ne serait-ce que pour éviter les erreurs de manipulation ». Il ajoute que « ces tableurs se fondent logiquement sur des critères décidés par les équipes pédagogiques des formations en fonction des compétences et connaissances attendues pour le diplôme visé et permettent un préclassement des dossiers ; cela facilite ensuite le travail délibératif des commissions qui doivent finaliser les classements par un examen personnalisé de certains dossiers ». C'est aussi le cas pour Mon Master.
Il affirme que « c’est dans la transparence de cette pratique que se situe le débat et c’est sur elle que portent les recommandations du Comité au fil des ans. Le Comité a toujours recommandé que ces clés de classement et leur quantification soient publiées de la façon la plus précise possible par les établissements ».
Le comité reconnait aussi un « manque de clarté et d’informations sur les formations privée » alors qu' « en 2025, 40 % des formations offertes sur Parcoursup sont privées, dont la moitié sont hors contrat ».
Le problème de l'anonymat
Le comité reconnait qu'une question se pose lors de l’examen des candidatures sur Parcoursup : l’anonymat des candidats. Celui-ci est en principe de mise, « cependant, cet anonymat n’existe pas pour les CPGE avec internat (la grande majorité) ».
Du côté de l'anonymat des lycées d'origine, il indique que celui-ci « serait souhaitable, mais il nécessiterait une harmonisation préalable des notations par les lycées, ce pour quoi le Comité milite ». Il conseille « en attendant [...] d’augmenter la transparence, notamment sur la prise en compte du lycée d’origine dans les barèmes de points conduisant au classement dans certaines formations ».
Il note que « concernant Mon Master, les candidatures sont nominatives et personne ne réclame l’anonymat ». Le contact entre les différentes formations, enseignants et étudiants « est heureux pour la vie scientifique et fait que les communautés se connaissent ». Il ajoute que « beaucoup de masters organisent des entretiens lors du classement de leurs candidats », ce qui rend impossible, de fait, un anonymat. On peut ajouter que certaines formations conseillent de les contacter avant de candidater pour montrer sa motivation.
Parcoursup et Mon Master : le Comité éthique regrette des « interprétations simplistes »
-
Pas de classement mais un « ordre d'appel »
-
Parcoursup, opaque ?
-
Le problème de l'anonymat
Commentaires (18)
Abonnez-vous pour prendre part au débat
Déjà abonné ? Se connecter
Cet article est en accès libre, mais il est le fruit du travail d'une rédaction qui ne travaille que pour ses lecteurs, sur un média sans pub et sans tracker. Soutenez le journalisme tech de qualité en vous abonnant.
Accédez en illimité aux articles
Profitez d’un média expert et unique
Intégrez la communauté et prenez part aux débats
Partagez des articles premium à vos contacts
Abonnez-vousLe 25/03/2025 à 17h45
Hum. Avant APB, il y avait Ravel ou d'autres systèmes équivalents selon les académies, et ça date de 1990. Ça fait donc 35 ans que c'est comme ça.
Comment l'auteur de cet article s'imagine que l'admission post-bac se faisait par le passé ?
Moi en 1995 (je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître), je faisais des dossiers papier dans les différents établissements où je souhaitais postuler, les établissements faisaient leur liste d'admission, on faisait nos voeux sur minitel, et on en déduisait les affectations. C'était il y a 30 ans, et la seule différence avec ParcoursSup, c'est qu'on donnait directement un ordre de préférence pour nos voeux. Pour tout le reste, c'était équivalent (mais sur minitel ou sur papier). D'ailleurs, la prépa qui m'a recruté n'a jamais publié son algo de sélection (déjà à l'époque, quel scandale).
Le 25/03/2025 à 18h45
Lycée Louis Le Grand à Paris, le proviseur m'avait reçu pour me dire que je n'irais pas en Sup à LLG (j'étais le premier non pris de ma classe) mais que c'était OK pour le lycée Saint Louis (de l'autre côté de la Sorbonne). Il y avait transmission du dossier entre proviseurs qui se mettaient d'accord.
Je ne suis pas bien sûr que c'était si équitable que cela.
Le 25/03/2025 à 19h36
Le 25/03/2025 à 19h41
Le 25/03/2025 à 19h50
Et l'inscription en licence était de droit (sauf exception)
Le 25/03/2025 à 23h24
Le problème vient, à mon avis, de ce qu'est devenu le bac.
Il ne faut pas oublier que le bac n'est pas un diplôme du lycée, c'est le premier grade universitaire ; un jury de bac est d'ailleurs toujours présidé par un professeur des universités. L'inscription en licence n'est donc pas "de droit" ; c'est plutôt que le bac est l'épreuve d'admission à l'université. Ce n'est pas un diplôme sanctionnant la fin des études secondaires, malgré ce que beaucoup pensent.
En 1985, Chevènement lance l'idée de 80% d'une classe d'âge au "niveau bac", idée reprise ensuite par Jospin. À l'époque, il y avait environ 30% d'une classe d'âge au bac. Dans les faits, depuis, on y est arrivé :
https://histoiresduniversites.wordpress.com/wp-content/uploads/2018/03/capture-bacheliers-dans-gc3a9nc3a9ration.png
On est passé de 30% à 79% d'une classe d'âge au bac. Mais le "niveau bac" imaginé à l'époque n'était pas forcément le bac lui-même, mais simplement atteindre la fin du lycée, certainement pas 80% qui continue dans le supérieur ! Dans les faits, on a baissé le niveau d'exigence du bac pour améliorer les stats, et maintenant on a 80% d'une classe d'âge au bac, et ces 80% ont le ticket d'entrée pour aller dans le supérieur. Est-ce que c'est ce qu'on veut ? Est-ce que c'est ce qu'il faut ? Est-ce que tous les bacheliers ont vocation à aller dans le supérieur ? Est-ce qu'un élève qui a un bac pro ric-rac à 10.00 de moyenne qui s'imagine aller à bac+5, parce qu'il a le droit de s'inscrire à l'université, n'est pas un doux rêveur ? Il ne faut pas s'étonner qu'il y a des embouteillages dans le supérieur avec toutes ces conneries.
