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Inria se tourne vers la défense et les ministères au risque d’en oublier la diversité de la recherche

Brillant comme une larme

Inria se tourne vers la défense et les ministères au risque d’en oublier la diversité de la recherche

Ce jeudi 12 décembre, le conseil d’administration de l’institut de recherche en informatique français (Inria) doit se prononcer sur les orientations que propose son PDG, Bruno Sportisse. Reconduit l’année dernière par Emmanuel Macron dans un climat tendu, celui-ci veut créer une entité Inria Défense et rapprocher la recherche des ministères. Next a obtenu une version de travail du futur Contrat d’objectifs, de moyens et de performance de l'institut.

Le 10 décembre 2024 à 15h50

La direction d’Inria, sous la plume de son PDG Bruno Sportisse dans la version de travail du nouveau « Contrat d’objectifs, de moyens et de performance » (COMP) de son institut transmis aux salariés, exprime sa volonté de modifier les objectifs de l’institut qui sont ancrés dans le marbre du décret de sa création. Une bonne partie des personnels de l’institut de recherche spécialisé dans l’informatique, les mathématiques et l’automatique est inquiète du tournant prévu par leur direction.

Next a obtenu et publie une version de travail de ce Contrat d’objectifs, de moyens et de performance datée du 28 novembre dernier. Dans ce document de 76 pages, la direction d’Inria dessine son projet pour l’institut à l’horizon 2028.

Mais, bien loin de rassurer le personnel d’Inria qui a vécu difficilement le premier mandat de Bruno Sportisse (celui-ci a été reconduit par Emmanuel Macron en aout 2023 malgré 80 % de vote contre lors d’une consultation sauvage), ce document inquiète en interne. Une pétition titrée « Ce COMP n'est pas le nôtre ! » mise en place par le syndicat SNCS a rassemblé en deux semaines plus de 700 signatures sur les 4 838 personnels (3 420 chercheuses et chercheurs) travaillant à l’institut (chiffres incluant les collaborateurs universitaires, CNRS, etc. ayant aussi accès au vote de cette pétition).

Un changement de missions encore très flou

Ce COMP [PDF] indique notamment vouloir changer le décret constitutif d’Inria pour mettre à jour ses missions sans pour autant expliquer ce que la direction voudrait modifier. Ce décret encadre les missions de l’institut mais aussi la façon dont il est financé, les conditions dans lesquelles le personnel est recruté (fonctionnaires ou pas par exemple) etc. Actuellement, Inria est un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le CNRS ou l’Inserm mais le passage vers un statut d’EPIC comme le CNES ou le CEA pourrait intervenir via la modification du décret.

Dans ses discussions avec les syndicats, la direction semble essayer de rassurer tout en maintenant le flou. Guillaume Pallez, représentant pour le syndicat SNCS-FSU explique à Next qu’ « en tant que syndicat, la première chose qui nous inquiète est le jalon "évolution des dispositions réglementaires du code de la recherche relatives  [au] fonctionnement et [à l']organisation [de l'institut]" prévu en 2025 (donc demain !). La direction nous dit qu'il n'y a pas de but caché, que le but n'est pas de transformer l'Inria en EPIC. Elle nous a donné quelques exemples mais tout en restant volontairement floue s’agissant de quelque chose qui a l'air d'être bien commencé. Ceci en donnant comme motivation des éléments visiblement faux, par exemple le fait que le CNRS avait plus de missions que nous ».

Mais ce n’est pas seulement la modification du décret qui inquiète le personnel d’Inria. Dans ce projet avancé par la direction, l’institut s’ajoute plusieurs missions.

La constitution d’un Inria Défense qui inquiète

Le projet de la direction inclut, dans une section titrée « Renforcer le partenariat avec le Ministère des Armées et garantir la dualité », la constitution d’une « entité Inria Défense dédiée ». Celle-ci viserait « à faire levier sur l’ensemble de l’écosystème du numérique, grâce aux expertises, développements de recherche et technologies souveraines, dans le cadre de projets conjoints avec le Minarm [ministère des armées] et l’écosystème français du numérique », explique la direction dans son document.

