Alors que la proposition de directive sur le droit d’auteur sera soumise au vote du Parlement européen fin mars, David Kaye, rapporteur spécial des Nations Unies, s’inquiète des effets de l’article 13 sur la liberté d’expression. Les ayants droit contestent les risques de filtrage. Next INpact publie un schéma décrivant cette disposition phare.
Du côté de l’industrie culturelle, le site article13.org a été mis en ligne pour vanter les charmes de cette future disposition : avec elle, les plateformes seront « encouragées » à signer des accords de licence, « plutôt que de bloquer les contenus ».
Il y aura une plus grande sécurité juridique pour les utilisateurs et absolument aucune obligation de mettre en place des filtres, contrairement à ce qu’affirment les opposants.
« Les plateformes devront seulement être capables d’identifier certains contenus spécifiques protégés par le droit d’auteur sur la base d’informations fournies par les ayants droit. Par conséquent, les déclarations de YouTube au sujet de la fermeture de chaînes et la mise en place de mécanismes de filtrage pour le contenu sans licence sont infondées » ajoute le site monté par Europe For Creators, un lobby du secteur rassemblant de nombreuses sociétés de gestion collective. Soit les principales bénéficiaires, avec leurs membres, de ces accords.
« Ces services ne pourront pas utiliser de filtres de manière aléatoire pour empêcher le contenu d'être publié ». En somme il n’y a pas de filtrage aléatoire, mais un filtrage à partir des bases de données adressées par les sociétés de gestion collective…
Par ailleurs, il est assuré que les parodies, les mèmes, etc. seront protégés, sachant qu’en cas de suppression automatisée, un mécanisme de recours sera prévu. De même, les startups profiteront d’un régime adapté :
« Les fournisseurs de services de partage en ligne qui correspondent à la description ci-dessus devront faire leurs “meilleurs efforts” pour obtenir une autorisation adaptée à leur taille et leur business model. Ils seront également tenus de retirer les contenus illicites signalés par les ayants droit, mais n’auront pas l’obligation d’empêcher leur réapparition sur les sites hébergés (principe du "notice and take-down" et non du "notice and stay-down"). »
Voilà donc une « exception ingénieuse » qui « offre aux startups une réelle chance de se développer rapidement avec un socle juridique stable tout en évitant les mesures plus contraignantes applicables aux grosses plateformes (qui devront elles respecter le principe de "notice and stay-down") ». Notons cependant que les start-ups enregistant plus de 5 millions de visiteurs mensuels y seront également soumis, comme expliqué ci-dessous.
Les craintes de David Kayle, expert à l'ONU
Du côté de l’ONU, l’analyse n’est pas vraiment partagée. Dans un communiqué publié le 11 mars, l’expert indépendant, nommé par le Conseil des droits de l'homme, estime que si l’Europe a la responsabilité de moderniser les droits de propriété intellectuelle, « cela ne devrait pas se faire au détriment de la liberté d'expression dont jouissent les Européens aujourd'hui ».
Selon David Kaye, la dernière version de l’article 13 de la proposition va conduire les plateformes (comme YouTube, Dailymotion, Snapchat, Instagram, Twitter et toutes les autres) à surveiller et restreindre tous les contenus, dès l’upload, même ceux générés par les utilisateurs. « Une telle pression en faveur du filtrage avant toute publication n'est une réponse ni nécessaire ni proportionnée à la violation du droit d'auteur en ligne », considère-t-il.
Le régime atténué au profit des structures de moins de trois ans ne permet pas d’atténuer ses préoccupations. « La plupart des plateformes ne seraient pas éligibles à cette exemption et seraient soumises à une pression juridique pour installer et maintenir une infrastructure de filtrage de contenu coûteuse afin de se conformer à la directive ».
Selon lui, « à long terme, cela mettrait en péril l'avenir de la diversité de l'information et du pluralisme des médias en Europe, car seuls les plus gros acteurs pourront se permettre d’adopter ces technologies. »
Le même expert n’est pas davantage rassuré par les exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins. Selon lui, les mesures de filtrage, incapables de nuancer l’exception d’une vraie atteinte, vont nécessairement augmenter « le risque d’erreur et de censure ».
Le schéma de l'article 13
Bref, les analyses sont très partagées entre les partisans et bénéficiaires de ce texte d’un côté et ses opposants. Afin de faire le point sur l’article 13, bientôt soumis au vote du Parlement européen, Next INpact vous propose ce schéma qui en décrit les rouages, inspiré d'un précédent graphique signé de l'association Communia.
On y voit notamment que les entreprises de plus de 3 ans ou réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros par an seront bien soumises à toute une série d'obligations, comme les start-ups enregistrant un certain succès. Le document est sous licence libre.
Commentaires (35)
#1
Je ne comprend toujours pas pourquoi les FAI ne prennent pas plus soin de leurs clients de longue date qui leurs sont restés fidèle.
Car ils représentent un CA constant au prix facial de l’offre sur une infrastructure déjà déployée et amortie, alors que les promotions, si elles permettent d’engranger de nouveaux clients, ont le désavantage de baisser drastiquement la marge et de rendre la clientèle volatile.
#2
Une nouvelle usine à gaz (une de plus) sous forme de racket légalisé au profit de la mafia des ayants droit.
