Rapport de transparence : la bourde de Copie France
Supprimer de « Lorsque l'on » à « tard »
Le 22 octobre 2018 à 14h54
7 min
Droit
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Lorsque l’on publie pour la première fois son rapport de transparence, il peut arriver que l’empressement conduise à la sortie de route. Le document mis en ligne par Copie France sent un peu la tôle froissée. La société civile a en effet oublié d'expurger les commentaires laissés en marge.
Le 25 septembre, en Commission Copie privée, le président Jean Musitelli indiquait aux membres avoir « reçu le rapport de transparence de Copie France ». Il demandait alors aux représentants des ayants droit « si une diffusion auprès de l’ensemble des membres [était] prévue ». Idzard Van der Puyl, l’un des représentants de cette société civile chargée de collecter la copie privée en France, déclarait alors ce document « accessible sur le site internet de Copie France ».
Pour trouver le document, ne cherchez pas sur Google. Le site où souffle ce vent de transparence a été configuré pour ne pas être visité par les robots d'indexation des moteurs.
Clic après clic, il faut donc se rendre sur CopieFrance.fr, débouler dans l’onglet « Ressources », puis dans la sous-section « Organisation et fonctionnement ». On tombe alors sur ce PDF. Next INpact vous en propose une copie locale, par sécurité :
Cette publication n’est pas une politesse des sociétés de gestion collective. Elle répond à une obligation désormais prévue à l’article L 326 - 1 du Code de la propriété intellectuelle. Depuis une ordonnance de 2016, ces organismes doivent établir chaque année un tel document, le rendre public et au surplus l'adresser à la Rue de Valois et à la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins.
On doit trouver dans ses pages de (très) nombreuses informations, énumérées à l’article R321-14
Créé le 12 juin 2018 sur Adobe InDesign CS5, le PDF mis en ligne par la force de la loi n’est pas seulement utile par les données qu’il est censé contenir. Il comprend aussi et surtout de jolies pépites. Copie France a en effet publié une « V.1 » intégrant… les commentaires du relecteur.
Cette diffusion est donc pour le moins truculente puisque, au-delà des inévitables corrections de syntaxe ou d’orthographe, on découvre les éléments jugés en trop ou absents, qui auraient dû faire l’objet d’une « V.2 » remaniée, nettement plus présentable.
Coups de ciseaux, gomme et cutter
Par exemple, page 18, une petite phrase indique, sans grande difficulté, que « pour de plus en plus de Français et en particulier les jeunes générations, la copie d’un contenu n’est plus nécessaire dans la mesure où l’accès à celui-ci semble illimité ». Le relecteur de Copie France, société qui perçoit de la redevance sur chaque duplication, selon un barème calculé à partir d’études d’usages, n’a visiblement pas apprécié cette précision : il a demandé que toute cette phrase disparaisse des cadrans.
Supprimer tout la phase "pour" jusqu'à "illimité"
Il faut dire que, selon le rapport, les collectes avoisinent les 280 millions d’euros en 2017. Souligner que des générations d’usagers délaissent aujourd’hui la copie d’œuvres pour préférer l’accès à Spotify, Deezer, Netflix, etc. n’est pas d’une cohérence absolue pour celui qui bénéficie d’une telle manne sur les duplications.
Même page, Copie France ne veut surtout pas que l’on écrive que cette société « accentue sa dépendance » vis-à-vis des smartphones, lesquels représentent tout de même plus de 58 % des perceptions.
De « 4 » à « quelques »
De même, page 24, on ne doit pas savoir que le marché des box multimédias et décodeurs « reste très perturbé tant au niveau des acteurs qu’en termes d’offres de contenu et de mode de consommation ». Il faut également taire, sur ce marché oligopolistique, l’existence de quatre acteurs cumulant presque 100 % des sommes facturées. Dans ce rapport de transparence, plutôt que « 4 », le relecteur préfère l’expression plus floue de « quelques ».
