Directive Droit d’auteur : déjà une mission Hadopi-CNC-CSPLA sur la reconnaissance des contenus
24 h après le vote au Parlement européen
Le 28 mars 2019 à 15h34
8 min
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Hier, à Lille, Franck Riester a donné de nouveaux détails sur les suites de l’adoption de la directive sur le droit d’auteur. La Hadopi va plancher avec le CNC et le CSPLA sur la reconnaissance automatisée des contenus pour rendre « efficace » l’article 17 (ex-article 13) du texte européen. Sujet que connaît très bien le ministre de la Culture.
À l’occasion de son discours à Lille, l’ex-rapporteur du projet de loi Hadopi a redit qu’il entendait mieux doter l’arsenal de la lutte contre le streaming illicite.
La loi Hadopi, a-t-il regretté, « ne s’attaque qu’au téléchargement pair-à-pair, alors que le piratage se fait à 80 % par diffusion en flux – le streaming, en bon français – ou en téléchargement direct ».
10 ans après le vote de la loi instaurant la riposte graduée, « c’est à ces modes de piratage que nous nous attaquerons, en visant directement les sites pirates » tambourine-t-il. Il va ainsi confier à la Hadopi « une mission de caractérisation des sites pirates par la publication de listes noires », qui permettra ensuite de mettre à jour la législation en vigueur. Voilà qui tombe bien : cela fait des années que la Rue de Texel entend jouer ce rôle de « tiers de confiance ».
Lutter contre la réapparition des sites illicites
Par ailleurs, il compte aussi « empêcher, par des décisions de justice plus efficaces, la réapparition des sites miroirs ». Sur ce point, l’article 6 de la future loi Avia contre la haine en ligne tombe au mieux. La disposition prévoit en l’état de confier à une « autorité administrative » le pouvoir d’enjoindre FAI, moteurs et fournisseurs de noms de domaine, de bloquer l’accès à site réapparu après une première décision judiciaire.
La PPL Avia est certes cantonnée à la cyberhaine, mais son article 6 est beaucoup plus large, sans être ciblé à ce périmètre. Il s’attaque en effet à l'une des pierres angulaires de la responsabilité des plateformes organisée par la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004.
En introduisant la compétence d’une « autorité administrative », le ministère de la Culture pourrait donc saisir la balle au bond et confier cette responsabilité à la Hadopi, du moins s’agissant du champ de la propriété intellectuelle.
Cette gymnastique évitera dans tous les cas d’avoir à repasser par la case « juge » et d’accélérer la lutte contre les sites miroirs, les clones ou les sites de contournement (un blocage d’un site en .org, qui revient en .info).
Une mission sur la reconnaissance automatisée des contenus
Mais le plus intéressant n’est peut-être pas là. Le ministre annonce aussi que le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, la Hadopi et le Centre national du cinéma (CNC) « lanceront conjointement dans les prochains jours une Mission de promotion et d’encadrement des technologies de reconnaissance de contenus ».
Promouvoir et encadrer la reconnaissance, c'est en creux prévoir toutes les conditions pour la rendre opérationnelle. À en croire le ministre, cette mission permettra « de nous assurer de l’efficacité de ces outils, qui occupent une place centrale dans la protection des œuvres sur les plateformes de partage des contenus ». Pour Franck Riester, « elle est essentielle pour que l’article 17 de la directive (…) puisse produire tous ses effets ».
La démarche est déjà notable dans le calendrier puisqu'annoncée un jour seulement après le vote de la directive droit d’auteur, preuve que la rue de Valois veut aller vite. Plus remarquablement, les ayants droit ont répété plusieurs fois que le texte européen n’orchestrait aucune obligation de filtrage.
Notre schéma a d’ailleurs plusieurs fois été critiqué pour avoir osé mentionner une telle expression. Sur le site Article13.info, monté par les SACEM européennes et saluées par l’élyséen, on peut encore lire qu'« il n’y aura pas d’obligation à instaurer des filtres ».
Ainsi, « les plateformes devront seulement être capables d’identifier certains contenus spécifiques protégés par le droit d’auteur sur la base d’information fournies par les ayants droit ».
Pourtant, une mission sur les technologies de reconnaissance des contenus confiée au trio Hadopi-CSA-CNC n’a pour vocation que la mise en œuvre du filtrage. Si un contenu est reconnu, c'est pour ensuite subir un arbitrage : autorisation/monétisation ou blocage.
