Saisie par Free, la Cour de cassation met un coup de pied dans les mobiles subventionnés
#Couscous-boulette
Le 09 mars 2018 à 10h37
6 min
Droit
Droit
Dans un arrêt du 7 mars 2018 que nous avons pu consulter, la Cour de cassation considère que les offres de mobiles subventionnés peuvent effectivement cacher une opération de crédit à la consommation. Une analyse défendue par Free depuis plusieurs années dans son bras de fer avec SFR.
Les premières pierres de cette affaire avaient été posées par Xavier Niel au début des années 2010. Le trublion s’en prenait alors aux forfaits SFR couplant d’un côté abonnement, de l’autre smartphone subventionné. La formule est connue : plutôt que d’acheter un téléphone au prix fort, un opérateur le propose à tarif défiant toute concurrence… tout en gonflant concomitamment le montant de l’abonnement mensuel.
Le numéro un de Free a toujours vu là des contrats de vente à crédit déguisé. Un masque aux juteux effets. Les professionnels esquivent les contraintes légales, comme l’interdiction des taux usuraires, l’obligation d’information des consommateurs pour prévenir le risque de surendettement, etc. Ce mobile subventionné, c’est « une sorte de couscous-boulettes : on mélange tout, et vous ne savez pas au juste ce que vous payez ni combien » expliquait Xavier Niel.
Son analyse culinaire était d’ailleurs partagée par l’UFC Que Choisir, qui s’exprimait dans nos colonnes en 2012 : « le subventionnement nous a toujours posé problème, car c’est une forme de crédit qui nous semble échapper à la législation qui encadre cette matière. Il y a des obligations et même des devoirs ».
Selon l’association, « nous avons eu des cas de consommateurs qui avaient par exemple pris des abonnements, mais n’arriveraient plus à payer. Ils ont opté pour des abonnements très chers afin d’avoir un terminal haut de gamme. Avec ces formules, on ne sait pas quelle est la partie prestation de service et la partie subventionnée téléphone. Et avec de tels contrats, on peut payer le téléphone beaucoup plus cher que son véritable prix. »
Un crédit est une facilité de paiement, rappelle la Cour de cassation
Devant la justice, Free avait connu des échecs successifs. Le 15 janvier 2013, le tribunal de commerce de Paris reconnaissait ainsi la légalité des offres SFR et condamnait le concurrent à 300 000 euros de dommages-intérêts, outre 100 000 euros pour frais de justice. Rebelote devant la cour d’appel de Paris le 9 mars 2016, avec 500 000 euros de dommages et intérêts et 150 000 euros de frais. Mais Free n’a pas lâché prise. La société a déposé un pourvoi en cassation. Bien lui en a pris.
Dans l’arrêt du 7 mars 2018 que nous avons pu consulter, la haute juridiction a asséné une petite leçon à la cour d’appel, lui reprochant une approche un peu trop lapidaire de ce qu’est exactement un crédit.
Les juges du second degré avaient analysé les différentes offres pour estimer à chaque fois que la qualification d’une opération de crédit ne pouvait être retenue. Par exemple, ces contrats couplés sont soumis à des aléas qui empêchent le remboursement intégral (rétractation, chômage, hospitalisations, incarcération, déménagement, force majeure, augmentation de tarif en cours d'exécution ou changement de forfait dès quatre mois après l'achat du mobile).
Or, ont encore estimé les juges du fond, ces caractéristiques ne sont pas compatibles avec un contrat de crédit.
L’analyse de la Cour de cassation a été toute autre. Elle rappelle avant tout qu’un crédit est une « facilité de paiement » qui peut prendre de multiples visages. Donc, gare aux conclusions un peu trop rapides, aux déguisements trop clinquants ! En particulier, la cour d’appel aurait dû être beaucoup plus attentive, et vérifier si la majoration des mensualités payées par le consommateur n’était pas concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile.
Le droit français, examiné sur l'autel du droit européen
De même, les juges du fond avaient considéré, toujours pour rejeter la qualification de crédit, que « la propriété du mobile ne dépend pas du paiement des échéances mensuelles du forfait d'abonnement ». Dans son arrêt, la Cour rétorque qu’une opération de crédit n’est en rien incompatible avec un tel transfert de propriété.
L’arrêt s’est surtout intéressé à la législation française interprétée à la lumière de la directive du 23 avril 2008 sur les contrats de crédit à la consommation.
La cour d’appel de Paris avait encore vu dans les offres SFR une sorte de contrat à exécutions successives, pour expliquer son refus de les assimiler à un contrat de crédit. Pour la Cour de cassation, « une opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé » peut tomber au contraire dans la réglementation encadrant les crédits !
