Le tribunal de grande instance de Paris vient de relaxer un individu à qui il était reproché d’avoir injurié un tiers dans un mail. La juridiction a considéré que l’infraction n’était pas constituée, les propos litigieux ayant été envoyés à une seule personne, autre que la victime.
« Voila je tai donné mes horaires pour que tu puisses truander avec le bougnoul. » On ne sait malheureusement pas pourquoi Monsieur Y, recruté depuis à peine deux mois (et donc encore en période d’essai) a tenu de tels propos dans un mail envoyé à sa directrice. On ignore également si le salarié savait que la destinataire de son courrier électronique était aussi la compagne du « bougnoul » visé dans le message, par ailleurs créateur de la société dans laquelle il venait d’être embauché...
Toujours est-il que Monsieur Y s’est retrouvé devant le tribunal de grande instance de Paris pour injure non publique « commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Une infraction passible d’une amende de 1 500 euros au regard de ses circonstances aggravantes.
Un envoi limité au seul destinataire, couvert par le secret des correspondances
Dans un jugement rendu le 19 novembre dernier, mais tout juste publié par Legalis, le tribunal de grande instance de Paris a relaxé le prévenu – quand bien même ce dernier avait reconnu être l’auteur des propos litigieux.
Et pour cause : le juge en charge du dossier a d’une part relevé qu’aucun tiers n’avait eu « connaissance de ces propos en dehors du destinataire lui-même », et d’autre part que ce mail était « couvert par le secret des correspondances ». Il a ainsi estimé qu’il n’y avait pas eu d’injure, même non publique, étant donné que le mail avait été envoyé « dans des conditions conférant [à ces propos] un caractère privé et confidentiel ».
« Les propos injurieux visant un tiers ne constituent à l’égard de celui-ci la contravention d’injure non publique que si l’écrit qui les contient a été adressé dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce » conclut le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris.
La partie civile n’a obtenu aucune indemnité, alors qu’elle réclamait notamment 3 000 euros au titre de son préjudice moral.
Un sort différent dès lors que le mail perd son caractère confidentiel
Le tribunal de grande instance de Paris semble avoir ainsi suivi la position de la Cour de cassation, pour qui les propos tenus dans des emails ne sont punissables sous la qualification de diffamation non publique « que si cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ». Et ceci bien entendu à condition que le courrier électronique vise « une personne autre que le destinataire du message ».
En 2015, le même tribunal de grande instance de Paris avait d'ailleurs condamné un représentant syndical CGT à payer 3 000 euros de dommages et intérêts suite à un courrier électronique envoyé à quatorze destinataires (voir notre article). Le juge avait ainsi considéré que le contenu du message relevait d’injures non publiques, eu égard également à « l’intention de nuire » de la personne mise en cause.
Si les propos litigieux sont tenus sur des espaces tels qu’un blog ou une page Facebook « ouverte », les injures deviennent en principe « publiques ». Sur le plan pénal, la différence est de taille : les injures publiques sont passibles d’une amende de 12 000 euros, contre 38 euros pour les injures non publiques.
Commentaires (64)
Le mec fait une connerie, mais l’écrit qu’à une personne. Si tu es un minimum intelligent tu réfléchis un peu, tu mets ton ego de côté un instant et tu profites de la période d’essai pour le virer légalement.
Là tout le monde a lu l’email, et sait que le patron et sa femme ne sont pas plus fins que le boulet du début !
Merci Xavier pour les chroniques du droit 😅
J’arrive pas à comprendre ce qui en fait des boulets à tes yeux. Parce qu’ils ne l’ont pas viré ? Qu’en sais-tu ? Ou parce qu’ils ont perdu le procès ?
Bougnoul, on a le droit : Je le note.
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Je ne suis pas sûr qu’on puisse le faire avec toutes les injures racistes …
Alors ça c’est fort… Le classique Patron-Patronne qui emmerdent un emmerdeur et se retrouvent emmerdés.
Tu as le droit à ce que tu veux à partir du moment où tu ne t’adresses qu’à une seule personne en privé et que ce n’est pas la personne visée par l’injure que ce soit en ligne ou dans la vie réelle.
La vache, comme si la justice avait que ça à faire… Aller porter plainte parce qu’un mec t’as insulté dans un mail… Niveau cour d’école. Le plus simple aurait été de le dire à leurs parents. Ils auraient vu ça directement avec les parents du vilain garçon.
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Sur le principe, je n’ai rien à dire sur la plainte. L’injure non publique est prévue dans la loi et il y a une peine contre les responsables. Sinon, on va alléger le code pénal et supprimer tous ce que tu pense inutile.