Le texte de l’article 13/17 prévoit des obligations d’indisponibilité des œuvres protégées évoluant selon la taille des plateforme. Rendre indisponible, c’est traquer les fichiers « uploadés » puis comparer les autorisations à une base. Il envisage aussi des obligations de « notice and stay down » qui consiste à retirer un contenu, puis à détecter ses remises en ligne pour empêcher toute réapparition. Une analyse qui se fait contenu par contenu, donc en détectant les empreintes.
À chaque étape, une défaillance de la plateforme peut conduire celle-ci devant les tribunaux dans le cadre d’une action en contrefaçon.
Une mission dans les clous de la Hadopi
L'intervention du CSPLA n’est pas hasardeuse. C'est au sein de cette entité gorgée de sociétés de gestion collective qu’ont été préparés les fondements de l’article 13 (devenu article 17) de la directive sur le droit d’auteur, tout juste adoptée dans des conditions rocambolesques.
Celle de la Hadopi est également naturelle. L’article L331-23 du Code de la propriété intellectuelle prévient que celle-ci est compétente pour évaluer « les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne ».
Elle doit à ce titre rendre compte « des principales évolutions constatées en la matière, notamment pour ce qui regarde l'efficacité de telles technologies ». Riester connaît très bien ce point puisqu’il a lui-même été à l’origine de cette mission, via l’amendement 50 introduit à l’Assemblée nationale en 2009.
D'ailleurs, c’est à partir de cet amendement que la Hadopi avait confié une mission, finalement avortée, à Michel Riguidel, enseignant-chercheur à Telecom Paris Tech et détenteur d’un brevet sur l’inspection des flux.
En 2009, dans les couloirs de l’Assemblée, l’architecte de la loi, Olivier Henrard avait en tête une autre idée : un système de filtrage couplé à un mécanisme de dépôt légal des œuvres. D’ailleurs au CSPLA, la même année, une mission fut confiée à Pierre Sirinelli par Christine Albanel sur le sujet.
Ce précieux document lui demandait d’explorer « les conditions techniques, financières et juridiques d’une mise en partage centralisée des données et métadonnées de protection, par exemple sous la forme d’un répertoire national des œuvres, permettant à tout ayant droit d’enregistrer ses contenus protégés et à tout prestataire technique ou fournisseur de service de tirer les conséquences de cette protection ».
Une Hadopi qui voit ses missions réactivées. Un CSPLA à l'origine de l'aricle 13/17 qui a déjà oeuvré en matière de dépôt légal... Et quid de l’arrivée du CNC ? « Les œuvres cinématographiques françaises et étrangères, de court métrage et long métrage, diffusées en salles font l'objet d'un dépôt légal obligatoire auprès du CNC » rappelle le centre sur sa page dédiée.
Dix ans après la Hadopi, grâce à l’adoption de la directive Droit d’auteur, fruit d’un imposant lobbying des éditeurs de presse et des sociétés de gestion collective, le sujet revient aujourd'hui en force selon des modalités à définir.
Depuis, des progès notables ont été accomplis en matière de reconnaissance des contenus, même si les faux positifs sont encore très nombreux chez ContentID et autres solutions similaires. Différence importante : si ces outils étaient volontairement mis en place par chacune des plateformes, l'article 13/17 les rend juridiquement contraints, en tout cas selon la taille des entités, suivant une logique de proportionnalité. Ce, aussi bien dans une perspective de retrait que dans une logique de licence, les deux piliers de cette disposition.
On ne sait par contre pas si cette mission plaidera pour le retour d'une base centralisée, à charge pour les plateformes de s'y accoupler sauf à engager leur responsabilité dès le premier octet illicite uploadé par l'internaute.
Directive Droit d’auteur : déjà une mission Hadopi-CNC-CSPLA sur la reconnaissance des contenus
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Lutter contre la réapparition des sites illicites
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Une mission sur la reconnaissance automatisée des contenus
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Une mission dans les clous de la Hadopi
Commentaires (36)
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Abonnez-vousLe 28/03/2019 à 16h36
Que les Etats-membres n’imposent pas le filtrage généralisé par la loi est une chose. Qu’une plateforme de partage (soumise à une responsabilité vis-à-vis des droits intellectuels) préfère prendre le temps, avant de diffuser un contenu, de demander l’avis du propriétaires de l’oeuvre en est une autre.