Les conséquences de cet arrêt, qui rejoint un mouvement déjà constaté en Europe, en particulier aux Pays-Bas, vont être lourdes.
Le dossier devra être rejugé par la cour d’appel de Paris, mais on peut déjà anticiper les effets : si le mobile subventionné est bien un crédit, les boutiques devront respecter l’ensemble des contraintes en vigueur : obligation d’informations sur les frais et intérêts cachés, contrôle de la solvabilité du client afin d’éviter les dépenses inconsidérées, faculté de rétractation sur 14 jours, comme le prévoit l’article L311-12 du Code de la consommation.
À ce titre, dans une note publiée en juin 2012, le professeur Francis Limbach, un juriste de l’université de Kiel, expliquait que faute de respecter ce formalisme, un abonné pourrait résilier ce crédit à n’importe quel moment.
Voilà pourquoi dans son communiqué du jour, Free espère pouvoir désormais viser « un marché supplémentaire de 17 millions d'abonnés engagés dans ce type de forfait sur lequel il n'était pas présent ». Si ces contrats un peu particulier sont en perte de vitesse selon les derniers chiffres de l'ARCEP (33% du marché), on devine sans mal le petit tressaillement chez les opérateurs fans de couscous-boulettes.
Saisie par Free, la Cour de cassation met un coup de pied dans les mobiles subventionnés
-
Un crédit est une facilité de paiement, rappelle la Cour de cassation
-
Le droit français, examiné sur l'autel du droit européen
Commentaires (52)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 09/03/2018 à 10h42
c’est plutôt une bonne nouvelle. c’est plus sain de le présenter en temps que tel.
(ça peut convenir aux gens d’ailleurs je n’ai pas de soucis avec ce type de crédit à la consommation)
Le 09/03/2018 à 10h55
ce qu’y compte c’est la transparence oui.
Va y avoir du boulot pour mettre tout ça à jour :)
Le 09/03/2018 à 10h55
Enfin ! ça aura pris du temps cette affaire… Et c’est pas encore fini, même si on se doute bien que la cours d’appel devrait revoir son jugement..
Le 09/03/2018 à 10h56
La persévérance de free a payé et sans partie pris: c’est une belle victoire de Free.
Le 09/03/2018 à 10h56
Si ça permet plus de transparence et de mises en garde sur ce type d’opération commerciale, pourquoi pas…
Même si depuis 2012 la situation a changé (on parle de plus de 2⁄3 de sans engagement), à une certaine époque c’était la norme, et difficile de trouver du sans-engagement
Le 09/03/2018 à 11h02
Je dirai même plu,s que Free a pu payer sa persévérance.
Et même si je suis chez un autre opérateur je suis d’accord avec la démarche et le raisonnement
Mais qui du justiciable commun qui n’a pas autan de moyen…
Le 09/03/2018 à 11h04
Si Free pouvais juste mettre autant de moyens/énergie pour développer son réseau et ses liens de peering …
Le 09/03/2018 à 11h05
Tant mieux que Free aboutisse avec une cour de cassation qui a tout compris. Le subventionnement des terminaux par les opérateurs rend les offres illisibles si on veut les comparer. C’était sans doute le but à l’origine…
Le 09/03/2018 à 11h12
#concomitamment : celui là je l’ai placé ! " />
Le 09/03/2018 à 11h18
Voilà pourquoi dans son communiqué du jour, Free indique pouvoir désormais viser « un marché supplémentaire de 17 millions d’abonnés engagés dans ce type de forfait sur lequel il n’était pas présent ». On devine sans mal le petit tressaillement chez les opérateurs fans de couscous-boulettes.
Ce qui signifie que Free va se lancer dans les forfait avec engagement et mobile ? C’est déjà le cas non ? " />
Le 09/03/2018 à 11h21
Le 09/03/2018 à 11h23
Dans l’article de NI, en 2012, voici ce que disait le juriste Francis Limbach :
Sur les contrats en cours, l’assimilation aurait des effets radicaux puisque la partie « crédit » de ces contrats n’existe pas formellement, mais est déguisée, dixit Free. Un abonné SFR, Orange ou Bouygues pourrait dès lors se rétracter n’importe quand même 11 mois après la signature ! « Le client conserve à tout moment la faculté de détruire le contrat moyennant une déclaration unilatérale » explique Francis Limbach. Et la partie service (abonnement) et celle du crédit (téléphone) étant intimement liées, « il est inévitable que la rétractation entraîne alors la disparition du contrat d’abonnement en entier » avance encore le juriste. Autre bonus, en cas de rétractation, le consommateur serait remboursé de la totalité des sommes versées pour le téléphone.
