Retour sur la condamnation de Molotov à payer 1,4 million d’euros de copie privée
À la dette du client
Le 02 avril 2019 à 13h57
6 min
Droit
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Le 7 mars, le tribunal de grande instance de Paris a condamné Molotov à payer à Copie France, collecteur de la copie privée, plus de 1,4 million d’euros de redevance. Une ardoise concernant la période d’activité entre septembre 2017 et juillet 2018. La décision, qu'on pourra télécharger, offre de précieuses informations sur les coulisses de la plateforme.
L’ordonnance, d’abord signalée par Electron Libre, n’avait jusqu’à présent pas été diffusée dans son intégralité. Dans cette affaire, jugée par le TGI de Paris, aucune des parties n’a contesté le principe de cette créance ni même le montant dû aux sociétés de gestion collective, au titre des fonctions d’enregistrements.
Seulement, ce service spécialisé dans la distribution de chaînes de télévision cofondé par Pierre Lescure a eu beaucoup de mal à payer ce 1,43 million d’euros. Une somme exigée courant 2018 par les ayants droit, plusieurs mois après le lancement de la plateforme, et avant l'entrée en vigueur du nouveau barème nettement plus drastique.
Comme Next INpact l’avait annoncé en juillet 2018, le barème de redevance dédié à Molotov a depuis subi une forte augmentation sur les premières tranches de capacité. Au Journal officiel du 24 juillet, le tarif fut depuis doublé (0,105 euro à 0,210 euro soit + 100 % d’augmentation) alors que la tranche concernant les formules payantes de 100 Go restait identique (0,417 euro).
Mais pourquoi Molotov a-t-il eu du mal à honorer ce montant ? Tout simplement parce que les ayants droit ont envoyé une seule facture pour un paiement unique, ce qui tombait au plus mal pour la jeune pousse de « la télévision réinventée ».
Une situation financière et une période délicates
Ce courrier réceptionné, la startup a dès lors exposé en justice « avoir des besoins de financement très importants à satisfaire pour la recherche et développement des outils et matériels technologiques nécessaires à son activité, avant de devenir un modèle économique viable et profitable à terme ».
Molotov a même sollicité, dans une procédure parallèle devant le juge de la conciliation du tribunal de commerce, l’étalement de cette redevance au motif que « sa situation actuelle ne lui permet pas d’honorer les échéances ».
Devant le TGI, elle relevait au surplus avoir « rencontré des difficultés de trésorerie qui l’ont contrainte à envisager une procédure de cession ou de prise de participation majoritaire de la société ».
On apprend au passage que le 31 décembre, après des mois de discussions, un « acteur institutionnel » signait avec Molotov un protocole d’accord en vue de la cession de la plateforme. Cela confirme à demi-mot l’actualité du 20 décembre de L’Express-L’Expansion selon qui Molotov était alors en négociation avec France Télévisions.
Seulement, le 6 mars, veille de l’ordonnance, Molotov a indiqué au tribunal que cette cession « n’a pas abouti, mais qu’elle est en pourparlers avec un nouvel investisseur ». Il est simple d’identifier ce « nouvel investisseur » puisque quelques semaines plus tôt, Altice annonçait sa volonté de devenir actionnaire majoritaire.
Bref, dans cette période charnière épineuse, Pierre Lescure et ses acolytes réclamaient ou bien un sursis à statuer, en attendant la décision du tribunal de commerce, ou bien un délai de paiement imposé par le TGI.
Ces deux leviers ont été rejetés par le tribunal : le premier pour des raisons de procédure (seul un projet d’assignation avait été déposé, l’assignation n’avait pas encore été délivrée à la date considérée), le second pour des raisons tenant à la nature de la « rémunération pour copie privée ».
La redevance ? Une dette alimentaire selon le TGI
Selon l’article 1343 - 5 du Code civil, un juge peut en effet toujours « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». Seulement, le dernier alinéa de cette disposition prévoit que ce report ou cet échelonnement n’est pas applicable « aux dettes d'aliment ».
