Les acteurs du Web craignent les effets de bord du droit à l’effacement
Gomme de mémoire
Le 16 mai 2014 à 07h30
4 min
Droit
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Le récent arrêt de la Cour de Luxembourg, consacrant un droit à l’effacement dans les moteurs comme Google, fait sursauter l’ASIC. L’association des sites internet communautaires compte dans ses membres Microsoft, Priceminister, Yahoo, Ebuzzing ou encore Google.
La Cour de justice de l’Union européenne a consacré la possibilité pour les internautes d’obtenir le déréférencement de leur nom dans les moteurs. Ce droit n’est cependant pas immédiat ou automatique, mais suppose qu’au moins une de ces conditions ne soit pas remplie :
- Les données à caractère personnel sont « traitées loyalement et licitement »
- Les données sont « collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne [sont pas] traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités »
- Les données sont « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement »,
- Les données sont « exactes et, si nécessaire, mises à jour »
- Les données sont « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ».
Il faut donc que les données soient devenues inexactes, inadéquates, non pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement, ou non mises à jour ou conservées pendant une durée excessive. Dans un des tels cas, les juridictions nationales devront pouvoir obtenir l’effacement. Sauf, relativise encore la CJUE, si des considérations historiques, statistiques ou scientifiques sont en jeu ou si le demandeur est une personnalité connue. Auquel cas, le droit à l’information des autres citoyens prime sur ces composantes de sa vie privée.
Un risque d'atteinte à la liberté d'expression ?
Comme Reporters sans frontière, l’ASIC craint malgré tout une atteinte à la liberté d’expression, du moins si cette mesure venait à se généraliser. L’association, qui compte dans ses rangs Google, reprend les critiques qu’elle avait déjà émises lorsque la question du droit à l’oubli fut poussée en avant par la CNIL : « l’acte de déréférencement qui serait ainsi opéré ne concernerait pas la seule mention des informations personnelles de la personne, mais bien l’intégralité de la page. Un internaute souhaitant effacer un commentaire situé sur une page aura pour effet de supprimer toute référence à cette page. Celle-ci disparaîtrait donc des moteurs de recherche à tout jamais. »
Il suffirait en effet que cet internaute ait simplement commenté une ou plusieurs pages pour obtenir leur effacement des moteurs. Et l’ASIC d’embrayer : « imaginerait-on qu’une bibliothèque soit tenue d’arracher la page d’un livre en raison de la mention d’une personne en note de bas de page alors qu’elle y figure en toute légalité ? C’est pourtant ce que demande la Cour de justice de l’Union européenne aux acteurs de l’internet ! ». Toutefois, cela supposerait d'abord, répétons-le, que soient réunies avant tout les conditions rappelées par la CJUE.
Les moteurs, juges de la légitimité des retraits
Un autre point est que ce dispositif fait au final des moteurs les juges de la légitimité des retraits, regrette l’association. « Alors que la Cour fixe un certain nombre de limites à l’exercice de ce nouveau droit à l’effacement, elle demande en parallèle à des intermédiaires techniques de se faire juge et donc de décider ce qui devra ou non disparaître. L’absence de tout contrôle préalable par une autorité indépendante, magistrat ou autorité administrative, constitue une perte importante de garde-fous surtout au regard de contenus qui ne sont pas illicites. »
Enfin, la CJUE a bien souligné que Google menait un traitement de données personnelles et en était responsable. Effet immédiat ? L’internaute n’a pas à obtenir l’effacement de son nom dans le site référencé avant d’aller voir le moteur. La CJUE a donc refusé le principe de subsidiarité qui veut que les personnes doivent d’abord se rendre auprès d’un éditeur, avant d’aller voir les intermédiaires si un contenu déplait. L’ASIC demande du coup que ce principe soit injecté dans le projet de règlement sur les données personnelles, lequel compte bien instaurer un droit à l’oubli dans toute l’Europe.
On pourra revoir sur ces questions notre émission du 14h42 consacrée à la question du droit à l'oubli.
Le 16 mai 2014 à 07h30
Les acteurs du Web craignent les effets de bord du droit à l’effacement
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Un risque d'atteinte à la liberté d'expression ?
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Les moteurs, juges de la légitimité des retraits
Commentaires (29)
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Abonnez-vousLe 16/05/2014 à 07h47
#1
La comparaison avec la bibliothèque est un peu fausse.
Je n’aurais pas dit que ça consiste à “arracher la page” (vu que la page web existe toujours du bouquin) mais à enlever le livre du catalogue de la bibliothèque (et qu’il soit donc plus dur à trouver).
Sinon je suis un peu partagé. Techniquement, pour moi ça enfreint pas la loi d’expression (tes propos existent toujours) mais dans les fait c’est le cas un peu quand même, c’est juste que c’est fait de manière détournée. Mais d’un autre côté je comprends que quelqu’un puisse bénéficier du droit à l’oubli (je pense par exemple aux pauvres gamins qui font des vidéos youtube qui se retrouvent partout)… Mais j’imagine aussi très bien les dérives.
Bref, je ne sais vraiment pas quoi en penser. " />
Le 16/05/2014 à 07h48
#2
c’est un sujet vraiment complexe. Dure de se prononcer.
Le 16/05/2014 à 07h57
#3
Je pense qu’avant de s’avancer, au vu de la complexité de l’affaire, il va falloir attendre le retour des juridictions espagnoles censées se prononcer sur l’intérêt du public à connaître ces informations.
