Facebook aurait créé un outil de censure pour pouvoir entrer sur le marché chinois
Comment donc ?

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L’ancienne directrice des politiques publiques mondiales de Facebook, Sarah Wynn-Williams, accuse Facebook d'avoir proposé en 2015 au régime chinois un outil de censure pour pouvoir être autorisé dans le pays dirigé par Xi Jinping. En vain.
Le 11 mars à 17h05
4 min
Droit
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Sarah Wynn-Williams est l’ancienne directrice des politiques publiques mondiales de Facebook. Embauchée en 2011, alors que l'entreprise ne s'appelait pas encore Meta, elle a géré les relations de l'entreprise avec les pays d'Amérique latine, du Canada ou encore de la région Asie-Pacifique, dont la Chine.
Et selon elle, Facebook a travaillé « main dans la main » avec le gouvernement chinois sur de potentiels moyens de lui permettre de censurer et contrôler le contenu vu et publié en Chine, explique la BBC.
Interrogé par le média britannique, Meta affirme : « ce n'est pas un secret que nous avons été un jour intéressés [...] Nous avons finalement décidé de ne pas donner suite aux idées que nous avions explorées ». L'entreprise affirme par ailleurs que Sarah Wynn-Williams a été licenciée « pour mauvaise performance » en 2017.
Une plainte déposée devant la SEC
Mais Sarah Wynn-Williams détaille plus longuement ses accusations dans une plainte formelle déposée devant la Securities and Exchange Commission (SEC) en avril 2024. Celle-ci allègue que Facebook était prêt à permettre au Parti Communiste Chinois de superviser tous les contenus qui étaient visibles dans son pays et de censurer toute opinion dissidente, selon le Washington Post qui a eu accès à la plainte.
Dans ce document, elle affirme que l'entreprise a été jusqu'à créer un système de censure avec un rôle de « rédacteur en chef » qui aurait pu décider le contenu à supprimer, ainsi qu'une fonction permettant de fermer le site pendant d'éventuels « troubles sociaux ».
Mark Zuckerberg aurait accepté la fermeture du compte d'un dissident chinois vivant aux États-Unis suite aux pressions d'un responsable chinois dont l'entreprise espérait le soutien, affirmerait encore la plainte.
L'entreprise a « fait de l'obstruction et fourni des informations non pertinentes ou trompeuses » lorsqu'elle a été interrogée sur ses actions pour pénétrer le marché chinois par les investisseurs et les régulateurs américains, affirment les avocats de Sarah Wynn-Williams.
Longue de 78 pages, sa plainte est accompagnée de documents internes de l'entreprise. Selon le Washington Post, dans l'un d'entre eux, le gouvernement chinois aurait émis « des pressions agressives [...] pour héberger les données des utilisateurs chinois dans des centres de données locaux ».
« Dans les pays à tendance autoritaire comme la Chine, les contrôles gouvernementaux stricts sur les flux de données sont transformés en outils de censure, de surveillance et de répression » a commenté Katitza Rodriguez de l'Electronic Frontier Foundation.
Nom de code : Projet Aldrin
Dans sa plainte, Sarah Wynn-Williams explique que Mark Zuckerberg a mis en place en 2014 une « équipe Chine » chargée de développer une version de Facebook compatible avec le régime autoritaire. Nom de code : « projet Aldrin », en référence à l'astronaute Buzz Aldrin. Le but aurait été de démontrer la bonne volonté de l'entreprise face aux exigences du parti au pouvoir.
Le dossier accompagnant la plainte est composé de nombreuses lettres montrant la motivation de Facebook à remplir les conditions souhaitées par la Chine. Par exemple, un salarié de l'entreprise chargé de la politique de protection de la vie privée aurait écrit : « en échange de la possibilité d'établir des activités en Chine, Facebook acceptera d'accorder au gouvernement chinois l'accès aux données des utilisateurs chinois, y compris les données des utilisateurs hongkongais ».
