« Argent Public ? Code Public ! » exhortent des ONG
Ça coule d’open source ?
Le 14 septembre 2017 à 13h04
7 min
Droit
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Une trentaine d’ONG (parmi lesquelles figure Open Rights Group, la fondation Libre Office, openSUSE...) viennent de lancer une campagne à l’échelle européenne en faveur du logiciel libre et de l’open source. Avec un leitmotiv : faire en sorte que tout programme informatique financé grâce à des deniers publics soit accessible à tous.
« Argent Public ? Code Public ! » Tel est l’intitulé de la campagne lancée mercredi 13 septembre sous l'impulsion de la Free software foundation Europe (FSFE). L’organisation de défense du logiciel libre explique que chaque année, les pouvoirs publics des différents États membres de l’Union européenne dépensent « des millions d'euros dans le développement de nouveaux logiciels sur mesure pour leurs besoins ».
Rien que pour la France, les exemples en la matière sont assez nombreux (sans pour autant être tous très glorieux) : « Chorus » pour la comptabilité de l’État, « Louvois » pour la solde des militaires, « VITAM » pour l’archivage électronique, « France Visas » pour la gestion des demandes de visas, etc.
Or le problème est double, aux yeux de la FSFE. D’une part, parce que les États ont parfois recours à des logiciels propriétaires, dont le code source ne peut donc pas être ausculté. D’autre part, parce que même en cas de développement d’une solution libre, il n’y a pas forcément de publication du code source. « Les administrations publiques à différents niveaux rencontrent souvent des problèmes pour partager le code source du logiciel entre elles, même si elles ont entièrement financé son développement », déplore à cet égard l’organisation.
Des problèmes de sécurité, mais aussi de dépendance à de grands acteurs
Dans une lettre ouverte co-signée par une trentaine d’ONG, dont Wikimédia Allemagne ou, s’agissant de la France, de l’Association de promotion du logiciel libre (April), la FSFE dénonce les risques de telles pratiques, tout d’abord en matière de sécurité. Elle cite le lanceur d’alerte Edward Snowden, pour qui l’ouverture du code source permet de « trouver et réparer les failles avant qu’elles ne soient utilisées » par des personnes malintentionnées, par exemple « pour éteindre la lumière dans l’hôpital d'à côté » (en ce qui concerne les systèmes d’information de la sphère publique).
L’organisation rappelle également la problématique de souveraineté liée à l’usage des logiciels propriétaires : « Nos administrations sont dans une situation de captivité vis-à-vis d’une poignée d’entreprises comme Microsoft, et dont la conséquence est l’impossibilité de vérifier les failles de sécurité et d’adapter le logiciel aux besoins. » Des critiques entendues à maintes reprises, et répétées il y a peu en France suite à la décision prise par le ministère de la Défense de renouveler son contrat dit « Open Bar » avec le concepteur de Windows.
Les initiateurs de la campagne « Argent Public ? Code Public ! » ne manquent pas de vanter les avantages du logiciel libre : économies budgétaires dans la mesure où « des applications similaires n’ont pas besoin d’être programmées à partir de zéro à chaque fois », coopération – parfois avec la société civile – qui permet de « partager l'expertise et les coûts », etc.
Lutte d’influence pour faire évoluer les législations
Mais comment comptent-ils agir pour faire bouger les choses ? Chacun est invité à signer la lettre ouverte rédigée par la FSFE, qui appelle les responsables publics à « mettre en œuvre une législation » selon laquelle tout « logiciel financé par le contribuable pour le secteur public » deviendrait « disponible publiquement sous une licence de Logiciel Libre et Open Source ».
Cette sorte de pétition sera très prochainement envoyée aux candidats allemands aux législatives, puis, à terme, aux autres responsables politiques de l'Union européenne et des États membres, ainsi qu’aux candidats aux élections européennes de 2019.
Bientôt le retour du débat sur la « priorité » à accorder aux logiciels libres ?
En France, deux types de réformes pourraient être introduites, selon l’April. « Il y a des fois où des solutions privatrices sont explicitement demandées dans les appels d’offres », nous explique Frédéric Couchet, le délégué général de l’Association de promotion du logiciel libre – en référence notamment aux achats de licences Microsoft. « Si déjà le Code des marchés publics n’autorisait pas ce type de pratiques, ça permettrait aux entreprises de répondre aux appels d'offres en proposant du logiciel libre », soutient-il.
