Après l’offre de rachat d’Elon Musk, la délicate position d’OpenAI
Élément perturbateur

OpenAI travaillerait actuellement à doter son conseil d’administration de nouveaux droits de vote. La manœuvre permettrait non seulement de mieux contrôler la future entité à but lucratif, mais également de résister plus efficacement à des offres hostiles, comme celle récemment lancée par Elon Musk.
Le 21 février à 15h21
6 min
Économie
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OpenAI est en pleins travaux. La structure à but non lucratif ne cache plus son souhait de créer une autre entité qui, elle, pourrait engranger des bénéfices et attirer d’autant plus facilement les investisseurs. Actuellement, OpenAI possède aussi une structure dite « capped profit », dont les bénéfices sont plafonnés. Ceux qui dépassent la limite sont reversés à la partie à but non lucratif. C’est donc cette limite qu’OpenAI aimerait faire sauter.
Cette annonce a provoqué de nombreux remous. Elon Musk, cofondateur d’OpenAI, veut empêcher coûte que coûte Sam Altman de réussir. Entre les deux hommes, la haine est palpable à chaque échange. Pour Musk, il n’y a pas de débat : cette conversion enverrait un très mauvais signal au monde de la tech en général, car OpenAI, en tant que structure à but non lucratif, a bénéficié de nombreux avantages fiscaux. Mark Zuckerberg avait abondé, jugeant qu’il était trop simple d’obtenir des avantages aussi importants pour ensuite retourner sa veste.
Il y a un peu plus d’une semaine, Elon Musk, en pleine ascension politique, mettait sur la table 97,4 milliards de dollars pour racheter OpenAI. Refus (plus ou moins) poli de Sam Altman, qui proposait en retour de racheter X pour le dixième de la somme. Ce à quoi Musk avait répondu d’un simple « Escroc ». Quelques jours plus tard, le conseil d’administration OpenAI refusait formellement par un vote unanime, comme noté par Associated Press.
Nouveaux pouvoirs pour le conseil d’administration ?
Dans un article du Financial Times, on apprend qu’OpenAI préparerait un renforcement des droits de vote pour son conseil d’administration. « Sam Altman et d'autres membres du conseil d'administration envisagent une série de nouveaux mécanismes de gouvernance après la conversion d'OpenAI en une société à but lucratif plus conventionnelle », indiquent nos confrères, qui citent des sources proches du dossier.
Toujours selon eux, une telle modification aurait plusieurs bénéfices. D’une part, la structure à but non lucratif pourrait maintenir un contrôle plus serré de la future entité commerciale. D’autre part, elle permettrait de « prendre le pas » sur les autres investisseurs, tout particulièrement Microsoft et SoftBank, qui ont injecté des milliards de dollars dans l’entreprise.
Enfin, le conseil d’administration serait mieux armé pour résister à des offres hostiles d’achat comme celle d’Elon Musk.
D’une pierre plusieurs coups
Pour nos confrères, un renforcement des droits de vote du conseil d’administration reviendrait à faire d’une pierre plusieurs coups. En outre, ces droits de vote permettraient de répondre à la critique principale d’Elon Musk, qui était de voir l’entité à but non lucratif se dissoudre au profit de l’entité commerciale et oublier sa mission première : fournir à l’humanité une IA bénéfique. Avec ces changements, le conseil d’administration gagnerait ainsi en contrôle et dirigerait plus fermement l’entreprise.
Ces droits de vote étendus pourraient également faciliter une éventuelle option « pilule empoisonnée ». C’était la piste initialement prise par Twitter en avril 2022, pour résister à l’offre de rachat de 43 milliards de dollars proposée par Elon Musk. On se souvient qu’après bien des rebondissements, le conseil d’administration avait finalement changé d’avis dix jours plus tard, pour accepter une offre à 44 milliards de dollars.
Musk, l’interférence
Comme nous l’avions indiqué, la valeur d’OpenAI est estimée actuellement dans une fourchette allant de 200 à 300 milliards de dollars, selon que l’on tient compte de la levée de fonds, qui prévoirait notamment d'aller chercher jusqu'à 40 milliards de dollars auprès de SoftBank. L’offre d’Elon Musk ne correspondrait donc même pas à la moitié de cette valorisation. Pourquoi le milliardaire tenterait-il dès lors une opération qui ne pouvait être que vouée à l’échec ?
Probablement pour perturber le processus de création de la future structure commerciale. Le fonctionnement d’OpenAI est en effet particulier, avec une partie « associative », sans but lucratif, et une structure à but lucratif, mais dont les bénéfices sont plafonnés. Pour parvenir à créer une entité commerciale plus classique, il faut que cette dernière puisse acheter la partie associative, ou tout du moins lui faire prendre une participation basée sur sa propre valeur.
C’est tout le problème : Sam Altman et le conseil d’administration ont tout intérêt à ce que cette valeur reste contenue, afin que l’opération ne se révèle pas trop onéreuse. Or, l’offre d’Elon Musk, qui vise la structure à but non lucratif, vient tout à coup lui donner une valeur très concrète : presque 100 milliards de dollars.
Un simple outil ?
