Guerre froide technologique : la Chine bannit AMD, Intel et Windows de ses administrations
Puces maison et manchots
La Chine vient de bannir les processeurs AMD et Intel de l’ensemble des PC et serveurs gouvernementaux. Il ne doit rester dans la totalité des administrations que des ordinateurs équipés de processeurs développés par des entreprises chinoises. D’autres produits subissent ce bannissement, comme Windows.
Le 25 mars à 12h31
8 min
Droit
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Les tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine se tendent singulièrement depuis quelques années. Chacun bannit régulièrement des applications, services ou technologies de l’autre. Le premier cas emblématique fut celui de Huawei et ZTE, qui n’ont plus le droit de commercer avec des sociétés américaines notamment. Dans le cas de Huawei, cela signifiait entre autres la rupture de son contrat avec Google et l’impossibilité d’utiliser la version commerciale d’Android et ses Play Services.
Malgré le retrait de Xiaomi de la liste noire américaine, les tensions se sont intensifiées, chaque pays étant lancé dans un grand mouvement d’autarcie technologique et ne se faisant plus confiance. Un exemple largement médiatisé (parmi d’autres) : TikTok que les États-Unis menacent de bannir si ByteDance ne vend pas sa filiale américaine.
En octobre 2022, on apprenait par exemple que les États-Unis avaient bloqué partiellement les exportations de puces et semi-conducteurs vers la Chine. En janvier, on découvrait également que la Chine arrivait à se procurer des GPU NVIDIA, malgré une interdiction des ventes décidée en octobre 2023. Il faut dire que le pays n’a pas de solution de remplacement (pour le moment ?) : NVIDIA est un leader dans les GPU pour les intelligences artificielles (génératives).
La Chine avance en outre sur un calendrier spécifique, nommé xinchuang, ou « innovation en matière d'application des technologies de l'information ».
Bannissement des processeurs AMD et Intel
Et la situation n’est pas près de s’arranger : le Financial Times a révélé que la Chine venait de bannir les processeurs AMD et Intel des ordinateurs et serveurs gouvernementaux. En d’autres termes, toutes les machines utilisées par le gouvernement, les ministères et plus généralement tout ce qui peut être touché par des fonctionnaires va devoir utiliser des puces produites par des sociétés chinoises.
Dans l’escalade des tensions, il s’agit d’une nouvelle marche franchie par l’un des deux protagonistes. La seule exception pour l’instant semble être le cas des communes, qui peuvent a priori continuer à utiliser l’équipement actuel. Pour les autres, les PC et serveurs doivent être équipés de processeurs et systèmes d’exploitation décrits comme « sûrs et fiables ».
Cette affirmation sonne aussi comme une manière de répondre aux États-Unis sur les accusations, remontées par Bloomberg, de l’ajout de micropuces chinoises espionnes sur des cartes mères fabriquées en Chine. Micropuces qui, rappelons-le, n’ont jamais été formellement identifiées, malgré des recherches intensives.
Toujours selon le Financial Times, ces directives ont été révélées aux administrations le 26 décembre par le ministère des Finances et celui de l’Industrie et des Technologies de l’Information. Le même jour, le China Information Technology Security Evaluation Center a publié une première version de la liste des produits considérés comme « sûrs ». On y trouvait 18 processeurs, dont plusieurs modèles de Huawei et Phytium, toutes deux sur liste noire américaine.
Côté systèmes d’exploitation, Windows se retrouve banni lui aussi. Sur la liste ne figurent que des systèmes développés en Chine et basés sur Linux. Ce n’est pas une surprise, le pays ayant initié il y a des années le développement de plateformes Linux adaptées à ses besoins.
Un calendrier rapide
On ne connait pas le calendrier de ce bannissement. On ne sait donc pas combien de temps ont les administrations pour se conformer à ce plan. En revanche, d’après des sources du Financial Times, les entreprises d’État sont soumises, elles aussi, à cette liste noire et ont jusqu’en 2027 pour s’y adapter. Pour ces structures, et toujours d’après les mêmes sources, le mouvement de « modernisation » a commencé l’année dernière. Il existe certains cas où les anciennes configurations peuvent encore être utilisées, mais sans plus d’informations.
Plusieurs fonctionnaires interrogés ont témoigné qu’ils n'avaient plus le choix et devaient tenir compte des restrictions imposées. Selon un expert du groupe de recherche Bernstein, le remplacement sera plus rapide sur les serveurs que les PC.