BAM! " />
Le 09/03/2018 à 11h25
bosser sur un projet ce n’est pas forcément arrêter de travailler sur le reste.
c’est comme un pays. annoncer qu’ils fairaient mieux de bosser sur les sujets qu’on estime important est un non sens. (surtout quand tu vois que ca a duré + de 5 ans)
Le 09/03/2018 à 11h28
Adepte de la récupération, et de payé le moins possible, j’ai toujours eu un forfait à 0euros. Par contre, pas de téléphone avec. J’ai regardé les téléphones prix sans abonnement : totalement cinglés, du coup, j’ai toujours demandé les téléphones non utilisé par la famille/copain(e)s).
Je me suis toujours demandé comment faisait les gens : la moyenne d’un changement d’un smartphone est de deux ans. Après tu as le systèmes des points de fidélité mais quand même… Je me suis demandé comment il faisait pour rentabiliser tout ce système…
Le 09/03/2018 à 11h37
Le 09/03/2018 à 11h43
En effet, j’ai moi même fait un étalement sur plusieurs mois du prix du mobile tout en gardant mon abonnement sans engagement.
Disons que les grands perdants seront les FAI qui revendaient le mobile à deux fois le prix de vente en l’intégrant au forfait. j’ai toujours trouvé que c’était une arnaque quand on calculait le prix final tout compris.
d’autant plus à présent qu’il y a souvent des promos sur les engagement comme actuellement chez choche.
  Next INpact
Le 09/03/2018 à 11h44
Une belle victoire en effet, c’est une sacrée petite bombe qu’ils lancent !
Le 09/03/2018 à 11h45
Si, puisque le nombre de portable en circulation est énorme à présent et qu’il y a des moyens d’en obtenir via sa famille/amis gratuitement ou bien en occasion sur le net.
Dès lors, sur 17 millions de forfait, cela pourrait intéresser une part non négligeable et c’est bien ce que Free explique dans son communiqué.
Et là, je ne prends même pas en compte la situation où un client exige le remboursement des mensualités payées " /> afin d’acheter un portable d’occas ou plus récent " />
Le 09/03/2018 à 11h50
Le 09/03/2018 à 11h59
C’est le moment de prendre un téléphone subventionné ^^
Le 09/03/2018 à 12h01
Tu ferais mieux de relire mon message car tu occultes volontairement des passages qui expliquent que cela pourrait intéresser plus de 2 ou 3 personnes comme tu sembles le sous-entendre.
Le 09/03/2018 à 12h03
De plus les pratiques ont bien changé: je me suis amusé à faire une comparaison entre SFR et Free avec le dernier S9.
Et bien avec un forfait 50Go, il n’y a pas de différence entre
Ce n’est pas le cas chez Orange (un léger surcout: 5€/mois)
Soit je me suis trompé dans les calculs, soit SFR est très agressif.
Le 09/03/2018 à 12h13
Admettons que les gens reconduisent le même mode de consommation avec un crédit à coté de leur abonnement. Tu penses vraiment que quelqu’un va signer un crédit à un TAEG fixe de 30% ? Parce-qu’actuellement on en est pas loin chez les opérateurs sur certaines offres (type iPhone X par exemple). Donc si on transpose le système opaque actuel, on obtiendrait ça, des crédits de maboule à plus de 2 chiffres sur le taux.
Le 09/03/2018 à 12h13
J’ai pas regardé les chiffres mais simple question :
Tes chiffres prennent-il en compte les ventes flashs et autres promos sur le téléphone et sur l’abonnement genre le 10€/mois chez sosh ou le 2€/mois chez bouygues ou les VP de free à 1€/mois ?
Car quand t’es engagé, du coup tu peux pas switcher d’une promo à l’autre …
Le 09/03/2018 à 12h19
Le 09/03/2018 à 12h26
Moi ce que j’espère, c’est surtout la fin de la dépendance aux “ROM Opérateur” et leurs surcouches à 2€ blindées d’applis inutiles, uniquement pour profiter… de la VoLTE, par exemple.
Elle n’est disponible aujourd’hui que sur iPhone. Sur Android, tel acheté débloqué = impossible d’avoir la VoLTE.
Si tout le monde arrête d’acheter des tels opérateur, il se peut qu’on ait accès aux éléments de configuration (idem pour le RCS par exemple).
