La Cour de cassation relaxe définitivement « Maître Eolas » d’injures publiques sur Twitter
Se la faire Maître
Le 15 janvier 2019 à 14h00
6 min
Droit
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Le 8 janvier dernier, la Cour de cassation a définitivement « cassé » la condamnation du blogueur Maître Eolas, à qui il était reproché d’avoir injurié publiquement l’Institut pour la justice, sur Twitter. La haute juridiction a estimé que les propos litigieux « n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression ».
Une fois de plus, Internet n’est pas la « zone de non-droit » que quelques-uns critiquent avec facilité. Maître Eolas (de son pseudonyme) s’était ainsi retrouvé devant le tribunal correctionnel de Nanterre suite à ce que certains avaient appelé le « cacagate »...
En cause, deux tweets publiés en novembre 2011 au sujet de l’Institut pour la justice, une association connue pour ses positions très conservatrices.
Le célèbre avocat, qui compte aujourd’hui plus de 340 000 « followers », avait réagi dans ces termes à la parution du « Pacte 2012 pour la justice », présenté par l’association en vue de la campagne présidentielle : « L’Institut pour la justice en est donc réduit à utiliser des bots pour spamer sur Twitter pour promouvoir son dernier étron ? »
Ou bien encore : « Que je me torcherais bien avec l’institut pour la Justice si je n’avais pas peur de salir mon caca. »
Une condamnation annulée, sur le fondement de la liberté d’expression
Ces deux messages ciblant l’Institut pour la justice avaient conduit à la condamnation de Maître Eolas, en première instance comme en appel.
Le 1er février 2017, la cour d’appel de Versailles lui infligeait ainsi une amende de 500 euros (avec sursis) pour injures publiques. « Les propos tenus par le prévenu, qui dépassent manifestement la dose d’exagération et de provocation admissible, compte tenu du contexte dans lequel ils ont été tenus, sont constitutifs d’une expression outrageante et méprisante qui ne renferme l’imputation d’aucun fait », avaient notamment retenu les juges.
La cour s’était néanmoins montrée clémente, les tweets litigieux ayant été publiés à plus de quatre heures du matin, « sous le coup de la fatigue ».
L’affaire s’est malgré tout poursuivie jusque devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, où les magistrats ont estimé, mardi 8 janvier, que la cour d’appel de Versailles avait violé deux textes (voir l'arrêt diffusé par La Gazette du Palais).
Premièrement, la haute juridiction a considéré que les juges de seconde instance avaient fait fausse route en affirmant qu’il ne pouvait être reproché à l’Institut pour la justice (IPJ) d’acte de nature à atteindre Maître Eolas « dans ses intérêts moraux ».
Pour la Cour de cassation, la cour d’appel aurait dû prendre en compte les arguments mis en avant par l’avocat, sur le fondement de l’article 33 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. « Les affirmations contenues dans le « Pacte 2012 » rédigé par l’IPJ, reposant sur l’idée que la justice pénale serait exagérément laxiste et insuffisamment protectrice des intérêts des victimes d’infractions, heurtaient les convictions dont il faisait lui-même la promotion publique sur son blog et sur le réseau Twitter », retient à cet égard l’arrêt de la Cour de cassation.
Des tweets qui exprimaient une opinion « sur un mode satirique et potache »
Deuxièmement, la Cour de cassation juge que la cour d’appel « a violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme », lequel définit la liberté d’expression.
La haute juridiction explique ainsi que les propos litigieux s’inscrivaient dans une « controverse sur l’action de la justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne aux élections présidentielles de 2012 ». Autrement dit, un échange constitutif d’un « débat public d’intérêt général ».
Dans sa lancée, la Cour de cassation souligne que les tweets de Maître Eolas visaient d'autre part à répondre « de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute » sur les thèses défendues par l’IPJ. Et ce, « sur un réseau social imposant des réponses lapidaires ».
« Quelles que fussent la grossièreté et la virulence des termes employés, concluent les juges, ils ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation, mais exprimaient l’opinion de leur auteur sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir. » En dépit de « leur outrance », de tels propos n’excédaient pas, aux yeux de la Cour, « les limites admissibles de la liberté d’expression dans un pays démocratique ».