Un impact probablement lourd pour AMD et Intel
Comme l’indiquent nos confrères, il sera sans doute très complexe pour les deux fondeurs de sortir de la liste noire sans aide politique. « Pour être évaluées, les entreprises doivent soumettre l'ensemble de la documentation et du code de R&D de leurs produits. Le principal critère d'évaluation est le niveau de conception, de développement et de production réalisé en Chine, selon un avis de l'agence d'État chargée des essais », pointe ainsi le Financial Times.
L’impact pour les finances des entreprises sera variable. Dans ses résultats de l’année dernière, Intel avait par exemple déclaré que la Chine avait représenté 27 % de son chiffre d’affaires dans les ventes de processeurs, alors de 54 milliards de dollars. Côté AMD, la Chine a compté pour 15 % des 23 milliards de dollars générés par la vente de processeurs dans le monde l’année dernière. Pour Microsoft, la Chine représente 1,5 % de son chiffre d’affaires.
Même si l’on ne parle pour l’instant que des PC et serveurs des administrations, la décision de la Chine pourrait s’étendre plus tard aux configurations domestiques et des entreprises privées. Elle envoie en tout cas un mauvais signal, une partie de ces dernières pouvant décider par exemple de s’adapter en avance pour ne pas être surpris en cas d’élargissement des mesures.
L’Europe en possible situation délicate
Pour le Vieux continent, cette enchère dans les bannissements pourrait représenter un problème croissant. La Chine est son usine pour de nombreux produits, tandis qu’une majeure partie des technologies informatiques utilisées viennent des États-Unis. Prise entre deux feux et par le biais des pressions politiques, l’Europe pourrait être incitée à choisir son camp.
La situation européenne était particulièrement visible dans le sillage du bannissement de Huawei et ZTE aux États-Unis. Ces derniers avaient fait pression sur l’Europe pour qu’elle suive la même trajectoire. Le sujet revient régulièrement sur le tapis.
En juin de l’année dernière, la Commission européenne exhortait ainsi à prendre des « mesures d’urgence » contre les deux entreprises chinoises. La France n’avait pas attendu Bruxelles. Elle a décidé, il y a plusieurs années déjà, que les opérateurs utilisant des technologies Huawei et ZTE dans leurs cœurs de réseaux devaient en faire la déclaration. La mesure avait été attaquée devant le Conseil d’État, sans succès. Une perquisition a même eu lieu dans les locaux de Huawei France le mois dernier pour « atteinte à la probité ».
Le contexte est d’autant plus tendu que certaines décisions de la Chine impactent directement l’Europe, comme on l’a vu avec les restrictions sur le gallium et le germanium en juillet de l’année dernière. L’Europe n’est pas non plus stationnée dans un rôle de victime.
Il y a un an, les Pays-Bas ont ainsi mis en place des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs vers certains pays, même si la Chine n’était pas explicitement nommée. La mesure concernait surtout l’entreprise ASML, leader dans la production de machines servant à la fabrication de processeurs. En février 2023, l’un de ses employés en Chine lui avait dérobé des « informations sensibles ».
Dans ce climat de suspicions et de bannissements, la position de l’Europe reste cependant fragile. Elle dispose de très peu d’extractions de matériaux critiques et ses capacités industrielles sont très en deçà de celles des deux géants.
Guerre froide technologique : la Chine bannit AMD, Intel et Windows de ses administrations
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Un calendrier rapide
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Un impact probablement lourd pour AMD et Intel
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L’Europe en possible situation délicate
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 25/03/2024 à 13h15
Sur quelle architecture sont-ils construits ?
Pour un site dont le premier nom était Inpact Hardware, je reste un peu trop sur ma faim.
Modifié le 25/03/2024 à 16h58
Le 25/03/2024 à 17h47
On voit cependant dans l'article que tu as mis en lien que le processeur est plutôt dépassé.
Et ça ne dit rien sur ceux de Huawei.
Bref, on n'a aucune idée de la valeur de leurs processeurs.
Le 25/03/2024 à 18h24
Problème réglé
Le 25/03/2024 à 13h40
Le 25/03/2024 à 16h35
Pour la France (et aussi pour l'Europe) nous nous sommes abandonnés aux outils technologiques étasuniens alors que Thomson fabriquait des composants (sous licence c'est vrai)... ON avait des constructeurs d'ordinateurs (plutôt pour l'industrie) ON a fermé les usines et ON s'est congratulé d'installer des bécanes venant directement de Detroit (c'est US alors c'est bien mieux, c'est plus chic !)
Le 25/03/2024 à 17h18
Faut pas être naïf, on avait déjà beaucoup trop de retard pour les concurrencer sur ces technologies, on rattrape pas un Mastodonte lancé à pleine vitesse, personne en Europe n’avait les reins pour le faire et injecter les sommes qu’il fallait pour concurrencer les processeurs US.