Le fait que l’institut travaille avec ce ministère n’est pas une nouveauté. Une mission « Inria Défense et Sécurité » a déjà été créée en 2020. Mais la direction pousse encore plus loin sa collaboration avec l’armée française.

Elle propose même d’aller collecter les besoins de ce ministère un peu comme une société de service :

« À cet effet, Inria Défense proposera des mécanismes de captation de besoins et de production d’infrastructures logicielles pour le compte du Minarm, en recherchant un impact effectif et une finalité opérationnelle ».

Et cette entité devra essaimer dans tous les centres de l’Institut puisque la direction ambitionne que « d’ici 2027, au sein de chaque Centre Inria de l’Université, Inria mettra en place une implantation locale d’Inria Défense, dans l’esprit d’un "Lincoln Lab" adapté à chaque site ». Ici, comme dans une bonne partie du document, la direction d’Inria ne se cache pas de prendre l’inspiration dans les plans de politique américaine. On pourra néanmoins remarquer que l’exemple de la collaboration du MIT avec le ministère de la défense américain dans ce fameux Lincoln Lab date des années 1950.

Dans un même élan vers une militarisation des projets de l’institut, la direction se donne pour objectif qu' « avant le premier semestre 2026, Inria présentera à son Conseil d’Administration le plan de passage en ZRR de l’ensemble de l’établissement ». Ces ZRR, ou Zones à régime restrictif, sont des endroits où seuls certains personnels ont accès notamment pour des questions de confidentialité militaire. Jusque là, peu de laboratoires de recherche publics sont sous cette protection.

Plusieurs chercheurs de l’institut ont expliqué à Next que ces ZRR sont de véritables bâtons dans les roues de leurs collaborations avec d’autres chercheurs, notamment étrangers. Elles bloquent la capacité à travailler facilement dans les locaux d’Inria et l’embauche de doctorants ou chercheurs d’autres pays. Si le changement de statut peut apparaître justifié pour certains laboratoires, le passage de tout l’institut de recherche en ZRR leur paraît une mesure inadéquate.

Pour Guillaume Pallez, « la création de cette entité Défense, ainsi que le passage intégral en ZRR de l'Inria, certaines rumeurs qui ont suggéré l’ajout de la tutelle du ministère de la Défense, tout ça va impacter les conditions de travail. Il est déjà compliqué d’embaucher des étrangers venant de certains pays, mais les démarches administratives vont encore augmenter. Ça pose aussi des questions sur les libertés académiques des chercheurs de l’institut ».

En plus de ces difficultés quotidiennes, la collaboration avec ce ministère n’est pas rien pour des chercheurs. La cryptographe Anne Canteaut, qui a été présidente de la Commission d'évaluation de l'INRIA entre 2019 et 2023, explique à Next : « en tant que cryptographes, mon équipe participe à des efforts de standardisation. Si un jour, on devient liés d’une façon ou d’une autre au ministère des Armées, ça compromet toute crédibilité et indépendance dans notre travail de chercheurs »

Et elle ajoute : « il y a des cryptographes à la Direction générale de l'Armement qui sont extrêmement compétents, je ne vois pas pourquoi nous ferions leur travail ».

Une agence de programmes en plus

Inria Défense n’est pas la seule nouvelle mission qui pose question au sein de l’institut. Le projet de la direction intègre aussi la fameuse gestion d’une « agence de programmes dans le numérique » voulue par Emmanuel Macron et annoncée en décembre 2023. S’il y avait, lors de l’annonce et jusqu’à l’été dernier, un flou sur le fait que les organismes scientifiques désignés allaient se consacrer exclusivement à cette fonction ou si elle allait s’ajouter à celles déjà assumées par les organismes, le choix semble être fait.

Le projet de Bruno Sportisse prévoit que, dans ce cadre, Inria « nourri[sse] la réflexion stratégique de l’État », « impul[se] et condu[ise] au sein de la recherche publique des programmes 360 degrés, intégrant recherche, innovation et formation en tant que de besoin », « [sache] renforcer les dynamiques collectives avec les autres acteurs de la recherche publique » et devienne donc « l’opérateur de l’État de référence en matière d’investissement piloté dans le numérique à travers la recherche et l’innovation, en pilotant et en coordonnant des programmes pour le compte de l’État ».