On apprend aussi que les trois opérateurs historiques Orange, SFR-Numéricable et Bouygues « cumulent 97 % des sommes facturées au titre des box et décodeurs » en 2017. Notre bon relecteur a demandé une suppression pure et simple de cette ligne.
Même page toujours, on découvre que le vote de la loi Création 2016, qui a fait rentrer les services d’enregistrement dans le cloud dans le périmètre de la redevance, « s’annonçait prometteur en termes de rémunération ». Face au coup de gomme réclamé en marge, on présume qu’il y a des appétits qui ne se dévoilent pas. Même sort s’agissant des offres NPVR concurrentes, comme celle attendue d’Orange. Un tel manque, écrit le rapport, « freine l’essor de nouveau marché ». Visiblement, un passage en trop.
Marché gris ? Quel marché gris ?
Sur les disques durs externes, « la facturation par tranche de capacité permet de comprendre les enjeux de ce marché déclinant auquel certains prédisent pourtant encore un avenir » poursuit le PDF. Armé de sa paire de ciseaux, le correcteur de Copie France a exigé la disparition de cette explication. Il était sans doute un peu grossier de parler de déclin, quand Copie France est parvenue à aspirer encore 21 388 508 euros en 2017 sur ce seul support.
De même, impossible de signaler l’existence d’un marché gris (« à n’en pas douter subsiste et se déploie un marché parallèle qui vient altérer celui sur lequel Copie France collecte la rémunération »). Une telle trace justifie sans doute un peu trop profondément les arguments des industriels, redevables de la ponction, qui ne cessent de dénoncer cette hémorragie, au point d’exiger la prise en compte de ce paramètre dans les barèmes actuels.
Des demandes de remboursements qui ne représentent presque rien
Sur les supports amovibles, le rédacteur a osé laisser ce passage : « les demandes de remboursement pour usage professionnel ne représent[ent] quasiment rien comparé au volume déclaré à Copie France ». Là encore, des mots en trop, à en croire le petit commentaire. Pourtant année après année, le montant de ces remboursements dus aux acheteurs professionnels fait pâle figure, témoignant d’un mécanisme grippé et très avantageux pour les sociétés de gestion collective. En effet, les sommes non restituées sont conservées dans le circuit de l’exception culturelle.
Le tableau page 32 ne dit pas autre chose. On découvre que le montant des remboursements pour usages professionnels, aussi bien au titre des exonérations que des demandes ponctuelles, tourne autour du million d’euros chaque année.
Page 29, plusieurs grands acteurs ont régularisé 59 millions d’euros qui restaient en souffrance l’an passé. Ce sont Acer pour 2012, Motorola (2012 à 2016), Sony Mobile (2013 à 2016) les groupes Exertis et Canal+ (2013 à 2015), Fnac et Orange (2014 à 2016). La version finale n’aurait pas dû comporter ces noms, contrairement à celle mise en ligne. Trop tard.
Rapport de transparence : la bourde de Copie France
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Coups de ciseaux, gomme et cutter
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De « 4 » à « quelques »
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Marché gris ? Quel marché gris ?
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Des demandes de remboursements qui ne représentent presque rien
Commentaires (52)
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Abonnez-vousLe 22/10/2018 à 15h03
Putain, c’est trop jouissif à lire. Ahahaha les andouilles " />
Le 22/10/2018 à 15h07
Je réclame une augmentation de la redevance pour payer des relecteurs et des secretaires compétents
Le 22/10/2018 à 15h10
Très bon le sous-titre ! " />
Le 22/10/2018 à 15h10
Dommage que cet article ne soit pas ouvert à tous, ça mériterait du partage en masse ça " />
Sans rire, le correcteur qui cherche à censurer la transparence, c’est tout un symbole de cette mafia légalisée.
Le 22/10/2018 à 15h11
Roooh pinaise ! " />
Bravo NXI !
Le 22/10/2018 à 15h13
Le 22/10/2018 à 15h16
Quand on se fait aux soucis d’encodage des notes du document, ce sont des barres assurées " />
Le 22/10/2018 à 15h17
Publier les commentaires, c’est justement rétablir la transparence sur la censure de la transparence " /> .
