Cloud : au Royaume-Uni, AWS et Microsoft pointés du doigt pour leurs effets délétères sur la concurrence

Cloud : au Royaume-Uni, AWS et Microsoft pointés du doigt pour leurs effets délétères sur la concurrence

Une enquête officiellement ouverte

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Cloud : au Royaume-Uni, AWS et Microsoft pointés du doigt pour leurs effets délétères sur la concurrence

L’Ofcom, équivalent anglais de l’Arcep, a rendu récemment son avis après étude : il y a bien distorsion de la concurrence au Royaume-Uni dans le marché du cloud. AWS et Microsoft sont largement pointés du doigt. L’autorité britannique de la concurrence et des marchés, la CMA, s’empare officiellement de l’enquête.

En septembre 2022, l’Ofcom (Office of communications) annonçait l’ouverture d’une étude sur le marché du cloud. Le Bureau évoquait alors une « étude de marché examinant la position d’Amazon, Microsoft et Google sur le marché britannique des services cloud ». Dans un tableau, l’agence montrait qu’Amazon, Google et Microsoft se partageaient 81 % d’un marché de 15 milliards de livres sterling. Elle prévenait alors : « Si des problèmes de concurrence sont identifiés, cela pourrait conduire à d’autres mesures ».

Dans un communiqué daté du 5 octobre, l’Ofcom a confirmé avoir identifié des problèmes de concurrence, notamment autour de deux poids lourds : AWS et Microsoft.

Une étude prospective

« Notre étude de marché a identifié des caractéristiques qui rendent plus difficile pour les entreprises britanniques de changer de fournisseur et d'utiliser plusieurs fournisseurs de services en nuage. Nous sommes particulièrement préoccupés par la position des leaders du marché que sont Amazon et Microsoft », affirme ainsi l’Ofcom dans son communiqué.

L’Ofcom explique avoir lancé son étude en vertu de l’Enterprise Act de 2002. Objectif, évaluer le marché du cloud, notamment la force de la concurrence et tout ce qui était susceptible de « limiter l’innovation et la croissance dans ce secteur », tout particulièrement l’entrée sur le marché d’autres fournisseurs de services ou l’expansion des petites entreprises.

Comme l’indique l’agence, le marché du cloud est « encore en pleine évolution ». Il a donc été examiné sous deux angles : comment il fonctionne aujourd’hui, et comment l’agence s’attend à ce qu’il fonctionne dans l’avenir.

Distorsion de la concurrence

À travers son étude, l’Ofcom dit avoir observé une distorsion de la concurrence. En 2022, AWS et Microsoft détenaient à elles deux 70 à 80 %, surtout quand il s’agit des offres IaaS (Infrastructure as a Service) et PaaS (Platform as a Service). Les entreprises se partagent l’écrasante majorité du marché, pratiquement à parts égales. Google, leur plus proche adversaire, est loin derrière, avec 5 à 10 % du marché anglais.

« Collectivement, ces entreprises sont connues sous le nom "d'hyperscalers" et la grande majorité des clients du cloud utilisent leurs services sous une forme ou une autre », pointe l’Ofcom. Cette omniprésence ne pose pas problème en soi à l’Ofcom. En revanche, elle entraîne des conséquences, que l’agence résume sous forme de trois problèmes principaux.

D’abord les frais de sortie (« egress ») : ce que payent les clients pour transférer leurs données d’un prestataire à un autre. Quand les frais sont trop importants, ils peuvent dissuader de faire la bascule, même avec des promesses d’économies plus tard. Dans le cas des hyperscalers, l’Ofcom dit avoir observé des frais 5 à 10 fois plus élevés que chez des concurrents plus petits, comme Oracle et OVHcloud.

Ensuite, les obstacles techniques à l’interopérabilité et à la portabilité. Un autre type de barrière, qui rend la bascule impossible, sinon très complexe, car elle requerrait un trop grand travail, donc une facture plus élevée. Les obstacles peuvent également concerner la possibilité de faire fonctionner plusieurs services répartis chez des prestataires différents. Pour l’Ofcom, bien que certains obstacles découlent directement des différentes approches techniques des entreprises, elle estime que d’autres ne sont « pas justifiés ».