Ce pourfendeur du logiciel propriétaire espère d’autre part que le Parlement rouvrira prochainement le débat sur la « priorité » à accorder (ou non) aux logiciels libres au sein de l’administration. La mesure avait en effet été largement plébiscitée lors de la consultation sur l’avant-projet de loi Numérique, sans pour autant être retenue par le législateur. Rappelons-en le principe : que les ministères, services déconcentrés, autorités publiques en tout genre... « donnent la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts lors du développement, de l'achat ou de l'utilisation, de tout ou partie, de [leurs] systèmes d'information ».
« Ce sujet-là reviendra sur le tapis pour qu’on puisse inscrire dans la loi la priorité aux logiciels libres, et préciser, peut-être dans un décret ou un dans autre document, la mise en œuvre pratique de cette priorité » croit désormais Frédéric Couchet. « Ça ne viendra peut-être pas tout de suite, mais ça va venir à un moment ou à un autre » ajoute-t-il.
L’intéressé mise beaucoup sur les nouveaux députés, dont plus d’une vingtaine ont signé le Pacte du logiciel libre. Les ambitions portées par Paula Forteza (LREM) ont d’ailleurs suscité beaucoup d’intérêt de la part de l’April. Et pour cause : cette ancienne employée de la mission Etalab entend proposer des outils libres répondant à des besoins concrets des députés – par exemple sur la gestion des amendements – en s’inspirant des méthodes agiles, chères au logiciel libre (voir notre portrait).
« Les tentatives d'expérimentation au sein de l'Assemblée nationale qu'annonce Paula Forteza devraient convaincre ses collègues parlementaires de l'intérêt du logiciel libre et de l'importance d’y recourir » affirme Frédéric Couchet. « Ça va leur montrer que ça fonctionne ! Et peut-être que dans un an, deux ans... Il deviendra finalement naturel qu'il y ait une proposition de loi pour consacrer la priorité au logiciel libre. »
Codes sources : l’ouverture est (en principe) acquise
Quant à la publication des codes sources de logiciels développés ou commandés par l’administration, rappelons que la loi « CADA » assimile les codes sources à des documents administratifs « communicables » de droit à tout citoyen qui en fait la demande. De nombreuses procédures ont ainsi conduit ces dernières années à l’ouverture de différents codes sources, à l’image de celui du logiciel qui permet à Bercy de calculer l’impôt sur le revenu.
Il ne faut cependant pas oublier que l’administration peut refuser cette communication dès lors qu’il s’agit par exemple de protéger le secret défense ou la sécurité des systèmes d’information des administrations.
« Argent Public ? Code Public ! » exhortent des ONG
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Des problèmes de sécurité, mais aussi de dépendance à de grands acteurs
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Lutte d’influence pour faire évoluer les législations
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Bientôt le retour du débat sur la « priorité » à accorder aux logiciels libres ?
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Codes sources : l’ouverture est (en principe) acquise
Commentaires (44)
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Abonnez-vousLe 14/09/2017 à 13h53
Solutions “privatrices”…
Toujours les mêmes éléments de langage idéologiques
Ce discours pourrait être beaucoup plus audible par le plus grand nombre s’ils paraissaient un peu moins extrémistes dans leur propos et leur “solution”.
Le 14/09/2017 à 13h54
En fait, dans l’armée, ils ont bien senti venir le problème, ils ont classé confidentiel défense énormément d’applications, je m’interrogeais pourquoi… Mais c’est surement lié aux procédures CADA pour avoir le code source des applications.
Le 14/09/2017 à 13h55
Ce qui est intéressant c’est de voir que les signataires sont originaires de toute l’Europe et pas uniquement “des petits emmerdeurs français”.
Le 14/09/2017 à 13h57
Je sais qu’on est en fin de semaine mais attention, regardez par terre quand vous marchez
Bravo à eux en tout cas
Ca me fait penser à ça :https://framablog.org/2017/09/09/code-open-source-contre-gros-systeme/
Le 14/09/2017 à 13h57
Le 14/09/2017 à 14h05
L’initiative est interessante.
Je dois dire que je suis un peu désabusé sur ce sujet, mais je soutiens à 100%.
J’ai été signer leur lettre ouverte.
Pour le moment, il y a encore assez peu de monde : a peine plus de 4500 personnes, de tous pays (France, Bulgarie, Belgique, Allemagne, Italie, République Tchèque, Australie, …).
