Licencié pour un article publié sur Internet, il obtient gain de cause devant la justice
Tu t'es vu quand t'abus
Le 26 mai 2015 à 15h02
3 min
Droit
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Au travers d’un arrêt rendu le 6 mai, la Cour de cassation a confirmé l’invalidation du licenciement d’un électricien qui avait critiqué une décision de son employeur sur un site Internet. Les magistrats ont jugé que le salarié n’avait pas abusé de son droit à la liberté d’expression.
Les faits remontent à 2011. Monsieur X, qui travaille depuis plus de deux ans pour le groupe SNEF, publie sur « MiroirSocial.com » un article dans lequel il affirme qu’un de ses collègues a été « sanctionné pour avoir soi-disant mal répondu à son chef d'équipe, motif monté de toutes pièces pour masquer la véritable raison de son licenciement ». Il poursuivait en expliquant que ce « jeune salarié avait osé revendiquer l'application du code du travail et des conventions collectives concernant le paiement des trajets de l'agence aux chantiers ».
Licencié pour faute grave moins d’un mois après la publication de cet article, l’électricien porte rapidement l’affaire devant les prud’hommes, où il obtient gain de cause. Même après l’appel de son employeur, la justice considère que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse. En clair, cette sanction n’était pas justifiée car il n’y avait aux yeux des magistrats ni injure, ni diffamation, ni atteinte à l’image, etc.
Au regard du contexte, les juges ont considéré qu’il s’agissait d’une simple opinion
Pourquoi ? Parce que ces propos ont été tenus « dans un climat social tendu, contemporain d'un mouvement de grève », ont relevé les magistrats de la cour d’appel de Rennes. De surcroît, ceux-ci ont remarqué que le site Miroir Social avait une audience modeste et se présentait comme un « média de l'information sociale, participatif et communautaire ». De telle sorte que Monsieur X avait émis une opinion sur le licenciement de son collègue, sans basculer dans l’excès.
Le 6 mai, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur. La haute juridiction considère en effet que « l'exercice de la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus ». Or en l’espèce, la cour d’appel a estimé « par motifs propres et adoptés » que l’électricien n’était pas allé aussi loin... Les magistrats parisiens en ont de ce fait conclu qu’elle avait légalement justifié sa décision en retenant « que le fait pour un salarié de s'interroger, dans le cadre d'une situation de conflit et par la voie d'un site internet revêtant un caractère quasiment confidentiel, sur le licenciement de l'un de ses collègues, sans que les propos incriminés soient injurieux ou vexatoires, n'excédait pas les limites de la liberté d'expression ». L'employeur devra donc bien verser les plus de 4 000 euros d'indemnités qui avaient été alloués au salarié par la cour d'appel.
Licencié pour un article publié sur Internet, il obtient gain de cause devant la justice
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Au regard du contexte, les juges ont considéré qu’il s’agissait d’une simple opinion
Commentaires (44)
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Abonnez-vousLe 26/05/2015 à 16h29
4 ans pour recuperer 4000 roros aux prudhommes, il faut de la patience….
Le 26/05/2015 à 16h43
Heureusement qu’il n’était pas syndiqué, ça aurait pu être une circonstance aggravante… " />
Le 26/05/2015 à 16h48
Ce qui m’a fait tiqué c’est le fait que le jugement rendu pointe justement vers ces faits : qu’il n’a critiqué ni la société, ni ses produits ou ses services. Apparemment, si c’est là, c’est que cela a motivé la décision. Alors, par opposition, je me suis dit que si ce monsieur avait critiqué la société, ses produits ou ses services, il n’aurait peut-être pas eu les mêmes “faveurs”.
Bien sûr, c’est au final un jugement positif qui est rendu et j’en suis content pour Monsieur X, mais ce passage me rappelle que « liberté » est une invention qui reste à être trouvée. Le jugement, je ne le conteste pas… c’est plutôt les arguments (/lois) avancés par les différents tribunaux qui m’inquiète :/
Le 26/05/2015 à 16h53
Le 26/05/2015 à 16h55
Thug Life
Le 26/05/2015 à 17h20
Le 26/05/2015 à 19h02
En gros on te licencie comme on veut et une grosse boite comme la SNEF à largement pu provisionner les 4000€ sur tout le temps qu’a duré la procedure.