Décision classique. Il faut bien distinguer le caractère confidentiel des propos qui est un obstacle à l’exercice de poursuites et le caractère non publique qui est un des éléments constitutifs de l’infraction. C’est assez subtil mais déterminant.
Il y a d’autres cas, comme celui d’une attestation diffamatoire “publiée” lors d’une instance arbitrale qui est, par définition, confidentielle.
J’avoue le plus perturbant reste ça:
On ne sait malheureusement pas pourquoi Monsieur Y, recruté depuis à
peine deux mois (et donc encore en période d’essai) a tenu de tels
propos dans un mail envoyé à sa directrice.
Même le plus idiots des abrutis sait très bien qu’un tel mail, c’est la porte direct.
Pourquoi l’avoir écrit du coup?
Volonté de se faire virer pour aller au chômage avec des droits prolongés?
Blague entre eux dont le patron s’est servie pour licencier?
Franchement, j’ai du mal à comprendre.
Ça dépend, le mail était chiffré de bout en bout ? Parce que sinon on ne peut pas vraiment parler de privé
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Donc il n’y a que le “bougnoule” qui a été jugé potentiellement problématique. La dame, on dirait que ça ne l’a pas dérangée qu’on suggère qu’elle “truande”.
Comme on est 2 à ne pas avoir bien compris ce que tu voulais dire, essaie de reformuler.
Et explique nous pourquoi tu trouves mal à propos de porter plainte contre quelqu’un qui de l’avis de la personne visée par l’injure a enfreint la loi en utilisant une injure raciste (si j’ai mieux réussi à résumer ta pensé cette fois-ci).
On laisse de côté le fait que l’infraction n’était pas constituée ici et on suppose par exemple que le mail aurait été envoyé à plusieurs personnes ou la personne concernée par l’injure.
“bougnoul”, ca prend un ou 2 “L” ?
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Pas mieux.
Surtout qu’il s’agit d’un employé insultant un responsable d’entreprise.
Larousse:
Familier. Tricher, ne pas respecter les conventions établies, les règles.
En gros ce mot n’est un synonyme de voler.
Il faut avoir la référence ;)
Je ne comprends pas ton propos. L’injure raciste non publique est punie par la loi.
Dire à quelqu’un qu’il n’est pas beau ne l’est pas a priori. Donc, pourquoi répondre comme cela à Patch ?
Question philosophique: Est-ce que les nord africains sont trop sombres pour être clairs est une allusion raciale?
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OK, en fait, tu n’acceptes les plaintes que quand elles sont justifiées légalement et qu’en plus il y a de nombreuses infractions pour le même fait.
En fait, les juges n’auront plus qu’à décider de la peine puisque comme on n’aura plus que des plaintes recevables, on pourra éviter de vérifier si l’infraction est caractérisée.
Tu as trouvé la solution à l’engorgement de la justice, les juges vont devenir plus productifs, bravo.
Perso je te rejoins, il devrait y avoir obligation de passer par un médiateur pour ce cas de figure, tout au moins tant que la justice n’aura pas les moyens de traiter les cas plus graves en temps réel.
Un peu comme la personne qui se présente aux urgences parce qu’elle à un rhume, elle a beau être malade, il y a d’autres options.
Le problème dans le cas de l’article, c’est que le “génie” qui a traité son chef de bougnoule*, ressort du tribunal sans aucune sanction. Le raccourci qui peut (et va sûrement) être fait par certains est qu’au final, il a rien fait de mal et c’est donc autorisé.
*À nos amis qui aiment interpréter, je dis que c’est pas gravissime, mais à aucun moment je dis que c’est normal.
Ce qui est bizarre, c’est que (si j’ai bien compris) :
* il n’y a pas d’infractions si tu insulte une tierce personne dans 10 e-mails envoyés séparemment à 10 personnes différentes (confidentialité pour chaque e-mail)
* il y a infraction si tu insulte une tierce personne dans un même e-mail envoyé à 10 personnes (e-mail non publique)
Il n’a pas traité son chef de bougnoule, il a dit à sa directrice que son chef était un bougnoule dans une conversation privée.
IL n’y a donc pas insulte selon la loi. S’il avait traité directement son chef de bougnoule il y avait insulte.
Duralex Unilever
Je suis d’accord, il y a là une nuance subtile. Mais c’est pas certain qu’elle soit saisie par tous.
Le nombre de correspondants et de courriers ne définit pas l’insulte mais son caractère public, et donc l’infraction.
EDIT: une injure non publique et sans élément aggravant (type racisme, sexisme…) c’est une contravention de 38€ ; la même reconnue publique c’est jusque 12000€ d’amende.