« Cela a été largement rapporté il y a une dizaine d'années », relativise Meta interrogée par le Washington Post, ajoutant « nous avons finalement choisi de ne pas aller jusqu'au bout des idées que nous avions explorées, ce que Mark Zuckerberg a annoncé en 2019 ».
Sarah Wynn-Williams prévoit de sortir aux États-Unis un livre titré « Careless People » (qu'on peut traduire par « D'insouciantes personnes »). Selon le New York Times, il raconte en détail le projet Aldrin dans un chapitre entier.
Elle y rappelle que Mark Zuckerberg avait été interrogé devant une commission sénatoriale en 2018 sur la gestion par Facebook du refus du gouvernement chinois « de permettre à une plateforme de médias sociaux – étrangère ou nationale – d'opérer en Chine à moins qu'elle n'accepte de se conformer à la loi chinoise ». Le CEO de Meta avait répondu : « aucune décision n'a été prise concernant les conditions dans lesquelles un éventuel service futur pourrait être offert en Chine ». À quoi Sarah Wynn-Williams rétorque qu' « il ment ».
Facebook aurait créé un outil de censure pour pouvoir entrer sur le marché chinois
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Une plainte déposée devant la SEC
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Nom de code : Projet Aldrin
Commentaires (13)
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Abonnez-vousLe 11/03/2025 à 17h12
Modifié le 11/03/2025 à 17h23
Modifié le 11/03/2025 à 22h15
Les propriétaires de ces réseaux vont jusqu'à attaquer publiquement les fonctionnaires qui tentent de rappeler la réglementation européenne.
Le 11/03/2025 à 22h26
Le 12/03/2025 à 00h41
Fun fact: Firefox me signale une erreur d'orthographe sur Bolloré, je clic droit, ca me propose une seule réponse: "collaboré".
Le 12/03/2025 à 10h23
Bravo l'ARCOM :)
Le 12/03/2025 à 10h37
Avant machin truc MP, +1M de personnes regardaient autre chose sans Bololo
Le 12/03/2025 à 11h46
Le 12/03/2025 à 11h51
Le 12/03/2025 à 11h57
J'ai l'impression que C8 avait beaucoup plus de casseroles chez l'ARCOM (nombre de sanctions) et que c'est ça qui a joué.
Et je ne sais pas trop dire quelle chaîne était la plus dangereuse, les regardant très peu.
Dire que I-Télé était plutôt bien comme chaîne d'info continue avant la prise en main par Bolloré !
Le 12/03/2025 à 11h42
Le 12/03/2025 à 13h03
De ce que je compris de ma lecture, en y retirant l'aspect possiblement moral.
une entreprise etrangère souhaite rentrer sur un marché national, le pays lui indique les règles à suivre.
Cette entreprise étudie la quesiton, pour en fin de compte ne pas y aller.
Qu'y a-t-il d'illégale dans tout celà ?
De plus, le seul élément que cette ancienne employée pernant d'un point vu légal (tjrs d'après ce que j'ai compris (et je peux parfaitement l'avoir compris de travers) serait un possible parjure.
[...]" Le CEO de Meta avait répondu : « aucune décision n'a été prise concernant les conditions dans lesquelles un éventuel service futur pourrait être offert en Chine ». À quoi Sarah Wynn-Williams rétorque qu' « il ment »."[...]
Sur le coup même si je trouve facebook trop intrusif, et son président à la limite du sociopathe, là je ne vois pas le mensonge.
Remplacez 'futur service" par "futur modèle" et c'est ce qu'aurait pu répondre un constructeur automobile durant la fabrication d'un prototype. Ce n'est pas parce qu'un prototype est en cours de fabrication que la décision finale de sa commercialisation et surtout des condition de celle-ci est définitif.
Le 16/03/2025 à 08h50
Et encore je ne vois aucun parjure : « aucune décision n'a été prise concernant les conditions dans lesquelles un éventuel service futur pourrait être offert en Chine »
Le fait qu'il y'ait du dev en cours pour "ajuster" le système informatique aux "règles locales" ne signifie pas que la décision de l'installer a été prise, d'ailleurs la preuve est que le projet a été abandonné...