GENERALITE : Meme si on sait que le motif est bidon, on dit que l’on pense que tu as fait une faute, et si tu n’es pas un salarié protégé et bien BYE BYE, car ton licenciement sera là pour servir d’exemple et faire fermer la bouche au quelques brebis galeuses qui par peur pour leur emploie ne diront plus rien.
Résultat pour 4000 € sur 4 ans tu as des salariés “dociles” tu instaure un climat de peur
Et après on se demande pourquoi certains sont contre revoir les Types de contrats en France
Je suis pour, mais il faut des gardes fou et en cas de procédures au prud’homme et que le licenciement est considéré comme abusif revoir nettement à la hausse les indemnités prévu (Le cas de la SNEF n’étant qu’un cas parmi tant d’autre). Doubler Tripler voire quadrupler les indemnités ne me choquerait pas - Cela incitera les employeurs à licencier le salarié si il a vraiment commis une faute grave (Et il y en a !)
Le 26/05/2015 à 20h48
Le 26/05/2015 à 21h43
Le 26/05/2015 à 23h11
+1, il me semblais que ces 4000€ étant bien faibles, et liés principalement aux retards et autres frais juridiques.
Donc M. X a eu une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, plus les congés payés, plus les retards d’heures sup’, et des frais de justice.
Le 27/05/2015 à 04h29
En lisant l’arrêt les 4000 et quelques € correspondent au rembousement de salaires non payés, mais l’entreprise est également condamnée aux dépens et devra donc régler les sommes engagées par l’employé pour se défendre.
Ceci dit j’ai la même impression bizarre que s’il s’était exprimé sur un site à fort traffic, ou s’il avait causé un préjudice financier à l’entreprise, il y aurait eu “abus” de sa liberté d’expression. Bien difficile en France d’alerter sur le comportement illégal de son employeur.
Le 27/05/2015 à 05h39
Merci pour ces précisions.
Le 27/05/2015 à 05h46
Le 27/05/2015 à 07h01
Le 27/05/2015 à 07h07
Le 26/05/2015 à 15h21
Il pourra lancer une procédure de licenciement nul avec dommages et intérêts. Ça compensera la perte de son taf tout gardant sa dignité.
Le 26/05/2015 à 15h28
C’est assez bizarre les circonstances prises en compte pour confirmer qu’il n’y a pas d’abus de liberté d’expression…
Donc si on l’ouvre mais que personne nous entend c’est bon c’est pas un abus de liberté d’expression ? Mais dès qu’on a de l’audience ça aurait pu être jugé différemment ?
Le 26/05/2015 à 15h32
Le 26/05/2015 à 15h33
En effet, c’est pas mal le bordel les jurisprudences à ce niveau. C’est un peu du pile ou face, et si en plus il faut prendre en compte le fait que personne ne t’entend quand tu l’ouvres (chose dont tu n’es absolument pas responsable sur internet), ça devient assez ubuesque.
Le 26/05/2015 à 15h40
J’ai cru lire SNCF à la place de SNEF ! Je me suis dit qu’est-ce qu’il leur arrive encore ! Au temps pour moi.
#stereotypes
" />
Le 26/05/2015 à 15h41
Pareil on a l’impression qu’il n’a obtenu gain de cause qu’en vertu des circonstances.
Le 26/05/2015 à 15h43
Il faut regarder dans l’arrêt les détails, l’audience du site n’est qu’un élément dans la la longue liste de la justification de la décision de la cour d’appel. La cour de cassation ne jugeant que la forme du jugement (A savoir est ce que les motifs versés par la cour d’appel sont bons).
Et dans les motifs de la cour d’appel il y a tout un paragraphe :
“
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’ en l’espèce, les propos incriminés ne sont ni injurieux, ni vexatoires ; qu’ils ne peuvent pas davantage être analysés
comme constituant un dénigrement M. X… ne s’en prend ni aux produits
ni aux services fournis par l’entreprise et ses propos ne portent pas
atteinte à l’image de l’entreprise ; que les propos tenus (“Cet
électricien - M. Z… - est sanctionné pour avoir soit-disant mal
répondu à son chef d’équipe, motif monté de toutes pièces pour masquer
la véritable raison de son licenciement. Ce jeune employé a osé
revendiquer l’application du code du travail et des conventions
collectives concernant le paiement des trajets de l’agence aux
chantiers, que notre employeur refuse de compter en temps de travail
effectif »), ne peuvent pas non plus être qualifiés de diffamatoires M.
