Salariat déguisé, risques psychosociaux… chez Telus, des travailleurs du clic licenciés
Clicenciés

Contestées, les pratiques sociales de Telus International offrent un aperçu de problématiques récurrentes dans l’industrie du travail des données (modération, annotation, etc).
Le 26 mai à 17h02
4 min
Économie
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Début avril, 2 059 personnes travaillant dans les bureaux barcelonais de Telus Digital étaient licenciées. Méconnu du public, Telus est l’un des plus gros acteurs de la modération de contenus européens pour Meta, Google ou encore TikTok, aux côtés de Appen, Teleperformance ou Sama.
Devant la coupe dans ses effectifs, l’activiste numérique Xavier Brandao exprimait son inquiétude auprès de Next, alors même que le nombre de modérateurs francophones d’un Meta, propriétaire de Facebook, Instagram, Thread et WhatsApp, était déjà très faible (540 personnes francophones en 2024). Le licenciement barcelonais aurait en effet suivi la perte du contrat qui liait Telus à Meta, alors que Mark Zuckerberg annonçait en début d’année profondément revoir les pratiques de modération de sa société.
Si la publication d’offres de recrutement du côté de Sofia, en Bulgarie, où l’entreprise canadienne possède un autre centre de modération, laissent penser qu’une partie des emplois supprimés seront remplacés, le plan social espagnol n’était pas le premier. Au contraire, détaille Le Monde, Telus International fait même face à diverses accusations de mauvaise gestion de ses travailleurs.
En France, explique le quotidien, elle a été condamnée en janvier aux prud’hommes à verser 20 000 euros d’indemnités à un ex-travailleurs employé en freelance. La décision suggère que certaines pratiques adoptées par Telus vis-à-vis de ses modérateurs-autoentrepreneurs s’apparentent à du salariat déguisé.
Un géant canadien pour gérer nos données
Créé en 1990 au Canada, Telus International revendique 80 000 salariés dans le monde et propose une variété de produits numériques dans des industries comme la santé, les jeux vidéos ou l’automobile. En 2021, elle a racheté Lionbridge AI, un autre leader de l’industrie du business processing outsourcing (BPO, ou externalisation des processus métier).
Forte d’une installation sur tous les continents, ses équipes traitent une part non négligeable des données que les internautes font circuler sur les plus grandes plateformes numériques. Mais ces activités ne se font pas sans tensions.
Aux États-Unis, Telus a par exemple été critiquée pour payer des parents 50 dollars s’ils acceptaient de filmer leurs enfants habillés de divers accessoires (une manière d’entraîner des modèles d’IA). En Espagne, des syndicats avaient déjà dénoncé un projet de suspension des contrats de 680 modérateurs hispanophones, critiqué pour être une tentative déguisée de délocalisation vers l’Amérique latine.
En 2024, l’entreprise a par ailleurs été condamnée pour discrimination : les salaires des modérateurs variaient selon la langue pratiquée. Alors qu’un salarié sur cinq était en arrêt maladie en début d’années 2024, Telus International a aussi été condamnée à 41 000 euros d’amende pour mauvaise prise en compte des risques psychosociaux de ses équipes. La justice avait qualifié de « maladie professionnelle » les troubles psychologiques subis à la suite d’activités de modération.
Reconnaissance des emplois de modération
En France, en janvier, la justice a estimé qu’Alexandre Manet, un travailleur du clic qui réalisait des microfiches pour Lionbridge puis Telus depuis douze ans, avait beau le faire sous le statut d’autoentrepreneur, il était dans une situation de salariat. En effet, Telus était son seul client, il n’avait pas le choix des tâches à effectuer, qui étaient par ailleurs chronométrées…
Le Monde rapproche cette décision de celles obtenues par des livreurs travaillant pour d’autres sociétés de plateformes. Take Eat Easy et Deliveroo ont ainsi chacun été condamnés à payer des indemnités ou des amendes à la suite d’abus du statut de travailleur indépendant.
Alors que des employés du centre d’Izmir (en Turquie) ont été licenciés après avoir tenté de créer une section syndicale, ou qu’en Allemagne, un candidat aux élections professionnelles a été suspendu, les difficultés des travailleurs de Telus ressemblent à celle de beaucoup d’autres modérateurs, en Afrique et ailleurs dans le monde.
Au Parlement européen, plusieurs d’entre eux témoignaient fin 2024 de l’instabilité extrême de leur activité, et appelaient les eurodéputés à mieux réguler l’industrie du travail des données.
Salariat déguisé, risques psychosociaux… chez Telus, des travailleurs du clic licenciés
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Reconnaissance des emplois de modération
Commentaires (3)
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Abonnez-vousModifié le 26/05/2025 à 18h56
Leur systèmes est pas fameux, on te dit que le paiement automatique a été fais alors que ta carte de crédit est pleine pis le mois suivant il te charge des frais pour facture non payer!!!
So jsuis pas surpris d'une mauvaise gestion des employer
Modifié le 27/05/2025 à 07h32
Même si c'était aussi le cas avec le modèle des SSII et des clients qui tiraient trop sur la corde sous le regard bienveillant du commercial qui compte les TJ et sa com'.
Le 03/06/2025 à 08h58
s”pas de -s à jeux vidéo