En élevant de telles barrières à l’entrée sur les marchés concernés, une des conséquences (inattendue pour les législateurs) est l’anéantissement de toute future concurrence pour les plus implantés tels que Google et Cie, qui doivent bien rire.
#3
(erreur)
#4
Outre tous les risques que nous ne manquons pas de dénoncer ici depuis des mois; en premier lieu l’atteinte à la liberté d’expression, puis le fait que seuls les GAFAS vont pouvoir se conformer au texte tuant tout acteur n’ayant pas les moyens de ces monstres, cette directive est l’illustration désolante de l’échec complet du fonctionnement de l’Europe.
A l’inverse de ce que doit être le projet européen, le processus d’élaboration de cette directive démontre que quelques lobbyistes (très) fortunés peuvent passer commande d’un texte pour satisfaire leurs seuls intérêts et aux détriments de tous les autres citoyens européens, y compris s’agissant de libertés et droits fondamentaux (la liberté d’expression et celle d’entreprendre en tête).
Je suis un européen convaincu mais comment se mobiliser pour défendre un tel projet lorsqu’on constate ce qui en est fait en pratique ?
#5
c’est totalement suicidaire comme stratégie.
d’une part pour les ayant-droits (culture et presse) qui vont dépendre des GAFA financièrement, d’autre part pour l’Europe qui renforce les acteurs US.
un chouette minitel 2.0, contrôlé par des optimisateurs fiscaux étrangers.
la soupe est trop bonne pour les bénéficiaires de ce système, qui sacrifient la liberté et les droits des citoyens européens sur l’autel du fric facile.
#6
Super article NXi !
Mais du coup j’ai une question: Qu’est-ce qu’une plateforme ?
J’héberge un Peertube, fais partie du réseau fédéré. Suis-je une plateforme ?
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#8
Analyse de l’article 13 publiée le 13. Tous ces 13 sont ils prémonitoires ?
#9
Qu’est-ce qu’une fin lucrative ?
#10
C’est quand on veut gagner de l’argent. Pourquoi cette question alors que la réponse est facile à trouver ?
#11
est-ce que les sites comme 1fichier.com
ou openload.co sont impactés par l’article 13 ?
#12
On vote pour un parti qui a ce genre de programme et on prie (oui, car ils n’ont aucune chance de passer) pour qu’ils aient quelques sièges au parlement :
https://europeanspring.net/wp-content/uploads/2019/02/EuropeanSpring-Manifesto-2…
#13
#14
#15
sauf que ces 2 sites n’organisent et ne promeuvent pas leurs uploads donc ne sont pas impactés par l’article 13 a moins que je me trompe …
#16
Pour les AD c’est un avantage.
en assassinant tous les petits ils ne font plus face qu’aux gros.
Pour discuter c’est plus simple.
Concernant 1fichier.com & co qui ne fait que du stockage, le contournement est relativement simple: il s’agit d’implémenter un chiffrement côté client. contenu chiffré => contrôle impossible => takedown impossible.
le gros souci c’est les plateformes permettant le visionnage. elles sont baisées. soit elles filtrent, soit elles crèvent.
#17
alors les sites de stockage ne sont pas impactés par l’article 13 puisqu’il
n’organisent et ne promeuvent pas leurs uploads n’est -ce pas ?
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#20
non puisque ils n’organisent et ne promeuvent pas leurs uploads
c’est ecrit dans le schema seul ceux qui organisent et promeuvent leurs uploads..
est -ce que 1fichier.com et openload.co organisent et promeuvent leurs uploads ? quelqu’un a la réponse merci…
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la différence entre ça et un énième groupuscule d’extrême-gauche ?
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C’est loin d’être un groupuscule et ça n’est pas de l’extrême gauche (plus à gauche que le PS mais moins que Mélenchon, c’est au niveau de Génération.s de Benoît Hamon.
L’avantage c’est que c’est au niveau Européen, ça a plus de chance déjà que si c’était franco-français. Après, ça reste un programme qui donne des pistes pour faire quelque chose de pas trop mal de l’Europe.
Ensuite, c’est pour l’instant le seul programme que j’ai vu alors que les élections sont dans deux mois 😅
Si vous avez des liens vers d’autres programmes (quel que soit le parti, c’est toujours bon à lire !), je suis preneur !
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Et c’est la méthode utilisée par mega " />
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et Firefox Send (par exemple). ^^
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Ceci n’est pas propre au projet européen. Si l’UE n’existait pas, les lobbies feraient la même chose au niveau national.
Un début de solution consiste à dire à notre personnel politique qu’il pourra faire une croix sur nos voix s’il préfère défendre des intérêts particuliers.
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Parce qu’à force de faire des exceptions bancales on sait jamais à quel point un fin est lucrative - s’il y a des dons ou de la publicité pour payer l’hébergement et non pas rentabiliser un service par exemple.
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Au niveau de la commission il y a beaucoup plus de transparence à propos des lobbys qu’au niveau national (tout du moins en france) et e ne parle même pas des niveaux en dessous (region, departement, commune, …).
C’est toujours facile de taper sur la commission, elle est loin, on ne la connait pas bien n’y comment elle fonctionne, pourtant son fonctionnement est bien plus transparent que n’importe quel fonctionnement des gouvernments des états membres.
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