En clair, au regard du contexte (débats liés à la présidentielle, réseau social où les messages étaient à l’époque limités à 140 caractères...) et de la personnalité du prévenu, la Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas d’injure publique. Proférés par un internaute lambda, de tels propos auraient donc tout aussi bien pu être répréhensibles.
Fait plutôt rare : la haute juridiction a « cassé » et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, sans demander aux juges du fond de se prononcer à nouveau sur le litige. Cela signifie que la relaxe de Maître Eolas est désormais définitive.
En tout cas, désormais j’ai un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui parle de mon caca, et ça c’est un lifetime achievement. #Cacassation
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) 8 janvier 2019
Sur son blog, l’intéressé s’est réjoui de ce « dénouement heureux après sept ans de procédure ». L’avocat a commencé à raconter les coulisses de ce bras de fer judiciaire, sur lequel il était volontairement resté des plus discrets, tout en continuant à se montrer « potache » sur Twitter.
La Cour de cassation relaxe définitivement « Maître Eolas » d’injures publiques sur Twitter
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Une condamnation annulée, sur le fondement de la liberté d’expression
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Des tweets qui exprimaient une opinion « sur un mode satirique et potache »
Commentaires (45)
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Abonnez-vousLe 15/01/2019 à 14h05
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Le 15/01/2019 à 14h11
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Le 15/01/2019 à 14h17
Rofl le sous-titre " />
Le 15/01/2019 à 14h22
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Le 15/01/2019 à 14h28
« dénouement heureux après sept ans de procédure »
Il faut quand même avoir le temps et les moyens financiers pour se défendre… :/
Le 15/01/2019 à 14h49
Le 15/01/2019 à 14h53
Question bête et inutile : Eolas se représentait lui-même, ou il a dû faire appel à un autre avocat ?
Sinon, à mettre en parallèle avec le débat et les lois en cours sur les infox, ça va être sympa s’il faut attendre 6 à 7 ans pour voir caractériser définitivement une affirmation tenue “dans le cadre d’un débat électoral” (cible directe de la loi “fake news”)
Le 15/01/2019 à 14h58
ouais et le potache c’est de saison en plus
Le 15/01/2019 à 15h02
D’après notretemps.com
C’est Me Eric Morain, qui défendait “Eolas” avec Jean-Yves Moyart.
Le 15/01/2019 à 15h03
Le 15/01/2019 à 15h03
m’étonnerait qu’il se soit représenté lui-même.
les avocats sont bien placés pour savoir qu’il faut se faire représenter. ^^
et puis étant lui-même avocat, ça divise le boulot par 2. " />
Le 15/01/2019 à 15h19
“Proférés par un internaute lambda, de tels propos auraient donc tout aussi bien pu être répréhensibles.”
Merci d’avoir noté ceci, que je trouve tout de même un peu génant
Le 15/01/2019 à 15h27
Bien ! ^^
Le 15/01/2019 à 15h37
En clair, au regard du contexte (débats liés à la présidentielle, réseau
et de la personnalité du prévenu, la Cour de cassation a considéré qu’il
tels propos auraient donc tout aussi bien pu être répréhensibles.
C’est clairement dérangeant. Donc si on a pas des milliers de “followers”, ou qu’on publie sur un blog avec des milliers de caractères, dans une période sans élection, on peut être quand même être condamné pour les mêmes propos ?
Le 15/01/2019 à 15h41
Je n’en suis pas totalement sûr. L’audience d’Eolas était apparemment l’un des éléments que IPJ mettait en avant pour s’attaquer à lui -> Si on n’a pas d’audience, on ne peut pas vraiment abîmer l’image de quelqu’un (en gros).
Le 15/01/2019 à 15h45
Il ne s’agit pas d’avoir des milliers de followers ou d’être médiatique, mais que tes propos soient prononcés dans le cadre d’un débat d’intérêt général et, naturellement, si tu as l’habitude de t’exprimer publiquement sur un sujet pour défendre telle ou telle position alors on rattachera plus facilement tes propos limites au dit débat.
La jurisprudence sur la notion de débat d’intérêt général et de la possibilité de rattacher des propos à un tel débat est vraiment très souple, un représentant local d’un syndicat qui n’a pas de couverture médiatique particulière, pas plus que de compte twitter etc… pourra relativement facilement en bénéficier, et sans être un personnage public.