Dans le cas de Youtube, on sait déjà comment ça va fonctionner : ContentID (filtrage généralisé).
Le 28/03/2019 à 16h52
J’adore l’espoir de certains, non non on va faire de la reconnaissance automatique de contenu mais c’est pas du filtrage.
Comme si les sociétés de gestion des droits allaient notifs après notifs répondre au cas par cas “ça c’est mon cataloque, ça fera x € sinon contrefaçon”.
Si les sociétés bossent sur un tel outil, c’est certainement pas pour créer une base destinée à mieux taguer les œuvres en perspective de faire au coup par coup des notifications aux plateformes, mais bien pour en faire l’outil central par lequel les plateformes devront passer pour identifier les contenus à la volée et, en fonction des licences, casquer ou éjecter le contenu.
On est en plein novlang pour ne pas dire filtrage.
Le 28/03/2019 à 16h56
Le 28/03/2019 à 17h29
Interessant, l’Etat semble avoir préparé tout ce délire il y a bien longtemps, pour dégainer aussi vite.
Le 28/03/2019 à 17h32
Quitte à citer une partie de l’article, autant ne pas prendre que ce qui t’intéresse :
Depuis, des progès notables ont été accomplis en matière de reconnaissance des contenus, même si les faux positifs sont encore très nombreux chez ContentID et autres solutions similaires. Différence importante : si ces outils étaient volontairement mis en place par chacune des plateformes, l’article 13⁄17 les rend juridiquement contraints, en tout cas selon la taille des entités, suivant une logique de proportionnalité. Ce, aussi bien dans une perspective de retrait que dans une logique de licence, les deux piliers de cette disposition.
La fin de la phrase change la compréhension du reste de la phrase. Personnellement j’y lis qu’à partir d’une certaine taille, il n’y aura pas d’autres possibilités que les outils de filtrage pour être en conformité avec les obligations de l’article 17.
Par ailleurs, je te rappelle que la définition de surveillance généralisée est très restreinte pour l’UE cf arrêt sabam. Ainsi, un filtrage a priori des contenues ne correspond pas à une surveillance généralisée pour la cjue puisque ces outils n’entrent en jeu que lors de l’upload.
Le 28/03/2019 à 17h44
alors que le piratage se fait à 80 % par diffusion en flux – le streaming, en bon français –
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Le 28/03/2019 à 18h01
Le 28/03/2019 à 18h04
Comme à Hadopi, je leur souhaite bon courage et bonne chance.
:popcorn:
Le 28/03/2019 à 18h24
Le 28/03/2019 à 18h31
Le 28/03/2019 à 18h35
Le 28/03/2019 à 18h40
Le 28/03/2019 à 18h52
Le 28/03/2019 à 19h00
Le 28/03/2019 à 20h00
Le 28/03/2019 à 20h41
Le 28/03/2019 à 15h53
Bonne chance, vous allez en avoir besoin les mecs.
Et nous, on fera tout pour que vous n’en ayiez pas.
Le 28/03/2019 à 15h54
Article de NXi
Depuis, des progès notables ont été accomplis en matière de reconnaissance des contenus, même si les faux positifs sont encore très nombreux chez ContentID et autres solutions similaires. Différence importante : si ces outils étaient volontairement mis en place par chacune des plateformes, l’article 13⁄17 les rend juridiquement contraints
Considérant 66, début du paragraphe 2 de la directive (p 65)
En outre, les obligations établies dans la présente directive ne devraient pas avoir pour conséquence que les États membres imposent une obligation générale de surveillance.
Mercijurinord
Le 28/03/2019 à 16h30
Le 28/03/2019 à 16h36
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Suite du considérant
Différents moyens pourraient être appropriés et proportionnés, en fonction du type de contenu, et il ne peut dès lors être exclu que dans certains cas, la disponibilité de contenus non autorisés protégés par le droit d’auteur ne puisse être évitée que sur notification des titulaires de droits.
Le 28/03/2019 à 21h57
Le 28/03/2019 à 22h27
Là où habituellement tu apportes une certaine contradiction, désolé de voir que cette fois tu ne fais preuve que de condescendance.
Le 29/03/2019 à 07h55
Donc en gros il suffit de mettre à disposition des fichiers chiffrés avec clé pour passer au travers ?
Il y aura peut être même des startup qui vont fournir des solutions de lecture en streaming avec déchiffrement à la volée.