Une aide aux politiques publiques qui ne doit pas transformer l’Inria en société de services

Ce document affiche de hautes ambitions dans ce sens et évoque des collaborations encore plus poussées avec les différents ministères. Mais il n’indique pas comment l’institut va faire, concrètement, pour réussir cette transformation.

« Nous avons des craintes sur l’élaboration de cette agence de programme, structure de décision en « top down », et ses conséquences pour les libertés académiques. L’expérience de StopCovid au sein d'Inria ne nous rassure pas sur les projets d’appui aux politiques publiques car la direction a refusé de prendre en compte que l’expertise, c’est d’être capable d’apporter une analyse critique », affirme Guillaume Pallez du SNCS.

Pour Anne Canteaut, « la fameuse aide aux politiques publiques est une mission de l’Inria que notre direction veut beaucoup développer. Qu’un institut de recherche fasse de l’expertise pour les politiques publiques est plutôt une bonne idée mais nous ne sommes pas la société de services des ministères et de l’administration, notre travail n’est pas de développer les logiciels pour le reste de l’État ». Et d’ajouter « Nous ne sommes pas la Dinum ».

Une courte partie sur l'avenir scientifique d'Inria

Une très courte partie de ce COMP est dévolue à la vision scientifique d'Inria qui « n’a pas vocation à présenter une feuille de route prescriptive des thématiques scientifiques pour les années à venir ».

Il insiste néanmoins sur le besoin de « renforcer sa position au plus haut niveau mondial dans le domaine de l'IA » en évoquant des sujets comme « [l'] utilisation de l'IA générative pour l'invention de nouveaux algorithmes, croisement entre modélisation physique et modélisation basée sur les données, entre IA et méthodes formelles, etc. ».

Le document explique aussi qu' « Inria entend également contribuer dans les années à venir au développement des écosystèmes français et européens autour de la micro-architecture et de la compilation » malgré les pertes de compétences de l'institut dans ce domaine dû aux choix antérieurs de la direction.

Le document met aussi en avant l'informatique comme un « sujet stratégique, avec un renforcement de l'activité sur les algorithmes, la programmation, la compilation et les usages ». La direction ajoute que « les collaborations avec les startups françaises du domaine seront encouragées, en particulier sur les sujets clé de la correction d'erreur quantique et de l'architecture de futures machines ».

La concentration sur certains domaines à la mode inquiète au sein de l'institut. Pour Anne Canteau, « la diversité des domaines est quelque chose d’essentiel dans la recherche. En informatique, c’est encore plus grave car nous sommes dans un domaine très concurrentiel. Les sujets qui ne sont pas mis en avant et qui passent sous le radar périclitent car les gens partent ».

Les Comités des équipes-projets (CEP, les conseils scientifiques des centres régionaux d'Inria) de différents centres (Paris, Lyon, Grenoble, Saclay, Nancy) de l'institut ont d'ailleurs observé qu'ils ne se reconnaissaient pas dans ce texte et considéraient « ne pas avoir été consultés au cours de son élaboration ».

Next aurait bien voulu poser des questions sur ce Contrat d’objectifs, de moyens et de performance ainsi que sur le projet de modification du décret encadrant les missions d'Inria à Bruno Sportisse. Mais la direction d'Inria nous a répondu : « à ce stade il nous semble prématuré de nous exprimer sur le COMP ».

Commentaires (41)

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désoléj'aipaslumaisj'adorel'illustrationmerci @Flock
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Il faut reconnaitre qu'il est très très fort @Flock !
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j'ai pas du tout compris le manteau à gauche, mais sûr qu'il n'est pas là pour rien ...
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C'est une blouse blanche de chercheur. Peut-être bien tout ce qu'il restera de certains chercheurs de l'Inria.
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Abandonner la recherche, la science, et son indépendance pour devenir une ESN à vocation militaire aux ordres de l'État.
Comment diable tout ceci pourrait mal se passer ? ← dans 15 ans, merci de bien vouloir remplacer cette ligne par un beau « Qui aurait pu prédire ? »
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Il y a 10 ou 15 ans, j'aurais adhéré à ce discours d'Anne Canteaut en mode fin de l'histoire, plus de guerres majeures, tout le monde s'aime, la défense c'est mal. Force est de reconnaître que c'était une vision très naïve qui nous a rendu faibles face à des puissances qui veulent notre destruction. Vouloir contribuer à la défense de nos valeurs ne me paraît plus du tout un effort à côté de la plaque. Il y a quantité de domaines dans lesquels l'INRIA a une compétence à apporter à des entreprises qui fournissent nos armées sans tomber dans le travers anti-covid.
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Ouais, enfin c'est sans compter que les gens qui travaillent à l'INRIA n'ont sûrement pas envie de travailler pour l'armée, comme l'indique le sondage sauvage.