C'est d'autant plus vrai que maintenant, il n'y a plus de bons points au CP, plus de notes en primaire, ça note bisounours au collège et au lycée, il ne faut surtout pas confronter les élèves à l'échec. Tu m'étonnes qu'après ils se sentent tous pousser des ailes et s'imaginent tous faire de grandes études !
C'est aussi exacerbé par les modes actuelles. 55% du total des inscriptions se regroupent sur 4 filières : droit, STAPS, psycho, PASS. Tu m'étonnes qu'ils sont obligés d'y faire de la sélection ! Alors ils se débrouillent comme ils peuvent, avec les moyens dont ils disposent, en cherchant à ne pas être trop hors-la-loi (car l'état, d'une main, leur interdit la sélection et oblige à admettre tous les titulaires du bac ; mais l'état, de l'autre main, ne va pas donner les moyens pour construire les amphis, recruter les profs, faire déprimer les gens pour avoir besoin de plus de psys -- ah si, ça ils le font). Ils ont quand même doublé les capacités d'accueil en STAPS, mais c'est le tonneau des Danaïdes.
Donc pour répondre à ta question dans l'article : et si on compare avec ce qui se passait avant APB et autres ? C'est bien simple : les titulaires du bac étaient deux fois moins nombreux, et les candidatures ne se concentraient pas sur les filières à la mode STAPS et psycho (médecine et droit faisaient déjà de la sélection avant, il me semble). Du coup, c'était plus simple pour que ça ne déborde pas de partout. Supprimer APB n'a pas résolu le problème. Supprimer Parcoursup ne résoudra pas le problème. Le bac ne fait plus la sélection nécessaire, il faut donc la faire autrement.
Le 26/03/2025 à 07h06
Il suffit d'essayer de fait passer les épreuves d'un Certificat d'Études Primaires (des années 60) à la suite d'un BAC offert avant de permettre l'accès aux licences ou aux DUT/BTS !
Une preuve, à l'époque pour postuler à un emploi dans une mairie, ce CEP suffisait aujourd'hui il faut BAC+3 ou +5 , les postulants avaient une rédaction sans fautes et lisible par tous (et par lui-même) et n'avait pas besoin d'un machinphone pour faire une soustraction.
Le 26/03/2025 à 06h53
Je plussoie ces remarques "des anciens".
Il y a toujours eu une sélection, tout simplement parce que tout le monde ne peut pas accéder à tout.
Et arrêtons de vouloir faire croire aux gens qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, et sans rien faire au lycée.
Les études sup ont un coût pour la société, que les étudiants ne paient pas (du moins directement), et à un moment, ça se mérite.
Le nombre de jeunes que je vois ne rien glander au lycée et estimer scandaleux qu'ils n'aient pas la formation de leur choix parce que quand même, c'est leur choix...
Enfin, depuis Parcoursup, et apb avant, on peut faire bien plus de voeux que quand c'était papier ...
Le 26/03/2025 à 10h47
Le 26/03/2025 à 22h54
Le mérite ce n'est pas forcément réussir ou être brillant (c'est même tout sauf ça).
Le mérite c'est essayer, ne pas y arriver mais recommencer, c'est être présent et se tenir correctement, c'est partir du principe que tout ne nous est pas dû...
Le 26/03/2025 à 08h13
Moi même à 20 ans j'entendais la même chose et mon père entendait lui même la même chose à la charnière des années 50/60 sur sa propre génération.
Le 26/03/2025 à 09h30
De mon point de vue, un vieux sage. Pour certains, sûrement un vieux con.
J'ai 4 garçons, dont 3 qui ont vécu APB pour N2 et Parcours sup pour N2, N3 et N4 (N2 a fait 2 fois ;) )
Je trouve parcoursup intéressant parce qu'il permet de centraliser et avoir une vision de tout ce qui est possible. Avant, c'était beaucoup plus parcelaire. Et les évolutions de parcoursup, qui montre où tu es en liste d'attente et où était le dernier pris l'année dernière, ça aide franchement à se dire "bon, ça va passer" ou "bon, ça va pas le faire, va falloir que je me rabatte sur autre chose".
Le 26/03/2025 à 10h46
Mais ça, ça ne me rassure pas du tout par rapport à la lutte contre le changement climatique et pour la sauvegarde de la biodiversité ...
Le 26/03/2025 à 11h36
Ensuite, quand on parle de la baisse de niveau, il y a quand même du vrai :
https://static.lpnt.fr/images/2023/12/07/25674011lpw-25674010-embed-libre-jpg_9959244.jpg
ça ne veut pas dire que c'était mieux avant ; simplement que notre approche de l'enseignement part peut-être dans une mauvaise direction par rapport à d'autres pays qui ne suivent pas cette tendance à la baisse de niveau.
Le 26/03/2025 à 13h49
Le 26/03/2025 à 16h04
Le 27/03/2025 à 08h44
Le 26/03/2025 à 19h11
Association d'idées...