Si vous croyez à la pertinence de leurs propos, n’hésitez pas à ajouter votre signature :-).
Le 14/09/2017 à 14h09
Bonne idée, passera pas, on est en France bordel ! " />
Le 14/09/2017 à 14h16
Le 14/09/2017 à 14h22
Les initiateurs de la campagne « Argent Public ? Code Public ! » ne manquent pas de vanter les avantages du logiciel libre : économies budgétaires dans la mesure où « des applications similaires n’ont pas besoin d’être programmées à partir de zéro à chaque fois », coopération – parfois avec la société civile – qui permet de « partager l’expertise et les coûts », etc.
Pour le voir dans mon taf, je peux le confirmer : pour la gestion des tickets de demandes et d’incidents, on utilise GLPI, dans une version légèrement modifiée pour coller à notre utilisation… Ca a quasi rien coûté à l’Administration, reste simple à utiliser une fois la logique comprise, et a évité de créer ou acheter des licences pour un truc proprio qui serait en prime certainement moins pratique (comme, au hasard, ces 2 horreurs que sont Easyvista (qui nous sert à suivre le parc informatique, avec une interface tellement logique qu’on a 2 sous-menus nommés “Inventaire” dans le même menu déroulant, et ne menant pas du tout à la même chose!) ou Chorus (le cauchemard de ceux qui gèrent les budgets dans l’Administration))…
Le 14/09/2017 à 14h30
C’est dommage de citer “VITAM” pour citer l’archivage électronique et ne pas dire que celui-ci est déjà Open Source et accessible sur GitHub.http://www.programmevitam.fr/
Je pense que l’état fais un certain nombre d’effort aujourd’hui. Il a malgré tout un certains nombre de contrainte souvent qui l’empêche.
Le 14/09/2017 à 14h31
C’est une initiative intéressante, et d’autant plus qu’elle part des utilisateurs de plusieurs pays européens.
Personnellement j’ai du mal à croire que ça bougera beaucoup, surtout quand on voit que le contrat open bar de la défense a été renouvelé … et avec MS Irlande … Mais bon, à force de faire du bruit ça finira bien par s’entendre. Tout le monde a à y gagner sauf les multinationales américaines, mais hé, c’est l’Europe.
Le 14/09/2017 à 14h45
Le 14/09/2017 à 14h49
”…les pouvoirs publics des différents États membres de l’Union européenne dépensent :
« des millions d’euros dans le développement de nouveaux logiciels sur mesure pour leurs besoins ».
ce serait logique !
(donc, “ouvert” à tous) " />
Le 14/09/2017 à 14h52
Le 14/09/2017 à 14h55
Pourquoi, Jean-Jacques Bourdel ? " />
Le 14/09/2017 à 15h03
J’ai été consulter les documents mis en ligne sur le lien que tu indique Ike, c’est remarquable je trouve.
Le document initial, qui présente la problématique, la méthodologie, la feuille de route, et quelques aspects techniques permettant de répondre à la problématique est une base de travail que j’aurai bien aimé avoir sur plusieurs des projets auxquels j’ai participé.
Je suis fan de l’idée du manifeste aussi, qui pose en une phrase, qu’on peut imprimer sur une page A4 et afficher au mur, les fondamentaux du projet.
Merci !
Le 14/09/2017 à 15h13
ça tombe bien, CP tout chaud de cet pm:http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/22679.pdf
Le 14/09/2017 à 15h21
Le 14/09/2017 à 15h24
Le 14/09/2017 à 15h41
Le 14/09/2017 à 17h05
Le 14/09/2017 à 18h18
Je ne commente pas souvent, mais c’est bien le genre d’article que je verrais accessible à tous pour qu’il puisse touche le plus de monde possible.
Dans tous les cas le principe est intéressant, même si comme bcp je doute malheureusement de la portée de cette action surtout en France.
Le 14/09/2017 à 18h23
« des applications similaires n’ont pas besoin d’être programmées à partir de zéro à chaque fois »
En théorie sans doute. En pratique, chaque développeur “open-source” semble avoir une meilleure idée que les autres et s’en va créer son projet sous github.
Le 14/09/2017 à 18h32
Le 14/09/2017 à 18h52
Le 14/09/2017 à 20h13
Hélas c’est souvent des choix plus faits par connivence que par réel appel d’offre couplé à une expression de besoin.
