PeerTube : le « YouTube décentralisé » passe en bêta publique
La version finale avant la fin de l'année
Le 27 mars 2018 à 13h35
7 min
Internet
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La solution de diffusion vidéo P2P PeerTube est désormais disponible en bêta publique. Les utilisateurs intéressés peuvent monter leurs propres instances ou partir à la découverte de l’interface cliente. Faisons le point sur ce projet qui n’en est encore qu’à ses balbutiements.
PeerTube vise à créer une sorte de Youtube décentralisé. C’est par ce descriptif d’ailleurs qu’il a été poussé par Framasoft. Comme nous l’expliquait en novembre Pierre-Yves Gosset, délégué général de l’association française, l’idée était de faire connaître le projet via l'instance maison Framatube – qui l’exploite – dans un premier temps, puis de mettre l’accent sur PeerTube ensuite.
Maintenant que le code entre dans sa phase de bêta publique, l’association invite l’ensemble des intéressés à se pencher sur ses capacités, à monter des instances, à les fédérer, ou simplement à utiliser le service pour visionner les vidéos.
L’association prévoit une version 1.0 finalisée vers la fin de l’année. Mais d’ici là, les travaux seront encore nombreux. Tour de piste des capacités actuelles, des évolutions prévues, des priorités à donner et des questions qu’un tel service décentralisé pose à ses concepteurs.
- Accéder à Framatube
- Accéder à la bêta de PeerTube (dépôt GitHub)
Entre pair-à-pair et fédération
PeerTube doit permettre à n’importe qui de monter sa propre instance de diffusion. Elle peut être placée sur un serveur personnel ou chez un hébergeur, notamment l’un des CHATONS. Ces instances sont des dépôts de vidéos initialisant leur lecture. Mais puisque l’on parle d’une infrastructure décentralisée, pas question de fonctionner comme un YouTube.
PeerTube se sert du client open source WebTorrent pour la diffusion. Si vous lisez une vidéo, vous en émettez des « morceaux » vers les internautes la regardant en même temps. Plus une vidéo a de succès, plus elle est relayée par ce maillage, tant que l’onglet du navigateur reste ouvert. Un cas classique de réseau pair-à-pair donc. Si vous êtes en revanche la seule personne à la visionner, tout repose sur le serveur contenant la vidéo.
Le créateur d’une instance est roi en sa demeure. Il édicte ses propres règles, propose ce qu’il veut, aux conditions générales qu’il souhaite. Il peut accompagner ses vidéos de descriptifs, de liens et d’informations générales. Certains contenus peuvent être publics et d’autres privés. Créer une instance installe en outre une interface web avec une adresse, à partir de laquelle les internautes pourront venir voir les contenus.
Les instances peuvent également se servir du protocole ActivityPub pour se fédérer, une recommandation du W3C utilisée notamment par Mastodon. Une instance A peut par exemple déclarer un lien avec B. Si B l’accepte, les contenus de l’un seront référencés chez l’autre. En d’autres termes, plus les instances sont fédérées, plus le moteur de recherche sera capable de renvoyer des résultats.
Bien sûr, l’objectif n’est pas de fédérer l’intégralité des instances. De nombreuses raisons peuvent pousser le créateur d’une instance à rester isolé ou à ne la fédérer qu’avec quelques autres. La principale est sans doute que les instances sont pour la plupart thématiques (en tout cas pour l'instant).
Conférenciers gesticulants, Mind Palace, Datagueule, Thinkerview, Colibris ou encore la Quadrature du Net ont ainsi ouvert des instances. Intérêt immédiat : toute association ou structure, quelle qu’elle soit, peut créer son instance thématique et promouvoir ses contenus, souvent en rapatriant d’ailleurs les vidéos déjà présentes sur YouTube. L’autre avantage évidemment, c’est qu’elle gère ses contenus comme elle l’entend, et non en obéissant aux règles d’une grande entreprise, Google en l’occurrence.
Rien de compliqué pour l’utilisateur… qui est prévenu
L’internaute, lui, ne verra rien de très complexe, si l’on passe sur l'anglais, seule langue disponible pour l’instant pour le projet. Quand il arrive sur la page d’une instance, il découvre une interface claire avec une grille de vidéos. Le modèle est appliqué à toutes les instances, il y a donc peu de risques de se perdre.
Lorsqu’il clique sur une vidéo, le temps d’attente dépend des conditions. Si la vidéo est peu consultée, elle peut mettre un peu de temps à démarrer. Dans le cas contraire, le nombre de sources favorise un lancement rapide, mais tout dépend comme toujours des conditions du réseau pour les différents maillons de la chaine.
Depuis l’arrivée de la bêta publique, PeerTube affiche également un message d’avertissement en bas de page lors du visionnage d’une vidéo : « Le système de partage utilisé par cette vidéo implique que des informations techniques sur votre système (comme l’adresse IP) peuvent être accessibles publiquement ».