Or, selon l’ordonnance, ces redevances dues aux auteurs et à leurs ayants droit « ont un caractère alimentaire, au même titre que les sommes dues en raison de l’exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire et artistique, qui sont déclarées comme telles ». Ainsi, « le paiement des redevances de copie privée, n’est donc pas susceptible d’aménagement ».
Pour le tribunal de grande instance de Paris, la redevance pour copie privée que touchent les auteurs et artistes interprètes aurait ainsi la qualité d’une dette alimentaire, insusceptible d’étalement dans le temps. L’analyse est conforme à une précédente jurisprudence de la Cour d’appel de Paris
En 2007, celle-ci avait déjà estimé que la redevance en question « en ce qu’elle est destinée à compenser la perte résultant pour les titulaires du droit d’auteur de la pratique de la reproduction privée se substituant à la vente de supports enregistrés, a, à l’évidence, par nature, un caractère alimentaire ». En 2016, réplique de la même juridiction, qui refuse au surplus de soulever une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
On notera néanmoins que la Cour de justice de l’Union européenne a expliqué depuis à l’ensemble des États membres que, en matière de TVA, la redevance « ne constitue pas la contre-valeur directe d’une quelconque prestation, car elle est liée au préjudice résultant pour ces titulaires de la reproduction de leurs œuvres protégées, effectuée sans leur autorisation ».
Au final, Molotov a donc été condamnée à payer 1 435 324,91 euros à Copie France. Selon nos informations, un appel a été interjeté contre l’ordonnance, mais un accord amiable pourrait éteindre ce litige, une fois la levée de fonds bouclée avec Altice, autour du mois de mai.
Retour sur la condamnation de Molotov à payer 1,4 million d’euros de copie privée
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Une situation financière et une période délicates
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La redevance ? Une dette alimentaire selon le TGI
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 03/04/2019 à 10h39
C’est parce qu’il faut faire de l’aquaponey au lieu de l’aquabike…. " /> oui je sais je sors…
Le 03/04/2019 à 10h47
Pour ma part je suis étonné que l’augmentation brutale de la redevance (100%…) n’ai pas été prise en compte un seul instant.
Car je ne connais pas d’autres dettes alimentaires susceptibles d’être multipliées par deux par un lobby à la fois juge, partie et bénéficiaire un coup de baguette magique.
Pareil, assimiler ces montants à une dette alimentaire me parait clairement abusif (du haut de mon manque de culture juridique " />).
En quoi “les sommes dues en raison de l’exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire et artistique” peuvent être assimilées à des aliments ? Quel différence avec un loyer par exemple ?
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/aliments.php
Le 03/04/2019 à 13h55
Moi, j’aurais surtout objecté que seuls 75 % sont alimentaires, le reste permet de financer le spectacle vivant, les manifestations culturelles, mais aussi les défenses d’intérêts catégoriels.
Le 03/04/2019 à 15h16
Appel à été interjeté mais l’ordonnance est exécutoire par provision (normal en référé), donc c’est maintenant qu’il faut casquer. Sauf à faire un recours spécifique pour lever l’exécution provisoire.
Le 03/04/2019 à 18h22
Des parasites, la mafia française soutenue par l’état " />
Le 03/04/2019 à 21h57
sale pauvre, le caviar et le champe ça coute une blinde, c’est sur que quand on est un sans dent comme toi on peut pas comprendre le mot alimentaire.
retourne bouffer tes pates au jambon, nous à la sacem on appelle ça le forfait hospitalier et c’est remboursé par la sécu. c’est notre régime quand on va en cure de desintox! " />
Le 04/04/2019 à 13h20
Le 04/04/2019 à 13h25
Oui ?
Le 04/04/2019 à 16h35
Le 02/04/2019 à 14h12
Il faut nourrir les vautours " />
Le 02/04/2019 à 14h14
“Bonjour, alors on a une bonne idée pour aider la TV, c’est gratuit, ça ne coûte rien à personne, ça marche, et les gens seront cont-”
“Bonjour on est Copie France, voici une facture de 1.5 million d’euros non échelonnable, merci”
Le 02/04/2019 à 14h20
Autant tuer Molotov tout de suite. Mais avec la génération Netflix et autres façons de consomme le média, ça n’est pas comme ça qu’ils vont regagner le marché déjà perdu.