Le 16/05/2014 à 08h06
#4
Le 16/05/2014 à 08h11
#5
Me mieux serait de demander a Bluetouffe de mettre en ligne un PDF sur un serveur FTP pour faire sauter Internet, résultats tout serait effacé mais ferait quand même des déchets radioactifs. " />
Pour infos je suis juge et juriste " />
Le 16/05/2014 à 08h15
#6
le problème intervient quand votre nom est associé à tort à un fait. Même si vous faites 10000 trucs intéressants par la suite, si vous avez connu une célébrité à vos dépends c’est toujours ça qui reviendra dans les moteurs de recherche. C’est pas tant éloigné de la vraie vie mais c’est impossible à contourner.
du reste, comme dit il ne s’agit pas de supprimer le contenu, juste la référence au contenu.
Le 16/05/2014 à 08h20
#7
Pour le coup je me demande ce qui se passerait pour archive.org si des pages venaient à être déréférencées. Eux aussi seraient obligés de supprimer ces pages ?
Le 16/05/2014 à 08h21
#8
Les acteurs du web qui vivent du “big data” ou de l’open data n’aimeraient pas que quiconque puissent les empêcher de disposer le plus librement possible des données en leur possession (n’importe qui, à n’importe quel moment, sur des occurrences précises), ça fait beaucoup d’aléatoire dans leurs systèmes automatisés.
Le 16/05/2014 à 08h37
#9
Le 16/05/2014 à 09h03
#10
salut
je pense que ça appliquera pas souvent !
(au vu des, nombreuses, conditions –> “faut PAS çi..faut PAS ça” ! " />
Le 16/05/2014 à 09h08
#11
Mwééé, c’est un peu du foutage de gueule les arguments de l’ASIC.
Comme le rappelle Marc, faut que toutes les conditions exigées par la Cour soient réunies.
De plus, les conditions 1 et 5, si elles sont remplies, font que le site est déjà dans l’illégalité (non-respect de la vie privée et non-déclaration auprès de la CNIL). Elles peuvent déjà justifier à elles seules le déréférencement par un juge.
La Cour ne fait qu’apporter des précisions et encadrer la manière pour simplifier les demandes de déréférencement,
Le 16/05/2014 à 09h21
#12
Winston Smith va encore avoir du boulot " />
Le 16/05/2014 à 09h31
#13
Le 16/05/2014 à 09h39
#14
Le 16/05/2014 à 11h48
#15
Je vois là une opportunité inouïe pour les politiques véreux et procéduriers de faire oublier les conneries et autres arnaques passées et revenir en politique tel un agneau qui vient de naître !
Le 16/05/2014 à 12h05
#16
Le 16/05/2014 à 12h39
#17
Le 16/05/2014 à 12h59
#18
Le 16/05/2014 à 13h10
#19
Le 16/05/2014 à 13h58
#20
Et l’ASIC d’embrayer : « imaginerait-on qu’une bibliothèque soit tenue d’arracher la page d’un livre en raison de la mention d’une personne en note de bas de page alors qu’elle y figure en toute légalité ? C’est pourtant ce que demande la Cour de justice de l’Union européenne aux acteurs de l’internet ! ».
Oui mais non la page n’est pas arrachée.
Seule la référence dans le listing à cette page est annulée.
Le 16/05/2014 à 14h01
#21
Le 16/05/2014 à 15h23
#22
Je ne suis pas d’accord avec le risque qu’ils avancent. Le fait de ne plus prendre en compte le commentaire d’une personne, ne devrait pas faire ignorer l’ensemble de la page. Il suffit juste d’extraire le nom en question du contenu indexé par le moteur de recherche, pour que le reste du contenu de la page soit toujours présent, et donc trouvable lors d’une recherche.
Le fait de tout dégager, c’est juste la solution de facilité.
Par contre, ils n’évoquent pas le coup des homonymes. À travers le monde, plusieurs personnes ont le même nom que moi (sur Internet, on ne s’amuse pas à indiquer nos deuxième et troisième prénoms). Normalement, la personne devrait indiquer quelles pages sont précisément concernées. Le problème, et on l’a vu avec les ayants droits qui ont tendance à ratisser large, c’est qu’à l’arrivée, du contenu n’ayant rien à voir avec la personne en question, sera sans doute tout de même retiré de l’index.
Et là, franchement, ça m’emmerderai de me voir censuré à mon insu.
Le 16/05/2014 à 17h06
#23
Le 16/05/2014 à 17h11
#24
On m’a rapporté qu’Alain Juppé aimerait pouvoir effacer son passé de condamné, afin d’être plus crédible comme donneur de leçons, notamment pour les Présidentielles de 2017 !
Le 16/05/2014 à 17h16
#25
Pas besoin l’alzheimer se répand très vite la cinquantaine " />" />
Le 17/05/2014 à 18h31
#26
Les moteurs de recherche ne devraient pas avoir d’autre droit que de supprimer ce qui leur a été demandé ! Ils n’ont pas à juger du bien fondé de la demande : ils obéissent, et c’est tout !!! Quand je vois par qui et quoi j’ai du passer pour faire obtenir le déréférencement de contenus pédopornographiques référencés en masse par Google, alors que je leur avait signalé pendant de nombreux mois à de nombreuses reprises, cette polémique me laisse dubitatif…
Bande de " /> !!!
Le 17/05/2014 à 19h18
#27
Le 22/05/2014 à 19h10
#28
Le 22/05/2014 à 20h27
#29