De mon côté, rien qu'hier, et pourtant mon domaine de recherche est à priori très éloigné de questions militaires, des chercheurs présentaient leurs résultats. Lors de la session questions/réponses, quelqu'un remarque une application potentielle de la méthodologie à une problématique policière... Après une petite discussion, eh bien les personnes qui présentaient se sont accordées à modifier la présentation de leur méthodologie et de leurs résultats pour ne pas mettre ces possibles applications en evidences. Et les gars arrêtent leurs recherches et changent de sujets.

Qu'on soit d'accord ou non avec leurs décisions, cette anecdote illustre l'antimilitarisme et l'antipolice assez récurrent dans le monde de la recherche (et je parle depuis la Suisse).
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Ouais, enfin c'est sans compter que les gens qui travaillent à l'INRIA n'ont sûrement pas envie de travailler pour l'armée, comme l'indique le sondage sauvage.
Je pense que cet anti militarisme est en train de tomber (c'était du quasi 100% il y a 10-15 ans, ce n'est vraiment plus le cas maintenant), car il ne vit pas sur la même planète que la réalité.

Quoiqu'il en soit, les instituts de recherche sont là aussi pour soutenir la stratégie des états. Ces états voient que si on reste à poil on va se faire bouffer, il est normal qu'ils demandent à leurs labos et leur industrie de contribuer à inverser la vapeur.
(et je parle depuis la Suisse).
Ce n'est pas le modèle le plus moral de l'univers. La neutralité, c'est bien quand tu veux manger à tous les râteliers, mais il ne faut pas faire passer ça pour une position humaniste ou éthique.

If you are neutral in situations of injustice, you have chosen the side of the oppressor. If an elephant has its foot on the tail of a mouse and you say that you are neutral, the mouse will not appreciate your neutrality.

Desmond Tutu
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Ce pays ... écocides, soutien aux genocidaires, vente d'armes, éducation scolaire en déclin, système de santé à la dérive, justice à l'abandon, pauvreté qui augmente, techno-police et répression des citoyens, dette publique explosée à force de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et leurs propriétaires ...

Non vraiment y'a de quoi être fier de nos dirigeants, tout va de mieux en mieux grâce à ceux que nous élisons... Du grand art, cette nation des droits de l'Homme... 🤢
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Ce pays ... écocides, soutien aux genocidaires, vente d'armes, éducation scolaire en déclin
On peut savoir à quel pays idéal on se compare ?
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La Suisse ?
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Ils vendent plein d'armes (comme l'Allemagne), notamment des armes légères, qui sont celles qui font le plus de morts dans le monde. Les hypocrites ce sont ces pays qui inondent le monde d'armes légères (ça fait moins les gros titres) qui vont tuer des centaines de milliers de personnes chaque année, et qui vont reprocher à la France de vendre des armements plus lourds (en quantité échantillonaire et à l'usage bien moins régulier).