Comme nous l’explique Pierre-Yves Gosset, il n’y a pas de solution miracle ici : le protocole WebTorrent laisse passer ces informations. De fait, si PeerTube laisse « n’importe qui faire n’importe quoi », il peut bien entendu y avoir des conséquences juridiques. Si l’internaute consulte des vidéos affublées d’un copyright, il peut se faire flasher par la Hadopi. PeerTube étant un projet libre, open source et n’étant pas rémunéré pour son utilisation, il devrait être lui-même raisonnablement à l’abri.
Vers la version finale et au-delà
Maintenant que la bêta publique est lancée, le développeur principal du projet, Chocobozzz, se concentre sur la version finale, prévue avant la fin de l’année. La liste des priorités n’est pas encore établie. Pierre-Yves Gosset évoque une réunion à la mi-avril, où seront prises des décisions.
Parmi les pistes évoquées, l’inévitable maturation du code, pour en augmenter la stabilité et les performances, et plus globalement la fiabilité. Cette dernière sera cruciale pour les tests de passage à l’échelle : mesurer le comportement de PeerTube aussi bien sur l’augmentation du nombre d’instance que sur la taille de ces dernières. Comment se comportera par exemple le logiciel sur un serveur contenant un million de vidéos ?
Autres sujets de réflexion, l’insertion de sous-titres, l’éventuelle protection par un mot de passe, l’internationalisation du logiciel ou encore la création d’une infrastructure de plug-ins. Ces derniers permettraient alors d’étendre les fonctionnalités de PeerTube, mais le projet est à plus long terme.
L’association se pose également la question de la rémunération, un sujet régulièrement soulevé par les utilisateurs selon le délégué général. Actuellement, la seule possibilité est d’insérer les informations – comme un lien vers Patreon – dans le champ descriptif de la vidéo.
À plus longue échéance se posera la question de la « fédération universelle ». PeerTube utilisant le même protocole que Mastodon, les scénarios d’usage pourraient se multiplier. Pierre-Yves Gosset évoque d’ailleurs une véritable « terra incognita ». Outre les habituelles publications automatiques de « pouets » sur Mastodon selon les actions, d’autres rapprochements pourraient être envisagés, mais tout reste à inventer.
Le projet devrait donc encore beaucoup évoluer au cours des prochains mois, surtout quand les priorités auront été définies. Chocobozzz ayant renouvelé son contrat chez Framasoft jusqu'à fin décembre, le développement va pouvoir continuer à plein régime. Après quoi, comme nous l'a confirmé le délégué général de Framasoft, ce sera à la communauté de jouer. Ce devait être déjà le cas au terme des six premiers mois, mais PeerTube aura finalement un peu plus de temps pour préparer ce cap important.
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Rien de compliqué pour l’utilisateur… qui est prévenu
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Vers la version finale et au-delà
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 27/03/2018 à 14h14
Les explications du lien sont claires, merci ! Reste à voir ce qui fonctionne le mieux.
Le 27/03/2018 à 14h15
Super projet, gogogo Framasoft !
Le 27/03/2018 à 14h17
Merci pour la précision " />
Le 27/03/2018 à 14h37
Là, ça m’intéresse.
Décentralisé + libre, une bonne équation pour moi. À suivre !
Le 27/03/2018 à 14h41
Le premier projet de plateforme vidéo via réseau décentralisé P2P que j’avais entendu parlé, c’était Bittorent live qui avait lancé le truc. Ca a tellement marqué les souvenirs que je viens de voir qu’ils ont annoncé la fermeture du service l’année dernière.
Le 27/03/2018 à 14h41
Pour ceux qui cherchent un liste des instances déjà accessibles : c’est ici (je crois pas avoir vu le lien dans l’article !)
Le 27/03/2018 à 15h38
YouTube est tellement ancré, et la vidéo tellement datavore,
que je doute que ce genre de service puisse émerger
sans un fort appel d’air
telle une rémunération des hébergeurs
(ou/et des vidéos piratées).
C’est pour ça que j’ai décidé de soutenir Flixxo.
(Ce qui ne m’empêche pas de soutenir Framasoft en parallèle.)
(Pour la rémunération, Flattr 2.0 pourrait aussi être une alternative…)
Le 27/03/2018 à 15h53
Le créateur d’une instance est roi en sa demeure. Il édicte ses propres règles, propose ce qu’il veut, aux conditions générales qu’il souhaite.
Pour une meilleure compréhension, nous informons notre clientèle que PeerTube sera renommé PedoTube.
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Le 27/03/2018 à 17h31
“Attrape-PedoTube” tu veux dire? (pour ceux qui tenteraient le coup)
La police qui s’occupe de ce genre de crimes, ce n’est pas la Hadopi, ils ne vont pas envoyer au pédophile trois lettres d’avertissements !
Le 27/03/2018 à 18h20
Le 27/03/2018 à 21h45
Bon en tout cas, c’est cool y a un docker. je regarderais ça plus tard.
