Vincent Strubel (ANSSI) : « On est en Ligue 1 des nations cyber »… face aux Russes et Chinois
Tant qu'on n'est pas relégué…

Ce matin, l’ANSSI organisait une conférence de presse pour présenter son Panorama de la cybermenace en 2024 (nous y reviendrons dans un second article). Face aux mouvements géopolitiques au niveau mondial, s’est posée la question des relations de la France avec ses alliés… et les autres acteurs du monde cyber, notamment la Chine et la position assez singulière de la Russie.
Le 11 mars à 15h13
6 min
Sécurité
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Les États-Unis sont des alliés, « avec une coopération étroite »
Lors de la conférence de presse à laquelle Next était présent, Vincent Strubel, directeur général de l'ANSSI, l’a réaffirmé sans détours : « Les États-Unis, ce n’est pas nouveau, ce sont des alliés […] avec une coopération étroite, des échanges réguliers sur notre appréciation de la menace ».
Le patron de l’ANSSI met en avant des signalements mutuels, bénéfiques pour les deux nations : « ils nous ont prévenus d’attaques imminentes, on les a prévenus d’attaques imminentes ». Cette coopération « concrète », précise Vincent Strubel, a notamment permis d’éviter des compromissions d’hôpitaux dans les deux pays.
Mais cette coopération s’inscrit aussi dans un cadre plus large de tension entre l’Europe, les États-Unis, la Russie et la Chine.
Cette coopération va-t-elle changer ?
Au début du mois, plusieurs médias indiquaient que les États-Unis auraient cessé leurs cyberopérations contre la Russie. Informations depuis démenties, mais dans un contexte où il est difficile de savoir ce qu’il en est exactement, comme l’expliquait Mathilde la semaine dernière.
Interrogé sur les récents revirements du gouvernement de Donald Trump, Vincent Strubel marche sur des œufs : « C’est trop tôt pour pouvoir en mesurer l’impact, s’il y en a un. Clairement, la coopération à des bénéfices mutuels, on souhaite la maintenir. Va-t-elle changer ? Je n'en sais rien. Je ne le souhaite pas, mais c’est une possibilité ».
La France est « une grande nation Cyber »
Il ajoute par contre que la France « n’est pas dépendante de cette coopération ». Nous sommes « une grande nation Cyber, on est dans la Ligue 1 des nations cyber », ajoute-t-il. Et comme dans tous les domaines, jouer avec les grands impose d’avoir « une forme d’autonomie dans notre capacité d’appréciation et de détection de la menace ».
La souveraineté, c'est de pouvoir décider.
À ce sujet, le colonel Michaël Simond (directeur de l'enseignement et de la recherche à l'École de l’Air et de l’Espace) donnait récemment sa définition de la souveraineté : « C’est quand on peut décider. Quand on peut décider seul, on est souverain ». Cette définition s’applique certainement aussi au monde cyber.
« C’est toujours mieux avec des partenaires », reconnait Vicent Strubel. Mais il prend soin de préciser que l’on est « capable de faire des choses nous-mêmes et on n’est pas tributaire d’un partenariat en particulier ». Nous sommes donc en capacité de décider, pour filer la métaphore avec le colonel.
C’est aussi l’occasion de rappeler que la France à des partenariats « très étroits » avec des partenaires européens, notamment le Royaume-Uni.
L’espionnage est toujours une forte préoccupation
Dans son introduction, le patron de l’ANSSI rappelait que « l’espionnage est ce qui nous occupe le plus » et que le podium est un peu toujours le même, avec la Russie et la Chine.
Il existe en effet des « acteurs affiliés à la Russie qui ont des approches très alignées avec l’agression russe en Ukraine » et des « acteurs affiliés à la Chine qui pratiquent de l’espionnage sur un spectre beaucoup plus large avec tout un écosystème public/privé ».
Dans son rapport, l’Agence précise que « le secteur des télécommunications dans son ensemble est ciblé de façon régulière et importante par les groupes d’attaquants réputés liés à la Chine ». La France n’est pas épargnée avec un opérateur dont le cœur de réseau a été infiltré. Cependant, cette attaque n’a pas été attribué à un groupe et/ou un État par l’ANSSI.
La « singularité de la Russie »
Vincent Strubel termine en parlant d’une « forme de singularité de la Russie […] : une multiplicité d’acteurs ». Il y a évidemment les services étatiques et les services de renseignements que l’Agence connait bien. Beaucoup d’attaques leur sont attribuées, « même dans le domaine public », précise le directeur général.
Vincent Strubel parle aussi de « groupes criminels qui sont au moins tolérés, et dont on peut se poser la question de leur lien de cohabitation avec l’État russe ». En effet, certains ne sont pas inquiétés par la justice, voire sont carrément protégés par la Russie.
Ensuite, il y a « une myriade de groupes activistes pro-russes qui sont caractérisés par leur approche totalement désinhibée. L’exemple qui me frappe, c’est le souhait, au moins affiché par un de ces groupes-là, de saboter les stations d’épuration pendant les Jeux olympique pour polluer la Seine. Ça sort du domaine de l’ordinaire ».

« L’attaque massive peut se produire »
Pour l’ANSSI se pose enfin la question d’une possible convergence de ces différents moyens, « car ils sont tous dans le même intérêt ou la même défense de position ».
C’est un des scénarios auxquels se prépare l’Agence : « On a su y faire face pendant les Jeux olympiques et paralympique, qui ont été un vrai succès, mais on ne doit surtout pas s’endormir sur nos lauriers » car « l’attaque massive peut se produire à d’autres moments », affirme Vincent Strubel en guise de conclusion.
Vincent Strubel (ANSSI) : « On est en Ligue 1 des nations cyber »… face aux Russes et Chinois
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Les États-Unis sont des alliés, « avec une coopération étroite »
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Cette coopération va-t-elle changer ?
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La France est « une grande nation Cyber »
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La souveraineté, c'est de pouvoir décider.
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L’espionnage est toujours une forte préoccupation
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La « singularité de la Russie »
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« L’attaque massive peut se produire »
Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 11/03/2025 à 15h20
« C’est toujours mieux avec des partenaires » tant que consentie librement oui
[fin du hors sujet]
Le 12/03/2025 à 12h04
Le 12/03/2025 à 12h23
LaLiga qui est aussi la première division espagnole ?
Modifié le 16/03/2025 à 11h35
Problème : si on veut un avis non-biaisé, comment évalue-t-on réellement ses/nos capacités ?
J'aimerais que l'on ne pêche pas par arrogance, et on peut constater assez vertement que l'on devient inapte dès que les États-Unis de désengagent : on l'a vu avec les renseignements fournis aux Ukrainiens et la capacité de production de munitions.
Avoir une armée spécialisée, avoir du matériel de pointe, va toujours de pair avec un problème de volume : l'excellence signifie par nature une faible quantité.
Je ne vois pas pourquoi ce serait différent de l'ANSSI. Elle peut être excellente, mais peut-elle absorber une vague Russe au Chinois s'ils ouvrent véritablement les vannes, au-delà des tests et de la reconnaissance des systèmes ?
L'IoT ne fait que nous montrer par la surface ce qui existe en profondeur dans les protocoles et systèmes industriels : tout est friable, tout est pensé fonctionnel, peu (voire rien) n'est sécurisé.
Que les attaque de ces gros pays armés d'une multitude de petites mains se face en volume et/ou en profondeur, je ne suis pas sûr que notre excellence puisse nous sauver.