X… émet une opinion sur le licenciement de son collègue, intervenu
dans un climat social tendu, contemporain d’un mouvement de grève suite à
la polémique entre salariés et employeur sur l’intégration du temps de
trajet entre deux lieux de travail dans le temps de travail effectif -
étant rappelé qu’il a été donné raison à M. X… sur ce point ; que M.
X… est présumé de bonne foi, la société SNEF ne démontrant pas son intention malveillante ; qu’il convient de rappeler incidemment qu’en
l’absence de délégué du personnel, M. X…, salarié non protégé, s’était
fait en quelque sorte le porte-parole d’autres salariés (Faute de
candidat aux élections professionnelles sur le site de Loudeac, un
procès-verbal de carence avait été dressé le 29/01/2010) ; que la critique, certes vive, ne bascule pas dans l’excès : le mot chantage
correspond à la situation évoquée dans le sens où l’employeur ne
conteste pas avoir indiqué à M. X… qu’il se rendrait désormais par ses
propres moyens sur les chantiers et se passerait du véhicule de service
mis à sa disposition au départ de l’agence ; que les données sur la
fortune de M. A… rapportées par M. X… sont publiques, reprises du
site challenge.fr et il n’est pas interdit de souligner les écarts de
rémunération entre les salariés et leur patron (ou l’augmentation de la
fortune de ce dernier) sauf à réduire à néant la liberté d’expression ;
qu’enfin le site Miroir social revêt un caractère quasiment confidentiel, son audience étant très limitée et les propos tenus par M. X… n’ont causé aucun préjudice à l’entreprise (du moins le contraire
n’est-il pas démontré) ; que faute de caractériser un abus, le
licenciement de M. X… est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
”
L’audience du site n’intervient que dans la notion de préjudice qu’aurait pu subir la société. Effectivement, plus un site est confidentiel pplus il est difficile de justifier d’un préjudice (On se doute que la première page du monde n’aurait pas eu le même impact).
Le 26/05/2015 à 15h44
Pourquoi ? Parce que ces propos ont été tenus « dans un climat social tendu, contemporain d’un mouvement de grève », ont relevé les magistrats de la cour d’appel de Rennes. De surcroît, ceux-ci ont remarqué que le site Miroir Social avait une audience modeste et se présentait comme un « média de l’information sociale, participatif et communautaire ». De telle sorte que Monsieur X avait émis une opinion sur le licenciement de son collègue, sans basculer dans l’excès.
Ecrire sur le monde, le parisien ou le figaro aurait pu constituer un excès de liberté d’expression ?
Intéressant…
L’employeur devra donc bien verser les plus de 4 000 euros d’indemnités qui avaient été alloués au salarié par la cour d’appel.
4000€ pour un licenciement abusif… Pour un groupe ayant réalisé 800 millions d’euros de CA en 2012 c’est une blague !
Les RH peuvent continuer à faire ce qu’ils veulent à ce niveau là !
Le 26/05/2015 à 15h53
Bientôt avec les sociaux liberaux, ce genre de cas n’arrivera plus. La justice, oui, mais que pour les entreprises.
ça fait de bien de lire ça desfois.
Le 26/05/2015 à 15h57
J’allai poster pour demander à quelqu’un d’éclairé la “teneur” d’un abus de liberté d’expression… et puis j’ai vu l’extrait de la décision de la cour d’appel posté par Mearwen… Là je vais faire un gros raccourci mais si je comprends bien, Monsieur X n’a pas abusé de sa “liberté d’expression” car il ne s’attaque pas [dans ses propos] aux produits, aux services, ni à l’entreprise… Si c’était ça le problème, Monsieur X l’aurait eu dans le fondement, peut-être…
Enfin bref. plus ça va, moins j’ai foi en notre “justice” et nos lois…
On peut lire en haut “République Française, au nom du peuple Français”, mais pas “À son service”, hein… monde de merde.