La Suisse a toujours été un pays prêt à fermer les yeux sur les atrocités commises par leurs clients (empêcher leurs clients des industries de l'armement de transférer des armes à un pays qui se défend contre un envahisseur génocidaire, aucun problème; prendre des sanctions économiques contre cet envahisseur génocidaire, en revanche, surtout pas !)
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« Un pays neutre est un pays qui ne vend pas d'armes à un pays en guerre, sauf … s'il paye comptant ! »
(M.Colucci il me semble)
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Au pays des droits de l'Homme, comme dans les déclarations.
Un pays meilleur, une certaine idée de l'humanité, oui c'est difficile et exigeant, quand nous avons choisi collectivement, par les élections de nos dirigeants, d'être une nation qui se vautre dans l'inhumanité et la lâcheté...
J'estime, de façon très personnelle, que nous devrions exiger beaucoup mieux comme direction, mais nous avons ceux que nous méritons manifestement...
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par les élections de nos dirigeants, d'être une nation qui se vautre dans l'inhumanité et la lâcheté...
Les alternatives sont encore plus veules et lâches (elles fricotent carrément avec les dictateurs les plus violents).
nous devrions exiger beaucoup mieux comme direction
Le problème, c'est d'identifier quel est ce mieux.
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Ces ZRR, ou Zones à régime restrictif, sont des endroits où seuls certains personnels ont accès notamment pour des questions de confidentialité militaire.
Il y a un certain nombre d'UMR CNRS qui sont ZRR, ça ne présage en rien de confidentialité militaire (les process n'ont aucun rapport, et pas du tout le même niveau de sérieux)
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Sinon ça aurait pu être sympa d’avoir mis la définition de l’acronyme ZRR, histoire de bien comprendre toute la phrase

Pour UMR, j’ai pas cherché, car j’avais pensé à Unité Militaire de Recherche.
J’ai bon là ?

Édité: à oublier...:non:
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Unité Mixte de Recherche : cela signifie simplement que l'unité accueille des chercheurs-euses de plusieurs institutions, comme par exemple de l'université locale, le CNRS, l'EHESS, etc.
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Ha ok...
:yes:

Décidément, mon commentaire était complètement merdique...
:stress:
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Le lien vers la fiche Wikipédia des ZRR était déjà dans l'actu ;)
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Merde... Lu trop vite :incline::incline:
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Une des applications des ZRR est liée à la défense, mais pour beaucoup d'unités de recherche, la ZRR matérialise le fait que la recherche qui y est faite est dans un axe considéré comme stratégique (mais c'est un peu un fourre tout très large et vague : IA, robotique, énergie, et j'en passe)
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Mea culpa...
Vraiment désolé...
:incline::incline::pleure::pleure:
:smack:
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Perso je suis toujours surpris de lire des choses comme cela, l'état et les société privée se définissent des objectifs (à tords ou à raison la n'est pas le propos)
Les employés doivent s'adapter car mince ils sont payés par la boîte
Si ça ne convient pas à certains et bien personne ne les retient
Demandé à des chercheurs spécialisés en développement d'aider à faire des choses c est l'utilisation d'une ressource efficace
Plutôt que de payer une ESN qui va faire de la daube par ce qu'elle ne va pas avoir les bonnes ressources sur le projet et qu'elle essaie de réduire ses coûts à outrance(voir un article récent)
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Ben oui, c'est bien ça. Les gens ont signés un contrat avec une institution avec une mission particulière, c'est normal que lorsque la mission change et que ça ne plait pas, les gens se battent contre ce changement.
D'un point de vue légal, la question porte sur le contenu du contrat. Ceci dit, d'un point de vue éthique, ben si j'avais signé avec l'INRIA, une entité de recherche civile, ben clairement, redéfinir les missions de l'INRIA questionne la nature de mon travail.
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Que les missions changent pour l'INRIA ne signifie pas que les fiches de poste de ses agents changent. Si on reprend d'ailleurs l'exemple de l'ESN, tu signes pour être développeur, ça ne te dit pas si tu vas développer des outils de gestion pour des ONG, des administrations ou des entreprises, ni dans quel domaine d'application.
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Oui mais l'INRIA n'a rien à voir avec un ESN, lorsque quelqu'un travaille pour l'INRIA, cette personne signe un contrat avec une institution qui a des missions particulières (cf: article 2, legifrance.gouv.fr République Française De mon point de vue, changer les missions de l'INRIA, c'est un peu comme me dire que je travaille pour un autre organisme sans mon accord.
Quand on est pas dans une logique de : «de toutes manières, je m'en fiche, ce que je fais, c'est pondre du code.», mais qu'on donne un sens politique, social, etc. à son travail, ben non, changer les missions de l'organisme avec lequel on a signé un contract me semble s'apparenter changer de travail.