Le 22/10/2018 à 15h20
Enfin il y a une erreur quand même :
Le 22/10/2018 à 15h24
" /> Lire le premier et le dernier mots de l’article.
Le 22/10/2018 à 15h33
Pourtant avec le “pognon de dingue” brassé, il pourrait engager des vrais pros de la communication " />
Le 22/10/2018 à 15h35
Le 22/10/2018 à 15h37
C’est marrant à lire, mais pas forcément très instructifs.
Des relectures comme celle-ci toute les entreprises en font, et il s’agit pas vraiment de “non transparence”.
Le “4 à quelque que” est un bon exemple. Le nombre 4 apportent une précision mais les mvno et les fournisseurs “maison” ne représentent rien. L’utilisation de “quelque que” permet de s’abriter derrière un flou en cas d’erreur, tout en pointant les 4 gros.
Ce genre de procédé est utilisé tout le temps, lorsque l’on utilise le “nous”, “vous” ou le “on” au lieu du “je” ou du “il” par exemple.
En revanche, le manque de transparence ou le défaut d’impartialité est clairement visible sur le retrait ou modification de paragraphe des différentes argumentation. Pour une entité public, devant défendre les intérêts de tous, c’est dommage
Mais là encore, il faut savoir que si tu souhaite conserver ton budget, tu aura tendance à défendre ton bifteck et donc montrer principalement les arguments allant dans ton sens.
Le 22/10/2018 à 15h48
@ike : exactement, c’est le sujet d’un cours de 2ème années de sciences po, intitulé “comment mentir au peuple”
Pardon, “manipulation de l’opinion des masses”
" />
Le 22/10/2018 à 22h38
C’est quand même bizarre. Je croyais que les ayant-droits & consorts (notamment ceux de la presse) râlaient parce que Google & consort pompaient les articles & liens sans vergognes … et là, ils ont su configurer ça correctement pour que le document ne fuite pas…
C’est étrange, non ?
Le 22/10/2018 à 23h30
Ouais hein, à croire que certains savent le faire et d’autres non.
Ou alors c’est un secret qu’on ne se transmet qu’entres initiés…" />
Le 23/10/2018 à 06h59
Cette copie privée brasse désormais trop d’argent dont l’utilisation semble pas très claire… Il est évident qu’il sera de plus en plus difficile de revenir en arrière.
Cette semaine je teste Netflix avec le mois gratuit. Ils ont un onglet “films français”. Le nombre de bouses siderales avec une tête d’affiche qui a du toucher un max sur un budget total probablement dépendant des subventions laisse rêveur…
Notre système est pourri et le gâchis d’argent public au profite d’une minorité probablement la règle…
Le 23/10/2018 à 07h03
" />
J’ai presque honte de ne pas avoir utilisé le bouton signaler du coup " />
Le 23/10/2018 à 07h08
Le 23/10/2018 à 07h47
Le 23/10/2018 à 08h23
Le 23/10/2018 à 08h26
Ça fait chier de payé pour donné aux riches.
Le 23/10/2018 à 08h39
Heu.. mais pourquoi tu payerais 10€ de plus quand tu achètes un disque neuf si personne ne pirate?
Le 23/10/2018 à 08h52
Le 23/10/2018 à 08h53
Pareil, je comprends pas trop. " />
Le fait qu’on taxe les consommateurs sur une éventuelle possibilité que peut être un jour un élément sous copyright s’y retrouvera, ça m’énerve… " />
Le 23/10/2018 à 09h52
Le 23/10/2018 à 10h31
Le 23/10/2018 à 11h54
Le monsieur parlait piratage donc j’ai repris le terme.
Mais Copie France ne prélève pas sous prétexte qu’il y a du manque à gagner, du au piratage justement?
Le 23/10/2018 à 11h59
T’es abonné à Copie France maintenant ?
