Skype pris en flagrant délit d’espionnage des conversations en Chine
Une demi-reconnaissance par Microsoft
Le 08 mars 2013 à 16h20
5 min
Logiciel
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La relation entre Skype et le gouvernement chinois vient de subir un éclairage violent. Un étudiant de l’université du Nouveau-Mexique a en effet révélé que la version modifiée du client VoIP disposait de mécanismes de détection pour trouver des mots clés faisant partie d’une importante liste. Explications.
Le travail d'un étudiant
Jeffrey Knockel est un étudiant de 27 ans de l’université du Nouveau-Mexique à Albuquerque. En avril 2011, un conseiller de l’université lui parle d’un document rédigé par un chercheur canadien, Nart Villeneuve. Ce dernier indiquait avoir découvert que des serveurs chinois pouvaient stocker des conversations Skype une fois qu’elles avaient été marquées par des signaux inconnus. Une surveillance était déclenchée sur des mots particuliers, mais il était alors impossible de savoir lesquels. Un seul mot semblait certain : « fuck ».
Knockel décide de s’emparer du problème et de télécharger alors une copie de Skype en provenance de Chine. Il faut savoir que cette version très particulière n’est pas la même que celle que l’on trouve dans le reste du monde. Elle est éditée par une coentreprise constituée de Skype mais surtout de TOM Online, l’un des plus gros opérateurs et fournisseurs Internet du pays. Un FAI qui déjà en octobre 2008, interrogé sur la censure, avait répondu être une entreprise chinoise et devant donc suivre les lois du pays.
Recherche binaire de longue haleine
Une fois TOM-Skype installé, Knockel s’est lancé à la recherche de la liste. La trouver ne fut pas le plus difficile. Son schéma de données était par contre changeant, les mots étant noyés dans des données inutiles et changeant de place. Après avoir obtenu une copie de la liste, il a procédé par recherche binaire. Partant du principe que le mot « fuck » y était contenu, il a divisé la base en deux et a cherché l’occurrence. La partie dans laquelle le mot n’était pas était alors éliminée. Il a ensuite divisé à nouveau la partie restante, et ainsi de suite jusqu’à isoler le mot dans le fragment de liste restant.
Après avoir acquis une certaine connaissance de la manière dont a été conçue la liste, l’étudiant d’Albuquerque a commencé à isoler davantage de mots. Il en est aujourd’hui à environ 2000 expressions, soit des mots isolés, soit des phrases, parmi lesquels :
- Droits de l’homme
- Reporters sans frontières
- BBC News
- Révolution de jasmin
- Îles Diaoyu
- Protestations étudiantes
- Amnesty International
- Manifestation
- Incident de juin
- Jon Huntsman
Mot détecté, conversation archivée
Mais comment le système fonctionne-t-il au juste ? Comme l’a expliqué Jeffrey Knockel à Bloomberg, la surveillance se fait sur la partie texte de Skype, non sur la partie téléphonique. Les conversations sont surveillées et l’envoi d’un message contenant au moins l’un des mots de la liste noir provoque immédiatement l’émission d’un signal. L’ensemble de la conversation est alors enregistré et envoyé à des serveurs distants. Le nom du compte, l’heure et la date sont également dans le lot, ainsi qu’une indication spécifiant si le message a été envoyé ou reçu par l’utilisateur.
Plusieurs éléments sont assez significatifs. Par exemple, la liste est mise à jour très régulièrement. En fait, chaque nouvelle connexion du client au réseau vérifie la présence d’une nouvelle version. Dans les ajouts récents, on trouve l’inclusion du mot « Ferrari » faisant référence à la mort dans un accident du fils d’un membre haut-placé du Parti. Plus étonnant, certaines adresses précises sont référencées, signe que des personnes particulières sont surveillées. Autre information importante : si un utilisateur de Skype classique discute avec un contact chinois se servant de TOM-Skype, la surveillance s’applique également. Ainsi, si vous êtes en France et que vous mentionnez les droits de l’homme ou les évènements de Tiananmen, votre contact en Chine se verra repéré et la conversation sera enregistré et envoyée, dans l’optique probablement d’un examen plus approfondi.