Il faudrait surtout réussir à prendre le train sur des architectures plus ouvertes comme Risc…
Sinon pour la partie assemblage de PC, je ne vois pas trop le rapport avec AMD et Intel. La plupart des machines US sont faites en Asie, on aurait produit en France c’était un échec certain…
Le 27/03/2024 à 02h40
On rachète déjà nos jeunes pousses comme Centryo (Cisco 2019),
Le 27/03/2024 à 10h26
Il ne faut pas tout mélanger… Si elles sont rachetées c'est parce que des boîtes avec de gros moyens font des offres importantes de rachat et que les propriétaires y trouvent des intérêts financiers, des possibilités de croissance rapide et souvent une évolution de carrière, ça s'arrête là, c’est pareil dans tous les domaines… C’est pas une question de US, France, Europe, c’est juste que dans notre domaine, tu as plus de chance que ce soit un gros groupe Américain.
Dans le cas de Sentryo, ca date un peu, dit moi qui aurait pu en Europe les acheter et leur ouvrir la porte des nombreux marchés (Asie, Australie, etc..) et regarde quel poste occupe le PDG de Sentryo chez Cisco aussi…
Le 25/03/2024 à 13h40
Quand on veut on peut. Perso je dépend assez peu des entreprises de la tech US dans mes usages personnels quotidiens. Hélas en contexte entreprise, c'est tout l'inverse où l'on préfère même abandonner l'usage des hébergeurs européens... De mon point de vue, c'est une catastrophe en matière de stratégie.
Pour le hardware, c'est une autre histoire mais ce n'est qu'une question d'investissement là aussi. Il ne manque que la prise d conscience et la volonté, à nouveau.
Le 25/03/2024 à 13h46
Au pire M1 à M3
Le 25/03/2024 à 14h06
Le 25/03/2024 à 16h44
Nous n'avons pas la même conception, et malgré les efforts pour s'adapter aux cultures les logiciels et OS restent bien bancals s'ils ne sont pas en anglais, ou dans quelques langues européennes.
Là c'est clairement contre les US, mais en même temps c'est contre l'hégémonie occidentale. Les pays "émergents" ont maintenant des moyens, des gens formés, pour créer leurs propres logiciels et contenus sans subir le passé US de l'informatique.
A mon avis, on va vers une scission: ancien monde avec les PC x86/x64 et leur passé qu'ils traînent comme un boulet, et le nouveau monde avec ... autre chose...
Le 25/03/2024 à 17h30
Le 26/03/2024 à 13h15
Pas trop le 280W de TDP en pointe - c'est pas super tendance.
Le 25/03/2024 à 18h38
Peut être que si les OS sont si "occidentaux" c'est parce que l'alphabet "occidental" (je sais pas comment l'appeler) s'y prête mieux et qu'un moment donné, il faut se mettre d'accord sur un langage commun "worldwide". L'anglais étant quand même l'une des langues les plus simple à apprendre avec sa grammaire plutôt pauvre.
Quant au "x86 de l'ancien monde". Je pense que tu t'avances un peu vite. C'est certe assez massif, d'où la popularisation d'arm, mais d'un autre côté, chaque évolution a été poussée par un besoin réel. Je pense qu'il va se passer un bon moment avant que le x86 disparaisse, s'il disparaît un jour... (A l'échelle de notre vivant).
Le 26/03/2024 à 13h19
Le 26/03/2024 à 13h30
Même chez nous, on reste sur notre clavier tout pourri incompréhensible quand un clavier alphabétique aurait été meilleur pour l'adoption par la population. MAIS c'est compliqué car le fonctionnement des claviers reste lié à un passé qu'on ne se donne pas souvent le droit de contourner.
L'alphabet est une chose. Mais quand ta langue ne se lit pas de gauche à droite, même si l'OS est prévu pour, la plupart des logiciels ne sont jamais 100% adaptés à une lecture de droite à gauche ou de haut en bas. Ce qui rappelle constamment que le matériel est conçu en occident.
Sans parler de la gestion des dates... Déjà nous on a du mal avec les dates américaines, mais quand on joue sur plusieurs calendriers ça devient drôle. Même si c'est théoriquement pris en charge, il y a toujours une date qui "poppe" dans la culture occidentale.
Avec la résurgence actuelle des nationalisme et un "soupçon" de communication autour du colonialisme ... ces agacements quotidiens se perpétuent et s'amplifient.