Exemple : Si je travaille pour Next comme journaliste, mon patron décide que la mission de Next n'est plus de faire du journalisme lié aux nouvelles technologies mais d'écrire des rapports sur la pollution dans le monde de l'agriculture, ben... outre le fait que je me sentirai trompé, je me demande dans quelle mesure le changement d'objet social me donnera le droit de me retourner contre l'entreprise.
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Quand on est pas dans une logique de : «de toutes manières, je m'en fiche, ce que je fais, c'est pondre du code.», mais qu'on donne un sens politique, social, etc. à son travail, ben non, changer les missions de l'organisme avec lequel on a signé un contract me semble s'apparenter changer de travail.
Il n'y a absolument aucune loi qui impose à ton employeur d'avoir ton accord ou de modifier ton contrat (renégociation) pour changer son activité sans que ton contrat ne change.
je me demande dans quelle mesure le changement d'objet social me donnera le droit de me retourner contre l'entreprise.
Aucune à partir du moment où ton contrat n'est pas touché.
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C'est bien de répondre avec beaucoup d'aplomb, c'est encore mieux quand c'est sourcé et argumenté.

Par exemple, en tant que chercheur, changer la mission de mon institution implique de grands changements de responsabilité, surtout quand on passe du civil au militaire. Et les changements de responsabilités sont encadrés par la loi, que ce soit l'augmentation des responsabilités ou leur diminution :
- https://www.village-justice.com/articles/modification-contrat-travail-changement-des-conditions-travail-part-pouvoir%2C47309.html
- https://www.cabinet-vanneau.fr/peut-on-modifier-les-missions-professionnelles-dun-salarie/
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Aucun des liens fourni n'appuie ce que tu dis (ils parlent de modifications de la nature des missions, pas de leur contexte). Orienter la recherche de l'institut vers un autre domaine d'application ne présage en rien de changement de responsabilité des agents. Probablement que les agents les plus rapprochés de l'application devront voir leurs contrats modifiés (s'ils acceptent, sinon l'INRIA trouvera quelqu'un d'autre), mais pas le gros des effectifs.
changer la mission de mon institution implique de grands changements de responsabilité, surtout quand on passe du civil au militaire.
En quoi ? À moins de travailler sur le composant critique - et son intégration - d'un équipement en avance sur tout le monde, il n'y a pas de raison de surprotéger les recherches (dans mon équipe, non INRIA, deux thèses, un étudiant libanais et un étudiant chinois, ont travaillé sur des sujets de la DGA; dans un labo ZRR, ça aurait été compliqué, mais la DGA a jugé que ça passait).

Si on me demandait ça, ça me poserait problème si ça me plaçait dans une situation pour laquelle je ne suis pas formé/habilité (par exemple, intégrer et tester des systèmes complets intégrant des explosifs, pour la manipulation desquels je n'ai aucune qualification autre que savoir qu'il ne faut pas rester à côté quand on les déclenche).
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Je trouve tes définitions de missions et responsabilités vraiment très limitées. Et il me semble, même dans ce que je lis dans les liens que j'ai fournis, que ce ne sont pas leurs acceptations légales, qui sont plus ouvertes sur les questions de missions et de responsabilités (intégrant potentiellement l'objectif d'une tâche dans la nature d'une mission). Travailler dans le militaire requière des qualifications specifiques, par exemples dans les domaines légales et éthiques.

Après, je ne suis pas juriste, et toi non plus à priori, donc on ne pourra pas clore le débat, mais j'espère que les gens de l'INRIA vont le lancer, car ça m'attristerait que des confrères se retrouvent à travailler sur des armes alors qu'ils ou elles ne le souhaitent pas (et quitter son boulot n'est pas toujours facile, il est sûrement plus facile de se dédouaner de ses responsabilités...).
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Travailler dans le militaire requière des qualifications specifiques, par exemples dans les domaines légales et éthiques.
Ah bon ? Lesquelles ?

