Une capture d’écran imprimée sur une feuille de papier peut-elle servir de preuve devant la justice ? Non, vient de répondre le tribunal de grande instance de Paris lors d’une affaire de diffamation. Explications.
La 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a statué le 10 avril dernier sur une affaire dans laquelle Lionel D., responsable du site Internet www.planetepeople.com, était attaqué pour diffamation (en qualité de directeur de publication du site). Des poursuites avaient été engagées à son encontre suite à la diffusion d’un article, « Vincent M. a-t-il dérapé sur l’antenne d’RMC », lequel avait été publié sur le Web en octobre 2011.
Devant le tribunal, les plaignants apportaient comme preuve une feuille sur laquelle était imprimée une capture d’écran de l’article en question. Sauf que Lionel D. se défendait en rétorquant que cette preuve n’était pas recevable. Il faisait ainsi valoir que le document ne contenait même pas l’adresse URL complète d’où provenait la capture, mais juste « http://www.planetepeople.com/news/v... ».
La simple impression sur papier ne permet pas d'établir la réalité de la publication
Dans sa décision, disponible sur Legalis, le TGI de Paris a donné raison à la défense en considérant que « lorsqu’il s’agit d’établir la réalité d’une publication sur le réseau internet, la production d’une simple impression sur papier est insuffisante pour établir la réalité de la publication ». Tout en rappelant que « la preuve d’un fait juridique n’est, en principe, et ainsi qu’en dispose l’article 1348 du code civil, soumise à aucune condition de forme », les magistrats ont ici écarté le moyen de preuve apporté par les plaignants, dans la mesure où cette impression aurait très bien pu être « modifiée ou être issue de la mémoire cache de l’ordinateur utilisé dont il n’est pas justifié que cette mémoire ait été, en l’occurrence, préalablement vidée ».
Les juges ont ainsi estimé que l’état du document ne permettait pas d’authentifier la véracité des informations que celui-ci tentait de démontrer, « tant dans son contenu, que dans sa date et dans son caractère public ». Ils ont également écarté le procès verbal de constat dressé le 2 avril 2012 par un huissier, en ce que l’article en cause n’était, à cette date-là, plus accessible en ligne. L’action du plaignant a dès lors été jugée irrecevable et Lionel D. n’a pas été condamné pour diffamation.
Rappelons enfin que le TGI de Paris avait admis en 2009, dans une affaire de contrefaçon, des captures d’écran comme moyen de preuve. Celles-ci étaient toutefois étendues, c'est-à-dire prenant la page entière, et non la partie uniquement visible sur l'écran.
Commentaires (56)
Que ça soit une impression ou un fichier numérique, c’est super simple à falsifier.
Il suffit d’enregistrer une page et d’en modifier le code HTML pour y écrire ce que l’ont veut, puis coller la bonne URL dans la barre d’adresse.
C’est beaucoup plus simple que de trafiquer un enregistrement audio ou vidéo.
Et donc comment ils doivent faire ?
et donc, comment apporter une preuve de publication dans un tel cas ? parce que c’est bien gentil de signifier que ce n’est pas recevable et de débouter le plaignant, mais ça ne fait pas avancer grand chose…
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Je me demande si la réponse de la justice aurait été différente si la page en question avait été copiée par web.archive.org ou équivalent. Voilà une bonne idée pour des notaires, tiens, un système automatique de capture qui pourrait servir de preuve devant la justice.
Ah…. lu trop vite.
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C’est fort quand même. La justice qui ne reconnait pas la parole d’un huissier… de justice.
En même temps, faire valider par un huissier en avril 2012 un page internet imprimée en octobre 2011, il faut vouloir se faire taper sur les doigts.
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Ils peuvent regarder dans les caches, ils sont datés. Mais il faut une vraie volonté donc une commission rogatoire et ça fait dépenser beaucoup de blé pour pas grand chose. Ils peuvent aussi produire des témoins, là encore il faut une vraie volonté.
Ça prend combien de temps pour faire réaliser un constat par huissier ? Ça peut se faire dans l’heure ça ?
Non mais la ça voudrais dire que le constat des huissiers doit sans doute reposer sur l’impression et non pas la page web.
Merci pour cette information !
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Je suis justement en réflexion pour m’occuper d’une entreprise d’un point de vue juridique …. et de nos jours …. toutes les preuves sont informatisées .
Tiens, je râle souvent, mais là : PCi
ou alors trafiquer une page html à coup de marqueur sur son ecran.
Donc, si un site internet a publié que je suis un violeur, qu’on a brûlé ma maison, et que l’article est ensuite supprimé, je ne pourrai pas porter plainte, même si je montre que la page était présente à ce moment là ?
Le numérique comme preuve, en général, c’est bon pour un cassage de dents.