Le 09/03/2018 à 12h55
Excellente nouvelle, l’arnaque est enfin présentée au grand jour…
Reste que je ne parierais pas sur une migration de masse, plutôt au mieux un mouvement d’environ 2-3% des gens actuellement sur ce type d’offre…
Déjà, si ça les dérangeait VRAIMENT de payer ce prix là, les mécaniques apportées par les lois de droit de conso des dix dernières années leur aurait permis de partir voir ailleurs en payant moins (tarif dégressif sur l’engagement restant). Ensuite, je doute fortement que le marché potentiel ait la même taille qu’à l’époque de la bataille Free/SFR. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, les offres se sont gravement améliorées, les téléphones sont devenus suffisamment puissants et versatiles pour qu’un modèle de milieu de gamme de 2014 tienne encore bien la route aujourd’hui…
Où pourrait-on trouver une source indiquant la ventilation du marché selon le type d’offres ?
Le 09/03/2018 à 13h01
Le système de fidélité chez les opérateurs n’est qu’illusion.
Un nouvel abonné paiera toujours moins cher qu’un client fidèle.
Si tu veux changer souvent (2 ans) de téléphone, faut résilier, s’abonner ailleurs, patienter 2 ans, résilier etc..
Ou prendre un crédit à la consommation pour ton super smartphone à 1000 € et prendre un abo simple chez un opérteur, au moins tu sais ce que tu payes.
Le 09/03/2018 à 13h03
Le 09/03/2018 à 13h03
?_?
Heu oui, c’est exactement ce que j’ai dit…
Le 09/03/2018 à 13h08
Le 09/03/2018 à 13h23
justement, il dis qu’il y as encore une plus grande différence de prix si tu prend ton téléphone en promo/odr + que tu saute de promo en promo pour le forfait
Le 09/03/2018 à 13h41
Le 09/03/2018 à 13h58
Avec un crédit conso tournant autour de 15-20% sur 24 mois, t’es gagnant.
On est loin du smartphone à 1600 euros chez Bouygues par exemple.
Le 09/03/2018 à 14h00
Le taux d’usure pour un crédit conso de moins de 3000 € est de 20,88 au premier janvier 2018 et le taux moyen au dernier trimestre 2017 était de 15,66 %
Le 09/03/2018 à 14h10
Le problème est que vous calculez sur 24 mois ce qui n’est pas la réalité puisque la loi (Châtel) impose une réduction en cas de sortie anticipé. Donc pour que l’opération soit blanche pour un opérateur il faut que le mobile soit remboursé en 12 + 3 mois (12 mois engagement/4) => 15 mois.
La loi châtel a l’effet pernicieux de faire surpayer les clients qui respectent les durées d’engagements (Puisque le mobile est payé en 15 mois les 9 Mois supplémentaires sont du bonus).
Le 09/03/2018 à 14h15
enfin.
Le 09/03/2018 à 14h16
là franchement bravo, il était temps que ces crédits maquillés soient enfin affichés au grand jour.
Le 09/03/2018 à 14h16
Pas sûr que tu aies envie que les avocats de Free s’occupent du réseau…
Le 09/03/2018 à 14h19
Il faut en effet que ça devienne un crédit de manière totalement transparente. Du reste, j’ai du mal à croire que ça rendra les abonnements caduques.
Le 09/03/2018 à 15h06
Le 09/03/2018 à 15h22
Le plus fort c’est quand même la location chez Free, par exemple pour l’IPhone X : FreeLa location, c’est écrit en gris clair petite police sur fond blanc, oblige à rendre le mobile en bon état à l’issue des 24 mois et en plus on paye le forfait, soit 1047€ déboursé pour un téléphone qu’il faudra rendre, sans compter les 20/16€ de forfait mensuel " />
Le 09/03/2018 à 15h41
Le 09/03/2018 à 16h06
Oui là effectivement c’est plus compliqué je te l’accorde " />
Le 09/03/2018 à 16h24
Le 09/03/2018 à 16h34
Au Canada, ces offres sont maintenant très claires : on connait au départ le prix de l’appareil, et la méthode de calcul employée pour déterminer le reliquat à payer si on veut rompre le contrat.
Le 09/03/2018 à 16h41
Plus globalement c’est une victoire pour les consommateurs et peut-être même pour l’environnement, qui sait.
Le 09/03/2018 à 19h17
Le 10/03/2018 à 01h36
Le 10/03/2018 à 10h42
Le 10/03/2018 à 11h18
Le mariage aussi c’est contractuel " />
Le 12/03/2018 à 15h03
sauf qu’il te font pas de ristourne couscous-boulette, il te propose juste des téléphones à leur prix