DMA : nouvelle salve de mesures contre Apple, qui ne décolère pas
« Paperasserie »

Dans un communiqué de presse, la Commission européenne a annoncé une nouvelle salve de demandes faites à Apple, dans le cadre du DMA. L’entreprise américaine tire à boulets rouges contre la Commission, l’accuse de freiner son innovation et de mettre en danger les consommateurs européens.
Le 19 mars à 17h38
6 min
Droit
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Depuis l’arrivée du DMA (Digital Markets Act), les relations entre Apple et la Commission européenne sont tendues. Le règlement impose aux très grandes entreprises une liste de responsabilités qu’Apple a largement critiquées. Le DMA est déjà à l’origine de nombreux changements dans certains produits de l’entreprise, iOS au premier plan. La possibilité d’ouvrir des boutiques tierces figure en bonne place.
À chaque fois, Apple dit tout le mal qu’elle pense de ces mesures. Dans un document dédié, la firme basculait presque dans le sentiment, tâchant de passer pour une innovatrice bienveillante. Elle avertissait notamment que l’ouverture d’autres boutiques finirait immanquablement par affaiblir la sécurité des utilisateurs européens et que les iPhone vendus au sein de l’Union n’en seraient que moins efficaces. Tout en précisant qu’ils resteraient quand même les smartphones les plus sécurisés du marché.
Un « travail éducatif » auprès de la Commission qui ne semble pas avoir porté ses fruits. L’instance vient d’annoncer en effet de nouvelles mesures, toujours dans le cadre des obligations d’interopérabilité imposées par le DMA.
Une question d’interopérabilité
Dans son communiqué, la Commission européenne se concentre sur la question de l’interopérabilité pour les objets connectés. C’est la conséquence directe d’une annonce faite en septembre dernier, suivie d’une consultation publique en décembre. La Commission citait alors l’article 8, paragraphe 2 du DMA, qui lui permet de préciser à un contrôleur d’accès les mesures qu’il doit appliquer pour « assurer le respect effectif des obligations substantielles du DMA ».
Il y a deux séries de mesures. Dans la première, la Commission demande à Apple d’ouvrir les neuf fonctions de connectivité d’iOS les plus utilisées « pour les appareils connectés tels que les smartwatches, les écouteurs ou les téléviseurs ». Selon la Commission, les fabricants pourront ainsi accéder « plus facilement aux fonctions de l’iPhone qui interagissent avec ces appareils ».
Elle cite plusieurs exemples : l’affichage des notifications sur les montres connectées, l’accélération des transferts de données (connexions Wi-Fi pair à pair, NFC…) et la facilitation de la configuration des appareils, dont l’appairage.
La Commission affirme que les produits concernés fonctionneront mieux sur les iPhone, que de nouvelles possibilités seront débloquées, que les constructeurs pourront « mettre sur le marché des produits plus innovants », le tout conduisant à une amélioration générale de « l’expérience des consommateurs européens ». La vie privée et la sécurité de ces derniers doit être garantie, tout comme l’intégrité des systèmes d’exploitation d’Apple, précise la Commission.
De la documentation et des informations claires
La seconde série de mesures veut améliorer « la transparence et l’efficacité de la procédure qu'Apple a conçue pour les développeurs souhaitant obtenir l'interopérabilité avec les fonctionnalités de l'iPhone et de l'iPad ». En clair, il est demandé à Apple d’améliorer l’accès à la documentation technique sur des fonctions qui ne sont pas encore disponibles à des tiers, une meilleure communication, des mises à jour et un calendrier prévisible « pour l’examen des demandes d’interopérabilité ».
La Commission européenne veut croire que les développeurs bénéficieront ainsi « d'un traitement rapide et équitable de leurs demandes ». Là encore, il est question de permettre aux fabricants de proposer plus vite et plus facilement des produits innovants sur le marché européen.
Apple ne cache pas sa colère
Contrairement aux annonces de septembre et décembre, ces décisions de spécifications « sont juridiquement contraignantes ». Apple doit donc les appliquer, sous peine de subir une procédure pour infraction au DMA.
Sans surprise, Apple est en colère. L'entreprise a déclaré à plusieurs médias, dont 9to5Mac : « Les décisions d'aujourd'hui nous enveloppent de paperasserie, ralentissant la capacité d'Apple à innover pour les utilisateurs en Europe et nous forçant à donner gratuitement nos nouvelles fonctionnalités à des entreprises qui n'ont pas à respecter les mêmes règles. C'est mauvais pour nos produits et pour nos utilisateurs européens. Nous continuerons à travailler avec la Commission européenne pour l'aider à comprendre nos préoccupations au nom de nos utilisateurs ».
Pour Apple, la seule entreprise à faire actuellement l'objet de ces décisions de spécifications, le problème serait donc centré sur une Commission européenne mal éduquée, bureaucratique et injuste. La firme se positionne d’emblée comme porte-parole de ses clients.
L’ombre de la Maison-Blanche
La Commission européenne a choisi d’aller au bout de sa procédure, alors que le contexte géopolitique s’est radicalement tendu depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
Le président américain s’est montré clair récemment : la situation des réglementations européennes sera examinée de près, tout particulièrement le DMA et le DSA. L’Europe est, dans les grandes lignes, accusées de « faire son beurre » sur le dos des sociétés américaines, car ne possédant pas elle-même d’entreprises aussi importantes.
La vision de la Maison-Blanche à ce sujet est limpide. Elle refuse de permettre « aux gouvernements étrangers de s'approprier l'assiette fiscale américaine à leur profit ». Dans le cas contraire, qu’ils soient prévenus : ils « s'attireront les foudres de l'administration s'ils prennent des mesures pour contraindre les entreprises américaines à céder leur propriété intellectuelle ». Pour le gouvernement Trump, les sociétés américaines doivent être régies par des lois américaines.
