Une histoire du secret d’État, par un « pirate » des médias
"Le secret d'État est mort, le nouveau secret est chez les acteurs du numérique."

Antoine Lefébure, pionnier des « radios libres » et préfigurateur de Canal+, qui se définit lui-même comme un « pirate », avait par ailleurs révélé comment le régime de Vichy avait espionné les communications téléphoniques, télégrammes et courriers postaux pendant l'Occupation, et créé le « fichier S ». Il vient de publier une histoire du secret d'État, ce pourquoi nous lui avons dédié un portrait, doublé d'une interview.
Le 11 avril à 12h19
14 min
Société numérique
Société
Antoine Lefébure ne s'est pas contenté de figurer parmi les pionniers des « radios libres », de la « société de l'information » (numérique) et d'être l'un des préfigurateurs de Canal+. vient de publier « Vie et mort du secret d'État », essai auquel il a consacré ces cinq dernières années, ce pourquoi nous avons décidé de lui consacrer un portrait, et de l'interviewer.
Ce n'est pas la première fois qu'Antoine Lefébure, en tant qu'historien, se penche sur le secret d'État. Les révélations d'Edward Snowden lui avaient déjà valu d'être sollicité par des journalistes notamment, afin d'en « proposer une vision historique et analytique », du fait de ses trente ans d'expertise au sujet des systèmes d'informations, de leurs conséquences sur la société, comme il l'expliquait en introduction de l'essai qu'il y avait consacré aux éditions de La Découverte, en 2014 : « L’Affaire Snowden. Comment les États-Unis espionnent le monde ».
Antoine Lefébure avait en effet déjà écrit sur l'histoire de la surveillance des télécommunications dans sa revue Interférences (cf notre précédent article). Dans un essai publié en 1993, republié et mis à jour en 2018, « Conversations secrètes des Français pendant l'Occupation », il avait en outre révélé comment le régime de Vichy s'était doté d'un nouveau service de renseignements afin de surveiller les Français, en zone libre, à travers leurs correspondances et leurs communications téléphoniques.
Il y racontait comment ce « Service de contrôle technique » (SCT) avait alors instrumentalisé les PTT afin d'identifier les dissidents, repérer les ennemis de l’État et faire la chasse aux juifs. Et ce, alors que l'afflux de réfugiés avait décuplé le nombre de courriers, télégrammes et conversations téléphoniques.
Ce service de renseignement avait été placé sous l'autorité de René Bousquet, alors secrétaire général de la police du régime de Vichy. Il avait en effet été nommé en 1936 chef du fichier central de la Sûreté nationale, après que Max Dormoy, ministre de l’Intérieur, sonna l’alarme en annonçant la présence de « trois millions d’étrangers sur le territoire national », une tâche où il s'illustra par son efficacité, comme le raconta Antoine Lefébure :
« Ambitieux et féru de modernisme, Bousquet trouve là sa vocation. Il réorganise le fameux fichier de la Sûreté : fichier alphabétique, fichier mécanographique, archives générales, dossiers des étrangers expulsés, dossiers des interdits de séjour, dossiers des évadés recherchés. En quelques années, Bousquet abat un travail considérable et, pour la première fois, la police dispose d’un fichier mécanographique à trous, de machines à écrire spécialisées américaines. Un système de consultation des fichiers par téléphone est mis en place ainsi qu’un monte-charge électrique. »
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Commentaires (7)
Le 11/04/2025 à 13h32
Le 11/04/2025 à 14h18
200 ans plus tard, on en est toujours là.
Merci pour ces leçons d'histoire, c'est important de prendre le temps de regarder en arrière de temps en temps.
Le 11/04/2025 à 16h40
Le 12/04/2025 à 12h53
Le 12/04/2025 à 18h43
Le 14/04/2025 à 11h20
Modifié le 14/04/2025 à 17h50