Microsoft reconnaît que TOM-Skype obéit aux lois chinoises
Alors que se tiendra aujourd’hui une présentation à Boston des travaux de Jeffrey Knockel, les réactions des principaux intéressés sont mitigées. Tom Online n’a pas répondu aux demandes de l’étudiant, mais Microsoft, qui entre temps a racheté Skype pour 8,5 milliards de dollars, a fourni une introduction au parfum floral : « La mission de Skype est d’abattre les barrières de la communication et de permettre des conversations mondiales. Skype s’engage à une amélioration constante de la transparence pour l’utilisateur final, où qu’il soit ». La suite avait cependant des relents de souffre : « en Chine, le logiciel Skype est conçu via une coentreprise avec TOM Online. En tant que partenaire majoritaire dans la coentreprise, TOM a établi des procédures pour remplir ses obligations vis-à-vis des lois locales ». Une reconnaissance indirecte qu’un logiciel portant l’estampille maison a été modifié pour être adapté aux lois chinoises.
Concernant Microsoft, l’étudiant se dit déçu, attendant « mieux de la part » de la firme. Il rappelle d’ailleurs qu’elle est un des membres fondateurs de la Global Network Initiative qui milite pour une responsabilité des entreprises dans le domaine de la liberté d’expression. Un conflit évident dans la communication du géant sur lequel Jeffrey Knockel espère des réponses plus précises dans l’avenir.
Difficile également de ne pas repenser à la lettre ouverte en janvier dernier adressée à Microsoft par des individus, journalistes et autres, ainsi que des associations. Une lettre qui demandait à la firme justement une plus grande transparence dans les protocoles de sécurité pour garantir le respect de la vie privée et la liberté d'expression.
Skype pris en flagrant délit d’espionnage des conversations en Chine
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Le travail d'un étudiant
Commentaires (54)
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Abonnez-vousLe 09/03/2013 à 18h03
Le 14/03/2013 à 17h10
Le 08/03/2013 à 16h34
Microsoft centralisait déjà les conversations à l’époque de MSN… Et le droit chinois n’était pas en cause !
Le 08/03/2013 à 16h34
Si je comprends bien, Skype ne fait que respecter les lois chinoises…
S’ils veulent faire du businness, il vaut mieux respecter les règles, Se priver d’un aussi gros marché est aujourd’hui impossible pour une multinationale comme Microsoft.
Alors les gars on fait du fric ou on se bat pour les droits de l’homme et la liberté d’expression… Je crois que le choix est vite fait " />
Le 08/03/2013 à 16h35
Le 08/03/2013 à 16h35
Microsoft a aussi aidé à espionner les tunisiens en 2011.
Une bien belle entreprise.
Le 08/03/2013 à 16h37
Le 08/03/2013 à 16h39
Le 08/03/2013 à 16h39
Le 08/03/2013 à 16h40
Le 08/03/2013 à 16h41
Le 08/03/2013 à 16h41
P’tet que PCI fait la même chose …
Allez j’essaie avec ma liste :
Le 08/03/2013 à 16h44
Le 08/03/2013 à 16h45
Le 08/03/2013 à 16h47
Le 08/03/2013 à 16h48
Le 08/03/2013 à 16h56
Le 08/03/2013 à 16h58
Le 08/03/2013 à 20h13
Le 08/03/2013 à 20h42
Le 08/03/2013 à 21h22
Le 08/03/2013 à 22h01
Le 08/03/2013 à 22h56
Le 08/03/2013 à 23h57
Le 08/03/2013 à 23h58
Le 09/03/2013 à 05h01
Faudrait les “spammer” avec un petit programme qui n’envoie que des mots surveillés toutes les millisecondes, ça leur ferait les pieds" />.
Le 09/03/2013 à 06h46
Le 09/03/2013 à 07h25
Tu as des sources?
la rumeur d’espionnage par Skype n’est pas nouvelle
il suffit de taper “skype espion” dans le navigateur
Le 09/03/2013 à 07h39
Toutes les versions de Skype utilisées en occident doivent aussi répondre aux contraintes légales en vigueur dans ces pays. Donc, en France, toutes les conversations évoquant le terrorisme, la pédophilie, les trafics d’armes et de drogues, les instigations d’attentats sont également pistées. Je serai très étonné que ce ne soit pas le cas. Que donnerait l’analyse du binaire fourni par http://www.skype.com/fr/ avec la méthodologie évoquée dans cet article ? A mon avis, on retrouverait le même principe. La prochaine évolution de ce logiciel en Chine va être le cryptage de la liste des mots et expressions à surveiller. C’est étonnant que ce ne soit pas le déjà cas…
Le 09/03/2013 à 07h54
ça doit etre partout pareil " />
En France certains mots clés archivent style UMP,PS,Front de gauche,armes, pédophilie,NKM,smig a 2000€, président de " /> etc……
Le 09/03/2013 à 07h56
Le 09/03/2013 à 08h49
Le 09/03/2013 à 15h13
Si j’ai bonne mémoire, lu dans le Virus Informatique je crois, les Suédois se sont rendus compte que les USA profitaient de failles (voulues ?) dans Windows NT (je sais, ça date un peu) pour faire de l’espionnage industriel.
