Google a annoncé hier qu’elle déposait plainte contre Microsoft. La société accuse sa concurrente d’abuser de sa position dans l’univers du cloud. Microsoft enfermerait ses clients dans des conditions d’utilisation très défavorables au déménagement vers d’autres solutions hébergées, surtout à cause des coûts de migration.
Dans un billet de blog au vitriol, Google dépeint un Microsoft vorace. Windows Server est décrit comme l’élément central de l’architecture cloud de Microsoft, un produit essentiel que l’on pouvait auparavant installer sur n’importe quel type de matériel et dans toute solution cloud.
En 2019, changement de décor : les tarifs imposés aux entreprises voulant faire fonctionner Windows Server dans un cloud concurrent sont démultipliés. Google ajoute que d’autres mesures restrictives ont été ajoutées au cours des dernières années, notamment sur la réception des correctifs de sécurité et des barrières à l’interopérabilité.
Charge contre Azure et ses coûts cachés
Google étaye son propos par plusieurs études du CISPE (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe), une association qui intervient souvent dans le domaine de l’IaaS (Infrastructure as a Service).
Dans l’une d’elles, publiée en juin 2023, l’économiste français Frédéric Jenny a écrit : « Le changement de politique BYOL [Bring Your Own Licence, ndlr] de Microsoft en 2019, qui a mis fin à la possibilité pour les utilisateurs de déployer des licences Office 365 sur site sur des infrastructures tierces, pourrait avoir entraîné des coûts de rachat de licences pour la première année équivalents à 560 millions d'euros pour le marché européen. Un surcoût supplémentaire d'un milliard d'euros, lié aux suppléments de licence imposés aux déploiements non-Azure de SQL Server, peut en outre être attribué au changement de politique ».
Google en cite une autre, datée de 2022, dans lequel le CISPE relève une augmentation soudaine des parts de marché de Microsoft dans le cloud après l’interdiction d’utiliser plusieurs clouds.
Il est à noter qu’au contraire d’Amazon, ni Google ni Microsoft ne font partie du CISPE. En revanche, devant la montée croissante des critiques sur ses modèles de licences, Microsoft a signé un accord avec la CISPE en juillet. Il fait suite à une plainte déposée par le CISPE sur cette même question des licences. Amazon Web Services a fustigé l’accord, tout comme Google, qui reprend pourtant les études du CISPE.
« Gaspillage », « argent détourné » et… CrowdStrike
Google, évoque ainsi le « gaspillage des contribuables », « l'argent détourné des investissements dans la croissance » et le « ralentissement des transformations numériques ».
Mais la société de Mountain View va plus loin en pointant le fiasco CrowdStrike comme une preuve supplémentaire : « Comme l'a montré la panne de sécurité massive survenue il y a deux mois, les tactiques de verrouillage de Microsoft peuvent aboutir à un point de défaillance unique qui nuit aux entreprises, aux industries et aux gouvernements ».
Un exemple étrange, pour plus d’une raison. D’une part, le plantage intervenant dans les clients Windows, pas sur les serveurs. D’autre part, il ne s’agissait pas d’un bug de Windows, mais d’un produit de CrowdStrike. Enfin, l’évènement n’est pas directement lié au cloud, mais au déploiement d’une mise à jour défectueuse de définition, comme sur n’importe quel antivirus.
Google se pose en champion de la différence, en rappelant notamment qu’elle a éliminé la première les fameux frais de sortie (egress fees). La société assure favoriser « l’octroi de licences équitables et transparentes » à ses clients et avoir été la première « à proposer des solutions de souveraineté numérique aux gouvernements européens ».
Une plainte pour abus de position dominante
Google a donc déposé plainte auprès de la Commission européenne contre Microsoft. Elle accuse sa concurrente d’avoir abusé de sa position dominante à travers des contrats de licence déloyaux. Dans les grandes lignes, Google reprend là où le CISPE a arrêté.
Microsoft, de son côté, se montre presque narquoise. « Microsoft a réglé à l'amiable des problèmes similaires soulevés par des fournisseurs de cloud européens, même si Google espérait qu'ils continueraient à plaider. N'ayant pas réussi à convaincre les entreprises européennes, nous nous attendons à ce que Google ne parvienne pas non plus à convaincre la Commission européenne », a déclaré Microsoft à The Verge.
Rappelons quand même que Microsoft est actuellement scrutée de près par plusieurs autorités pour ses pratiques dans le cloud. C’est particulièrement le cas au Royaume-Uni, où l’autorité de la concurrence se penche sur la gestion des licences chez Microsoft et AWS, particulièrement les frais de sortie.
Que peut espérer Google ? Le déclenchement officiel d’une enquête. Google, plusieurs fois condamnée sur le Vieux continent pour divers abus de position dominante (en 2017 et 2018 notamment), connait désormais bien le marteau européen.
Commentaires (19)
#1
#1.1
#1.2
Fixed
Historique des modifications :
Posté le 26/09/2024 à 19h36
Je propose un bien meilleur titre :
Fixed
#2
C'est à dire ? Installer des licence E3 (avec Office) sur des serveurs on premise, ou autre chose ?
#2.1
Par contre, j'ai un peu de mal à voir d'où sort ce "Office 365". IMO, l'auteur initial a du faire une confusion entre BYOD/SA (orientés infra) et Dual Right (orienté utilisateur).
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Dixit Google, mdr.
#4
Je sais pas si je n’ai pas compris la phrase, mais les serveurs windows avec l’agent crowdstrike étaient en pls.
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#6
Sapristi ! Je suis la surprise incarnée.
#6.1
#6.2
C'est toute la question de l'approche "j'utilise ma position dominante sur un marché pour obtenir une position dominante sur un marché pour obtenir une position dominante sur un marché pour obtenir une position dominante sur un marché ... ", pour laquelle Microsoft est passé maître. Deux de mes clients voulaient avoir accès à Copilot pour leurs devs, et les voilà occupé à migrer tout sur Azure avec un engagement explicite à emploi de technologies propriétaires pour remplacer des standards ouverts.
#6.3
#6.4
Et dans ce cas, ba il faut du M365.
Et très très souvent, ça fait une négociation d'achat
Et dans cette négociation,
le coût de hosting dans le cloud
<<< le coût de licensing de ces produits + OS (postes de travails windows & windows server pour les AD notamment) + SQL Server,
Les commerciaux MS savent faire un joli pont d'or si bascule vers Azure avec un joli gain affiché qui montre "plein de pognon gagné" et ça, ça parle aux managers.
#7
#7.1
Historique des modifications :
Posté le 27/09/2024 à 09h49
Quel rapport entre une décision stratégique (la décision sur le HDH), une architecture de données (orientée PaaS/SaaS) et une politique commerciale IaaS (d'un organisme ayant virtuellement des fonds illimités), sachant que la publication de cette politique est arrivée la même année que le choix du HDH ?
#8
Continuez comme ça, messieurs Google, Microsoft, VMWare, ça nous rend plus fort :)
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#8.2
#9