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Au Canada, feu de désinformation pro-conservateurs en amont des élections

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Au Canada, feu de désinformation pro-conservateurs en amont des élections

Alors que les Canadiens élisent ce 28 avril un nouveau Parlement, ils ont subi en ligne un feu nourri de désinformation et de contenus pro-conservateurs.

Le 28 avril à 15h47

Ce lundi, les Canadiens sont appelés aux urnes pour des élections législatives. Le contexte politique est clairement influencé par la menace de guerre commerciale avec les États-Unis.

Depuis près d’un an, le Parti conservateur mené par Pierre Poilievre était donné favori par les sondages canadien. Dirigé par le premier ministre Mark Carney, qui vient de remplacer Justin Trudeau, le Parti libéral souffrait de « l’usure du pouvoir », selon le politologue Luc Turgeon interrogé par France Info. Mais les attaques de Donald Trump ont tout changé : depuis quelques semaines, la cote des libéraux a brusquement remonté.

En ligne, la population a par ailleurs fait face à un déferlement de désinformations d’autant plus préoccupant que Meta bloque depuis l’été 2023 tous les contenus médiatiques sur sa plateforme (une décision qui ne l’empêche pas d’utiliser les contenus journalistiques pour alimenter son IA, soulignait Radio Canada un an plus tard).

Sur d’autres réseaux, dont TikTok et X, les internautes sont bombardés de contenus pro-conservateurs. Leur portée est démultipliée par des pratiques inauthentiques, dont certaines poussées depuis les États-Unis.

Pas d’information ? Désinformons

Les élections législatives sont le premier rendez-vous politique de grande ampleur depuis la suspension de l’accès des médias aux plateformes de Meta, relève la société de lutte contre la désinformation Newsguard.

Résultat, sur Instagram, Facebook et Threads, la société a repéré huit mensonges liés aux élections, dont sept visant le premier ministre libéral Mark Carney. Un message l’accuse d’avoir vendu l’intégralité des réserves d’or canadienne lorsqu’il dirigeait la Banque du Canada, un autre lui reproche d’avoir formulé des incantations sataniques, un montage le montre nageant avec le pédocriminel Jeffrey Epstein…

Sur les trois plateformes, ces publications ont collecté plus d’un million de vues et 116 000 likes. Celle ayant recueilli le plus d’engagements affirme, à tort, que Carney a accusé les électeurs de Trump d’avoir causé « des dommages aux États-Unis pour des générations ».

Et si certaines ont été fact-checkées par les médias canadiens, Meta empêche ces contenus vérifiés de circuler sur ses réseaux sociaux. Or, d’après un sondage mené par le Reuters Institute après le blocage des contenus journalistes, 25 % des Canadiens interrogés continuent d’utiliser Facebook comme source d’informations.

Ingérence états-unienne ?

Outre ces éléments, deux enquêtes relèvent une promotion anormalement élevée de contenus pro-conservateurs.

Sur TikTok, le média Pivot détaille les activités de 928 profils qualifiés de « spammeurs », car très prolifiques : tous ont commenté plus de 100 fois en trois semaines, pour un total de 176 000 commentaires sur la période.

Dans le lot, 600 comptes tiennent des propos pro-conservateurs, 225 des propos pro-libéraux. Cela signifie que 0,2 % des internautes de l’échantillon analysés par le média sont responsables de 15 % de tous les commentaires, sachant que deux tiers de ces comptes sont pro-conservateurs.

Dans la mesure où les propos publiés sont reproduits à l’identique ou presque de multiples fois, la société Agoratlas, qui a réalisé l’analyse pour Pivot, évoque un comportement inauthentique. Des méthodes qui rappellent celles utilisées en Roumanie, où le candidat d’extrême-droite Călin Georgescu, crédité de 1 % d’intention de vote un mois avant le scrutin, avait obtenu 23 % des voix après des actions menées sur TikTok (la nouvelle élection roumaine se jouera les 4 et 18 mai).

En parallèle, le Financial Times a produit sa propre analyse de 350 000 publications sur X. Là encore, le média constate des activités coordonnées de promotion de Pierre Poilievre et d’attaques contre son concurrent Mark Carney.

Spécificité de ces opérations, selon les experts interrogés par le média : un volume important de désinformations est poussé par des acteurs états-uniens, dont des podcasters et influenceurs gravitant à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Elon Musk lui-même, propriétaire de X, a ouvertement soutenu Poilievre en janvier, de la même manière qu’il avait soutenu les candidats d’extrême-droite en Allemagne et de droite au Royaume-Uni.

Dans un sondage mené par le Canadian Digital Media Research Network, 68 % des Canadiens répondants se sont déclarés inquiets de possibles ingérences états-uniennes dans leurs élections. Le pays est en tête de leurs préoccupations en la matière, devant le rôle que pourraient jouer la Chine, la Russie et l’Inde.