Enfin, les remises sur les dépenses engagées. Elles peuvent, certes, profiter aux clients dans un premier temps, mais « la manière dont elles sont structurées peut les inciter à utiliser un seul hyperscaler pour tous ou la plupart de leurs besoins en matière d'informatique dématérialisée, même lorsqu'il existe des solutions de meilleure qualité »

Un assemblage de facteurs

Ces trois barrières ne s’excluent pas forcément. Lors de la négociation d’un contrat avec un autre fournisseur, elles peuvent intervenir toutes les trois à divers degrés, surtout s’il s’agit d’utiliser le meilleur prestataire pour chaque service.

Ce point est particulièrement mis en avant par l’Ofcom : le fonctionnement monolithique. L’agence indique ainsi que tout est fait pour qu’une entreprise cliente mette toutes ses billes chez un seul hyperscaler. Les clients ont alors plus de mal à changer de crèmerie, entrainant la baisse de concurrence : les petites entreprises ne peuvent pas « défier efficacement AWS et Microsoft », car le coût d’un départ de ces dernières est trop important.

« Lorsqu'il existe une concurrence active pour attirer de nouveaux clients, en particulier les grandes entreprises, ces clients sont susceptibles d'avoir une position de négociation plus forte lorsqu'ils migrent pour la première fois vers le nuage. Toutefois, une fois qu'un client a fait le choix initial d'un fournisseur de services en nuage, dans de nombreux cas AWS ou Microsoft, il est plus probable qu'il déploie ses futures charges de travail au sein de cet écosystème. Nous pensons que cela s'explique en partie par les obstacles que nous avons identifiés et que nous considérons comme suffisamment importants pour qu'un nombre significatif de clients aient une capacité limitée à changer de fournisseur ou à utiliser plusieurs fournisseurs », explique l’Ofcom.

Selon les données et témoignages collectés, une « grande partie du marché a des besoins plus complexes et se heurte à des obstacles importants pour changer de fournisseur ou adopter des architectures multicloud plus intégrées une fois qu'ils ont choisi leur fournisseur principal ».

En conséquence, l’Ofcom craint un enlisement du marché et note dans son étude que les autres entreprises s’affrontent surtout sur les nouveaux clients, à savoir les entreprises mettant pour la première fois le pied dans l’informatique dématérialisée. Dans les conditions actuelles, l’agence s’attend à une détérioration plus importante du niveau de concurrence, au fur et à mesure que le marché se concentre et murit.

L’Ofcom passe la main à la CMA

L’Ofcom résume la situation en affirmant avoir observé « des indications claires que le marché de l’infrastructure en nuage ne fonctionne pas bien ». L’agence dit avoir identifié des caractéristiques ayant un effet négatif sur la concurrence, pouvant nuire aux clients et, « en fin de compte, aux consommateurs britanniques ».

Quand l’Ofcom a des suspicions dans ce type de contexte, elle peut renvoyer l’enquête à la CMA. Dont acte. « Nous renvoyons le marché des services d'infrastructure de cloud public à la CMA pour qu'elle mène une enquête de marché. Pour parvenir à cette décision, nous avons évalué nos préoccupations conformément aux orientations de la CMA sur les enquêtes de marché. Nous estimons que le seuil légal est atteint et qu'une référence à une enquête de marché est une réponse appropriée aux préoccupations que nous avons identifiées. Nous exerçons donc notre pouvoir discrétionnaire en ce sens ».

L’enquête de la CMA sera indépendante et devra déterminer s’il y a un effet négatif sur la concurrence. Si tel devait être le cas, elle pourrait prendre des mesures pour « y remédier, l’atténuer ou le prévenir ». « La CMA a la possibilité d'imposer un large éventail de mesures correctives », ajoute l’Ofcom.

Notez que les conclusions de l'Ofcom recoupent largement celles de l'Autorité de la concurrence en France. Les hyperscalers étaient épinglés pour les mêmes raisons, notamment les frais de sortie jugés beaucoup trop élevés et des crédits de bienvenue assimilables à du dumping.

 

Commentaires (2)


Et qu’en pense l’Union européenne :mdr:


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