Après ce qui fait le succès de youtube aussi c’est son application mobile, je me demande comment ça se passe la.
Le 28/03/2018 à 07h44
C’est prévu, tu as une case à coché pour dire que ta vidéo est NSFW.
De plus, tu choisis quel instance ton instance follow, et donc quel vidéo seront présents.
Le 28/03/2018 à 07h50
J’ai posé mon instance aussi, une debian virtualisée sur mon FreeNAS derrière une connexion fibre en upload 250 meg.
Le bousin marche très très bien, mais pour l’instant tu n’as pas de système de “cache”, donc dans ton instance tu listes les vidéos des instances que tu follows, mais ça se connecte toujours à l’instance qui à la vidéo en local.
Après pour une vidéo qui marche très bien à un instant T ça pose pas de problème vu que tu seeds pendant que tu regardes, mais une vidéo qui marche bien, mais où les utilisateurs ne la regardent pas en même temps, ça reste l’instance qui l’a en local qui envoi.
J’espère que c’est prévu un machin pour faire genre “j’accepte de mettre en cache certaines vidéos” (le trending par exemple ?).
Le 28/03/2018 à 08h43
J’ai une question : peut-on installer une instance PeerTube sur un hébergement mutualisé ??
Le 28/03/2018 à 09h07
Vu la liste des pré-requis / dépendances, honnêtement je ne pense pas.
Le 28/03/2018 à 09h09
Le 27/03/2018 à 13h44
Le créateur d’une instance est roi en sa demeure. Il édicte ses propres règles, propose ce qu’il veut, aux conditions générales qu’il souhaite.Je sens que certaines instances vont virer NSFW " />
Super projet en tout cas !
Le 27/03/2018 à 13h45
Quid de dTube, c’est bien ou c’est à jeter à la poubelle ? C’est décentralisé aussi avec transmission des données par blockchain je crois.
Le 27/03/2018 à 13h59
Quid de l’utilisation via Tor ?
Le 27/03/2018 à 14h00
Projet magnifique !
Le 27/03/2018 à 14h05
Le 27/03/2018 à 14h07
À première vue, ca me semble être une mauvaise idée :)
Edit : suppression d’une information trop imprécise
Le 27/03/2018 à 14h08
J’ai également lorgné sur dTube, si quelqu’un a testé et peut donner son avis sur la question…
Le 27/03/2018 à 14h08
d.tube n’est pas libre. Ça ne colle donc pas avec les Framachins.
Le 27/03/2018 à 14h11
Pour les personnes qui (se) posent des question, il y a ces articles-ci, du 1er décembre 2017 :
- Framatube : nos réponses à vos questions pratiques
- PeerTube : les réponses à vos questions techniques
Le 28/03/2018 à 09h10
Oui, c’est ce que je pensais aussi, merci de ta réponse.
Dommage…
Le 28/03/2018 à 12h04
En ce qui concerne d.tube, je me permets de copier icile commentaire de Pyg (directeur de l’asso) sur le framablog :
Pour les différences entre PeerTube et d.tube, c’est par ici : https://framacolibri.org/t/blockchain-et-peertube/2587/2
Pour la faire courte :
Bref, PeerTube est libre, décentralisé, distribué, et n’impose aucun
modèle de rémunération. Après, chacun fait son choix. Framasoft ne
touche rien lorsque quelqu’un télécharge PeerTube ou visionne une vidéo
sur Framatube. Au contraire, ça nous coûte même, marginalement. Donc, je
suis pas là pour faire de la pub 🙂
(Pouhiou, qui a c/c du Pyg, pour Framasoft)
Le 28/03/2018 à 17h57
Le 28/03/2018 à 18h52
De toute façon, je ne vois pas bien comment Peertube pourrait concurrencer Youtube, même en proposant quelque chose de différent.
Peertube nécessite - à priori - soit un serveur dédié, soit un auto-hébergement, donc pas vraiment à la portée du pékin moyen.
Conséquence du point précédent, l’installation de Peertube nécessite de solides connaissances techniques, ainsi qu’un débit internet ascendant qui va bien (pour mon cas, c’est râpé comme pour l’un et pour l’autre…)
Ou alors, il faudrait que des instances soient proposées par des sociétés/associations… (genre Zaclys, OVH, GMX, Qwant,…), un peu à l’exemple de l’e-mail.
Le 29/03/2018 à 07h29
Tu as un bouton “download” sur chaque vidéo hein " />
Après je verrais bien un système pour “flagguer” la vidéo en “ne pas mettre en cache” (tu as déjà un système privé ou non listé me semble, faudra que je vérifie).
Et puis, utilisant du torrent pour la diffusion, j’vois mal comment tu peux empêcher la capture.
Le 29/03/2018 à 19h34
2 questions :
Le 30/03/2018 à 07h47
Le 30/03/2018 à 18h46
Le 31/03/2018 à 19h07