Plus proche, des cadres pas très malins d’Airbus nous ont fait perdre un gros marché en Amérique Latine (piqué pas Boeing !) en utilisant, les sots, leurs cellulaires écoutés par… les services US.
Le FBI est aussi dans le coup après avoir demandé aux sociétés d’antivirus américains de faire en sorte que leur virus ne soient pas détectés. L’espionnage des courriels des particuliers, ils connaissent. Même ceux d’autres pays. toujours avec le prétexte de la lutte antiterroriste. Ce qui leur permet tous les abus, bien entendu.
Bref, nos “amis” sont pires que ceux qu’ils dénoncent.
Se souvenir, il y a quelques années, qu’ils avaient prévenus les services français comme quoi leurs services avaient été infiltrés par ceux des… chinois.
Comment l’ont-ils su ? Après avoir eux-mêmes infiltré les serveurs français ou pour discréditer la Chine ?
Pendant qu’on écoute (et pour certains croient) leurs conneries, eux n’y vont pas par quatre chemin ! Un peu comme les prestidigitateurs qui nous disent de regarder leur main droite tandis que la gauche magouille… " />
Quels faux-culs !
Le 09/03/2013 à 15h32
Le 08/03/2013 à 16h26
Entre ça ou être bloqué, je pense que le choix se fait rapidement… " />
Ce qui n’empêche pas à l’entreprise de faire du lobbying à coté, ça c’est autre chose…
Le 08/03/2013 à 16h30
Je pense que c’est connu qu”il y a la même chose aux US avec certains mots-clés. Le souci c’est parceque c’est en Chine ?
Le 08/03/2013 à 16h33
Le 08/03/2013 à 16h33
Vous vous êtes relu avant de poster l’article :
…un étudiant de 27 de l’université du …
…de la manière dont été conçue la liste…
Le 08/03/2013 à 17h00
Sans deconner ? Le gvt chinois aurait imposé d’espionner les communications de ses ouailles sur des mots clés comme RSF, droits de l’Homme, j’imagine Tien An Men, etc…
Et MS se serait exécuté pour faire du pognon et entrer dans le plus grand marché du monde ?
Je suis tout surprise !!!
Le 08/03/2013 à 17h21
Le 08/03/2013 à 17h39
Tiens, je rajoutes le test du Skype chinois sur ma liste des choses à faire une fois là bas " />
(note : ça marche aussi avec les conversations téléphoniques “standards” et les SMS)
Le 08/03/2013 à 17h43
Et pendant ce temps-là… ^^
http://www.developpez.net/forums/d1317901/club-professionnels-informatique/actua…
Le 08/03/2013 à 17h43
Les yeux sont bridés mais les oreilles sont elles grandes ouvertes. " />
Le 08/03/2013 à 18h08
Le 08/03/2013 à 18h10
Le 08/03/2013 à 18h15
Et il se passe quoi si des Chinois téléchargent et utilisent une version de Skype autre ? Techniquement du moins, il se passe quoi ?
Le 08/03/2013 à 18h17
Skype s’engage à une amélioration constante de la transparence pour l’utilisateur final, où qu’il soit
Bon, on va dire qu’il y a effectivement de la place pour “l’amelioration constante de la transparence”. Vu d’ou ils partent, ils peuvent “s’ameliorer” pendant 10 a 20 ans facile. :)
Serieusement, qu’ils “respectent les lois locales”, aussi injustes soient-elles, ca peut se comprendre. C’est cynique, je n’approuve pas, mais ce sont les affaires. Par contre, la transparence sur le sujet, c’est manifestement pas trop ca non plus.
Le 08/03/2013 à 18h18
Le 08/03/2013 à 18h26
jabber + OTR " />
Le 08/03/2013 à 18h29
Le 08/03/2013 à 18h58
Le 08/03/2013 à 19h14
Le 08/03/2013 à 19h23
Le 08/03/2013 à 19h34
Cela explique pourquoi skydrive est le seul stockage cloud accessible en chine.