Par exemple dans le ch’nord, quand tu navigues d’entreprise Mulliez en entreprise Mulliez, tu retrouves plein d’éléments communs. Avec souvent des justifications de choix en mode : “Decathlon l’utilise donc ..”, “Auchan l’a pris donc…”, “c’est comme ça chez Kiabi…”.
Et souvent au sein des groupes les DSI essayent de capitaliser le plus possible sur des choix de solutions faites par l’un des membres.
Résultat, tu tombes sur des projets comme sur lesquels j’ai bossé où le choix de la solution était “c’est utilisé par XXX” avant même de savoir si ça répondant au besoin du client. Mais derrière l’éditeur du produit ça le dérange pas de faire tout passer en dev spécifique.
Comme le dit le dicton de notre métier : faire et défaire font les affaires des prestataires. " />
Et pour revenir au sujet, dans mon expérience personnelle, le remplacement de produits du marché par des solutions open source était majoritairement fait pour des raisons de coût de licence des remplacés.
Le monitoring Tivoli vers du Nagios, les serveurs d’appli qui sont passés sur du Tomcat après avoir vécu du Websphere ou de l’Oracle, les BDD Postgres qui remplacent Oracle ou DB-2, Linux qui a remplacé AIX…
Le 14/09/2017 à 20h56
Je ne suis pas contre mais avant d’être complètement pour j’aurai quand même besoin de savoir qui sont les acteurs qui se cachent réellement derrière tout ça.
Selon moi, comme d’habitude, ce n’est pas binaire (..) entre les méchants pas beaux aux sources fermées et les gentils aux sources ouvertes. C’est quand même un peu plus subtile que cela surtout si on considère les sommes en jeu (directement et indirectement).
Juste mon avis.
Le 15/09/2017 à 04h41
On pourrait appliquer la même logique au film produit presque uniquement grâce à nos impôts.
Le 15/09/2017 à 04h44
Je rejoins un peu ton avis sur le côté manichéen de la chose.
Si je suis un partisan du logiciel libre, je n’aime pas cet aspect politique de la démarche.
Le 15/09/2017 à 06h14
Le 15/09/2017 à 06h34
Pourquoi limiter cette ouverture au code seulement ? Tout ce qui est payé par les deniers public devrait être accessible a tout le monde … genre les recherches scientifique en partenariat public/privé qui le plus souvent ne rendent pas leur résultat accessible car «nuirai aux affaires».
Le 15/09/2017 à 06h55
Le 14/09/2017 à 13h51
C’est tellement important ce combat, il faut les soutenir " />
Le 14/09/2017 à 13h53
On fait un kickstarter pour la campagne lobbyiste de FSFE ?
Le 15/09/2017 à 07h37
J’ai bossé dans le milieu de l’éducation. Pour une raison quelconque, les techniciens étaient extrêmement hostiles à toute solution opensource proposée. La raison ? Ils n’ont aucune idée de comment s’en servir, ils ont été formés sur du Microsoft et ils ont une paie de merde ne donnant absolument aucune envie de faire des efforts d’apprentissage et développement personnel dans leur métier. En tout cas, c’est ce qui arrive dans l’académie que j’ai connue.
En gros, ouais, je suis à 100% en faveur pour ce genre de campagne. C’est tellement n’importe quoi sur le terrain (en terme de solutions techniques retenues et en terme de coûts), il faut un bon coup de pied dans la fourmilière. Il ne pourra venir que de plus haut.
Le 15/09/2017 à 08h29
Le 17/09/2017 à 14h13
Pour GLPI, je reçois quelques tickets de temps en temps et l’interface est franchement fouillis…
Il y aurait quelques améliorations qui ne pourraient pas faire de mal.
Le 17/09/2017 à 14h16
Alors un peu de math ne peut pas te faire de mal :
Si A entraîne B alors on n’a pas “non A” entraîne “non B” ;)
Le 17/09/2017 à 14h18
Alors un peu de math ne peut pas te faire de mal :
Si A entraîne B alors on n’a pas “non A” entraîne “non B” ;)
Le 17/09/2017 à 15h14
Le 17/09/2017 à 21h29
Le 18/09/2017 à 07h12
Le 18/09/2017 à 10h13
Le 18/09/2017 à 18h18
En tant que technicien, le plus dur c’est de faire que les utilisateurs fassent des tickets et j’ai quand même l’impression que l’interface les rebute, moi-même quand je dois en créer, je trouve pas ça forcément trivial…