Le 15/01/2019 à 16h33
En tout cas, désormais j’ai un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui parle de mon caca, et ça c’est un lifetime achievement. #Cacassation
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas)
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Le 15/01/2019 à 16h34
Question bête mais on ne connait toujours pas l’identité de Maitre Eolas depuis le temps ?
Le 15/01/2019 à 16h43
Si ca a fuité depuis lgtps.
Mais à part quelques concernés, tout le monde s’en fout " />
Le 15/01/2019 à 16h56
Le 15/01/2019 à 17h18
ah oui, il m’est arrivé de passer sur son blog aussi - en général en venant de chez Eolas d’ailleurs. En tout cas, si le dernier reprend du service sur son blog de manière un peu plus régulière, comme il semble l’annoncer, ça sera sympa aussi.
Le 15/01/2019 à 17h19
Le 15/01/2019 à 17h41
Le 15/01/2019 à 17h51
Le 15/01/2019 à 17h58
+1
Le 15/01/2019 à 18h12
La décision de la cour est particulièrement dérangeante en ce qu’elle se base sur des interprétations erronées.
Quand on suit régulièrement le tweeter de Eolas, le mode “satirique et potache” de ses propos est discutable et dépend clairement de ce dont il parle (par exemple, il déteste clairement les GJ).
Pour avoir suivi l’affaire à l’époque, Eolas était très remonté contre l’IPJ, ses propos bien loin d’une quelconque idée de comique ou de satire.
On sent que la cour a souhaité clore ce dossier plutôt que de laisser la porte ouverte à d’autres actions de la part d’avocats ayant tout le temps pour s’y consacrer.
La justice française ne sort clairement pas grandie de cette histoire…
Le 15/01/2019 à 20h39
j’ajouterais comme il est hyper connu sous le nom maitre eolas, savoir qu’il s’appelle jean-phillipe Smet on s’en tape un peu, d’ailleurs a une époque sur twitter, des trolls balançaient son nom, seul maitre eolas reste, le reste n’est que superflu
Le 15/01/2019 à 20h40
bien vu, la fin de l’action car ils ont du temps a cela
Le 15/01/2019 à 21h03
Le 15/01/2019 à 22h52
Le 16/01/2019 à 09h44
Il faut saisir un avocat aux conseils pour voir son affaire plaidée en cour de cassation, qui est un avocat différent de celui de 1ere instance.
Pour précision, un avocat aux conseils est un avocat normal qui a suivi une formation de 3 ans auprès de l’Ifrac sanctionné par un examen final (capac). Et par formation, on entend 2 heures de cours par semaine les 2 1ere années puis deux stages la 3e année.
En fait, la différence entre avocats, avoués (représentation en appels) et avocats aux conseils est tellement infime que plusieurs gouvernements ont tenté de supprimer ces distinctions pour faire une seule profession d’avocat pouvant plaider devant toutes les juridictions.
Réforme malheureusement rejetée face à l’opposition de ces corps intermédiaires préférant garder leur privilèges à tout prix
Le 16/01/2019 à 10h08
Le 16/01/2019 à 10h10
Le 16/01/2019 à 13h11
Le 16/01/2019 à 13h28
Le 16/01/2019 à 13h52
Le 17/01/2019 à 10h14
Le 17/01/2019 à 12h04
Le 17/01/2019 à 12h12
Je ne vois pas l’intérêt de ce commentaire, même si c’était vrai.
Le 17/01/2019 à 12h16
Le 17/01/2019 à 12h30
Heu… On s’en fiche. La réponse à ma question implicite est ?
Quand on fait un commentaire, on devrait être capable d’en expliquer la signification, si toutefois il en avait une (le trolling, c’est pas intéressant, franchement).
Le 18/01/2019 à 01h39
Le 18/01/2019 à 13h06
Il y a d’autres différences entre avocat aux conseils et les avocats ordinaires (dits aussi “avocats à la cour”):
En ce qui concerne les avocats qui ont besoin d’aller en justice et de prendre un avocat, la tradition est que les avocats ne se facturent pas d’honoraires entre eux (comme les médecins) mais remplacent ceci par un cadeau de valeur équivalente aux honoraires qui aurait été payés.
Le 18/01/2019 à 14h10
Le 19/01/2019 à 16h36