Le 02/04/2019 à 14h27
Avec l’arrivée prévue de Salto, il ne faudrait pas avoir un concurrent français qui marche sur leurs plates bandes " />
Le 02/04/2019 à 14h45
Donc on pond un barême spécial Molotov, puis on condamne Molotov à une grosse amende.
Une fois que c’est fait on achète Molotov pour peau de balle pour en faire une appli de streaming maison.
un enterrement en bonne et due forme d’une idée assez sympa.
Le 02/04/2019 à 14h47
Les ayants-droits nous montrent ici avec Molotov en quoi Google a tout gagné avec l’article 17.
Dans 4 ou 5 ans, les ayants-droits repleureront dans les bras des députés parce que la dîm… les droits n’auront pas augmenté alors que tout aurait dû le faire en ce sens d’après eux…
En tant que bon rentiers, ils ne peuvent pas comprendre le marché ni les consommateurs.
Le 02/04/2019 à 14h51
En gros cette amende et le non étalement des échéances les a poussé dans les bras d’Altice. Une alliance de raison sans doute pas de gaieté de cœur au final.
Le 02/04/2019 à 14h55
Le 02/04/2019 à 15h14
Le 02/04/2019 à 15h16
c’est aussi la question que je me pose. " />
c’est absolument pas une amende, je sais pas pourquoi j’ai écris ça.
Le 02/04/2019 à 15h19
si y’a plus personne pour les payer ça sert pas à grand chose.
le truc rigolo c’est que les bénéficiaires de la RCP “spéciale Molotov” sont les mêmes que les bénéficiaires du versement ordonné par la condamnation.
au lieu d’attendre que Molotov soit rentable pour toucher 1.5M par an, ils vont toucher une fois 1.4M.
Le 02/04/2019 à 15h32
Si j’ai bien compris, Molotov a le devoir de payer sa redevance copie privée, mais ma mère n’a toujours pas le droit d’enregistrer Top chef pendant qu’elle est à l’aquabike.. ? :o
Le 02/04/2019 à 15h46
Si, avec un magnétoscope vhs." />
Le 02/04/2019 à 15h51
Sauf que l’émission de top chef est sur une chaine qui ne perçoit pas de redevance…
Donc ne pas avoir le droit de le copier est “logique” comme c’est déjà le cas sur les freebox par exemple (on ne peut pas récupérer le fichier)
Le 02/04/2019 à 15h51
ah ben si c’est alimentaire " /> ça prouve simplement qu’ils ne se gavent pas
Le 02/04/2019 à 15h53
Quel rapport avec la redevance ?
Le 02/04/2019 à 15h54
edit : grillé par le 42.
Le 02/04/2019 à 15h55
Je vois pas le rapport entre la redevance tv et le droit de copier, c’est 2 sujet différent." />
Le 02/04/2019 à 16h10
Le 02/04/2019 à 16h11
Pour ceux qui parlent de Netflix les ayants droit s’en foutent…. ils touchent des sous la dessus aussi " />
Le 02/04/2019 à 16h43
Je me disais naïvement que Pierre Lescure était plein aux as…il était quand même PDG de Canal dans les années 90. D’après wikipedia, il aurait touché près de 3 millions quand il s’est fait débarquer.
Ben en fait, c’est peut-être pas le cas.
Mais bon, “cela ne nous regarde pas”.
Le 02/04/2019 à 16h53
Le 02/04/2019 à 21h00
Navrant.
Molotov est vraiment une super application (je suis abonné payant).
Altice a de gros moyens. Espérons qu’ils ne la sabotent pas…
Le 03/04/2019 à 07h42
Le 03/04/2019 à 07h43
Le 03/04/2019 à 07h48
mais on te le dit :
ces redevances dues aux auteurs et à leurs ayants droit « ont un caractère alimentaire
pfff…. t’as pas de coeur
" />" />" />
Le 03/04/2019 à 08h19
Le 03/04/2019 à 09h31