C’est ce qui ressortait notamment de plusieurs personnes interrogées par la BBC cette semaine. « Ce que M. Musk essaie de faire ici, c'est d'augmenter la valeur perçue de la branche à but non lucratif d'OpenAI, de sorte qu'OpenAI doive payer davantage pour se libérer de ses obligations envers son propre organisme à but non lucratif », indiquait par exemple Johnnie Penn, professeur à l'université de Cambridge.
Même son de cloche pour Lutz Finger, maître de conférences à l'université Cornell et fondateur et PDG de la startup R2Decide, spécialisée dans l’IA : « En fixant un prix pour la partie non lucrative, Musk rend la séparation beaucoup plus coûteuse pour Altman ». Outre la perturbation du processus, Lutz Finger estime que « Musk a quelque peu raté le train de l'IA. Il est en retard, et il a fait plusieurs tentatives pour le rattraper ».
Un simple outil pour ralentir et perturber ? Le chemin de Musk sur l’intelligence artificielle est en tout cas loin d’être une ligne droite. En 2014, le patron de Tesla n’hésitait pas à qualifier l’IA de « menace existentielle ». « Avec l'intelligence artificielle, nous invoquons le démon », était-il allé jusqu’à dire. Il appelait alors à « une supervision régulatrice, peut-être aux niveaux nationaux et internationaux », pour éviter que quelqu’un fasse « quelque-chose de stupide ».
On se souvient également de la fameuse lettre ouverte réunissant des centaines d’experts pour demander une pause dans le développement de l’IA. Cette lettre, qui appelait à un moratoire, a mal vieilli, évoquant notamment le risque de « laisser les machines inonder nos canaux d’information de propagande et de mensonges ». Surtout, parue en mars 2023, elle était suivie, à peine un mois plus tard, par la création de xAI, la propre entreprise IA d’Elon Musk.
Après l’offre de rachat d’Elon Musk, la délicate position d’OpenAI
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Nouveaux pouvoirs pour le conseil d’administration ?
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D’une pierre plusieurs coups
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Musk, l’interférence
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Un simple outil ?
Commentaires (24)
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ici et ça date d'octobre
Le 21/02/2025 à 17h43
Le 21/02/2025 à 18h11
Le 21/02/2025 à 22h17
Or, l’offre d’Elon Musk, qui vise la structure à but non lucratif, vient tout à coup lui donner une valeur très concrète : presque 100 milliards de dollars.
Mais globalement, tout l'article ne parle que de ça.
Le 22/02/2025 à 07h20
Le 21/02/2025 à 17h53
Modifié le 21/02/2025 à 19h11
D'ailleurs bien voir la différence dans les titres de journaux entre "la valorisation..." vs "la capitalisation boursière"
Car une boite privée - privée, cad une boite privée qui n'est pas publiquement cotée en Bourse, et bien la valeur de ce genre de société ne vaut bien que ce que les acheteurs - principalement des fonds d'investissement en Capital Risque / Private Equity - pensent qu'elle vaut... Et on s'assoie et négocie ensuite les parts de gâteau avec les fondateurs/proprio de la boite s'ils veulent en vendre des morceaux.
Tout l'art des banques d'affaires à pondre au passage des tableaux Excel intitulés "company valuation", tableaux qui simulent et extrapolent les comptes de résultats de la-dite boite pour les 10 ans à venir...
Boule de cristal magique... Mon
Modifié le 21/02/2025 à 18h54
Ici il faut en effet l'accord des membres du conseil d'administration (vote majoritaire ou unanime, aucune idée) qui accepteraient ou rejetteraient l'offre alors qu'en Bourse, il suffit de rafler le + d'actions pour atteindre le nombre nécessaire & suffisant pour obtenir le contrôle, tout simplement en les rachetant sur le marché... (et avec un bonus pour attirer & flatter tous les porteurs à vendre leurs actions...)
Le 22/02/2025 à 01h06
Le 22/02/2025 à 16h09
Le 22/02/2025 à 11h19
Peut-être que le CA voit ce qu'est devenu X, que Musk a déjà trop de pouvoir, et ne veut pas faire entrer le loup dans la bergerie ? Pourquoi forcément interprêter ce refus de vente sous le seul prisme de la valeur potentielle de la société ? Peut-être que le CA accepterait la même somme (ou moins) si elle venait de quelqu'un de moins sulfureux que Musk ?
Le 22/02/2025 à 14h51
Le 23/02/2025 à 20h30
Si Musk ou n'importe qui lui propose 400 milliards, le mec revend dans les 5 secondes.
Le 23/02/2025 à 22h06
Le 22/02/2025 à 12h24
Le 22/02/2025 à 12h43
3,4 milliards sur un an en juin 2024.
S'appuyer sur le CA en forte croissance pour évaluer la valeur de la société me semble hasardeux surtout qu'elle fait toujours des pertes importantes : 5 milliards prévus en octobre pour 2024 pour 3,7 de CA.
Un doublement du CA qui semble possible la rendrait rentable (si les frais pour l'augmenter ne bouffent pas le CA supplémentaire).
Le 22/02/2025 à 16h13