Bref le piratage continuera mais les particuliers seront pénalisés, rien de neuf.
Le 29/03/2019 à 08h14
Le 29/03/2019 à 08h39
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Le 29/03/2019 à 10h06
Le 29/03/2019 à 11h43
Bon spa toussa mais et notre riposte a nous?
Que va t’on faire a notre niveau pour limiter la casse et continuer la transmission d’informations libres, moins libres, utilisées a des fins de citations, de pastiches ou tout à fait illégale (faut pas se leurrer) sur notre territoire?
La mise en place d’un internet bis? Un renouveau des services bittorrents (peertube)? Un maillage de piratebox? Transmission par lumières? Signaux de fumées?
C’est bête a dire mais la mise en place d’un site internet contenant l’ensemble des produits culturels disponible en France, accessible par abonnement ou par paiement a l’unité ou a la consultation, afin de rétribuer l’ensemble des corps de métier (et les éditeurs / ayant droits ) ayant participé à la réalisations des oeuvres ainsi présentés, me semble nettement plus facile à mettre en place et bien plus efficace pour lutter contre le piratage.
On pourrait même appeler ca la licence globale. Ah oui mais non parce que tu comprends:” c’est compliqué a mettre en place”.
M’enfin bon: quand je vois ce que vois, je me dit que c’est pas beaucoup plus facile leur affaire. Et franchement moins efficace en plus.
Bref!
Le 29/03/2019 à 14h55
Le 29/03/2019 à 15h08
Le 29/03/2019 à 15h36
c’est ce qui est le plus dangereux derrière ces lois, ça déclenche/incite la création d’outils de plus en plus évolués pour les contourner, outils qui peuvent ensuite être utilisés pour des vrais crimes et rendent bien plus difficile le boulot de la sécurité intérieure et autre joyeusetés
même si certains outils existaient déjà, maintenant ils ont été rendus facile d’accès et les utilisation “graves” sont noyées parmi la foultitude de “pekins moyens” qui veulent éviter hadopi (par exemple)
qui savait ce qu’était et comment utiliser/configurer un vpn avant hadopi ?
maintenant y’a même des pubs tv …
Le 29/03/2019 à 15h58
Ben, tant pis…
… maintenir une liberté d’expression raisonnable où l’on peut avoir des discussions complexes et nuancées sans tomber dans la broyeuse automatique, ça semble être de l’ordre du passé, il suffit de voir comme certains propos ou contenus sont déjà censurés par les gafam, même quand il s’agit de dénoncer la violence et le terrorisme.
Dans deux semaines, le règlement antiterroriste sera sans-doutes voté et nous nous rapprocherons encore un peu plus de la liberté d’expression comme on la trouve dans certains états totalitaires.
2019 est l’année du grand plongeon, et avec le monopole de l’initiative législative détenu par la commission européenne, en admettant qu’on arrive à trouver assez de démocrates dans l’U.E. pour avoir une majorité au P.E. , il faudra peut-être deux décennies pour faire marche-arrière.
On est mal, et ça va devenir pire.
Le 29/03/2019 à 19h21
Le 30/03/2019 à 09h16
… outils qui peuvent ensuite être utilisés pour des vrais crimes …
c’est souvent le cas !
au départ on développe des outils, juste pour pouvoir contrer une (petite) ‘censure’ du “Net.”
et puis c’est DÉTOURNÉ ‘par les Méchants’ !
Le 30/03/2019 à 10h48
Ah mais je ne défends pas l’Etat, je suis tout à fait d’accord avec toi, c’est encore pire parce que ça veut dire que les textes ne sont pas rédigés par les pouvoirs publics mais par des intérêts privés (et mal en plus parce que c’est pas des juristes). Que le gvt et le Parlement soient des godillots c’est en effet bien pire !
Le 01/04/2019 à 16h08
on a le droit d’avoir une opinion ou débattre est une injure à votre prescience des choses ?
Le 01/04/2019 à 16h21
Ce que je comprends, c’est que vous voulez refaire les articles de Next inpact à votre image. Bouh! les opinions, c’est mal… il faut savoir respecter l’honneur de la loi qui est, par essence parfaite). D’ailleurs, en quoi un article gratuit ne devrait pas faire le buzz ?? C’est la raison d’être d’un article gratuit, le “buzz” !!
NB: vous remarquerez que je fais les questions et les réponses maintenant, donc je n’ai plus de raison de vous répondre. Bonne semaine à vous.