Je me suis peut-être mal exprimé. En fait je ne comprends pas pourquoi une injure confidentielle serait mieux (aux yeux de la loi) qu’une injure non publique. Au final l’injure reste dans un cadre privé. Soit on condamne les deux cas de figure soit on laisse passer les deux.
A l’inverse, je comprends tout à fait la différence non publique/publique aux yeux de la loi et pourquoi une injure publique serait encore plus condamnable (le préjudice moral est plus important vu que beaucoup plus de personne peuvent être “témoins” de l’injure)
En fait, c’est que le fait que les propos sont confidentiels qui font que ce n’est pas une injure.
L’injure non publique recouvre 2 cas : injure du destinataire ou injure d’un tiers devant plusieurs personnes. En “présence” de plusieurs personnes, les propos ne sont plus confidentiels.
Je ne sais pas répondre à ta première question : le même message envoyé séparément à plusieurs personnes (sans qu’il y ait la personne visée en destinataire).
Je suis d’accord que ça vol pas haut… Mais vu qu’il y a une législation sur le sujet, le problème n’est-il pas plutôt pourquoi la l’extrême difficulté (en coût et en délais) à pourvoi avoir justice…. ?
Merci, avec l’idée de correspondance privée je comprends un peu mieux la différence de traitement entre les deux cas.
Le salarié a aussi le droit de mettre fin à sa période d’essai, si il trouve l’entreprise toute pourrie: ici une entreprise qui magouille visiblement
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Si ça se trouve, il voulait écrire bougnat, et son clavier a fourché. Ça expliquerait pas mal de choses…
Non.
Bougnoul ou bougnoule n’ est pas et n’ a jamais été raciste sauf dans la tête de certains incultes.
Bougnoule vient de bougnat qui n’ est rien d’ autre qu’ une autre dénomination du mot auvergnat.
Ceux qui l’ ont employé transformant dans leurs esprits ce mot en insulte quand cela ne l’ était pas usait de cette dénomination pour désigner les commerçants qui vendaient le vin et livraient le charbon.
Avec la livraison de charbon, leurs visages finissaient noirs ce qui pour certains ne pouvait que représenter que la lie de l’ humanité et la sous classe sociale selon eux à laquelle ils ne pouvaient accepter de faire partie ne serait ce qu un seul jour.
Mais le fait qu’ on les appelle bougnats relève de leurs origines auvergnates.
Si penser qu’ être auvergnat est une insulte, il est sûr et certain que cela risque de fâcher beaucoup de monde à Clermont Ferrand qui ne le savait pas.
Post Scriptum : je ne suis pas le moindre du monde auvergnat et ces gens à Paris constituent la caste des détenteurs d’ établissements de vendeurs de limonade et cafés en tout genre au point que pour trouver un emploi dans la restauration le plus simple reste de consulter le journal L’ Auvergnat des auvergnats à Paris.
Si les premiers auvergnats à Paris ont souffert de racisme, leurs descendants propriétaires de la majorité des cafés, hôtels & restaurants ont une vie bien plus confortable.
Mais quelle manque d’ imagination, haine, bêtise ou ignorance faut il pour traiter d’ auvergnats les étrangers d’ aujourd’ hui en pensant qu’ il s’ agit d’ une insulte.
L’ insulte de bachibouzouk du capitaine Haddock dans TINTIN est nettement plus drôle puisqu’ inutile au sens où nous ignorons sa signification profonde et qu’ il faudrait condamner Hergé mort depuis longtemps pour l’ avoir fait employer par son personnage.
Y’a un moment faut arrêter de confondre l’origine d’un mot et son sens actuel…
En privé seulement, et par courriel.
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Cadeau
Mis à part ce petit détour haddockien, ton étymologie de bougnoule, bien que très poétique, est complètement farfelue.
Bienvenue dans l’ère de l’immaturité, de la perversion narcissique et de la bonne morale qui les recouvre.
Euh… le CNRTL c’est pas le « premier lien trouvé sur google »
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Fullero n’a pas mis de lien
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Oui, j’ai fait un raccourci du coup en te répondant. Son texte ressemble furieusement au premier lien que m’a retourné google et qui pointe vers une page de discussion wikimedia.
Il a donc trouvé une page mais n’a pas mis sa source.
Je pense que c’est ce que demandait Fred pour lui expliquer par la suite que cette source n’zst pas forcément ce qu’il y a de plus sérieux.
Aprés pour faire un travail sur l’étymologie d’un mot c’est difficile en restant derrièrere son clavier. Un petit tour à la bibliothèque s’impose.