J'ai travaillé en R&D alternativement sur des projets militaires et civils et je n'ai eu que mes compétences techniques ou managériales à mettre en œuvre.
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Oui, et c'est bien dommage. Réfléchir à la portée sociale et politique de ses travaux de recherche est important.
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Tu n'as pas répondu à mes questions sur les qualifications spécifiques.
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Parce que je ne peux pas répondre pour tous les domaines. Mais dans mon domaine, la linguistique, si je devais concevoir mes méthodologies/processus/concepts pour des applications légistes/militaires ou policières, je devrais me former aux normes du domaine, de ce qu'il est possible de faire en fonction de la situation : mes modèles probabilistes de validité devront être adaptés (le seuil de 0.05 ne sera peut-être plus du tout satisfaisant dans certains cadres), de ce que ça implique pour les personnes de mettre en place mes outils dans leurs cadres professionnelles (que ce soit sur le terrain, dans une salle, ou dans un espace dédié).
Si je dois élaborer un outil qui doit être utilisé par un soldat sur le terrain, et bien il va falloir me former aux contraintes du terrain (charge qu'une personne peut porter, bruit sur le terrain, coût par unité, j'en sais rien). Bref, des aspects qui ne sont pas évidents et pour lesquels il faut être formé.
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à travailler sur des armes alors qu'ils ou elles ne le souhaitent pas
La défense, ce n'est pas que des armes. Et même si c'en est, leur finalité n'est pas toujours de tuer. Tu serais contre contribuer au développement d'un système qui permet d'identifier les projectiles envoyés sur les villes et d'attribuer à chacun le bon système anti-aérien pour maximiser les interceptions à un coût soutenable sur un conflit long ?
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Ben oui, potentiellement. Contribuer à ce genre d'outils permet au gouvernement de mettre en place des politiques guerrières plutôt que de passer par des voies diplomatiques. Dans quelle mesure Israël se permettrait sa politique aussi guerrière s'il n'y avait pas ce «dôme de fer» ?
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Passer par des voies diplomatiques quand ton voisin a décidé que tu n'as pas à exister, ça n'est pas possible (toute ressemblance avec une situation à l'est de l'Europe n'est absolument pas fortuite). Par ailleurs, tu sembles oublier, comme tous les partisans de l’apaisement, qu'en diplomatie, on t'écoute si tu es assez fort pour te défendre quand les négociations échouent. Éviter la guerre se fait principalement en montrant à l'agresseur potentiel que t'attaquer lui sera douloureux et coûteux. D'où le besoin d'outils de défense adaptés, donc de recherche et développement dans le domaine.
Dans quelle mesure Israël se permettrait sa politique aussi guerrière s'il n'y avait pas ce «dôme de fer» ?
S'il n'y avait pas le dôme de fer, ça ferait surtout longtemps qu'Israël aurait rasé, annexé et transformé en ligne Maginot toutes les régions qui l'entourent pour empêcher les tirs de roquettes sur son territoire. Avoir des moyens militaires conséquents, c'est aussi se permettre une graduation dans ses réponses (modulo les événements chocs qui peuvent faire perdre la mesure, comme le 7 octobre 2023).

C'est d'ailleurs tout le problème actuellement de la France : on sait soit faire du corps expéditionnaire en appui d'alliés qui nous demandent de l'aide (exemple en Afrique), soit atomiser une puissance qui nous menacerait sur notre sol. Entre les deux, on est un peu faiblards (pas de volume, et inadaptation à une techno guérilla en haute intensité).
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Aucune à partir du moment où ton contrat n'est pas touché.
Ce ne sont pas des contrats au sens droit du travail privé, ce sont des postes statutaires fonction publique définis dans des textes réglementaires (après, voir les implications vs changements d'objectifs).
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Difficile à dire si ça protège plus (d'un côté, il est plus facile en étant fonctionnaire de dire m... à l'employeur, de l'autre, l'employeur public est souvent très "souple" dans son interprétation des missions)
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Jusque là, peu de laboratoires de recherche publics sont sous cette protection.
Hem, la liste de ces labos est une information confidentielle a priori, vous avez pu l'obtenir ?

Inria se tourne vers la défense et les ministères au risque d’en oublier la diversité de la recherche

  • Un changement de missions encore très flou

  • La constitution d’un Inria Défense qui inquiète

  • Une agence de programmes en plus

  • Une aide aux politiques publiques qui ne doit pas transformer l’Inria en société de services

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