Le 26/05/2015 à 15h58
Le 26/05/2015 à 16h11
Le 26/05/2015 à 16h16
J’ai la réaction inverse de la tienne, qui me surprend beaucoup.
La cour d’Appel et la Cour de Cassation ont considéré que les propos n’étaient pas injurieux, diffamatoires ou excessifs (ce que j’aurais dit à première vue, sans être juge social). Ça rappelle bien qu’on peut critiquer sa propre société tant qu’on évite l’excès (en particulier dans la forme), excès qui généralement ne sert pas la critique de toutes façons.
Le 26/05/2015 à 16h17
Merci d’avoir posté ces extraits. " />
Le 27/05/2015 à 07h39
Bah non, moi c’est Ludovic, ça va pas non !
Le 27/05/2015 à 08h02
En faite dans l’article lorsqu’il est indiqué : De surcroît, ceux-ci ont remarqué que le site Miroir Social avait une audience modeste et se présentait comme un « média de l’information sociale, participatif et communautaire », c’est par rapport à l’image de l’entreprise.
En effet vous n’avez pas le droit de porter préjudice à votre entreprise, que ce soit dans l’image, le travail etc… par rapport aux consommateurs ou aux fournisseurs ou autres.
C’est par “un” de ces moyens qu’elle donne raison à l’employé.
Donc oui peut être que le même article dans un site à plus grosse audience aurait changé la décision. Mais je pense pas en faute grave perso vu les autres moyen.
Enfin les 4000€ sont seulement au titre du préjudice devant les tribunaux mais pas pour le licenciement de l’employés. Etant donné que celui n’est pas considéré en faute grave, n’y en faute réel et sérieuse, il peut soit réintégrer son entreprise, soit négocié avec son entreprise un départ à l’amiable moyennant finance.
Le 27/05/2015 à 08h44
Le 27/05/2015 à 08h55
“le site Miroir Social avait une audience modeste”
LOL, ce n’est plus le cas depuis que Monsieur X a été emmené devant les tribunaux.
Le 27/05/2015 à 09h31
Le 27/05/2015 à 11h28
Les décisions judiciaires, c’est vraiment la roulette russe…
Le 27/05/2015 à 13h25
D’après le Code du Travail, un salarié n’a pas le droit de porter préjudice à son employeur ou de nuire à la réputation de son employeur.
Faute simple, grave ou lourde : quelles différences pour le salarié licencié ?
l’employeur a licencié cet employé pour faute grave car celui-ci s’est exprimé publiquement à propos du licenciement d’un jeune salarié en “accusant” son employeur d’avoir constitué de faux motifs pour dissimuler la véritable raison du licenciement.
La Justice a décidé que ce n’est pas une faute grave car ce n’est pas une atteint à la réputation de l’entreprise ou des propos injurieux / vexatoires.
Moi, ça ne me choque pas, qu’un salarié n’ait pas le droit d’injurier son employeur ou de le discréditer auprès d’autres personnes (que se soit un cadre privé ou public).
Le 27/05/2015 à 13h29
Chaque affaire judiciaire est unique, et la Justice est sensée s’adapter à chaque cas jugé.
« la vie, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber. »
film Forrest Gump
Le 27/05/2015 à 13h32
Qu’est-ce que l’obligation de loyauté du salarié ?
Le 27/05/2015 à 13h38
“arrêt rendu le 6 mai, la Cour de cassation” :
« (…) PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SNEF aux dépens ; (…) »
Ca veut dire que la société SNEF a dû payer une grosse partie des frais de Justice.
Le 27/05/2015 à 14h16
Le 27/05/2015 à 19h19
Merci pour la précision " />
Le 28/05/2015 à 09h52
Dans un sens, oui, un employeur est “au dessus” de son salarié : il donne des ordres à son employé qui doit accomplir les tâches qui lui sont confiées (lien de subordination) en restant loyal envers l’entreprise qui l’emploie. Le devoir de loyauté du salarié ne veut pas dire qu’un salarié n’a pas de droits.
Mais c’est vrai qu’actuellement le marché du travail est plutôt en faveur des entreprises
Le 28/05/2015 à 09h56
Le 28/05/2015 à 20h59