Ensuite, il faut voir que les nouveaux marchés qui se développent ont moins le fil à la patte du logiciel du passé. Un ordi en ARM, sans port d'extension interne à gogo (apanage du PC, coûteux résidu de son origine industriel) peut être totalement adapté pour un prix inférieur.
Si on se base sur une utilisation cloud massive, il faut imaginer par exemple qu'en chine sur android on n'installe pas des tonnes d'applis, mais plutôt une méga appli qui fait tout - portable sur autre chose qu'android... Dans ce cas, de simple terminaux est totalement envisageable. Il faut bien se rendre compte que notre culture informatique, bien gavée de pub, c'est du "kikalaplugrosse". Mais ce n'est pas forcément le cas de pays émergents, qui sont sur du "comment je fais pour ne pas rater le train à pas cher". Limite une résurgence du début des années 80 lors du début de l'informatique personnelle.
Quand à ce qui motive les achats, les JV... Les AAA sont totalement empreints de culture occidental et de clichés occidentaux sur les autres cultures. Maintenant que les asiatiques et africains développent leurs propres médias, ils vont pouvoir en développer des bien plus proches de leurs attentes et de leur culture.
Qu'on soit clair: un pays qui fait une alliance avec la Chine aura intérêt à parler Chinois et Espagnol - mais alors pourquoi devoir apprendre l'anglais pour programmer? Non, les outils finiront par être dans une autre langue.
Désolé, mais je ne vois pas une harmonisation poindre dans tout cela, plutôt plusieurs pôles qui vont se développer côte à côte (et potentiellement s'affronter), chacun avec certaines spécificités "locales". Et les américains se croyaient incontournables - il se sont aperçu un peu tard que non seulement ils ne son pas incontournables, mais qu'en plus il ne sont pas forcément dans la bonne direction...
(dixit le gars qui craint depuis longtemps ce qui arrive maintenant: les datasheet en électroniques qui ne sont plus rédigés en anglais en premier...)
Le 26/03/2024 à 13h57
Le 26/03/2024 à 15h24
Le code source est en Anglais par limitation actuelle aussi: commenter en unicode et nommer les fonctions avec de l'unicode dans le noyau Linux, je ne sais pas si c'est possible (en fait, ce serait certainement retoqué à la relecture - il va falloir forker en douce)
D'autre part, ils ne peuvent pas tout réécrire de suite :) Notamment il faut commencer par réécrire le compilateur...
Le 26/03/2024 à 15h28
Le 26/03/2024 à 16h30
L'UTF 8 qui est la valeur par défaut pour le [CPP de gcc pour le code source permet d'utiliser les caractères chinois. On peut spécifier en paramètre un autre ensemble de caractères (character set). Les mots-clés du C sont eux toujours en caractères latins.
Mais il est probable que des commentaires en Chinois dans le noyau Linux ne passent pas faute d'être compris et encore moins des noms de fonctions ou de variables.
Il est a priori inutile de réécrire le compilateur si l'on ne veut pas changer les mots clés du C/C++. Mais même dans ce cas, une modification de CPP devrait suffire.
Le 26/03/2024 à 13h25
Modifié le 26/03/2024 à 15h31
(vieux souvenir de logiciels traduits en Japonais ou Chinois début 2000: un carnage ...)
(et souvenir récent des traductions ces 30 dernières années: File -> Fichier ou dossier, Directory-> Armoire, dossier ou répertoire, AI -> système expert, logique floue, et maintenant IA (la pire des traductions possibles), et les tops ces dernières années où ça dérape de partout: Free Space -> Espace gratuit (Ms), Camera -> Chambre (Gnome), End of support -> Fin de portage (lenovo ou HP, je en sais plus) )
+ tous les anglicismes, tournures, formats qui se sont imposés et froissent les gens (y compris dans les formules de politesse ...)
Etant entouré de personnes "bien élevées", et très imprégnées de "culture française", ça m'a ouvert grand les yeux sur le niveau de modification de notre language, de notre façon de pensée, et les désagréments qu'on subit tous les jours (la disparition de certains caractères comme le É, qui existe et est faisable), intrinsèquement, pas une certaine forme de conditionnement informatique...
Le 25/03/2024 à 14h44
Nota: l'icône Lien ne fonctionne pas ??
Le 25/03/2024 à 16h24
Tu as dû oublier les crochets.
Le 25/03/2024 à 16h32
Le 25/03/2024 à 16h41
«Toujours remettre au lendemain ce que l'on peut ne pas faire le jour même» !
Le 25/03/2024 à 23h09
Le 25/03/2024 à 15h54
"L'administration chinoise conclu un deal avec Apple et s'équipe exclusivement en iMac et MacBook avec CPU M3".