Commentaires (9)

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Ca me conforte un peu plus dans l'idée qu'il faut urgement interdire ces plateformes au sein de l'UE.

C'est certe une position radicale. Mais l'intoxication des esprits au travers de celles-ci devient bien trop dangereuse pour rester sans agir.
Les conséquences économiques, que certains prédisent en cas d'arrêt, seront bien plus brutales si l'on continue de regarder sans agir.
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Faudrait surtout qualifier clairement ce qu'est la "Désinformation".

Dans l'omniprésent binarisme politique, tout est qualifié de pro-machin/anti-truc.
On va finir par avoir deux internet.
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c'est pas déjà le cas?
désinformation = fausse nouvelle sorties du chapeau ou contredisant des faits avérés ("la terre est plate", "les immigrés bouffent vos animaux de compagnie", etc.), non?
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Je ne sais pas...

Tant que ce n'est pas fact-checké (par qui ?) ce n'est pas de la désinformation ? Ca laisse le temps d'inonder les plateformes.

Wikipedia étend la définition aux informations "faussées" ou "biaisées". Donc ca peut aller loin.
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Il existe déjà plusieurs intranets nationaux dans des pays relativement fermés.
… et quand certains veulent empêcher leurs citoyens d'accéder à Internet mais sont incapable, comme le Pakistan à l'époque, ça se termine en trou noir BGP pour la région géographique uniquement (merci l'anycast !).

Ce que tu voulais certainement évoquer était quelque chose se moins technique et plus humain : le phénomène de bulles informationnelles.
Les réseaux sociaux ont simplement amplifié le biais de confirmation, le refus d'information de correspondant pas à l'opinion (le faits devant correspondre à l'opinion pour être valides, et non plus l'inverse), la défiance généralisée, l'hyper-critique, du contenu hors-bulle, et le renforcement des liens intra-bulles.

Les réseaux sociaux n'ont jamais été une source d'information, mais la paresse (intellectuelle, digitale - oui oui, les doigts -, entre autres) font que beaucoup les utilisent comme relais sans se poser de questions sur les conséquences sur la qualité, la sélectivité et les biais du contenu consulté (ai-je mentionné la paresse intellectuelle ?).
Ils renforcent l'auto-validation, nourrissent l'ego, et isolent : amusant, pour un réseau "connectant" les gens, non ?

Interdire ? Je commencerais par éduquer.
Car on ne devient un singe appuyant sur des boutons par hasard : quand on se pose un minimum de questions, on évite assez aisément de devenir comme cette majorité de la population.
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Le discours de l'éducation je l'ai tenu un temps. Longtemps.
Mais ça il fallait le faire il y a encore quelques années, quand on le pouvait encore. Maintenant je suis beaucoup plus pessimiste sur la possibilité de réussir à éduquer à temps, alors que l'on voit de plus en plus les effets délétères de ces plateformes et sur les individus, et sur la société en général.

Je n'ai aucunement dis qu'il ne faille pas éduquer.
Je dis qu'en l'état, quand on constate les dégâts, qui ne vont qu'en s'exacerbant, il faut prendre des mesures fortes. Et, à mon sens, et cela n'engage que moi, l'interdiction pure et simple est un moindre mal.

En quoi interdire ces plateformes serait venir à une forme d'intranet national et/ou européen ?
Je ne parle pas de mettre un firewall géant comme en Chine, ou de restreindre les accès extérieurs comme en Russie, ou dans tout autre régime totalitaire. Simplement de donner une réponse forte face à des plateformes qui se foutent littéralement des conséquences de leurs choix.

À un moment il faut arrêter le blabla et agir.
Les paroles vont un temps. Et même s'il faut maintenir un dialogue et faire preuve de modération, parfois, et malheureusement, la fermeté est la seule réponse possible... avant de rouvrir ledit dialogue.
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Je ne me pensais pas un jour défendre l'interdiction de plateformes, mais au vu des développements récents je suis maintenant d'accord avec toi.
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Est-ce qu'il existe des lois pour "protéger" les électeurs de ce type d'attaque au Canada, un peu comme ce qu'on a en France avec la "trêve électorale" ?
Est-ce que ça pourrait invalider l'élection en cas d'ingérence effective ?
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928 profils qualifiés de « spammeurs », car très prolifiques : tous ont commenté plus de 100 fois en trois semaines, pour un total de 176 000 commentaires sur la période.
100/21 = moins de 5 par jour, même si on compte les 176000 de ces 928 profils, on reste à 9 par jour de moyenne.

Est-ce vraiment du SPAM ?

Fred42, pas spammer, juste prolifique.

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