DMA : nouvelle salve de mesures contre Apple, qui ne décolère pas
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Une question d’interopérabilité
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De la documentation et des informations claires
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Apple ne cache pas sa colère
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L’ombre de la Maison-Blanche
Commentaires (20)
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Abonnez-vousLe 19/03/2025 à 20h09
On parle bien du même Trump qui se plaint que l'UE, le Canada ou la Chine sont exportateurs excédentaires vis-à-vis des USA et qui veut mettre des droits de douanes pour compenser la faiblesse de son industrie ? Et ce alors même que si on ajoute aux exportations US le business qu'elles font chez nous avec leurs services numériques, c'est les USA qui sont gagnants ?
C'est quoi des droits de douanes, si ce n'est de la fiscalité au profit des USA ?
En ce qui concerne le marché US, je suis entièrement d'accord. Si les règles de l'UE ne leur plaisent pas, qu'elles n'aillent pas sur le plus gros marché mondial. Au moins, ça nous forcera à nous mettre au niveau dans l'UE.
Trump est un guignol. Il n'a pas compris que l'UE était en position de force grace à l'importance de son marché (il n'y a pas que moi qui le dit). J'espère sans en être sûr que dans l'UE, on l'a bien compris et que l'on ne lui cédera pas. Il suffirait que l'on taxe à 25 %les facturations de fournitures immatérielles des sociétés américaines à leurs filiales de l'UE comme il veut taxer les importations venant de l'UE aux USA pour qu'il arrête tout de suite ses méthodes de mafieux.
Le 19/03/2025 à 22h34
Le 20/03/2025 à 10h23
Le 20/03/2025 à 10h42
Le 20/03/2025 à 10h48
Mais, oui, l'idée était drôle.
Le 20/03/2025 à 12h00
Le 20/03/2025 à 14h54
Le 20/03/2025 à 10h55
Que se passerait-il si Trump disait : ok, vous ne voulez pas céder à nos exigences, dans ce cas, j’interdis à l’Europe de bénéficier toutes technologie US, plus de puce intel, nvidia, qualcom etc… On coupe nos services de cloud. Plus de màj windows, macos et autres logiciels américain.
On rétorque avec quoi ? nos exportations de camembert et de moteur pure-tech ?
Bon évidemment je grossis le trait, et on pourrait répondre avec la technologie de gravure d’ASML qui est européenne (pays bas). Mais guère plus. Les US nous tienne les boules et nous leur barbichette.
Le 20/03/2025 à 11h12
Je le répète : l'UE est le plus gros marché unifié du monde. Les USA ne peuvent pas s'en passer.
Le 21/03/2025 à 10h54
Le 20/03/2025 à 12h02
Modifié le 24/03/2025 à 22h31
D'ailleurs l'article illustre bien mon propos : Apple râle mais il y'a pourtant une solution très simple pour ne pas subir le DMA... Ne plus rien ventre en Europe ! Ce n'est même pas envisageable même pour Apple et son trésor de guerre !
D'ailleurs les frais de douane, à part peut-être LVMH qui a du mal a refourguer son Cognac (les deux principaux marchés sont les US et la Chine...oops), je pense que les impacts sont assez modérés en Europe. Les impacts négatifs sont plus du côté Américain : tout ce qui n'est pas fait localement est plus cher (taxé), et les produits qui seraient relocalisés eux aussi coûteront plus cher (c'est la raison initiale de leur délocalisation : faire baisser les coût de production, et donc vendre moins cher ses produits).
Bref, le raisonnement de Trump (si ce qualitatif s'applique à ce personnage :) ) me dépasse, à part de l'inflation et de la perte de son influence international, je ne vois pas ce que ça va rapporter aux État-Unis!
On voit déjà les effets bénéfiques en Europe, qui réfléchit enfin sérieusement à une défense Européenne (une arlésienne depuis les années 50)
Le 19/03/2025 à 23h51
Bien sûr. Et donc pour Tiktok aux US, c'est la loi chinoise qui s'applique.
Le 20/03/2025 à 08h07
Le 20/03/2025 à 08h20
Le 20/03/2025 à 10h50
Le 20/03/2025 à 11h25
Poutre - Oeil
Hopital - chraité tout ça tout ça ...
Le 20/03/2025 à 13h05
Le 21/03/2025 à 09h58
=> Je pense que ce point est ouvert à débat.
Est-ce que les "stores" améliorent la sécurité ? Et si oui est-ce la sécurité des usagers ou bien la sécurisation des profits du détenteur du store qui passe en priorité. Et est-ce que envoyer en temps réel à une société américaine nos données personnelles étrangère participe à la sécurité de qui exactement ?
Bref, je pense que c'est un cas où chacun voit midi à sa porte, et que les mots n'ont pas le même sens pour chacun.
Pour le gouvernement Trump, les sociétés américaines doivent être régies par des lois américaines.
Pas que pour Trump !
L'extraterritorialité de leurs lois est un pilier de la "diplomatie" américaine depuis très longtemps, et c'est un problème d'ailleurs à mon avis.
Le 21/03/2025 à 10h56
On (l'UE) pourrait très bien se doter des mêmes capacités d'investigation pour poursuivre des entreprises étrangères qui usent de méthodes déloyales (corruption et autre) au détriment des nôtres, et les menacer d'interdiction d'activité sur le territoire communautaire si elles refusent de parvenir à un accord (sonnant et trébuchant bien sûr). C'est un peu ce qu'on fait en ce moment sur le bras de fer avec les constructeurs auto chinois. Mais ça ne marche que quand on est gros économiquement, donc à l'échelle de l'UE.