Le 23/10/2018 à 12h07
Non, c’est illégal et ils se sont déjà fait taper sur les doigts sur cette question par le passé. " />
Le 23/10/2018 à 12h10
Ok.. mais rassure moi, rien n’a changé depuis j’espère " />
( sauf l’intitulé )
Le 23/10/2018 à 12h19
bah quand on leur a dit que leurs barèmes étaient foireux, ils ont ressorti exactement les même valeurs mais en disant que c’était parce que les formats de compression permettaient de mettre plus d’oeuvres sur le même espace (magie !)
Le 23/10/2018 à 12h24
" />Leur barèmes étaient donc bon dès le début, on a sauvé l’exception culturelle francaise " />
Sinon merci pour le petit cours de rattrapage " />
Le 23/10/2018 à 16h53
" /> Le barème était bon, c’est la méthode de calcul qui posait problème; et depuis, ils sont passé maître dans l’art de montrer qu’on peut dire n’importe quoi avec des chiffres. " />
Le 23/10/2018 à 17h45
Le 27/10/2018 à 14h30
Là encore, des mots en trop, à en croire le petit commentaire. Pourtant année après année, le montant de ces remboursements dus aux acheteurs professionnels fait pâle figure, témoignant d’un mécanisme grippé et très avantageux pour les sociétés de gestion collective. En effet, les sommes non restituées sont conservées dans le circuit de l’exception culturelle.
Est-ce la loi oblige copie france a rembourser dans un délai raisonnable ou pas ?
Le 22/10/2018 à 15h49
Next INpact vous en propose une copie locale, par sécurité :
" />
Le 22/10/2018 à 15h53
reste l’énigme principale: qui est ce “t chehot at el”? ^^
Le 22/10/2018 à 16h01
Fichier récupéré ;).
Le 22/10/2018 à 16h08
Ca me rappelle ce document diffusé il y a quelques année, avec des passages noircis, et qu’il suffisait de sélectionner pour en dévoiler le contenu " />
GG Marc " />
Le 22/10/2018 à 16h12
Mouai, pas de quoi casser 3 pattes à un canard. c’est juste drôle qu’ils aient laisser ce document, mais c’est tout.
Le 22/10/2018 à 16h19
La mafia prise une fois de plus dans ses petites magouilles avec la vérité, bravo Marc " />
Une attaque en justice contre ce dangereux pirate informatique journaliste indépendant sera discutée chez Copie Rance " />
Le 22/10/2018 à 16h22
ah bah voila ! ils savent utiliser un robot.txt quand il faut pas " />
Le 22/10/2018 à 16h54
le dangereux hacker qui tipiak des documents disponibles librement sur le net n’aurait pas fait long feu devant un juge de 65 ans " />" />
Le 22/10/2018 à 17h32
Ça c’est du journalisme !
C’est pour ce genre d’article que je suis content de payer un abonnement.
En tout cas, tout ce cirque ne fait que confirmer mon avis qui est qu’on ne devrais pas confier ce genre d’études et missions à des incompétents. Qui ne maitrise pas les concepts de base du numérique, ne devrais pas expertiser / légiférer dessus.
Le 22/10/2018 à 17h47
Ça c’est de la transparence " />
Le 22/10/2018 à 18h35
Page 29 “SVP donnez moi les données sour EXE”
Page 30 “Tableau / pas de le word”
Page 35 “le défaut de vigilance de COPIE FRANCE” commenté “Le soit disant”
… bon, du reste, l’ensemble de cette commission mérite le bûcher
Ca reste une taxation basée sur une suspicion d’acte délictueuse, de base, ça me fout en rogne.
Le 22/10/2018 à 18h42
Le 22/10/2018 à 18h56
Et des vrais correcteurs, et former des gens aux subtilités de l’écriture numérique en général et de pdf en particulier.
Le 22/10/2018 à 18h57
J’ai enregistré le fichier pour rire lors des longues soirées d’hiver. Ça vaut le détour cette bourde.
Le 22/10/2018 à 21h47
Merci pour ce moment " />
Le 22/10/2018 à 22h19
C’est bluetouff qui rit jaune " />